Parallèle entre la fièvre typhoïde de l’homme et la thyphose des animaux

La bibliothèque libre.
ÉCOLE IMPÉRIALE VÉTÉRINAIRE DE TOULOUSE





PARALLÈLE


ENTRE LA


FIÈVRE TYPHOÏDE DE L’HOMME


ET LA


TYPHOSE DES ANIMAUX


PAR


MAZIÈRES (Cyprien-Armand)


De Villeneuve-sur-Vère (Tarn)


───


THÈSE POUR LE DIPLOME DE MÉDECIN VÉTÉRINAIRE


───


TOULOUSE

IMPRIMERIE J. PRADEL ET BLANC

rue des gestes, 6


───


1868


ÉCOLES IMPÉRIALES VÉTÉRINAIRES


inspecteur général.

M. H. BOULEY, O. ❄, membre de l’Institut de France, de l’Académie de Médecine, etc.

ÉCOLE DE TOULOUSE


Directeur

M. LAVOCAT ❄, membre de l’Académie des sciences de Toulouse, etc.

Professeurs.

MM. LAVOCAT ❄ Physiologie (embrassant les monstruosités).
Anatomie des régions chirurgicales.
LAFOSSE ❄ Pathologie médicale et maladies parasitaires.
Police sanitaire.
Jurisprudence.
Clinique et consultations.
LARROQUE Physique.
Chimie.
Pharmacie et Matière médicale.
Toxicologie et Médecine légale.
GOURDON Hygiène générale et Agriculture.
Hygiène appliquée ou Zootechnie.
Botanique.
SERRES Pathologie et Thérapeutique générales.
Pathologie chirurgicale et obstétrique.
Manuel opératoire et Maréchalerie.
Direction des exercices pratiques.
N. Anatomie générale.
Anatomie descriptive.
Extérieur des animaux domestiques.
Zoologie.
Chefs de Service.

MM. BONNAUD Clinique et Chirurgie.
MAURI Anatomie, Physiologie et Extérieure.
BIDAUD Physique, Chimie et Pharmacie.
JURY D’EXAMEN
――
MM. BOULEY O. ❄, Inspecteur-général.
LAVOCAT ❄, Directeur.
LAFOSSE ❄, Professeurs.
LARROQUE,
GOURDON,
SERRES,
BONNAUD, Chefs de Service.
MAURI,
BIDAUD,


――✾oo✾――


PROGRAMME D’EXAMEN
Instruction ministérielle du 12 octobre 1866.
――


THÉORIE Épreuves
écrites
1o Dissertation sur une question de Pathologie spéciale dans ses rapports avec la Jurisprudence et la Police sanitaire, en la forme soit d’un procès-verbal, soit d’un rapport judiciaire, ou à l’autorité administrative ;
2o Dissertation sur une question complexe d’Anatomie et de Physiologie.
Épreuves
orales
1o Pathologie médicale spéciale ;
2o Pathologie chirurgicale ;
3o Manuel opératoire et Maréchalerie  ;
4o Thérapeutique générale ; Posologie et Toxicologie ;
5o Police sanitaire et Jurisprudence ;
6o Hygiène, Zootechnie, Extérieur.
PRATIQUE Épreuves
pratiques
1o Opérations chirurgicales et Ferrure ;
2o Examen clinique d’un animal malade ;
3o Examen extérieur de l’animal en vente ;
4o Analyses des sels ;
5o Pharmacie pratique ;
6o Examen pratique de Botanique médicale et fourragère.


À MON FRÈRE !

Regrets amers ! impérissable souvenir.


―――――


À mon Grand-Père, à ma Grand’-Mère

Reconnaissance.


―――――


À MON PÈRE, À MA MÈRE

Tendresse filiale.


―――――


À MA SŒUR

gage d’affection.


―――――


À MES PARENTS


―――――


À MES PROFESSEURS


―――――


À TOUS MES AMIS

AVANT-PROPOS.


Malgré notre peu d’expérience, mais aidé des connaissances acquises aux leçons de notre professeur M. Lafosse, il nous a paru que les deux maladies qui font l’objet de notre thèse ne présentent aucune analogie entre elles. C’est pour faire mieux comprendre les points qui les différencient que

nous les avons décrites séparément.
PARALLÈLE


ENTRE


LA FIÈVRE TYPHOIDE DE L’HOMME ET LA TYPHOSE DES ANIMAUX

―――――


CHAPITRE Ier

TYPHOSE


Synonymie. — Cette affection a reçu différents noms, tels que : fièvre gastrique (Rodet). Comme en médecine humaine et sous l’empire de la doctrine de Broussais, on y a vu une gastro-entérite (Clichy, Delafond, Rey) ; gastro-entérite, épizootie, entéro-néphro hépatique ; phlegmasie générale (Berthier) ; Influenza ; hépato-méningite rachidienne (Déhan) ; fièvre typhoide (Moulin) ; péricardite gangréneuse avec altération du sang (Laux) ; pleuro-pneumonie épizootique, peripneumonie épizootique, péripneumonie gangréneuse, pneunomie typhoïde, fièvre gastro-catharrale, fièvre muqueuse, fièvre catharrale épizootique, fièvre épizootique nerveuse (Anker) ; fièvre rhumatismale compliquée (Spinola, Cocotte). M. Lafosse, notre professeur de Pathologie, préfère lui donner le nom de typhose, dénomination qui rapproche assez la fièvre muqueuse de la fièvre typhoïde, mais qui montre que les deux maladies ne sont pas identiques. Malgré le nombre de noms sous lesquels les différents auteurs ont décrit cette affection, on voit que, d’après les descriptions qu’ils en ont données, ce n’est qu’une seule et même maladie, ou bien des formes de la maladie, et qu’ils prenaient pour des affections différentes.

Historique. — La médecine vétérinaire ne date pas d’aussi loin que la médecine humaine, aussi la maladie dont nous nous occupons n’était pas connue au xviime siècle ou du moins on ne l’avait pas encore observée. On croit l’avoir vue pour la première fois en Angleterre en 1732 et 1734, où elle sévissait à l’état épizootique.

Cette maladie a reparu plus tard, et l’Europe entière lui a payé son tribut. En Allemagne, elle a été observée par Huveman en 1782.

