Pensées de Jean-Paul (La Grange)

La bibliothèque libre.
Pour les autres utilisations de ce mot ou de ce titre, voir Pensées de Jean-Paul.


PENSÉES DE JEAN-PAUL.

Jean-Paul était naguère si peu connu en France, que M. Van-Praët feuilletait vainement son énorme catalogue, et que ni Jean-Paul, ni Richter, son nom de famille, ne se trouvaient mentionnés dans le volumineux recueil. La bibliothèque royale ne renfermait aucun de ses ouvrages, et notre plus célèbre bibliographe ignorait jusqu’à leur existence !

Le nom de Jean-Paul est maintenant si généralement répandu, sa gloire a retenti si haut dans le monde de la pensée et de l’imagination, qu’on rougirait aujourd’hui d’une telle ignorance, et qu’on serait tenté de croire qu’un siècle nous sépare de cette époque de ténèbres ; cependant nous y touchons presque, et il ne s’est encore écoulé que peu d’années ; mais, dans ce court espace de temps, plusieurs traductions de morceaux extraits des nombreux ouvrages de Jean-Paul nous ont mis un peu plus en état de juger par nous-même du mérite de cet écrivain, dont la popularité semble toujours aller croissant, à mesure que ses cendres se refroidissent. Les beautés que l’on remarque dans les productions de Jean-Paul n’appartiennent qu’à lui seul : il serait trop long de les énumérer ici. Qu’il nous suffise de dire que, de tous les humoristes allemands, il est le plus original et le plus piquant : il a donné à l’humour les ailes de la poésie et l’a élevé à une telle hauteur, il l’a réchauffé par une philanthropie si tendre, éclairé par une philosophie sa douce, consolé par une religion si sublime, qu’il peut être lui-même considéré comme le fondateur de la véritable école humoristique. Nous n’entrerons pas dans plus de détails sur la personne et sur les écrits de Jean-Paul, mais nous nous proposons d’offrir bientôt à nos lecteurs une notice raisonnée qui puisse leur donner une idée plus approfondie de son caractère et des développemens plus explicites sur ses ouvrages. En attendant que nous soyons à même de remplir cet engagement, nous nous empressons de faire connaître ici une première suite aux pensées de Jean-Paul, que le traducteur a bien voulu nous adresser, et qui peut être considérée comme un supplément au petit volume qu’il a publié il y a environ deux ans.


Comment les femmes ne se haïraient-elles pas, puisqu’elles ne voient dans leur sexe, que des rivales ? — Elles font toutes les unes contre les autres le serment d’Annibal contre les Romains. — Cette animosité est peut-être le motif qui a forcé saint Anastase, Bazile, Scot et d’autres docteurs de l’église, d’établir que les femmes, à l’exception de Marie seule, changeraient de sexe et ressusciteraient comme hommes au jugement dernier, pour que le ciel ne fût troublé par aucune dissension ni jalousie.


Le génie de l’univers s’avance au-dessus de nous avec l’impétuosité de l’ouragan ; nous n’entendons que ses murmures, nous ne voyons que ses ravages, mais nous ne voyons pas combien il crée, combien il purifie ; nous ne le remarquons qu’après qu’il s’est éloigné. — Le destin, comme Leibnitz, nous présente le calcul de l’infini ; mais, comme lui aussi, il nous en cache la preuve.


Mourir pour la vérité, ce n’est pas mourir pour la patrie, mais pour le monde entier. — La vérité, comme la Vénus de Médicis, passera à la postérité en trente fragmens divers ; mais celle-ci les rassemblera, et de ces ruines saura former une déesse. — Et ton temple, éternelle vérité, maintenant à demi-caché sous la terre, mis à découvert en creusant les sépultures de tes martyrs, s’élèvera enfin au-dessus du sol, et chacune de ses colonnes de bronze dominera une tombe chérie.


De même qu’au printemps nous pensons plus à la mort, à l’automne et l’hiver que pendant l’été, de même le jeune homme plein d’ardeur et de forces se représente plus souvent et plus distinctement cette image sombre et décolorée, que l’homme qui en est plus près ; car dans le printemps de l’année, comme dans celui de la vie, les ailes de l’idéal se déploient au loin et ne peuvent prendre leur essor que dans l’avenir. Mais aux yeux du jeune homme la mort apparaît séduisante, telle qu’une beauté grecque, tandis qu’elle ne se montre au vieillard épuisé que sous une figure gothique.


Le sentiment de la peinture se développe, comme le goût, fort tard, et a par conséquent besoin des secours de l’éducation. Il mérite d’être cultivé de très bonne heure, parce qu’il enlève le mur de séparation qui nous isole de la belle nature, parce qu’il fait prendre un nouvel essor à l’imagination dans la contemplation du monde extérieur, enfin parce qu’il habitue les yeux des Allemands à l’art difficile de saisir de belles formes. La musique, au contraire, fait déjà par elle-même vibrer des cordes harmonieuses dans les plus jeunes cœurs, ainsi que chez les peuples les plus sauvages ; son pouvoir se perd davantage par la pratique et par les années.


