Poètes français - Gresset

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POETES FRANCAIS.




GRESSET.

Essai Biographique sur sa Vie et ses Ouvrages.

Par M. D CAYROL.[1]




Alexandre ne voyageait jamais sans emporter avec lui les poèmes d’Homère, et la cassette dans laquelle il les enfermait est restée célèbre. Silius Italicus, dans sa retraite de Naples, avait coutume de fêter le jour de naissance de Virgile plus solennellement que le sien propre, et il n’approchait du tombeau du grand poète que comme d’un temple. Lors de la renaissance des lettres, ce culte pour les prédécesseurs s’est renouvelé sous plus d’une forme, parfois singulière, et il suffit de rappeler ce noble vénitien Naugerius qui, dans son adoration pour Catulle, brûlait chaque année quelques exemplaires de Martial en son honneur. Enfin, sans tant multiplier les exemples, il est bien constant qu’il y a telle chose que la religion et même que la dévotion littéraire : là aussi, on n’adore pas seulement les grands dieux, on se prend aux moindres saints. Saint Paulin, retiré près de Nole, s’était choisi pour patron saint Félix, et il lui adressait chaque année un panégyrique en vers. Il y a telle dévotion littéraire qui fera la même chose pour le patron auquel elle s’est une fois consacrée ; elle lui élève une chapelle, si ce n’est un temple ; elle dessert l’autel, et y expose les reliques, et sonne la cloche en tout temps pour réveiller les fidèles. M. de Cayrol s’est fait le desservant de Gresset.

Il y a quinze ans que cet honorable gentilhomme, ancien député sous la restauration, a pris à cœur de rechercher tout ce qui pouvait, de près ou de loin, concerner l’aimable poète d’Amiens. M. de Cayrol a vécu quelque temps en Picardie, il est membre et a été chancelier de l’Académie du département de la Somme ; il n’en a pas fallu davantage pour enflammer chez lui une prédisposition qu’on peut croire préexistante et comme innée. Depuis ce temps, il n’est pas de soins ni de mouvemens qu’il ne se soit donnés pour retrouver les moindres débris du portefeuille de Gresset, pour en déchiffrer les plus informes brouillons, pour en restituer les plus exigus fragmens, pour conférer les diverses éditions et présenter les variantes comme on fait pour les grands classiques ; les académies du lieu, les sociétés littéraires des cantons circonvoisins, ont retenti mainte fois du prélude de ces estimables travaux, poursuivis avec un zèle pour ainsi dire acharné ; et aujourd’hui, maître de son sujet, en ayant épuisé toutes les veines, le laborieux biographe ramasse ses résultats en deux volumes, qui contiennent tout sur Gresset, et même un peu plus que tout, puisqu’on y rencontre certaines petites injures contre les ex-romantiques, contre cette abominable postérité de Jodelle et de Du Bartas, et aussi contre le virus des ames gangrenées de George Sand et consorts. Oh ! pour le coup, ceci est trop ; en matière littéraire, un peu de superstition ne me déplaît pas, mais point de fanatisme. M. de Cayrol, en mêlant ces sorties sans motif à la célébration de son innocent et gracieux poète, pourrait compromettre la cause de celui-ci et lui attirer par contre-coup des désagrémens, si on ne faisait la part d’une grosseur de termes qui tient à une plume rarement taillée, et si on ne rabattait d’un emportement qui n’est guère qu’une faute de goût. Ceux qui ont tant parlé de goût au nom des classiques, dont ils se croyaient les seuls défenseurs, ont eu souvent ce tort et commis cette petite inconséquence. Nous devions d’abord en prendre acte et montrer qu’ici elle ne nous a pas échappé. Après quoi nous nous empressons de l’oublier, car elle nous conduirait à être sévère, c’est-à-dire injuste envers un homme et un ouvrage dont le mobile et l’objet sont faits pour intéresser.