La maladie attaqua tout d’abord le nord de l’Europe, puis la France, où elle se montra principalement dans les contrées méridionales (Hautes-Pyrénées) en 1822 et 23, où elle fit de grands ravages. Elle reparut en 1824 et 25 ; alors elle suivit progressivement la Norwége, la Suède, le Danemark, la Hollande, l’Allemagne, franchit nos frontières du Rhin, sévit de nouveau en France, poussa ses ravages en Espagne et en Italie ; puis l’épizootie s’éteignit peu à peu, et l’on ne vit que de loin en loin quelques cas.

La France fut de nouveau envahie en 1841 sur trois points à la fois : le Nord, l’Est et le Midi. C’est à cette époque que MM. Delafond, Lafosse, Rey, suivirent la marche de l’épizootie, et donnèrent des descriptions sur les différentes formes de la maladie.

M. Gourdon l’a observée à Toulouse en 1851 sur les chevaux de l’artillerie. Beaucoup d’autres auteurs ou praticiens s’en sont occupés et en ont donné des descriptions plus ou moins complètes ; tels que : MM. Girard, Dupuy, Reynard, Bouley jeune, Berthier, Jourdier, Baillif, Sanson, Knoll en France. En Allemagne, Spinola, Hayne, Anker, Diétrich, Funke, etc.

M. Lafosse, notre professeur, l’a observée au dépôt de Tarbes, de concert avec Trélut et Creuzard, en 1854-59. Pour notre compte, nous l’avons vue à l’École de Toulouse en 1867-68, principalement sous la forme thoracique.

Malgré la dissidence qui existe entre les auteurs qui se sont occupés de cette maladie, soit dans ses formes, soit dans sa nature, nous citerons les opinions ou les hypothèses qui ont été émises jusqu’au ce jour, en les analysant de notre mieux.

Définition. — La typhose est une maladie particulière au genre équus, tantôt sporadique, enzootique, épizootique, protéiforme ; tantôt bénigne, tantôt maligne ; à symptômes graves, à marche rapide et à durée plus ou moins longue, se manifestant sous des formes diverses, son origine et sa nature diversement interprétées. Elle attaque des animaux de tout âge.

Symptômes généraux. — Cette maladie débute par des symptômes généraux se localisant sur tel ou tel organe, sur tel ou tel système. Ces symptômes sont : état fébrile invariable, sous quelle forme que se manifeste la maladie.

Début. — Accablement, torpeur, la tête basse et pesante ; station déréglée ; parfois l’animal ne s’appuie que sur deux ou trois membres. L’œil est enfoncé, comme voilé, les paupières infiltrées les sens obtus ; marche difficile, chancelante ; les animaux traînent la litière avec leurs pieds, et menacent de tomber. Les reins sont raides, voussés en contre-haut ; les membres rapprochés du centre de gravité. Alternative de froid et de chaud aux extrémités. Pouls tantôt plein et accéléré, tantôt faible et non accéléré, irrégulier ; toux faible, sans rappel ; soif vive, appétit diminué ; bouche sèche, chaude, pâteuse, excréments secs, coiffés.

Les organes génito-urinaires participent eux aussi à ces perturbations générales, le pénis demi pendant, demi érection ; quelquefois l’animal rejette un peu d’urine après beaucoup d’efforts.

Ces symptômes généraux, lorsque la maladie prend telle ou telle forme, s’aggravent plus ou moins.


Divisions. — : La maladie se divise en quatre formes principales : 1o F. adéno-catharrale ; 2o F. abdominale ; 3o F. thoracique, et 4o F. nerveuse. Nous allons les passer successivement en revue, et les décrire à part.


F. adéno-catarrhale. — Cette forme se caractérise par une douleur de la gorge, une toux grasse, un jetage clair au début, qui devient de plus en plus épais à mesure que la maladie marelle vers la guérison.

Il y a constipation, des matières grasses sur les excréments. Les ganglions sont engorgés, douloureux, principalement ceux du côté de la tête qui prennent souvent un volume considérable (tête d’homme). Au déclin, les excréments se ramollissent, mais sans diarrhée, ils ne sont pas moulés comme à l’état normal. Les yeux sont demi-clos, épiphora abondant, des matières muqueuses à l’angle nasal de l’œil. La pituitaire et la conjonctive sont injectées. À l’auscultation de la poitrine on perçoit un râle muqueux dans les bronches, ce râle existe aussi dans la trachée et le larynx. Il survient parfois un engorgement de la région parotidienne.

La maladie se termine ordinairement par la suppuration ; le pus continue à s’écouler abondamment pendant quelques jours par l’ouverture qu’il s’est frayée, alors l’animal est soulagé. Une fois cette amélioration produite, il y a rejection d’urine épaisse de couleur foncée : la fièvre alors disparaît. Le jetage est moins abondant et les plaies se cicatrisent vite. Cette forme s’observe ordinairement sur les jeunes sujets la période des gourmes.

F. abdominale. — Elle se caractérise par les traits de la gastro-entérite ; de là le nom de gastro-entérite épizootique qu’on lui a donné. La bouche est chaude, sèche ; langue sédimenteuse, la soif est vive, l’appétit diminué. Les reins sont raides, le ventre relevé, le flanc rétracté. Il y a de légères coliques, les excréments sont secs, durs et coiffés. Il y a ténesme vésical, coloration jaunâtre de la conjonctive et de la pituitaire.

La maladie se termine ordinairement par la résolution au bout de quelques jours. Quelquefois les coliques deviennent plus intenses, la constipation persiste, les reins sont raides, la prostration augmente, les urines sont sanguinolentes, safranées. Les excréments sont recouverts de matières muqueuses ; à ces matières muqueuses sont mêlées des stries sanguines. L’anus se relâche ; il est béant, et souvent même la muqueuse rectale se renverse.

Le pouls est faible les battements du cœur sont forts, accélérés, tumultueux. L’œil est triste, enfoncé ; le facies hypocratique existe ; les crins s’arrachent avec facilité à la moindre traction. Les animaux exhalent par la bouche une haleine fétide ; la prostration est à son comble ; les animaux se laissent tomber sur la litière, et au bout de quelques heures ils ne tardent pas à succomber.

Cependant, à cette période de la maladie, on a vu des cas où les animaux ont récupéré leur force et leur santé.