L’esprit universel se repose ou dort, dit l’homme nain, dès que son œil de vermisseau ne peut plus en suivre la marche. C’est ainsi qu’ils ont cru que le soleil dormait dans l’Océan, tandis qu’il éclairait dans sa course rapide d’autres mondes et d’autres océans !


Pour les hommes énergiques, les grandes douleurs et les grandes joies sont comme de hautes montagnes, d’où ils découvrent tout le cours de la vie.


Les songes, d’après la belle remarque de Herder, nous ramènent toujours vers le temps de la jeunesse, et cela fort naturellement, parce que l’ange de la jeunesse imprime la trace la plus profonde sur le rocher du souvenir, et parce qu’en général un passé éloigné se grave plus fréquemment et plus avant dans l’esprit qu’un avenir éloigné.


L’homme saisit avec ardeur un rôle nouveau dans la vie et le joue d’autant plus parfaitement. — Le saint-esprit plane au-dessus de nos prédicateurs à leur début, et les couve avec des ailes de colombe : seulement plus tard les œufs sont froids.


Ah ! ce temps était le plus heureux pour moi ! s’écrie souvent l’homme en considérant dans son ensemble une époque de sa vie ; mais il ne peut désigner ni les jours, ni les heures où il a goûté le plus grand bonheur. C’est ainsi qu’un âge ou une longue période de notre existence ressemble à un almanach doré sur tranches, l’or brille sur toute la masse compacte ; mais isolez chaque feuillet, il n’aura que peu d’éclat.


Si l’on calcule combien d’enfans pleins de capacité on rencontre dans les écoles des villes et des campagnes, si l’on réfléchit que le peuple, comme la majorité numérique des têtes, doit en donner une plus grande quantité de bonnes, on demeure tout surpris, vingt ans plus tard, de rechercher inutilement ces génies de village dans les collèges, dans les grades militaires ou dans d’autres fonctions élevées. La minorité des hautes classes fournit presque seule et avec parcimonie le pays de talens, et les capacités champêtres se perdent dans les granges, dans les casernes et dans les ateliers.


La vie est-elle autre chose qu’une traduction prosaïque, sans mesure et sans rimes, de nos espérances idéales et de nos projets ?


Pendant la lune de miel, une femme est encore pour son mari un ne m’oubliez-pas, mais plus tard elle recevra les différens noms que l’on donne à cette petite fleur dans divers pays, tels que oreille de souris, œil de crapaud, herbe à scorpion.


Les moines, ainsi que l’a remarqué Baretti, ont une prédilection particulière pour le beau sexe et lui montrent beaucoup d’égards. Un célibataire est un moine sécularisé. Les hommes mariés ne sont-ils pas aussi des moines pour les deux tiers, par le vœu d’obéissance et de pauvreté ?


Les enfans peuvent goûter une joie pure dans toute son étendue et partout, tandis que l’homme, au milieu de son ravissement le plus sublime, voit déjà la Némésis se réfléchir sur l’azur de l’océan de la vie. L’enfant n’a point de Némésis à redouter, aucun n’est encore mort de joie, son vin ressemble à celui du paradis de Mahomet, il n’enivre point.


Dans un état, contradictoirement au songe de Pharaon, les sept vaches grasses dévorent quelquefois les sept vaches maigres ; les riches, les pauvres ; les grands, les petits ; la noblesse, les vassaux ; et un seul, tous les autres.


L’âme des Allemands ne se compose pas d’eau, ainsi que l’a dit Thalès de celle de l’homme, ni de feu, suivant Démocrite, mais d’après le sentiment d’Hippocrate, de ces deux élémens réunis. Cette combinaison de chaud et de froid, que je trouve encore confirmée par la division de l’Allemagne en nord et en midi, pourrait faciliter notre développement et nous porter à un vaste et rapide accroissement.


L’homme à théories emprunte les règles au génie pour les lui rendre ensuite. Celui qui proclame la loi se regarde comme le législateur ; mais le génie jugera toujours mieux qu’il n’est jugé lui-même, car pour conférer à d’autres l’ordre de la noblesse, il faut en faire partie soi-même.


Une faible lumière dans une chambre peut garantir de l’éblouissement causé par les éclairs qui embrasent la voute céleste. Il suffit donc d’une seule idée qui nous éclaire et qui nous dirige intérieurement pour ne point être aveuglés par les flammes rapides qui se succèdent au dehors.


Ah ! l’opium de la vie commence par nous rendre très vifs, puis il nous endort et d’un sommeil si profond !


La haine la plus violente est silencieuse comme la plus haute vertu et les dogues les plus dangereux.


Toute guérison est un retour et une palingénésie de notre jeunesse. On aime la terre et ceux qui l’habitent avec un cœur nouveau.