Il est intéressant en effet de voir ce zèle dont se trouvent tout d’un coup saisis, après de longues années, certains critiques et biographes pour l’auteur qu’ils adoptent avec prédilection. Un écrivain a fleuri et brillé en son temps, il est mort ; le goût public a changé ; sa renommée a vieilli et a pâli ; on le cite encore à la rencontre, on a lu de lui une ou deux pièces qui seules survivent au reste des œuvres oubliées ; il semble que tout soit dit sur son compte : et voilà subitement qu’un homme arrive, littérateur ou non de métier, mais ayant au cœur je ne sais quelle étincelle littéraire, et cet homme un matin se consacre à cette mémoire défunte, la réchauffe, la restaure, s’applique de tout point à la rehausser. C’est comme un contemporain retardé par accident, venu un siècle après, et qui va compenser par surcroît d’efforts le temps perdu ; c’est un serviteur posthume de cette gloire dans laquelle, comme au premier jour, il va tout replacer. Le pauvre poète défunt pourrait revenir et, devant ce tombeau refleuri, se croire encore à son heure de triomphe et de fête. Je dis que cela est touchant, parce que cela est désintéressé ; et c’est l’honneur éternel des lettres, de ce que les anciens appelaient studia, d’entretenir en ceux qui les aiment de ces piétés qu’on appellera, si l’on veut, des manies les hommes qui ne visent qu’au présent et à user à leur profit des circonstances sont incapables, je l’avoue, de telles illusions, qui supposent le rêve d’immortalité, et c’est pourquoi, avec toute sorte de considération pour ces hommes utiles, je préfère les autres.

Y a-t-il rien de nouveau à dire sur Gresset ? y a-t-il lieu surtout de réformer à quelques égards le jugement établi sur son talent ? Je ne le crois pas, et pourtant je vais refeuilleter sa vie et ses ouvrages avec M. de Cayrol, me bornant à toucher quelques traits çà et là. Il naquit à Amiens, comme on sait, le 29 août 1709 ; son père, qui remplissait d’honorables fonctions judiciaires, était tant soit peu poète, et rimait en style convenable des épîtres ou satires à l’imitation de Boileau. Le jeune Gresset fit ses études au collége des jésuites à Amiens ; d’élève devenu novice et admis dans la compagnie, il passa au collége Louis-le-Grand, et de là fut envoyé pour professer en divers lieux, à Nevers peut-être, certainement à Moulins, dans le voisinage de ce couvent de Visitandines qu’il a si joliment célébré. Gresset avait deux de ses sœurs qui se firent religieuses au couvent des Augustines d’Amiens. A ses débuts, on le voit, il tenait par tous les côtés à cette vie de collége et de cloître qui fut son premier horizon, et qui resta toujours sa perspective ; il y était initié à fond, et son naturel badin, agréable et ingénument malicieux ne réussit jamais d’un tour plus sûr que lorsqu’il s’y donna ses ébats, en ayant l’air d’en sortir. Des vers latins, des discours latins, des énigmes rimées, une traduction en vers français des Églogues de Virgile, faite à vingt et un ans, je franchis d’un pas tout ce premier bagage, sur lequel le biographe, comme de juste, s’appesantit. Gresset, jésuite, avait vingt-cinq ans lorsqu’en 1734, Ver-Vert s’échappant par mégarde de son portefeuille, trois éditions (quel scandale !) en parurent coup sur coup, et divulguèrent un talent nouveau du côté où l’on s’y attendait le moins. Le succès de ce petit poème fut inimaginable ; la condition de l’auteur ajoutait au piquant. Envoyé en pénitence à La Flèche, par une punition fort douce, convenons-en, et de bien peu de durée, il ne revint à Paris que pour récidiver de plus belle : la Chartreuse courut avec la pièce des Ombres, qui en est la suite, et un libraire les imprima. Cette fois, l’affaire parut plus grave ; quelques vers étaient de nature à mécontenter le parlement. Les supérieurs se décidèrent à renvoyer Gresset de la compagnie, non sans avoir consulté le cardinal Fleury, qui écrivait là-dessus au lieutenant de police Hérault :


A Issy, le 23 novembre 1735.

