Page:Zola - Vérité.djvu/590

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la fraternité parmi les hommes, l’antique violence des âges guerriers condamnée désormais et faisant place à l’entente solidaire de tous les peuples, pour le plus de bonheur possible. Puis, la classe débarrassée de ces ferments empoisonneurs du passé, il donna surtout de l’importance aux leçons de morale civique, s’efforçant de faire de chaque enfant un citoyen, très renseigné sur son pays, capable de le servir, de l’aimer assez pour ne pas le mettre à part de l’humanité. Ce n’était plus par les armes que la France devait rêver de conquérir le monde, mais par l’irrésistible puissance de l’idée, par tant de liberté, de vérité et d’équité, qu’elle délivrerait toutes les nations et qu’elle aurait la suprême gloire de fonder avec elles la grande confédération des peuples libres et fraternels.

Pour le reste, Marc tâchait de se conformer le plus possible aux programmes, tout en leur échappant parfois, tant ils étaient chargés. Son expérience déjà longue lui avait appris que savoir n’était rien, si l’on n’avait pas compris et si l’on ne pouvait utiliser les connaissances acquises. Aussi, sans exclure le livre, qui restait la base, la lettre écrite, donnait-il le plus grand développement à l’explication orale, à la leçon vécue et vivante. Et c’était là que son don inné d’instituteur faisait merveille, comme si les luttes et les souffrances traversées, toute cette tempête où il venait de vieillir l’avaient encore rapproché des petits et des humbles, heureux de retourner à leur intelligence commençante, si fraîche, si avide de certitude. Jamais il n’avait joué si gaiement avec eux, jamais il ne s’était mis si complaisamment à leur portée, en grand frère qui semblait avoir oublié jusqu’à ses lettres afin de se donner le plaisir de les apprendre de nouveau, en les épelant une à une, en même temps que les gamins de six ans. De même, pour la grammaire, pour l’arithmétique, pour l’histoire et la géographie, il semblait