Les plus doux instans d’une visite sont ceux qui en reculent le terme ; lorsque l’on tient déjà sa canne ou son éventail, et que pourtant on ne s’en va point.


Les grands de la terre sont pâles, ils n’ont point de sang, excepté le peu qu’ils expriment de leurs sujets, ou qui s’attache à leurs mains, de même que les insectes n’ont point d’autre sang que celui qu’ils ont sucé à d’autres animaux.


Je donnerais dix optimistes idéologues pour un optimiste moral, qui ne sache pas jouir d’une seule plante, comme la chenille, mais de tout un parterre des fleurs de la joie, comme l’homme ; qui n’ait pas cinq sens, mais qui en ait mille pour tout, pour les femmes et pour les héros, pour les sciences et pour les parties de plaisir, pour la comédie et pour la tragédie, pour la nature et pour les cours. — Il y a une sorte de tolérance sublime qui n’est point le fruit de la paix de Westphalie, mais d’une vie épurée par les années et par les progrès. Cette tolérance trouve ce qu’il y a de vrai dans chaque opinion, de beau dans chaque espèce de beauté, ce qu’il y a de comique dans chaque plaisanterie, et dans les hommes, dans les peuples et dans les livres, elle ne prend pas la diversité et l’individualité des perfections pour l’absence de ces dernières. Ce n’est pas seulement ce qui est excellent qui doit nous plaire, mais encore ce qui est bon.


Sans sympathie, il peut y avoir de la chirurgie, mais point d’amitié.


Le premier amour, quoique le plus déraisonnable est cependant le plus saint. Son bandeau est, à la vérité plus épais et plus large, car il couvre à-la-fois les yeux, les oreilles et la bouche ; mais les plumes de ses ailes sont plus longues et plus blanches que celles d’aucun autre amour.


Le destin prend souvent le bois de réglisse que les hommes se plaisent à sucer, pour s’en faire une bonne trique, et pour les rosser d’importance.


La vie du monde est comme la crême, tout à-la-fois froide et douce.


Les génies poétiques sont d’une nature compatissante ; comme la justice, ils soldent un chirurgien dans le lieu des tortures, pour remettre de suite les membres brisés, et même pour désigner d’avance la place des fractures.


Il y a des femmes dont l’âme tendre et délicate s’enivre au parfum des fleurs de la joie, comme d’autres avec les fruits de la vigne.


Quelle perspective se présente à l’homme, lorsqu’un peloton de fil à la main, il sort de ce labyrinthe ténébreux ? — Rien que l’entrée de nouveaux labyrinthes qui s’ouvrent devant lui. Son seul désir est de choisir.


Pourquoi donc les hommes ne reconnaissent-ils point qu’une femme qui aime, est prête à tout immoler à ses sentimens ; qu’elle a tant de force pour l’amour et aucune contre lui ; qu’elle sacrifierait sa vie au même instant et aussi facilement que sa vertu, et qu’enfin des deux parties, celle-là seule qui demande impérieusement et qui reçoit est perverse, calculée et égoïste ?


Une âme pure réfléchit une âme impure sans se ternir, et dans son ignorance, elle frémit à l’approche de ce voisinage d’angoisse. — Les tourterelles se baignent, dit-on, dans les eaux limpides pour y voir l’image des oiseaux de proie qui planent au-dessus.


Plus on est dur envers les autres, et moins on l’est vis-à-vis de soi-même ; et ceux qui se targuent d’insensibilité, qui se laissent toucher difficilement par les souffrances étrangères, sont les premiers à pleurer sur les leurs ; et la femme faible supporte davantage que l’homme endurci !

C’est ainsi que le diamant, si dur, ne supporte pas le feu aussi long-temps que les autres pierres précieuses plus tendres. Cependant les hommes d’aujourd’hui fréquentent les sources médicinales de la philosophie et de la poésie, non pour guérir et dissoudre les pierres qu’ils portent en eux-mêmes, mais pour en rapporter de jolies pétrifications.


L’enfant, dans son innocent égoïsme, ne pense qu’à lui-même et ne voit que lui-même. Le vieillard, refoulé violemment sur lui-même par ses souffrances, en fait autant ; et, auprès du temps qui passe froidement devant lui et qui lui tourne le dos, semblable au solitaire ou au voyageur dans le désert, il ne doit écouter et voir que lui-même. Ce n’est qu’au midi brûlant et lucide de la vie que l’homme ne se rapproche pas de lui-même, mais du monde sur lequel il agit et qui agit sur lui. — L’homme ressemble donc au soleil au-dessus de la mer, qui, au milieu de sa course, ne voit son image se reproduire qu’à une grande profondeur, tandis qu’au contraire, à son lever et à son coucher, les vagues réfléchissent son disque dans tout son éclat.