« Voilà une lettre, monsieur, du père De Linyères, au sujet de ce jeune homme dont vous m’avez donné trois petits ouvrages. Celui du Perroquet est très joli et passe bien les deux autres ; mais il est bien libertin, et fera très certainement des affaires aux jésuites, s’ils ne s’en défont. Tout le talent de ce garçon est tourné du côté du libertinage et de ce qu’il y a de plus licencieux, et on ne corrige point de pareils génies. Le plus court et le plus sûr est de le renvoyer, car les Nouvelles ecclésiastiques[2] triompheront sur un homme de ce caractère… »


J’ai cité cette lettre parce qu’elle me paraît caractériser à merveille, dans le ton paterne du bon octogénaire, le genre de libertinage, comme il disait, dont la muse de Gresset s’était rendue coupable ; c’est un petit libertinage léger et sans trop de fond, une gaieté de jeunesse très émoustillée, et qui ne tire pas tellement à conséquence qu’elle ne fasse encore sourire le digne cardinal au moment où il la condamne : on sent que, s’il ne faut plus garder Gresset chez les jésuites, il n’est pas perdu sans ressource pour cela, et qu’il pourra revenir à résipiscence, comme y revint ce Ver-Vert lui-même qu’il a si gentiment chanté. Dans une lettre à peu près du même temps, que Gresset écrivait à sa mère après son retour de la pénitence à La Flèche et avant sa sortie définitive de chez les jésuites, il lui disait d’un ton de plaisanterie qui rentre bien dans notre remarque :


« MA TRÈS CHÈRE MÈRE,

« Voilà qui n’est, en vérité, point édifiant : dater une lettre d’une heure après minuit[3], temps auquel une vertueuse mère de famille doit, comme la femme forte, goûter dans le sein du repos la douceur des songes évangéliques ; temps auquel une jeune prosélyte doit tranquillement sommeiller et rêver pieusement. De telles nuits marquent des ames beaucoup trop éveillées, et assurément, si je me mêlais de me scandaliser, ma délicatesse serait bien déconcertée par un pareil dérangement, surtout après la grande et pompeuse retraite. C’est donc là que sont venus aboutir tant d’affectueux sentimens ! C’est donc en vain que le vertueux père Fleuriau, l’apôtre des gentils, a labouré, semé, arrosé ; voilà donc sa moisson ! Il a prié, exhorté, menacé, tonné, cassé sa flûte, et cependant je ne vois point de changement ; on continue ; autrefois on se couchait à minuit, et depuis la retraite on est devenu plus méchant d’une heure. »


Et le caquetage continue sur ce ton. On voit combien cela est d’une gentillesse enfantine ou du moins adolescente : on est devenu plus méchant d’une heure ! Le joli mot ! Nous tenons là sur le fait l’espiègle, le petit libertin, comme dirait le cardinal Fleury ou madame sa maman.

Ver-Vert nous offre le chef-d’œuvre de cette malice encore innocente et décente dans son plus périlleux excès. Bailly, le grave Bailly, en son Éloge de Gresset (car Bailly a fait l'Éloge de Gresset, et il eut même pour concurrent Robespierre), a très finement déduit comme quoi ce gracieux petit poème n’est qu’un transparent à travers lequel on devine les passions, les émotions chères au cœur, qui prennent ici le change pour éclore et s’amusent à ce qui leur est permis :

Et dans le vrai c’était la moindre chose
Que cette troupe étroitement enclose,
A qui d’ailleurs tout autre oiseau manquait,
Eût pour le moins un pauvre Perroquet.


On sent courir à tout moment la vague pensée, on effleure le sujet interdit, mais au même moment on l’esquive ; on est chatouillé et rassuré à la fois ; on se donne une entière licence avec une sorte de sécurité ; car, notons-le bien, c’est encore un novice qui badine, et non un page ; le Chérubin dont l’enjouement a dicté ces gaietés d’un jour ne sera jamais l’amant de sa marraine ; que dis-je ? en vieillissant il deviendra presque un marguillier.

