Page:Zola - Vérité.djvu/604

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heurtée à chaque fois à une obstination sauvage. Et, pourtant, Louise voulut risquer un essai encore, désolée de n’avoir pas avec elle tous les siens dans son bonheur.

Un soir donc, comme le jour tombait, elle se permit d’aller sonner à la petite maison, déjà noyée de crépuscule. Elle fut très surprise, aucun son ne se fit entendre, on devait avoir coupé le fil de la sonnette. Alors, elle s’enhardit à frapper d’abord avec discrétion, puis avec force. Enfin, il y eut un petit bruit, la planchette d’un étroit judas avait dû glisser, ainsi que dans certains couvents.

— Est-ce vous qui êtes là, Pélagie ?… demanda Louise. Voyons, répondez-moi.

Et elle dut tendre l’oreille, l’appliquer presque contre le judas, pour entendre la voix de la servante, assourdie, méconnaissable.

— Allez-vous-en, allez-vous-en, Madame vous dit de vous en aller tout de suite.

— Eh bien ! non, Pélagie, je ne m’en irai pas. Retournez dire à grand-mère que je ne quitterai pas cette porte, tant qu’elle ne sera pas venue me répondre elle-même.

Elle resta là dix minutes, un quart d’heure. Elle continua de frapper de temps à autre, sans rudesse, avec une sorte d’insistance respectueuse et tendre. Tout d’un coup, le judas se rouvrit, mais en tempête, et une voix rude gronda, effrayante et comme souterraine.

— Pourquoi viens-tu ?… Tu m’as écrit à propos d’une abomination nouvelle, d’un mariage qui achèverait de me tuer de honte !… À quoi bon en parler ? Est-ce que tu peux te marier ? Est-ce que tu as fait ta première communion ? Non, n’est-ce pas ? Tu t’es moquée de moi, tu devais communier, lorsque tu aurais vingt ans, et aujourd’hui tu décides sans doute que tu ne communieras jamais… Alors, va-t’en, je suis morte pour toi !

Louise, bouleversée, frissonnante, comme si un souffle