Page:Zola - Vérité.djvu/606

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de ses exigences, de sa nature despotique qui pliait devant elle les personnages les plus puissants, dans leur inquiétude à la savoir capable de quelques folies mystiques. On racontait qu’elle avait obtenu l’autorisation d’entendre la messe, de communier chez elle, et c’était pourquoi, sans doute, elle n’en sortait plus, puisqu’elle avait, par la force de sa piété, réduit Dieu en personne à prendre la peine de venir dans sa maison, afin de lui éviter l’ennui de se rendre dans la sienne. Voir les rues, voir les passants, voir le siècle abominable où la sainte Église agonisait, lui devenait une telle torture, qu’elle avait fini, assurait-on, par faire clouer ses volets et calfeutrer les fentes des fenêtres, pour que pas un bruit, pas une lueur du dehors ne vinssent jusqu’à elle.

Ce fut la crise suprême. Elle passait les jours en prières. Il ne lui suffisait pas d’avoir rompu avec sa famille, impie, damnée, elle se demandait si son salut n’était pas compromis, si elle n’avait pas quelque responsabilité dans cette damnation de tous les siens. La révolte sacrilège de sa fille, Mme  Berthereau, à son lit de mort, la hantait, lui faisait croire que la malheureuse était au purgatoire, peut-être même en enfer. C’était ensuite la perdition finale de Geneviève, si combattue par le démon, retournée à son erreur, à son vomissement. Et venait enfin Louise, la païenne, la sans-Dieu définitive, qui avait repoussé jusqu’au divin corps de Jésus. Ces deux-là, d’esprit et de chair, appartenaient au diable ; et si elle faisait dire des messes et brûler des cierges, pour le repos de l’âme de la morte, elle avait abandonné les deux vivantes aux justes vengeances du Dieu de colère et de châtiment. Mais son inquiétude, son angoisse restaient extrêmes, elle se demandait pourquoi le ciel la frappait ainsi dans sa race, elle s’efforçait de voir là une terrible épreuve, dont sa sainteté devait sortir éclatante, triomphante.