Page:Zola - Vérité.djvu/680

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criminels, nous autres, d’avoir toléré l’injustice. Moi, ça me vexe à la longue. Qu’on en finisse !

Les deux cousins, Adrien et Marcel, aussi passionnés l’un que l’autre dans l’affaire, s’égayaient, triomphaient.

— Alors, c’est arrangé, papa, s’écria Marcel, en tapant sur l’épaule de son père. Toi, tu te chargeras de la serrurerie, mon oncle Auguste de la maçonnerie, moi des charpentes, et votre part du crime, comme tu dis, sera ainsi réparée. Nous ne vous en parlerons plus, nous vous le jurons.

Adrien riait également, approuvait de la tête, lorsque la grand-mère, Mme Doloir, restée debout, muette et sévère, intervint de son air têtu.

— Auguste et Charles n’ont rien à réparer du tout, jamais on ne saura si l’instituteur Simon était ou non coupable, le petit monde comme nous n’a pas à mettre son nez dans les affaires du gouvernement… Et vous me faites pitié, mes petits, oui ! vous deux, Adrien et Marcel, qui vous imaginez être assez forts pour changer le bon Dieu de place. Vous vous imaginez tout savoir maintenant et vous ne savez absolument rien… Ainsi, tenez ! mon pauvre mari défunt, votre grand-père, savait qu’il y avait à Paris, tous les samedis, dans une salle souterraine, du côté des fortifications, une assemblée générale de tous les juifs millionnaires, qui décidaient là les sommes à donner aux traîtres pour vendre la France à l’Allemagne. Et il était bien sûr de l’histoire, car c’était son capitaine qui la lui avait dite, en jurant sur son honneur.

Marc la regardait étonné, reporté de quarante ans en arrière. Il reconnaissait un de ces contes extraordinaires rapportés du régiment par le maçon Doloir, dans la hantise de ses trois années de service militaire. Auguste et Charles avaient écouté sérieusement, sans gêne, leur enfance ayant été bercée avec ces inventions imbéciles. Mais