F. thoracique. — Observée sur les chevaux du roi de Danemark en 1782, M. Lafosse l’a observée à Tarbes en 1854 et 1859.

Cette forme est caractérisée par une toux faible, pénible, fréquente. La respiration est accélérée ; les muqueuses sont d’un rouge uniforme ; la conjonctive est comme noyée par les larmes ; elle affecte la couleur capucine lorsque le poumon droit ou le foie sont malades. On observe dans cette forme tous les symptômes de la bronchite, de la pneumonie, de la cardite, péricardite, endocardite, pleurite.

La maladie peut se terminer par la guérison ; mais dans le plus grand nombre de cas, les symptômes s’aggravent, la toux devient plus pénible, le jetage devient rouillé, sanguinolent (odeur sui generis). À la percussion, matité de la poitrine ; à l’auscultation, absence de murmure respiratoire. La respiration s’accélère, les battements du cœur ne se perçoivent plus ; le pouls est inexplorable, la prostration est grande, les animaux se laissent tomber et meurent par asphyxie peu de temps après.

Quelquefois cependant, dans certains cas, la toux devient forte, le jetage change de nature ; de rouillé, odeur sui generis qu’il était, il devient blanchâtre ou légèrement jaunâtre.

Quand la maladie se termine par épanchement, comme dans la pleurite, la sérosité peut se résorber ; mais alors surviennent des engorgements des membres et des claudications à siège indéterminé.

F. nerveuse. La moins fréquente des quatre se caractérise par des symptômes se rapprochant parfois de ceux du vertige. On observe un état soporeux, du coma ; l’animal tient la tête basse, ses yeux sont enfoncés, la pupille rétractée, les paupières recouvrent presque en entier le globe oculaire. Il y a un affaiblissement complet des sens. On aperçoit des spasmes dans les lèvres, des grincements de dents se font entendre ; mouvements convulsifs dans les muscles de l’encolure, du grasset ; des frissons, des tremblements.

Parfois l’animal est pris l’accès vertigineux très forts, le délire est alors très grand. Les accès vertigineux ne viennent que par intervalles. On donne à la maladie alors le nom de fièvre typhoïde, vu la prétendue analogie qui existe avec les accès vertigineux de la maladie de l’espèce humaine.

Lorsqu’il y a une stupeur prolongée et un délire très fort, la mort ne tarde pas à arriver.

Complications. — Les complications de la typhose sont assez nombreuses. On remarque des œdèmes aux parties déclives, aux membres, à la région inguinale ; parfois des éruptions exanthémateuses et pustuleuses (F. abdominale).

On observe aussi des ulcérations dans la bouche, au voile du palais. Il survient aussi des diarrhées épuisantes qui entrainent vite la mort. Des praticiens distingués ont vu survenir des arthrites, des fourbures, des synovites, des nerf-ferrures (F. thoracique) ; des phlegmons, des ophthalmies externes et internes (F. catarrhale) ; des paralysies partielles, l’amaurose, la chute des poils (F. nerveuse).

Combinaisons diverses des formes de la maladie. ─ Toutes les formes de la typhose peuvent attaquer le même individu aux différents états. Ainsi, au début, l’affection peut être catarrhale ; à l’état, abdominale, thoracique ou nerveuse, puis, enfin, redevenir au déclin catarrhale.

Pronostic. — Le pronostic repose sur les formes que prend la maladie ; si c’est la thoracique, le pronostic varie suivant l’état de l’animal : mais il est presque toujours fâcheux, surtout quand il survient des perturbations atmosphériques qui font passer la maladie de l’état ataxique à l’état adynamique.

Si ces changements de température sont brusques, la gangrène peut se déclarer (vent d’autan succédant à un vent frais). Lorsque les animaux se trouvent placés dans un lieu bas et humide, le pronostic est toujours fâcheux ; si, au lieu de cet état atmosphérique, l’animal se trouve placé dans un lieu sec, un air pur, une température modérée, la maladie marche vite vers sa guérison (pronostic favorable).

État du sang pendant la vie de l’animal. — à sa sortie du torrent circulatoire, le sang se trouve modifié à la première forme de la maladie, non dans ses propriétés physiques, mais dans ses propriétés chimiques.

À l’état, il y a augmentation du caillot blanc et du sérum. Une particularité bonne à mentionner, c’est que le caillot blanc se rétrécit beaucoup plus qu’à l’état normal. La délimitation est incomplète entre les deux caillots. Le cruor est marbré, ce qui indique que la séparation des deux caillots ne s’est pas tout-à-fait effectué.

Lorsque, au début de la forme nerveuse, on retire du sang des vaisseaux, ce sang est plus noir, plus fluide que dans les autres formes de la maladie. La séparation est aussi très incomplète ; il y a peu de sérum. Après vingt-quatre, quarante-huit heures, le cruor a seulement la consistance d’une gelée. Le sang, dans cette maladie, à une grande tendance à la décomposition.

MarcheDurée. — La maladie peut suivre une marche rapide ; partant de foyers éloignés, elle envahit des provinces, des royaumes entiers dans un laps de temps plus ou moins long. Parfois elle part de plusieurs foyers éloignés les uns des autres. Les épizooties parties de ces foyers marchent l’une vers l’autre, se confondent, et sur tout leur parcours font un nombre considérable de victimes.

Les épizooties peuvent naître avec des caractères bénins, qui augmentent peu à peu d’intensité jusqu’à l’état pour décroître au déclin de la maladie. Quelquefois elle apparaît dans un foyer, disparaît tout-à-coup pour reparaître de nouveau ; alors elle affecte une marche qu’on ne peut suivre qu’avec difficulté.

Quant aux recrudescences de la maladie, elles sont dues à l’atmosphère, qui se modifie tout-à-coup ; d’autres fois, au contraire, ce sont les conditions hygiéniques dans lesquelles les animaux se trouvent placés.

Cependant, on a remarqué une certaine corrélation entre la marche de la maladie et les perturbations atmosphériques, les marches forcées, une mauvaise alimentation, la station prolongée dans un endroit où succède à la chaleur un temps froid.

La durée de la maladie chez un animal est de huit, dix jours, trois semaines.

La durée de l’épizootie est en raison directe du nombre des animaux d’une écurie, d’une localité. Quand dans le cours de la maladie il survient des plaies accidentelles, toutes se terminent ordinairement par la gangrène.

Lésions. — Tous les organes attaqués par les différentes formes de la maladie qui leur sont particulières, présentent des altérations plus ou moins graves. Nous les examinerons à part pour éviter toute confusion.