En général, les hommes mériteraient d’être muets à cause de leurs discours ; leurs pensées valent toujours mieux que leurs dialogues, et c’est vraiment dommage que l’on ne puisse appliquer aux têtes fortes un clavier qui reproduise par écrit au dehors tout ce qu’elles pensent intérieurement. Je parierais que tout homme de génie descend dans la tombe avec une bibliothèque entière d’ouvrages inédits ; et qu’il n’en livre à l’impression qu’un petit nombre de rayons.


Une fiancée montre une confiance plus noble et plus hardie que son futur, qui, comme s’il était sur le marché du bonheur, regarde encore dans toutes les rues de la vie.


Oh ! n’aimez qu’un cœur avec pureté, avec ardeur, vous aimerez ensuite tous les autres ! Le cœur, au milieu du ciel qu’il se crée, tel que le soleil poursuivant sa carrière, ne voit dans la goutte de rosée, comme dans l’océan, qu’un miroir qu’il échauffe et qu’il remplit.


Destin voilé, qui es assis derrière notre globe terrestre comme derrière un masque, et qui nous laisses le temps d’exister ; ah ! lorsque la mort aura brisé notre enveloppe fragile, et qu’un génie puissant nous aura enlevés de la fosse au ciel, lorsqu’ensuite des soleils et des joies pures feront déborder nôtre âme, nous montreras-tu un cœur que nous ayons aimé, et auprès duquel nous pussions ouvrir nos faibles yeux ? — Ô destin, nous rendras-tu ce que nous n’avons jamais pu oublier ? Personne ne tournera ses regards sur cette page qui n’ait eu quelqu’un à pleurer ici-bas, et qui n’ait quelqu’un à retrouver là-haut : Hélas ! après cette vie pleine de morts, ne rencontrerons-nous pas un visage ami auquel nous puissions dire : Sois le bien-venu ?

Le destin reste muet derrière le masque ; les pleurs de l’homme demeurent obscurs sur la tombe, le soleil ne se réfléchit point dans les larmes.


La santé des animaux vient de ce qu’ils pensent encore moins que leurs maîtres ; celle des sauvages, de ce qu’ils vivent presque dans un état d’innocence ; la sottise aime un sol gras : de là l’embonpoint respectable des hommes vulgaires dans les emplois distingués, qui perdent tout le nérite que l’on a récompensé en eux, et cessent d’être dignes de leur place dès qu’ils l’ont obtenue.


Ah ! c’est un poids sur le cœur que de songer avec quelle facilité l’homme est oublié, soit qu’il repose dans une urne ou sous une pyramide, et combien vite on regarde comme absent notre moi immortel, lorsque, semblable à un comédien, il se tient seulement dans la coulisse, et qu’il cesse de se mouvoir ou de parler sur la scène.


La sincérité complète ne convient qu’à la vertu ; que l’homme qui n’est que soupçons et ténèbres ferme son cœur par de triples verroux ! que le méchant nous fasse grâce de son autopsie, et que celui qui ne peut ouvrir les portes du ciel laisse celles de l’enfer fermées !


Les hommes de génie s’attaquent avec plaisir à ceux qui leur ressemblent, comme les chiens de chasse qui, parmi tous les autres animaux, se plaisent davantage à courir le renard, quoiqu’il soit leur plus proche parent, et qu’il exhale l’odeur la plus fétide.


L’amitié des femmes entre elles est à la vérité plus rare que celle des hommes les uns pour les autres, mais elle a aussi plus de délicatesse ; la nôtre n’est pas si voisine de l’amour, car nous ne nous aimons qu’au reflet de nos actions ; une femme, au contraire, demande moins à son amie, ou à son amant, des preuves que des témoignages de tendresse ; si elle exige de l’amour, c’est uniquement pour en ressentir et pour le payer de retour.


Ah ! si un Pythagore eût fait de notre cœur une harpe éolienne, doucement agitée, que la nature fasse vibrer harmonieusement en exprimant ses sentimens, et non un bruyant tambour qui annonce l’incendie des passions, jusqu’où ne nous serions-nous pas élevés ! car le génie seul a des bornes, la vertu n’en a point, et tout ce qui est bon et pur est susceptible de le devenir encore davantage.


Les amis, les amans et les époux doivent avoir tout en commun, excepté la chambre. Les besoins grossiers du corps se réunissent autour des flammes pures et brillantes de l’amour, comme la fumée des haillons ; et de même que l’écho répète un plus grand nombre de syllabes en proportion de la distance de la voix, l’âme dont nous désirons un plus bel écho ne doit pas être trop près de la nôtre : aussi l’affinité des âmes s’accroît-elle en raison de l’éloignement de l’objet aimé.


Plus deux hommes ont de puissance, d’intelligence et de grandeur, et moins ils peuvent se supporter sous le même toit. C’est ainsi que les insectes de la grande espèce qui vivent sur les fruits sont insociables (on ne trouve, par exemple, qu’un escarbot sur une noisette), tandis que les insectes plus petits qui ne se nourrissent que de feuilles, tels que les pucerons, y habitent par nichées.


