Page:Zola - Vérité.djvu/650

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fait que vous devez d’avoir soupçonné la vérité… Alors, vous en êtes encore à m’accuser d’être l’assassin et à croire que je me promenais avec ce modèle d’écriture dans la poche. Voyons, est-ce raisonnable ?

Il avait dit cela avec une telle violence agressive et goguenarde, le coin gauche de la bouche retroussé dans le rictus qui découvrait ses dents de loup, que Marc en resta un peu décontenancé. En effet, malgré sa certitude de la culpabilité de l’homme, le point obscur pour lui avait toujours été ce modèle tombé là on ne savait d’où. Il était peu vraisemblable, comme l’ignorantin le répétait sans cesse, que ce soir-là, après la cérémonie religieuse aux Capucins, il eût ce papier sur lui. D’où ce dernier venait-il donc ? Comment pouvait-il l’avoir sous la main, mêlé à un numéro du Petit Beaumontais ? Si Marc avait pénétré ce mystère, tout se serait enchaîné parfaitement, l’affaire n’aurait plus eu rien d’ignoré. Et, pour cacher son ennui, il trouva un brusque argument.

— Vous n’aviez pas besoin de l’avoir dans la poche, puisqu’il était sur la table, où vous dites l’avoir vu.

Mais le frère Gorgias s’était levé, cédant à sa véhémence habituelle ou jouant quelque comédie, désireux de rompre en coup de foudre un entretien qui ne tournait sans doute pas selon ses désirs. Noir et tordu, avec des gestes de fou, il allait et venait par la salle pleine d’ombre.

— Sur la table, eh ! oui, je l’ai vu sur la table. Si je le dis, c’est que je n’ai rien à craindre d’un tel aveu. Supposez-moi coupable, je n’irai pas bien sûr vous donner une arme, en vous disant où j’aurais pu prendre le modèle… Il est sur la table, n’est-ce pas ? Alors je l’aurais pris là, puis j’aurais pris le journal dans ma poché, pour les froisser ensemble et en faire un tampon. Hein ! quelle opération, comme tout cela est simple et logique !… Non, non ! si le journal était dans ma poche, il faudrait que le modèle y fût aussi. — Prouvez-moi qu’il y était,