F. abdominale. — Comme nous l’avons dit précédemment, la bouche, le voile du palais, le pharynx présentent des ulcérations, des aphthes qui se prolongent dans l’œsophage, l’estomac et l’intestin. La muqueuse des deux premiers organes présente, à la place des aphthes et des ulcérations, des plaques d’une coloration rouge foncée.

Les lésions de l’estomac sont de deux ordres : le sac gauche présente des lésions analogues à celles du pharynx et de l’œsophage ; le sac droit, lui, au contraire, présente des portions de muqueuse mortifiée en entier ou en partie, coloration d’un rouge vineux. Les glandules de cette partie de l’estomac sont enflammées. On trouve encore des plaques muqueuses brunâtres ramollies, non mortifiées, qu’on détache par le moindre effort. Une fois ces plaques enlevées, on aperçoit des ulcérations à fond blafard, grisâtre, bordées d’une auréole inflammatoire.

L’intestin, et principalement le grêle, présente les mêmes lésions que le sac droit de l’estomac. Les glandes de Peyer et de Brunner sont tuméfiées : elles présentent à leur extrémité une espèce de cavité ou cupule à fond grisâtre, munie d’une membrane vasculaire granuleuse ayant une grande analogie avec la membrane pyogénique des plaies. Cette membrane sécrète une matière pultacée à odeur infecte.

M. Loiset rapporte un cas de perforation intestinale (intestin grêle) observé par lui pendant l’épizootie de 1825 ; mais nous sommes étonné qu’un homme du mérite de M. Loiset soit resté quarante ans sans rapporter ce fait. Aussi nous est-il permis d’en douter, parce que, dans des maladies différentes de celle dont nous nous occupons, on a observé des cas de perforation intestinale qui étaient dus à des sclérostomes. Selon toute probabilité, le cas que rapporte Loiset se trouvait produit par le même agent.

Ces lésions ne sont pas les seules qu’on trouve dans l’intestin ; il y a des espèces de tubercules formés par du pus qui s’est concrété sous la muqueuse. On y rencontre aussi des élevures dures, formées de matières excrémentielles entourées de matières grasses. Quelquefois ces élevures, au lieu d’être dures, sont ramollies. Ces lésions-là ne sont pas des signes propres à la typhose ; on les trouve dans des maladies différentes de cette dernière.

D’autres lésions, qu’on pourrait nommer secondaires, s’observent dans la typhose ; mais elles ne sont pas toujours constantes, si ce n’est cependant le gonflement et la tuméfaction des ganglions mésentériques.

Les annexes de l’appareil digestif présentent, eux aussi, des altérations dont nous allons faire la description.

Le foie présente une teinte couleur de feuille morte et a perdu de sa consistance ; dans ses vaisseaux existe un sang noirâtre non coagulé.

La rate est souvent gonflée ; dans son intérieur est une boue noirâtre. (Cette lésion n’est pas constante.)

Le mésentère est injecté, brunâtre ; sous le péritoine, on aperçoit un sang noir épanché, ce qui lui donne l’aspect ecchymosé qu’il présente.

Les reins sont tuméfiés, gorgés d’un sang noir ; dans les bassinets se trouve une matière jaunâtre qu’on a confondue avec du pus.

La vessie présente à sa face interne une muqueuse rouge, dans son intérieur une urine sanguinolente. Lésions. — F. thoracique. — À l’ouverture de la poitrine, on y trouve un grand épanchement de liquide séro-sanguinolent ; les plèvres sont injectées Il y a aussi des fausses membranes. Ces pseudo-membranes sont incomplètes ou peu considérables ; elles ont un aspect rougeâtre livide. Les poumons sont hépatisés par points ou foyers ; ces foyers sont remplis d’une matière rougeâtre. Les poumons peuvent présenter des lésions de la gangrène.

Le péricarde présente souvent des lésions de péricardite. Le cœur est flasque, ramolli, couleur de feuille morte. Quelquefois on remarque des taches brunes sur l’endocarde, qui a en outre une coloration d’un rouge violacé. Le cœur renferme du sang noir pris en grumeaux mollasses ; d’autres fois, ce sont des caillots jaunâtres, fermes et consistants (ces derniers alors sont en plus grande quantité que les noirs), formés avant la mort.

Lésions. — F. nerveuse. — Dupuy et Rainard ont donné la description des lésions propres à cette forme de la maladie. Il y a injection sanguine dans les vaisseaux de l’encéphale, des plexus choroïdes, de la moelle avec épanchement séreux dans les ventricules.

Étiologie. — L’étiologie de cette maladie a été diversement interprétée, diverses hypothèses ont été émises ; malgré cela, la science n’en est pas plus avancée, la solution de cette question reste à résoudre.

Du temps de Broussais, alors que l’on ne voyait partout qu’inflammation gastro-intestinal, la maladie était due à des modifications de température, à une humidité succédant à une forte sécheresse. Ensuite, lorsqu’on a abandonné cette idée, on a invoqué l’action du fourrage s’altérant pendant leur végétation, ou bien, au moment de la récolte, ils se couvraient de vase. Les fourrages alors se moisissaient, se couvraient de cryptogames, on disait que c’était la cause principale de la maladie.

À ce sujet, des expériences ont été faites à l’Ecole de Toulouse, et l’on n’a pas pu faire développer la maladie.

M. Reynal, d’Alfort, l’attribuait à des fourrages trop substantiels, aux fourrages verts. Nous objecterons à M. Reynal que le plus grand nombre de cas de typhose s’observent principalement en automne et au commencement de l’hiver ; que, par conséquent, les fourrages verts n’étant pas donnés à cette époque, ils ne peuvent être une cause de la maladie.

M. Darwell croit que le travail excessif et le refroidissement subit de la peau en sueur contribuent au développement de la maladie. L’opinion de M. Darwell n’est pas juste, à ce point que le refroidissement subit de la peau ne fait développer que des inflammations franches, tandis que la maladie dont nous nous occupons est une inflammation spécifique.

Lorsqu’on a abandonné l’opinion que la maladie était produite par l’action des fourrages verts et par les arrêts de transpiration, les idées se sont portées vers l’infection miasmatique : on a dit que c’était sous l’influence d’un miasme qui se portait d’abord sur le système ganglionnaire. Nous ne mettons pas en doute l’action de ces miasmes, mais nous voudrions au moins savoir quelle est la nature de ces miasme, ce qu’on n’a pas encore démontré.

