Page:Zola - Vérité.djvu/649

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— Pourquoi n’avez-vous pas dit ces choses devant la cour d’assises ? Une grande injustice aurait pu être évitée.

— Comment, pourquoi je ne les ai pas dites ? mais parce que je me serais perdu inutilement ! Jamais on n’aurait voulu croire à ma parfaite innocence. J’avais et j’ai encore la conviction absolue de la culpabilité de Simon, mon silence était tout naturel… Et puis, je vous répète que j’ai vu le modèle d’écriture sur la table.

— J’entends bien, seulement ce modèle vous le reconnaissez maintenant comme venant de vous, comme l’ayant timbré et paraphé, et vous n’avez pas toujours dit ça.

— Ah ! pardon, ce sont ces imbéciles, le père Crabot et les autres, qui m’ont imposé une histoire à dormir debout. Et à Rozan, pour soutenir leur thèse inepte, avec leurs experts grotesques, ils ont imaginé une complication de faux cachet, encore plus bête… Moi, je tenais à reconnaître tout de suite l’authenticité du modèle d’écriture. Cela sautait aux yeux. Mais il m’a bien fallu m’incliner, accepter leurs inventions saugrenues, si je ne voulais pas être abandonné, sacrifié… Avant Rozan, quand ils ont commencé à me lâcher et que j’ai fini par avouer mon paraphe, au bas du modèle, vous avez bien vu dans quelle fureur contre moi cela les a mis. Ils voulaient sauver ce malheureux Philibin, ils croyaient être assez forts pour éviter à l’Église même l’ombre d’un soupçon, et voilà pourquoi, aujourd’hui encore, ils ne me pardonnent pas d’avoir cessé de mentir.

Comme s’il eût réfléchi tout haut, Marc dit encore, pour le pousser, en le voyant s’exaspérer peu à peu :

— C’est bien singulier tout de même, ce modèle d’écriture, sur la table de l’enfant.

— Singulier, pourquoi ? Souvent, il arrivait ainsi qu’un enfant emportât un modèle. D’ailleurs, le petit Victor Milhomme en avait bien emporté un, et c’est même à ce