On fait plus de progrès en une heure auprès d’une femme, parce qu’elle a plus de courage et qu’elle en donne davantage, qu’en un jour auprès d’une jeune fille. Celle-ci est semblable à une noix verte, il faut en ôter d’abord l’enveloppe, puis la coquille, enfin la peau ; une noix mûre il suffit de l’ouvrir.


Les années donnent une plus douce harmonie de cœur aux hommes trop énergiques et trop passionnés ; mais elles ôtent plus qu’elles ne donnent à un caractère froid et endurci. Les premiers ressemblent aux jardins anglais que le temps rend toujours plus verts et plus touffus. L’homme du monde, au contraire, nous rappelle ces jardins français qui, dans leur vieillesse, sont couverts de rameaux amaigris et mutilés.


Basedow propose de placer dans un jardin trente jeunes enfans, de les y abandonner à leur développement naturel, de ne leur donner que des serviteurs muets qui ne porteraient pas même les vêtemens de l’humanité, enfin de dresser un procès-verbal de tout ce qui s’y passerait. La préoccupation des choses possibles empêche seule les philosophes de voir celles qui existent réellement ; autrement, Basedow aurait pu remarquer que nos écoles de campagne et nos pédagogues de village sont des jardins semblables, où la philosophie veut éprouver ce que deviendraient les hommes, s’ils étaient dépourvus de toute espèce de culture.


L’amour que l’on porte aux hommes, à mesure qu’il s’accroît, affaiblit de plus en plus le plaisir humoristique que l’on trouve dans la folie d’autrui. La folie d’un ami de cœur ne nous fait éprouver qu’une douleur amère, pourquoi ne pas vouloir traiter tous les hommes comme des amis de cœur ?


Ah ! ce n’est que dans les instans où l’on se retrouve et où l’on se quitte, que l’homme peut connaître toute la plénitude de l’amour renfermé au fond de son cœur ; ce n’est qu’alors qu’il essaie de lui donner une voix tremblante et un regard expansif. Ainsi la statue de Memnon ne résonnait-elle et ne tressaillait-elle sur sa base qu’au lever et au coucher du soleil, pendant le jour elle était seulement échauffée de ses rayons.


Le vin rend souvent l’homme pieux et tendre. Les cloches de l’harmonica dans l’homme, qui sont les échos d’un monde supérieur, doivent, comme les cloches de verre, rester mouillées pour vibrer ici-bas.


Le jour expire mollement au milieu d’un brouillard parfumé ; — les allées et les jardins semblent ne parler qu’à voix basse, comme des hommes attendris. Des brises légères voltigent autour des feuilles, et les abeilles caressent les fleurs avec un doux murmure. Les alouettes seules s’élèvent, comme l’homme, avec des chants éclatans, pour retomber ensuite, comme lui, silencieusement dans le sillon, tandis que les âmes supérieures et la mer montent vers le ciel invisibles et muettes, et que mugissantes ensuite, et portant avec elles la fertilité, elles se précipitent de leur hauteur sublime en cascades et en torrens sur la terre. — Ah ! ne conduisez pas dans le temple du printemps celui dont les blessures ne sont point comprimées par un appareil solide, ces émotions enivrantes feraient jaillir son sang !


Les Goths n’envoyaient leurs enfans à aucune école, afin qu’ils demeurassent des lions. Si l’on doit amollir les jeunes filles par un bain de lait avant de les planter dans la vie sociale, il faut jeter en terre les garçons comme les abricots, avec leur enveloppe pierreuse, ils sauront la percer par leurs racines et s’en dépouiller ensuite.


Ces fleurs, ces rossignols, ce printemps, c’est vous qui me les avez donnés. Vous avez répandu sur ma vie un mois de mai éternel, et étanché les larmes des yeux d’un homme. — Mais que puis-je vous donner ? — Ah ! Beata, qu’ai-je à vous donner pour cet Élysée dont vous avez embelli le sombre royaume de ma vie, et pour votre cœur, votre cœur tout entier ? – Mon cœur ! – Mais vous l’avez déjà, et je ne possède rien autre chose, je n’ai à vous offrir pour tous vos charmes, pour tout votre amour, pour tout ce que vous m’avez donné, que ce cœur fidèle, heureux et brûlant !


Je connais dans nos cours une sorte d’honneur et de vertu semblable au polype, que rien ne peut faire mourir. On peut les blesser comme les dieux de l’antiquité, mais jamais les tuer. De même que l’insecte appelé cerf-volant, ils se débattent sous l’aiguille qui les perce et prolongent leur vie sans alimens. — Des naturalistes d’un haut rang font souvent éprouver à de semblables vertus, comme Fontana aux animaux, mille martyres qui feraient de suite expirer des vertus bourgeoises. Mais non, il n’est point question de mourir. C’est une grâce particulière de la nature que la vertu de nos grandes dames soit douée d’une vie comme celle d’Achille, ou d’une telle force de reproduction. D’abord pour qu’elle supporte plus facilement les fractures, les amputations, et en général les intempéries du climat qu’elles habitent ; — ensuite, afin que ces dames, rassurées par l’immortalité et la vitalité de leur vertu, n’aient besoin de mettre aucunes bornes morales à leurs plaisirs, dont les bornes physiques sont d’ailleurs si resserrées.