M. Darwell dit encore que la maladie se manifeste d’ordinaire dans les grandes agglomérations de chevaux, et dans les écuries mal ventillées, que l’air de ces écuries est chargé de miasmes qui irritent la muqueuse des bronches et que son influence se traduit par la forme adéno-catarrhale. Nous ne voyons pas comment M. Darwell peut admettre cette idée ; alors, d’après lui, la typhose n’affecterait que la forme adéno-catharrale, ce qui n’est pas.

En Allemagne, on croit à la contagion ; mais les auteurs allemands font une réserve en disant que la contagion ne s’observe que sous la forme nerveuse.

M. Lafosse, notre professeur, ne croit pas à la contagion et, pour notre compte, nous n’y croyons pas non plus ; nous avons pu nous convaincre que la maladie n’était pas contagieuse par le nombre de cas de typhose que nous avons vu à l’École de Toulouse en 1867 et 68.

M. Darwell croit à la contagion ; il cite un cas d’un cheval boiteux qui fut placé dans une écurie où se trouvaient des chevaux attaqués de l’influenza et qui contracta la maladie deux jours après.

Nous croyons que la typhose est due à une cause toute spéciale, toute particulière ; mais il est probable que cette cause a pour agent spécifique des germes animaux ou végétaux. Voici comment nous admettons la contagion : si la maladie est due à des germes, les animaux peuvent en être saturés, les rejeter en partie, et ces germes sont pris par d’autres animaux et servir ainsi d’agents de contagion.

En résumé, la maladie pour nous est due à une cause inconnue spéciale, à laquelle s’ajoutent des causes occasionnelles ; mais la principale c’est celle qui est inconnue et qui fait développer les épizooties.

Nature. — Les causes d’une maladie étant inconnues, la nature elle aussi est inconnue. Beaucoup d’hypothèses ont été tour-à-tour émises, nous allons en indiquer les principales. On a dit : 1o que c’était une inflammation gastro-intestinale. On a eu bientôt abandonné cette idée lorsqu’un a trouvé des lésions dans d’autres organes (poumon) que l’estomac et l’intestin, alors on a dit que c’était une inflammation générale spontanée.

Quant à l’altération du sang, on a dit qu’elle était due à une infection miasmatique, mais sans dire quelle était la nature, la provenance de ces miasmes.

Dupuy en fait une variété des affections vertigineuses ; mais les symptômes de la variété nerveuse de la maladie ne sont pas ceux de la méninge-encéphalite, ni ceux du vertige abdominal.

Hayne croit à une altération du système cérébro-spinal produite par un miasme. Alors il faut conclure que la maladie, d’après lui, n’affecterait que la forme nerveuse ; et, comme la maladie se présenta sous différentes formes, nous rejetons son hypothèse, car elle nous paraît peu fondée.

En France, des hommes haut placés dans la science vétérinaire ainsi que beaucoup de médecins vétérinaires militaires ont voulu la comparer à la dothiénentérie, maladie particulière à l’espèce humaine, qui n’a aucune analogie avec la typhose.

La typhose, d’après M. Lafosse, est une altération primitive du sang, déterminée par un agent morbide, par cette cause inconnue que nous croyons être la cause principale de la maladie.

Traitement. — Le traitement est variable suivant la forme qu’affecte la maladie.

Tr. F. adéno-Catarrhale. — On traite ordinairement cette forme par des mesures hygiéniques qui consistent : en une nourriture adoucissante, un air pur, une petite promenade, une température douce. On calme l’inflammation par des émollients ou bien on l’excite par les vésicants. À l’intérieur, on donne des tisanes adoucissantes, le sel de nitre comme diurétique. Les cataplasmes sur les reins, fumigations émollientes sous le ventre.

Darwell fait une saignée de 3 ou 4 livres, puis il donne un électuaire composé d’aloès des Barbades, 2 gros ; poudre de digitale, 1 gros ; nitrate de potasse, 1 gros ; farine de lin et thériaque quantité suffisante.

Il donne des bains chauds et applique des bandages sur les membres.

T. F. Abdominale. — On donne des émollients à l’intérieur tant par les premières que par les dernières voies. Fumigations émollientes sous le ventre. Petite saignée, des purgatifs drastiques et laxatifs.

En Angleterre et en Allemagne, la médication purgative est la plus usitée.

Percival donne un médicament composé de :

Aloès 250
Emétique 250
Nitre 500
Savon vert 500

Il n’en administre que 30 ou 40 grammes par jour : Baumeister donne un électuaire composé de :

Sel ammoniac 15
Térébenthine 30
Baies de genièvre 30
Farine de lin 30

En Angleterre on emploie aussi le protochlorure de mercure.

M. Lafosse emploie le sulfate de soude, de potasse, de magnésie, l’huile de ricin.

Tr. F. thoracique. — Dans la forme thoracique il faut être sobre de la saignée ; en règle générale on ne doit pas saigner, à moins que les animaux ne soient pléthoriques. On donne l’émétique par les dernières voies, du nitre par les premières dans les barbotages. Il faut surtout insister sur les dérivatifs. Il ne faut pas employer les vésicants. M. Bailly a constaté que lorsqu’on y a recours on aggrave la maladie. On doit agir avec des frictions sinapisées et des sinapismes. Les sétons doivent être courts, multiples, on doit les animer avec l’eau de Babel, parce qu’on a toujours à craindre la gangrène qui se développe facilement dans cette maladie.

Si dans le cours de cette maladie les animaux sent dans un état de torpeur et que le caractère adynamique prédomine, on doit supprimer les contre-stimulants si on les a employés, les remplacer par les toniques, gentiane, quinquina associés au camphre et au nitre.

T. F. nerveuse. — Sobre de la saignée, réfrigérants sur la tête, lavements irritants, purgatifs (aloès).

Frictions irritantes sur le ventre, au plat des cuisses avec l’huile de croton-tiglion.

L’opium peut être employé lorsqu’il y a des spasmes ainsi que le laudanum.

Les Allemands donnent le calomel.

Ils donnent aussi des électuaires toniques antiseptiques. En voici un composé de :

Poudre de quinquina 60
Calamus 90
Essence de térébenthine 12
Miel q. s.
Une foule d’autres médicaments ont été administrés, mais

nous ne les citons pas, vu que nous avons cité les principaux.


CHAPITRE II.
DOTHIÉNENTERIE (Fièvre typhoïde).