Gresset, n’en déplaise à l’enthousiasme trop continu de son panégyriste, n’a fait dans sa vie que deux choses qui se puissent relire avec un vrai plaisir et qui s’attacheront toujours à son nom : il a fait VerVert à son moment le plus vif, et le Méchant à son moment le plus mûr. Dans tout ce qu’il a écrit dans l’intervalle et depuis, il n’a su que répéter, affaiblir, délayer la manière ou les idées de ces deux excellens ouvrages, les seuls de lui qui méritent de rester. Le plus léger des deux, Ver-Vert, est peut-être celui qui, à cette distance, a le moins perdu dans son ensemble : il se retrouve d’un bout à l’autre agréable et charmant.

Il y a des esprits et des talens qui n’ont que de la jeunesse, et encore de la première jeunesse : Gresset en eut de bonne heure le pressentiment. Dans cette Chartreuse si goûtée de nos pères et où quelques bons vers seulement nous arrivent à la nage dans un torrent de rimes, il disait :

Persuadé que l’harmonie
Ne verse ses heureux présens
Que sur le matin de la vie,
Et que sans un peu de folie
On ne rime plus à trente ans…


Dans une pièce adressée à ma Muse, il disait encore, toujours dans ce même sentiment de la brièveté

Moi que le Ciel fit naître moins sensible
A tout éclat qu’à tout bonheur paisible,
Je fuis du nom le dangereux lien ;
Et quelques vers échappés à ma veine,
Nés sans dessein et façonnés sans peine,
Pour l’avenir ne m’engagent à rien.
Plusieurs des fleurs que voit naître Pomone
Au sein fécond des vergers renaissans
Ne doivent point un tribut à l’Automne
Tout leur destin est de plaire au Printemps.


Ce qui manqua à Gresset, ce furent les idées, le renouvellement d’idées. Son fonds d’adolescence et de première entrée dans le monde resta à très peu près le même, ni plus ni moins. Dans un siècle qui remuait toutes les théories, qui agitait tous les problèmes, il ne prit aucune part effective, aucun intérêt véritablement intelligent. Pas plus que Crébillon, que Jean-Baptiste Rousseau, que Piron, ses aînés, il n’avait l’esprit sérieux, tandis que Voltaire l’avait jusqu’en ses saillies, et c’est ce qui explique le peu de résistance qu’ils firent tous en face d’un tel rival, à la fois léger de plume et muni du fonds. La première veine de jeunesse dissipée, la matinée à peine finie et midi sonnant, Gresset n’eut plus rien à dire et ne put que se replier dans Amiens car je suis fort de l’avis de Diderot qui remarque quelque part que, lorsqu’un poète peut prendre si aisément sur lui de se taire, c’est qu’il n’a plus guère à parler. Après le Méchant, dans lequel il prouva une heureuse entente des tracasseries du monde, comme dans Vert-Vert il s’était joué avec les tracasseries du couvent, Gresset avait tout dit.

Il y eut, ne l’oublions pas, deux temps très distincts, deux moitiés très tranchées dans le XVIIIe siècle ; ce n’est que dans la seconde moitié et après 1747, année du Méchant, que ce siècle produisit les mémorables ouvrages qui en firent décidément une grande époque de philosophie et d’éloquence : l’Esprit des Lois, l’Histoire naturelle, l’Encyclopédie, l’Émile et tant d’autres ; Voltaire embrasse et remplit les deux périodes, Rousseau n’éclate que dans la seconde ; Gresset ne passa jamais la première. Le lendemain du Méchant, sa moisson était faite, et sa provision aussi ; son esprit rassasié n’accepta pas une idée depuis. On voit assez en quel sens on est autorisé à dire qu’il n’avait pas l’esprit sérieux. Combien de poètes sont ainsi, et eurent le talent plus distingué que l’intelligence !

