Page:Zola - Vérité.djvu/692

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On se mit à rire, il n’y avait là, en effet, que des instituteurs et des institutrices. Clément et Charlotte dirigeaient toujours l’école de Jonville. Joseph et Louise avaient décidé qu’ils ne quitteraient jamais celle de Maillebois.

Sébastien et Sarah, installés avec Mme Alexandre dans l’ancien appartement de Salvan, comptaient bien n’en plus sortir, jusqu’au jour de la retraite. Et quant au jeune ménage, au cousin et à la cousine, François et Thérèse, ils venaient d’être nommés à l’école de Dherbecourt, où avaient débuté autrefois leurs parents. François, en qui se retrouvaient les ressemblances fondues de Joseph et de Louise, tenait aussi beaucoup de son grand-père Marc, le front haut, les yeux clairs, mais luisant d’une flamme où brûlait l’insatiable désir ; tandis que, chez Thérèse, la grande beauté de sa mère Sarah était comme attendrie et apaisée par la finesse intelligente de Sébastien son père ; et leur fillette Rose, la dernière-née, adorée de toute la famille, semblait être l’avenir en fleur.

Le dîner fut d’une gaieté délicieuse. Quelle joie, pour Joseph et Sarah, les enfants de l’innocent torturé pendant de si longues années, que cette fête réparatrice qui se préparait ! Et, à cette glorification tardive assisteraient leurs enfants, leur petite-fille même, tout ce sang auquel s’était mêlé le sang de Marc, le plus héroïque défenseur du martyr. Quatre générations se trouveraient là pour célébrer la vérité enfin conquise, et le cortège serait fait de tous les bons ouvriers qui avaient souffert pour elle et qui allaient triompher avec elle.

Il y eut des rires encore, et toujours des rires. C’était Geneviève, l’arrière-grand-mère, qui avait mis Rose près d’elle, pour la surveiller, et qui appelait à son secours Louise, la grand-mère, et Thérèse, la mère, parce que la fillette mettait ses menottes dans tous les desserts.