Synonymie. — Hippocrate, les auteurs grecs et latins la désignaient sous le nom de Phrenitis. À l’École de Cos, on lui donnait le nom de Typhus. Celius-Aurélianus l’a aussi nommée Phrénitis (Célius-Aurélianus, édition Almelowen, page 22).

À mesures que les études se sont plus approfondies, on lui a donné diverses dénominations, telles que : Fièvre pestilentielle, Fièvre maligne, Fièvre muqueuse, Fièvre putride, Fièvre bilieuse, Febris nevrosa epidemica (Reil), Fièvre entéro-mésentérique (Petit et Serres), Gastro-entérite (Broussais), les Anglais, Fever, typhus fever. Les Allemands, Abdmonial typhus, névroses schleinficher.

Historique. La fièvre typhoïde est connue depuis longtemps. Dans l’antiquité elle était connue. Les anciens Grecs et presque toutes les peuplades de l’Asie la connaissaient. Beaucoup d’épidémies régnaient alors, les descendants d’Esculape l’étudièrent et en ont laissé des descriptions incomplètes. De nos jours les épidémies sont plus rares, cependant on en observe de temps en temps. En 1855 une épidémie régna à Paris. M. Ferais en observa une dans une maison centrale dans le département du Nord, etc.

Définition — Maladie particulière à l’espèce humaine, attaque les individus à la période de 15 à 25, 30 ans, plus rarement au-dessus de cet âge. Elle affecte une marche rapide, à symptômes graves, à lésion caractéristique ; enfin, à nature inconnue comme celle du choléra.

Divisions. — Chomel et Genest, la divisent en cinq formes principales : Fièvre typhoïde inflammatoire, muqueuse, bilieuse, nerveuse, adynamique.

Littré la divise en : Fièvre abdominale, pectorale, cérébrale, adynamique, la forme latente de Louis et la forme arthritique.

Nous ne donnerons pas les symptômes particuliers propres à chacune des formes de la maladie, nous indiquerons seulement les symptômes généraux de l’affection.

Symptômes généraux. — Il y a fièvre, des frissons intermittents. La chaleur de la peau alterne avec les sueurs. Pouls fréquent, vif et fort, parfois serré, puis faible, tremblottant et même intermittent. Il conserve rarement de la résistance dans tout le cours de la maladie. Il y a de la diarrhée liée aux lésions des glandes de Peyer et de Brunner. Le ventre est douloureux. Il y a des nausées, des vomissements, sécheresse et chaleur de la bouche, langue sédimenteuse (sédiment jaunâtre ou brunâtre). Le météorisme existe, mais il n’est pas constant. Quelquefois il est si fort que les malades ont de la peine à respirer. La déglutition est difficile, surtout celle des liquides.

Phénomènes respiratoires. — À l’auscultation de la poitrine, on perçoit un râle sec, sonore, quelquefois sifflant, d’autres fois muqueux, se montrant vers le 5e ou 8e jour.

Dans quelque cas il se transforme en râle crépitant ou sous-crépitant. La toux est faible.

Phénomènes nerveux. — Il y a de la céphalalgie qui varie dans son intensité ; son siège ordinaire est à la région sous-orbitaire, sa durée est de 8 à 10 jours.

La stupeur existe au début de la maladie, les malades sont faibles, les jambes vacillantes, la figure présente un cachet apathique ; quand ce dernier symptôme disparaît, le pronostic est heureux.

Le délire. — Le malade crie, vocifère, il ne peut se laver sans des douleurs terribles qui lui font perdre tout instinct de conservation. D’autres fois il remue peu, mais crie beaucoup. Il y a des paroxysmes et intermittence des accès qui parfois sont très forts.

La somnolence précède le délire, son intensité varie depuis l’instant où le malade se réveille facilement au moindre bruit, jusqu’au coma où rien ne peut le faire sortir de sa torpeur.

Les spasmes s’observent dans les tendons des poignets. Il y a des contractions dans les muscles du cou, de la face, des paupières. Quelquefois ils sont généraux et l’on croirait avoir à faire à une attaque d’épilepsie.

La débilité est si grande dans cette maladie que les malades obéissent aux lois de la pesanteur (on dirait des masses inertes). Cependant, dans quelques cas, les malades conservent presque toujours leurs forces dans tout le courant de la maladie.

Organes des sens. — L’ouïe est parfois conservée, d’autres fois, au contraire, la surdité est très grande. Les malades conservent assez bien la vue.

Muqueuses. — La conjonctive est plus ou moins rouge, tantôt rose uniforme, tantôt injectée, rougeur inégale des deux côtés (Petit et Serres). Dans le cours de cette maladie, un épistaxis assez fort se déclare.

Peau. — La peau présente des taches lenticulaires typhoïdes, nommées papules par William, faisant saillie à la surface de la peau, de forme arrondie, d’une teinte rosée. Ces taches disparaissent par la pression. Leur siège ordinaire est à l’abdomen, aux fesses, à la poitrine, rarement sur les bras et les cuisses. La durée de l’éruption de ces taches est de 8 à 10 jours. C’est un signe diagnostic de la maladie.

Sudamina. — Ce sont des petites vésicules remplies de sérosité à surface brillante, les vésicules accompagnent les taches lenticulaires. Leur siège est au cou, aux aisselles, aux aines, quelquefois elles recouvrent tout le corps ; elles sont continentes ou diffluentes. Elles se montrent au 15e jour.

Pétéchies. — Taches ecchymotiques, arrondies, ineffaçables par la pression (ce qui les distingue des taches lenticulaires). Elles ne font pas saillie sous la peau.

Vergetures. Taches bleuâtres étendues se montrant à la poitrine, aux bras et aux cuisses (on ne les voit jamais au début de la maladie).

Dans le cours de l’affection il survient une éruption varioleuse. Hippocrate dit : « que les malades présentent au huitième jour une éruption rouge, arrondie, petite et semblable à des pustules. » Ce sont des boutons presque semblables à ceux de la petite vérole, formant au-dessous de la peau une saillie de un quart de centimètre, très bien circonscrite à sa base et marquée à son sommet d’un petit point rouge. Etiologie. — L’étiologie de la maladie est encore inconnue. Les uns l’attribuent à un empoisonnement miasmatique. Ils disent que ces miasmes circulent dans l’économie au moyen des lymphatiques.

D’autres que c’est une maladie de l’estomac, une maladie du sang, un exanthéme de la muqueuse intestinale, une fièvre pernicieuse.