Emmanuel montra à Victor Dieu et l’amour, dont l’image se réfléchit partout, mais partout sous un aspect différent, dans les couleurs, dans les êtres vivans, dans les fleurs, dans la beauté humaine, dans les joies des animaux, dans les pensées de l’homme, dans les cercles des mondes ; car son reflet est partout ou nulle part. C’est ainsi que le soleil nous offre son image reproduite sur tous les êtres, grande dans l’océan, colorée dans les gouttes de rosée, petite dans l’œil de l’homme, rouge sur les pommes, argentée sur les fleuves, et éclatante sur la pleine lune et sur ses mondes.


Oh ! pauvres femmes, au milieu des occupations insipides qui remplissent votre vie, saurions-nous, vous et moi, que vous avez une âme, si vous ne vous en serviez pour aimer ? Hélas ! dans les longues années que mesurent vos larmes, vous ne relevez jamais la tête qu’au jour brillant et trop passager de l’amour. Après lui, votre cœur, perdu sans retour, s’abîme dans le gouffre glacé d’où il était sorti. Ainsi les plantes aquatiques végètent toute l’année sous l’eau : ce n’est qu’au moment de leur floraison et de leurs amours, qu’elles étalent leur verdure aux rayons d’un soleil bienfaisant ; puis elles retombent au fond des ondes.


Un grand voile est abaissé devant toi, l’éternité le porte. Est-ce un voile de deuil, — ou le voile d’Isis, — ou celui d’un meurtrier, — ou celui de la beauté, — ou celui qui couvre le visage rayonnant d’un Moïse, — ou celui qui cache un cadavre ? — Je réponds : Tu le soulèveras un jour ; celui dont ton cœur est digne, tu l’as déjà soulevé.


Parmi des étoiles gigantesques, au sein de l’infini, on apprend à s’élever au-dessus des étoiles métalliques cousues à la boutonnière. De la contemplation de la terre, on rapporte des pensées qui nous laissent à peine voir tourbillonner les atomes terrestres, que l’on appelle hommes ; — et les insectes bigarrés, qui colorent comme une mosaïque le règne végétal, se rendent indifférens pour les insectes de cour, dont on approvisionne un trône. — L’auteur de cet ouvrage a toujours fait précéder et suivre les visites qu’il faisait dans un cercle plus rétréci, par une visite au grand cercle du ciel et de la terre, afin que ce dernier le mît en garde contre les impressions du plus petit, et les effaçât.


Un proverbe nous défend de dormir sur un tombeau ; cependant le tombeau de Luther a été le lit de repos d’un siècle épuisé.


Des grilles de chair et d’os séparent les âmes humaines, et cependant les hommes peuvent croire qu’il existe sur la terre un embrassement, tandis que des chairs et des ossemens ne font que se heurter, et que, derrière eux, une âme en pense seulement une autre.


M’aimes-tu ? s’écria le jeune homme au moment de l’ivresse la plus pure de l’amour, à ce moment où les âmes se rencontrent et se donnent l’une à l’autre. La jeune fille le regarda et se tut.

— Oh ! si tu m’aimes, continua-t-il, ne garde pas le silence ! — Mais elle le regarda sans pouvoir parler.

— Eh bien ! j’étais donc trop heureux, j’espérais que tu m’aimerais ; tout est évanoui maintenant, espoir et bonheur !

— Mon bien-aimé, ne t’aimai-je donc point ? demanda la jeune fille, et elle répéta cette question.

— Oh ! pourquoi m’as-tu fait entendre si tard ces accens célestes ?

— J’étais trop heureuse, répondit-elle ; je ne pouvais parler : ce n’est que lorsque tu m’as donné ta douleur, que j’ai retrouvé la parole.


Lorsque nous assistons au grand drame de la vie, n’en voyons-nous pas toujours, comme Hamlet, un plus petit ? Chaque représentation ne présuppose-t-elle pas une double vie, l’original et la copie ?


Les hommes se plaisent à retarder leur dernière volonté aussi long-temps que leur conversion.


Le premier voyage, surtout si la nature ne jette, sur la longueur du chemin, qu’un éclat éblouissant, que des fleurs d’oranger et l’ombre des châtaigniers, donne au jeune homme ce que le dernier voyage enlève souvent à l’homme fait, un cœur rêveur, des ailes pour le transporter au-dessus des glaciers de la vie, et des bras étendus affectueusement vers son semblable.


