Page:Zola - Vérité.djvu/683

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du succès de son idée, l’avait prié de l’accompagner aux Amettes.

Justement, Léon n’était pas là, mais il allait rentrer. Ils tombèrent sur Savin, le père, resté à la garde de son fils Achille, cloué dans un fauteuil, près de la fenêtre du petit salon, où il passait sa vie. C’était une pièce étroite, au rez-de-chaussée de la maison d’habitation, installée bourgeoisement, près des vastes bâtiments de la ferme. Et, dès que Savin aperçut Marc, il eut un cri de surprise.

— Ah ! monsieur Froment, je vous croyais fâché ! Voilà une bonne idée de venir me voir !

Il était toujours aussi maigre, aussi chétif, toussant, rendant l’âme ; et c’était lui qui avait enterré sa femme si jolie, si grasse et si fraîche. Hanté par la jalousie, professant la nécessité du frein moral de la religion pour les femmes, il avait tué la sienne de querelles et de vexations quotidiennes, à la suite du jour où il l’avait trouvée en conversation tendre avec son directeur, le père Théodose. Un souvenir amer lui en était resté, qui le rendait plus injurieux contre les curés, malgré le redoublement de crainte qu’ils lui inspiraient.

— Fâchés, répéta tranquillement Marc, pourquoi voulez-vous que nous soyons fâchés, monsieur Savin ?

— Oh ! à cause de nos idées qui n’ont jamais été les mêmes… Votre fils a épousé ma petite-fille, n’est-ce pas, mais cela ne signifie pas que nos idées fassent bon ménage ensemble… Ainsi, ces prêtres, ces moines, que vous chassez de partout, c’est très malheureux, ça va augmenter encore le libertinage. Et Dieu sait si je les aime, moi, un vieux républicain de la vieille, un socialiste, oui, monsieur Froment, un socialiste ! Seulement, les femmes et les enfants ont besoin d’une menace qui les empêche de mal faire, c’est ce que je me suis toujours exténué à dire.