D’autres, enfin, disent que la nature de la maladie est la même que pour les affections varioliques.

Contagion. — Elle a été admise par beaucoup d’auteurs parmi lesquels nous citerons Louis, Gauthier, Pierry, Ragaine, etc. M. Ferrus cite une épidémie typhoïde qui régna dans une maison centrale (Nord). Les médecins des campagnes sont convaincus de la contagion. Les médecins anglais disent que le typhus fever est contagieux.

À Paris, une épidémie a éclaté au mois de février 1853.

D’autres praticiens nient la contagion, la plupart de ceux-là sont placés dans de grands centres de population, où il est très difficile de suivre la marche de l’épidémie.

Causes. — La maladie est attribuée à une foule de causes. On a invoqué les variations atmosphériques, les météores ignés, les tremblements de terre, les inondations. Les changements survenus dans nos mœurs, peut-être la vaccine, la malpropreté des villages ; les temps humides, le froid, la mauvaise qualité d’aliments les excès alcooliques, les fatigues exagérées, les commotions physiques, l’insolation, l’acclimatation, la jeunesse sont autant de causes qu’on croit prédisposantes et occasionnelles de la maladie.

Anatomie pathologique. — Les lésions qu’on trouve à l’autopsie sont celles de l’intestin. L’altération pathologique a son siège sur les glandes de Peyer et de Brunner. On doit considérer ses lésions à trois périodes, parce qu’elles ne sont pas également apparentes dans tout le cours de la maladie. Ces trois périodes : l’éruption, l’ulcération et le cicratisation. Pour l’éruption on ne sait pas au juste à quel moment elle commence. Au septième ou huitième jour, l’intestin présente dans son intérieur des plaques épaissies, faisant saillie au-dessus de la muqueuse, ces plaques sont fermes et élastiques. Leur couleur est variable, suivant le degré de phlogose du banc au violet. À côté de ces plaques, se trouvent des glandes de Brunner qui sont le siège d’une inflammation assez forte. Les follicules de ces glandes sont tuméfiées, ayant l’aspect de grosses pustules.

Par l’incision de ces sortes de pustules on voit la muqueuse sans altérations morbides ; au-dessous se trouve une couche d’un jaunâtre, homogène, ferme et cassante, à coupe lisse et brillante. Au-dessous de cette couche blanc jaunâtre est la tunique celluleuse, la musculeuse, puis enfin le péritoine. On nomme ces plaques ainsi altérées gaufrées. M. Louis les nomme plaques dures. Il existe d’autres plaques qui reposent immédiatement sur le tissu cellulaire. M. Louis les a nommées plaques molles.

Genest et Choinel ont aussi trouvé des plaques réticulées, ces plaques font peu de saillie sous la muqueuse, parfois elles rimant des excavations. Le réseau membraneux qui recouvre ces saillies et ces excavations est perforé de trous rapprochés les uns des autres. La muqueuse fait continuité au réseau membraneux. (Ce tissu, à l’examen microspique, est formé par des mailles minces), il est ramolli, cède et casse par une légère traction. Au-dessous de ce tissu se trouve le tissu sous-muqueux qui est le siège d’une inflammation plus ou moins intense. Dans certains cas, à la surface de ce tissu sous-muqueux, se trouve un dépôt de matières fibrineuses jaunâtre ; cela ne s’observe que très rarement.

Les glandes de Peyer sont presque les seules où l’on trouve du tissu réticulé : on en rencontre aussi, mais très peu, sur les acini ou bien sur les follicules isolés, seuls altérés.

Le nombre de plaques malades est variable, tantôt une seule, tantôt plusieurs. Tous les follicules ne sont pas attaqués en même temps. La maladie affecte l’iléon ou la valvule iléo-cœcale, de là les lésions s’irradient. Le point où la maladie à son principal siège de l’iléon, c’est celui opposé au mésentère.

Les glandes de Brunner du gros intestin sont atteintes, les follicules sont hypertrophiés, ils diminuent de grosseur du cœcum jusqu’au rectum.

L’ulcération est une terminaison fréquente de la maladie. Elle attaque les glandes de Peyer, mais celles de Brunner en sont rarement attaquées. L’ulcération s’établit de deux manières, elle commence : 1o par le ramollissement de la couche jaunâtre qui est au-dessous des plaques gaufrées, la muqueuse se conserve sans altération ; 2o par la muqueuse, et gagne de proche en proche les autres parties constituantes de la paroi intestinale.

L’ulcération des follicules est à peu près la même que celles des glandes.

Les ulcères de l’intestin se débarrassent des eschares et se présentent alors sous différentes manières : 1o la muqueuse est seulement détruite ; 2o de toutes les membranes des parois de l’intestin ; il ne reste plus que le péritoine qui finit, lui aussi, par être perforé par le travail ulcératif ou par la gangrène. Caractères de l’ulcère. — Les ulcères, dans cette maladie, sont à bords saillants et taillés à pic. La muqueuse est rouge ; les membranes musculeuses et celluleuses sont épaissies, si parfois elles n’ont pas été détruites par l’ulcération.

Les ganglions intestinaux sont tuméfiés et sont le siège d’une inflammation tant extérieure qu’intérieure, qui se termine ordinairement par le ramollissement et la formation d’un liquide séreux qui devient blanchâtre, mais il ne se forme pas de pus.

Si la maladie marche vers la guérison, les follicules diminuent de grosseur ; ils sont moins durs, seulement ils restent rouges, violets ou noirs.

Outre les lésions énumérées, il se trouve des lésions secondaires dans différents organes, tels que :

La rate est tuméfiée, ramollie ; son volume est augmenté, s’écrasant facilement par la pression. Le foie est ramolli, mais on ne doit pas prendre en considération cette lésion parce qu’on la rencontre dans d’autres maladies.

L’estomac, après la mort, présente des plaques où la muqueuse a complètement disparu ; à sa place se trouvent des plaques jaunes ou violettes situées au-dessous du niveau de la muqueuse. Cette lésion n’a aucune importance, vu qu’elle a été produite par la résorption.

Il y a aussi des ulcérations comme dans l’intestin.

Dans le pharynx et l’œsophage, il y a des ulcérations ; dans le pharynx, il existe, mais rarement, des fausses membranes ou des infiltrations d’une sérosité blanchâtre.

L’épiglotte présente elle aussi des ulcérations et des fausses membranes.

