Page:Zola - Vérité.djvu/615

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Des années s’écoulèrent, Marc continuait son œuvre, solide à soixante ans, passionné de vérité et de justice, comme il l’était au début de la grande lutte. Et, un jour qu’il s’était rendu à Beaumont, pour voir Delbos, celui-ci, brusquement, s’écria :

— À propos, j’ai fait une singulière rencontre… L’autre soir, je rentrais à la nuit tombée, lorsque, sur l’avenue des Jaffres, j’ai remarqué, marchant devant moi, un homme de votre âge, l’air misérable et ravagé… Et voilà que, dans le flamboiement du confiseur qui est au coin de la rue Gambetta, j’ai bien cru reconnaître notre Gorgias.

— Comment, notre Gorgias ?

— Eh ! oui, le frère Gorgias, non plus en soutane d’ignorantin, mais en vieille redingote graisseuse, rasant les murs, avec l’allure oblique d’un loup vieilli et décharné… Il serait rentré secrètement, il vivrait dans quelque coin d’ombre, tâchant encore de terroriser et d’exploiter ses complices d’autrefois.

Marc, très surpris, restait plein de doute.

— Oh ! vous devez vous être trompé. Gorgias tient bien trop à sa peau, pour venir risquer les galères à Beaumont, le jour où un fait nouveau nous permettrait de faire casser l’arrêt de Rozan.

— Mais vous êtes dans l’erreur, mon ami, déclara Delbos. Notre homme ne craint plus rien, l’action