Page:Zola - Vérité.djvu/598

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ont eu de l’avancement, tandis que Mlle  Rouzaire continue à empoisonner ses filles d’histoire sainte et de catéchisme. Pourtant, l’esprit de la ville se modifie peu à peu, lui aussi. Mauraisin ne réussit pas à l’École normale, des élèves m’ont raconté en riant que mon ombre y revient et l’y paralyse d’une sourde terreur. L’élan y était trop fortement donné par l’émancipation complète de l’instituteur, il n’a rien pu faire pour l’enrayer, j’espère même qu’on nous débarrassera de lui prochainement… Et, voyez-vous, le symptôme très heureux, c’est que, derrière Maillebois, derrière Jonville, derrière le Moreux, il y a d’autres communes, presque toutes les communes, où l’instituteur est en train de battre le curé, de mettre l’école laïque à son rang, sur la ruine de l’école congréganiste. À Dherbecourt, à Juilleroy, à Rouville, aux Bordes, la raison triomphe, la vérité et la justice élargissent lentement leur conquête. C’est la poussée générale, un mouvement irrésistible qui emporte la France à sa mission libératrice.

— Mais c’est votre œuvre, cela ! cria passionnément Marc. Dans chacune des communes que vous nommez, il y a un de vos anciens élèves. Joulic, ici présent, est en train de transformer Maillebois, parce que vous lui avez donné votre science et votre foi. Tous les autres sont les enfants de votre cœur et de votre cerveau, les missionnaires envoyés par vous au fond des campagnes, pour enseigner le nouvel évangile de vérité et de justice. Et si, enfin, le peuple se réveille, revient à la dignité d’homme, devient capable d’être une démocratie équitable, libre et saine, c’est que la génération de vos élèves occupe les classes, instruit les petits, en fait des citoyens. Vous êtes le bon ouvrier, il n’y a de progrès possible que par le savoir et la raison.

Joulic et Mignot se joignirent à lui, enthousiastes.

— Oui, oui ! vous avez été le père, nous sommes tous