C’en est fait de mon plan ; ici-bas l’on ne peut rien terminer. La vie est pour moi si peu de chose, que c’est presque le plus léger sacrifice que je pourrais faire à ma patrie. J’arriverai au cimetière, seulement avec un cortége plus ou moins nombreux d’années. La joie est également perdue pour moi ; ma main appesantie fait voler trop facilement la poussière des quatre ailes du papillon aux nuances variées, et je le laisse seulement voltiger autour de moi sans le saisir. Le malheur et le travail sont seuls assez peu clairvoyans pour bâtir sur l’avenir. — Soyez bien venues dans ma maison, ô vous tristes et pâles images, faites des couleurs de la terre. Vous hommes, je vous aime et je vous tolère maintenant, doublement ! car quel autre pouvoir que celui de l’amour nous retirera des cendres par le sentiment de l’immortalité ? — Qui pourrait refroidir et raccourcir encore pour vous ces deux jours de décembre que vous appelez quatre-vingts ans ? Ah ! nous ne sommes que des ombres flottantes, et une ombre veut en déchirer une autre ! –


Je comprends aujourd’hui pourquoi un roi se retire, sur ses vieux jours, dans un couvent. Que voudrait-il faire dans une cour ou à une Bourse, lorsque le monde des sens l’abandonne, et que tout lui apparaît comme un vaste crêpe funèbre, dont l’éclat d’un monde supérieur peut seul percer l’obscurité par ses rayons ? – C’est ainsi que le ciel, lorsqu’on le contemple sur les hautes montagnes, perd sa teinte de sang, parce que le sang n’est pas sa couleur, mais celle de notre atmosphère. Cependant le soleil est alors comme le sceau brûlant de la vie, imprimé au milieu de la nuit, et jette des flammes sans interruption.


Chaque montagne est une borne qui domine les inondations du passé ; chaque lieu en ce bas monde est une relique vieille de six mille ans. Tout est sépulture et ruines sur la terre, et notamment la terre elle-même. — Qu’est-ce qui jusqu’ici a pu échapper au temps ? — N’a-t-il pas dévoré les peuples ? — les étoiles fixes ? — les paradis les plus désirés ? — une infinité de priviléges ? — toutes les critiques ? — l’éternité telle qu’on l’entend souvent ? — et déjà même nos faibles essais sur cette matière ? Si donc la vie est un tel jeu de néant, ne vaut-il pas mieux être l’artiste qui peint les cartes que le roi de cartes lui-même ?


Il s’élève, comme une vapeur légère, dans notre monde intérieur, des sentimens si tendres et si purs qui, semblables aux anges, ne peuvent revêtir de formes corporelles, ni passer dans nos actes extérieurs ; il s’y trouve des fleurs si belles qui ne contiennent aucune semence, qu’il est heureux que l’on ait inventé la poésie pour réchauffer tous ces foetus dans son sein, et pour y conserver leurs parfums.


Combien de nobles femmes, qui, d’ailleurs, attachaient un plus grand prix à admirer elles-mêmes qu’à se faire admirer, se sont montrées puissantes par leurs facultés, remarquables par leur savoir et presque sublimes ; mais malheureuses, coquettes et froides, parce qu’elles n’ont trouvé que des bras pour les enlacer et point de cœur, et parce que leur âme ardente et expansive n’a rencontré aucun être à leur ressemblance, je veux dire, aucun être supérieur.

L’arbre dont les fleurs ont été gelées, présente en automne une cime droite et élevée ; il étale une sombre verdure, mais ses rameaux ne portent point de fruits.


Sainte humilité, seule vertu qui n’as pas été créée par l’homme, mais par Dieu ! tu es supérieure à tout ce que tu caches ou que tu ignores ! Rayon céleste, tu prêtes, comme la lumière terrestre, ton éclat aux couleurs, sans en avoir aucune, et tu montes invisible vers le ciel.


Il y a deux sortes d’amour, celui du sujet et celui du sentiment. Ce dernier appartient à l’homme, il veut jouir de sa propre existence ; le sujet étranger n’est pour lui que l’objet microscopique, ou plutôt le microscope même où son individualité se représente agrandie à ses yeux ; aussi peut-il facilement changer de sujet, pourvu que la flamme dont celui-ci est l’aliment, continue à brûler avec la même vivacité. Il jouit moins de lui-même par des actions, toujours longues, ennuyeuses et pénibles, que par des paroles qui servent à-la-fois à décrire et à augmenter ses émotions. L’amour du sujet, au contraire, n’éprouve d’autre jouissance ni d’autre désir que le bonheur de ce dernier. — C’est plus particulièrement l’amour que ressentent les femmes et les vieillards. — Les actions et les sacrifices lui suffisent et le satisfont ; il aime pour rendre heureux, tandis que l’autre amour ne donne de bonheur que pour aimer.


Le veau d’or de l’égoïsme prend une croissance rapide, et devient bientôt le taureau brûlant de Phalaris, qui réduisit en centre son père et son adorateur.