On retrouverait en lui partout, et dans le meilleur sens, l’élève des jésuites et du père Du Cerceau ; quand les jésuites ne se mêlaient pas de théologie, mais seulement de littérature, ils avaient de ce genre d’esprit dont Gresset représente la fleur la plus brillante et la plus mondaine : il suffit de nommer Commire, Cossart, Rapin, Porée, Bougeant et tant d’autres. Cette littérature tout intérieure et confinée aux ornemens des écoles, avait de la gaieté et laissait à ces aimables maîtres (encore un coup, je ne parle que de ceux qui ne faisaient pas les théologiens) une certaine enfance de mœurs et d’esprit qui de près n’était pas sans charme. Pline le jeune, parlant d’un vieux et aimable rhétheur, Isée, qui avait un prodigieux talent de parole et d’amplification, une élégance et une pureté de diction réputée attique, ajoute « Il a plus de soixante ans, et il n’en est encore qu’à s’exercer au sein des écoles ; c’est dans cette classe d’hommes qu’on trouve le plus de simplicité, de sincérité et de bonté pure ; car, nous autres, qui passons notre vie au barreau et dans les contestations réelles, nous y apprenons, bon gré, mal gré, beaucoup de malice[4]. » Gresset, même dans le temps de ses plus grandes malices, fut toujours un peu un homme de cette nature, un scholasticus comme Pline le dit en bonne part du rhéteur Isée, et comme Voltaire l’a dit moins bénignement de lui dans ces vers si connus :

Gresset doué du double privilége
D’être au collége un bel-esprit mondain,
Et dans le monde un homme de collége.

Aussitôt après sa sortie des jésuites (1735), Gresset, accueilli dans le monde, et particulièrement à l’hôtel de Chaumes par suite de ses relations de province, prodigua, pendant les années suivantes, une foule de vers légers, agréables en naissant, dans le genre de Chaulieu et d’Hamilton ; mais, si Hamilton est un inimitable modèle, ce n’est point par ses vers assurément. Ceux de Gresset avaient pourtant de quoi plaire dans leur nouveauté : J.-B. Rousseau, qui les recevait à Bruxelles, ne se contenait pas de joie, et voyait déjà dans le nouveau-venu un rival et un vainqueur de Voltaire : « Je viens de relire votre divine Épître (celle à ma Muse), lui écrivait-il ; et, si la première lecture a attiré mon admiration, je ne puis m’empêcher de vous dire que la seconde a excité mes transports. » Il est vrai que, dans l’épître en question, Gresset y parlait de Jean-Baptiste comme d’un Horace, et le proclamait ce Phénix lyrique. De son côté, Frédéric, avec qui Gresset était en correspondance, trouvait ses vers d’un acabit admirable. Desfontaines, plus judicieux, concluait, après bien des éloges : « Ce sont de jolis riens qui ne conduisent à rien. »

À les relire aujourd’hui, en effet, presque tous ces vers de Gresset ne nous offrent plus guère qu’une interminable enfilade de rimes entrecroisées dans lesquelles chaque mot ne marche qu’invariablement escorté de son épithète : pur babil, ramage, une sorte de loquacité poétique qui prouve de la facilité plutôt que de la verve : facilitas potius quam facultas. Il ne sait ni s’arrêter ni finir sa phrase ; le sens est noyé. Dans ce courant verbeux, redondant à l’oreille et plus gonflé que léger, on saisit au passage quelques vers dignes d’être retenus, mais aucun de ces traits dont le ton chaud gagne en vieillissant. Qu’y faire ? le brillant tout entier a péri, la fleur du pastel est dès long-temps enlevée, et on ne distingue plus rien de la poussière première à ces ailes fanées du papillon.

