Page:Zola - Vérité.djvu/658

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tant de larmes et de deuil. Sa fille Rachel était accourue, de sa retraite des Pyrénées, pour recevoir son dernier soupir ; et chaque matin, il semblait revivre par un effort de sa volonté, ne voulant pas mourir, disait-il, tant que la justice n’aurait pas rendu l’honneur à son gendre et à ses petits-enfants. En effet, le soir du jour où la nouvelle de l’acquittement lui arriva, il mourut, dans un rayonnement de joie suprême. Après les obsèques, Rachel alla retrouver immédiatement en leur désert, Simon et David, dont le projet, mûrement réfléchi, était de rester là-bas quatre ou cinq années encore, avant de réaliser leur petite fortune, en vendant la carrière de marbre, ce coin de solitude où ils avaient pu attendre l’immanente justice. Et il arriva que la petite maison de la rue du Trou fut alors expropriée et démolie, le conseil municipal ayant eu la bonne inspiration d’assainir tout ce quartier sordide, par l’ouverture d’une large rue et la création d’un square, destiné aux enfants des familles ouvrières. Sarah, dont le mari, Sébastien, venait d’être nommé directeur d’une école primaire de Beaumont, avait dû céder son atelier de couture à une dame Savin, une parente des Savin qui les poursuivaient à coups de pierres, elle et son frère Joseph. De sorte qu’il ne restait plus trace des lieux où la famille Simon avait tant pleuré, aux jours lointains où chaque lettre de l’innocent, criant son mal, lui apportait une torture nouvelle. Dans l’air libre, dans le clair soleil, des arbres maintenant poussaient là, des fleurs y embaumaient des pelouses, et il semblait que de cette santé revenue, de cette bonté de la terre sans cesse élargie poussait et grandissait aussi le sourd remords de Maillebois, son besoin de réparer son effroyable iniquité de jadis.

Cependant, les choses dormirent encore de longs mois. Pendant quatre années, ce ne furent que des initiatives personnelles, sans qu’une entente générale parvînt à