Le tournesol dit au jour :

— Apollon brille, et je m’épanouis à ses rayons ; il s’élance dans sa carrière au-dessus du monde, et je le suis.

La violette dit à la nuit :

— Je suis humble et cachée, je fleuris dans une courte nuit ; quelquefois la sœur de Phoebus m’éclaire, de sa douce lumière, c’est alors que l’on m’aperçoit et me cueille. Je meurs sur le sein de la beauté.


L’homme est plein d’attentes et d’espérances trompeuses ; elles dévorent son intelligence comme ces vers qui s’attachent aux intestins. Chacun d’eux en engendre un plus grand en quelques minutes, et ainsi de suite. — Chaque jour l’homme se trace une nouvelle carte de sa félicité à venir, et c’est d’après elle que les corps terrestres et célestes doivent se mouvoir.


S’il est vrai que celui-là seul qui aime bien est capable de bien haïr, la plupart des femmes commencent l’un de si bonne heure, qu’il leur reste encore assez de temps pour l’autre.


Rien de plus doux que le cœur d’une jeune fille et le beurre frais, seulement tous deux s’aigrissent en vieillissant et prennent de l’amertume. — Les jeunes filles sont comme les fleurs, les vieilles femmes comme les fruits. Les premières se touchent sans se flétrir ; les dernières se communiquent la pourriture par leur rapprochement.


Les vieux émigrés ressemblent à une montre à répétition restée pendant plusieurs lustres sans avoir été montée. De toutes les heures du jour, si on pousse le bouton, elle ne sonne et ne répète que celle où elle s’est arrêtée.


Les joies deviennent souvent comme les autres pierres précieuses, des poisons mécaniques, qui ne brillent que dans l’éloignement, mais qui nous coupent et nous déchirent dès qu’on les touche où qu’on les avale.


Tout ce qu’il y a de meilleur en ce monde est le produit de l’enthousiasme, et tout ce qu’il y a de pire le produit de la froideur. — Oui, il y a pour les âmes comme pour la nature, un froid sombre et terrible, qui, de même que l’excès de la chaleur, noircit, aveugle et blesse !


Les Grecs ont donné, à l’amour et à la mort les mêmes attributs, la beauté et un flambeau. — Pour moi, ce n’est qu’une torche funèbre, mais j’aime la mort et par conséquent l’amour. — Ma vie a été long-temps une muse tragique ; je me plais à percer d’un poignard le sein d’une muse, car une blessure, c’est presque la moitié d’un cœur !


Aux yeux de l’être infini, la prière pour un monde ou pour un morceau de pain ne diffère que par la vanité de celui qui prie ; et Dieu compte les soleils et les cheveux, ou il ne compte ni les uns ni les autres.


Plus une chose est petite, et plus elle doit être précieuse ; une chaîne de montagnes peut ne se composer que de couches de sel, de houille et de craie ; mais un anneau doit resserrer dans sa monture quelque chose de plus rare que de l’argile. — C’est ainsi que l’on attribue à un seul homme beaucoup plus de vertu, de sagesse et de génie qu’à tout un peuple.


L’amour de la patrie n’est qu’un cosmopolitisme plus restreint, et la philanthropie la plus sublime est le patriotisme du sage qui embrasse toute la terre. Dans mes jeunes années, la multitude des hommes m’affligeait souvent, parce que je me sentais dans l’impuissance d’aimer à-la-fois tant de millions d’individus ; mais le cœur est plus vaste que la tête, et l’homme le meilleur devrait se mépriser, si ses bras ne pouvaient s’étendre que sur une seule planète.


Il n’y a aucune commotion de l’âme contre laquelle il soit plus difficile de trouver un argument que contre la peur. Aussi ai-je renoncé depuis long-temps à en rechercher aucun ; je lui accorde volontiers tout ce qu’elle redoute de plus sinistre, et je me contente de me dire pour me prémunir contre l’impression qui peut résulter de mes appréhensions : Et quand cela serait !


Si la terre est couverte chaque jour d’un voile obscur, comme la cage d’un rossignol, c’est afin que nous puisions saisir plus facilement dans les ténèbres les mélodies célestes. Des pensées qui, le jour, ne nous apparaissent qu’enveloppées de vapeurs et de brouillards, se présentent à nous la nuit comme des flammes ou des torches éclatantes : de même que cette colonne qui flotte au-dessus du Vésuve, le jour elle semble une colonne de nuages, la nuit c’est une colonne de feu.


Si un mortel était transporté par un songe dans l’Élysée ; s’il y voyait des fleurs inconnues s’épanouir à ses yeux ; si un bienheureux lui en présentait une ; et lui disait : Garde-la pour te rappeler, lorsque tu t’éveilleras, que tu n’as pas rêvé, combien ne languirait-il point après les champs élyséens, toutes les fois qu’il contemplerait cette fleur !


Le temps se perd en momens, les peuples en individus, le génie en pensées, l’immensité en points. — Il n’y a rien de grand !


édouard de la grange.