La muqueuse bronchique est rouge. Le poumon présente des lésions de la pneumonie ; il est engoué, quelquefois ramolli, d’autres fois il ne présente aucune altération.

Le cœur est aussi ramolli.

Ces lésions secondaires, à part les ulcérations, ne sont pas propres à la dothiénentérie.

Altérations du sang. — Le sang, jusqu’ici, n’a présenté rien de particulier, quoique ayant été l’objet de nombreuses recherches. Le sang sorti des vaisseaux, après quelques heures se coagule ; le caillot rouge est ferme et il n’y a presque pas de caillot blanc ; dans certains cas, on a trouvé le sang diffluent et cailleboté.

Certains médecins ont prétendu, mais à tort, que la fluidité du sang était une lésion constante de la fièvre typhoïde.

complications. — Les complications sont les perforations intestinales, l’hémorrhagie, l’érysipèle, les eschares de la peau, les pneumonies franches ou spécifiques, l’inflammation du larynx, de l’épiglotte et les abcès extérieurs.

La perforation intestinale est l’un des plus graves accidents qui surviennent à la suite de la dothiénenterie. On l’observe presque toujours dans l’intestin grêle ; malgré cela, on la voit dans le gros intestin. Une fois la perforation établie, il y a épanchement dans la cavité péritonéale des matières venant de l’intestin : alors ils déterminent une péritonite aiguë presque toujours mortelle.

Les hémorrhagies proviennent de ce que l’ulcération a détruit les parois de quelques vaisseaux tant artériels que veineux.

L’érysipèle se produit soit à la face, soit à différentes régions du corps. L’inflammation de la peau gagne le tissu cellulaire sous-cutané et se termine par la gangrène. Les eschares ont lieu principalement sur les saillies osseuses, où la pression du corps du malade s’exerce ; il y a alors mortification de ces parties. La peau rougit d’abord, devient brunâtre, l’épiderme se soulève, il est détruit, et le derme apparaît à nu d’une couleur blanc sale. Il peut aussi arriver que des mortifications se produisent sur des points où ne s’exerce pas la pression du corps.

Les abcès se forment aux parties déclives, et plusieurs auteurs ont prétendu qu’ils étaient de bonne augure, et que sur tous les malades où ils les ont observés, sont guéris.

Traitement. — Jusqu’ici, aucun médicament n’a été donné comme spécifique pour guérir la dothiénenterie.

Au début, la saignée est prescrite lorsque la fièvre est intense, le pouls fréquent et plein, lorsqu’il y a douleur du ventre ou bien de la céphalalgie. On emploie aussi les sangsues au bas-ventre et en arrière des oreilles. À cette période, on doit donner des boissons aqueuses et acidulées. Les bains et les demi-bains sont aussi efficaces. Les lotions d’eau vinaigrée sur le corps, compresses d’eau froide sur la tête.

Les cataplasmes sinapisés sur les membres.

On donne aussi du petit lait tamariné ou bien un doux laxatif lorsqu’on veut faire déclarer les évacuations alvines.

M. Bousson, de Bordeaux, donne des toniques excitants ; leur dose est proportionnelle au degré d’intensité de la maladie : le vin, le quinquina, le bouillon, mais il ne prescrit cette médication que dans la forme adynamique.

On préfère donner le sulfate de quinine à l’extrait parce qu’il est plus facile à administrer, mais il présente l’inconvénient de ne pas être aussi tonique. Le quinquina est donné soit en lavements, soit en potions.

Quelquefois on remplace le quinquina par l’infusion de sauge ou de camomille. Le vin, d’après certains médecins, est plus avantageux et leur offre plus d’efficacité. Les vins qu’on doit donner aux malades sont le bourgogne, le bordeaux, le madère, le malaga, etc.

L’éther est aussi employé.

Le jus de viandes rôties est aussi donné ; les bouillons sont d’une grande utilité ; celui de poulet est préférable en ce que le malade le supporte mieux que les autres.

F. ataxique. — Les sinapismes et les vésicatoires sont d’un grand secours.

Les anti-spasmodiques sont d’une grande utilité pour calmer les troubles nerveux ; les plus en usage sont le musc, le castoréum, le camphre, l’arnica. Dans certains cas, on emploie de nouveau la saignée, des lotions d’eau fraîche, etc. Lorsque la céphalalgie est grande, les vésicatoires sur la tête.

Quand, après sept ou huit jours, il survient des diarrhées ulcéreuses, Trousseau prescrit de l’eau de chaux à la dose de 40 à 80 grammes, à prendre dans une décoction blanche ou dans le bouillon ; de plus, il donne quatre pilules de 0,01 gr. chacune de nitrate d’argent par jour.

D’autres fois, on s’est bien trouvé de l’emploi de pilules dans lesquelles il y a 0,01 gr. d’extrait aqueux d’opium et 0,02 gr. de calomel et d’ipéca.

Le médicament que l’on doit conseiller est le sous-nitrate de bismuth prescrit comme cicatrisant.

P. Sous-nitrate de bismuth. 10
Sucre en poudre 5
Laudanum 25

Dans les délires opiniâtres et qui sont indépendants de toute localisation, on emploie le musc ; on le donne de la manière suivante :

P. Eau distillée de mélisse 80 gr.
Musc 10
Extrait de valériane 15
Sirop d’éther aa 29 gr.
— de fleur d’oranger


Rasori, au début, recommande les préparations antimoniales à haute dose (émétique 4 à 16 grains).

Trousseau emploie sur les points où la pression du corps s’exerce, des lotions d’eau-de-vie camphrée ; mais, lorsque l’épiderme a disparu, il emploie le mélange de collodium 39 parties et 1 partie d’huile de ricin.

M. Piorry emploie, pour faire évacuer les fèces, l’huile de ricin ; et s’il y a fièvre intermittente très forte, le sulfate de quinine.

On peut encore employer le vin aluné quand il y a des diarrhées ulcéreuses.

Tels sont à peu près les principaux médicaments qui ont été mis en usage jusqu’à ce jour pour le traitement de la fièvre typhoïde.


CONCLUSIONS.


On peut se convaincre, d’après la description que nous avons donnée des deux maladies, qu’elles ne présentent que des analogies très éloignées entre elles. Les symptômes, les lésions, la nature, les complications, l’altération du sang, ne sont pas les mêmes dans les deux maladies.


C. MAZIÈRES.