Je ne prétends pas dire que Gresset n’ait pas eu là d’heureuses années embellies de succès légitimes ; des idées riantes, un certain jeu de vivacité naturelle et de mollesse voluptueuse, quelques éclairs de tendresse, des accens sortis d’un cœur droit, d’une ame honnête et bonne, animaient ces productions de sa veine dans leur fraîcheur presque tout cela, encore un coup, a disparu. Gresset était d’une physionomie douce, fine, et qui devait s’accommoder du sourire. On a dit qu’il était très aimable dans l’intimité, et je le crois volontiers ; mais, d’après les échantillons même qu’on donne de sa conversation et des ingrédiens qu’il y faisait entrer, j’y trouve tout un train de bons mots, anecdotes et historiettes, accusant ce tour d’esprit un peu futile dont le XVIIIe siècle ne se payait qu’en de certains momens. En ce genre-là, je doute que Gresset ait jamais approché de Delille. M. de Cayrol, qui n’entend pas contradiction sur son héros, traite fort mal M. de Feletz, pour avoir osé mettre en doute l’agrément de Gresset en prose ; il me semble qu’au moment où il plaidait pour les agrémens d’un autre, le digne biographe l’aurait pu faire en un style plus persuasif et mieux assorti ; pour moi, en ces matières d’urbanité, je suis accoutumé à reconnaître M. de Feletz comme un excellent juge. Non, Gresset, causeur et conteur, n’était rien moins qu’un Hamilton ; malgré ses succès dans deux ou trois cercles où on l’adopta, j’oserai conclure des récits même de son biographe que, durant ces quinze années qu’il passa dans le monde de Paris, depuis sa sortie de chez les jésuites jusqu’à sa retraite à Amiens (1735-1750), Gresset n’eut jamais pied véritablement en plein milieu du siècle, et qu’il n’y tint jamais un de ces premiers rôles, ne fût-ce que d’amabilité brillante, qu’on a peine ensuite à quitter. Il assista, il observa d’une place commode, et pour lui c’était assez. Quelques mots épars, quelques indices recueillis par M. de Cayrol, semblent indiquer que les jouissances de cœur ne manquèrent pas à Gresset dans ces années mondaines ; mais la discrétion du poète n’a rien laissé percer sur l’objet aimé, et, dans un monde où tout s’affichait, il sut couvrir d’un voile mystérieux le note de sa Glycère. Gresset avait le cœur délicat ; même à son heure la plus brillante et en son midi, il se rejetait le plus qu’il pouvait dans le demi-jour.

Ses tentatives au théâtre, où il débuta en 1740 par Édouard III, où il récidiva en 1745 par Sidnei, deux pièces assez équivoques de genre comme de talent, se couronnèrent en 1747 par le succès brillant et imprévu du Méchant, l’une des meilleures comédies d’un siècle qui n’en a pas eu de grande avant Figaro. L’observation fine de Gresset venait de prendre sur le fait un travers, un vice particulier à ce moment de société auquel il assistait ; son talent redevenu net, vif, élégant, et à la fois enhardi, avait mis l’odieux objet dans une entière lumière ; sa conscience d’honnête homme l’avait flétri. Après le débordement de la régence, en effet, les vices du siècle avaient légèrement rentré ; la corruption s’était faite élégante, et ne circulait que mieux sous un vernis de persiflage ; on avait à combattre une seconde rouerie plus convenable d’apparence, et plus périlleuse peut-être que la première ; armée d’une diction polie, acérée, elle se faisait gloire d’une sécheresse spirituelle et d’une scélératesse de bon ton qui, même entre gens qui se piquaient d’honneur, devait en plus d’un cas passer des paroles jusqu’aux procédés. Quelques hommes distingués avaient perfectionné cet art misérable, qui était devenu leur fonds de nature, et la jeunesse, comme toujours, s’y portait à leur suite par imitation et singerie. Le Cléon de Gresset jeta le masque, et vint exposer le portrait devant tous les yeux ; il était si frappant par tant de traits qu’on y appliqua à l’instant plusieurs noms, le marquis de Vintimille, le comte de Stainville, et bien d’autres. Le piquant, c’est qu’il y en avait parmi les dénoncés qui ne s’en défendaient pas beaucoup, et M. de Vintimille déclara que, sauf quelques traits de noirceur qui étaient plutôt du scélérat que du méchant, il n’aurait pas été fâché de ressembler à Cléon. Le personnage de Valère, de ce jeune homme bien doué et d’un naturel excellent, qui se croit obligé de faire le fat par bon air, n’est pas moins vivement saisi ; cela prête à plus d’une scène heureuse et d’un intérêt assez comique ; mais la diction surtout du Méchant est excellente ; on en peut dire ce que Voltaire disait de la satire des Disputes, que ce sont des vers comme on en faisait dans le bon temps. Aucune comédie n’a peut-être autant fourni à la mémoire du public et n’a mis en circulation pour l’usage journalier un aussi grand nombre de ces mots devenus proverbes en naissant :

Les sots sont ici-bas pour nos menus plaisirs…
C’est pour le peuple enfin que sont faits les parens…
Il ne vous fera pas grace d’une laitue…
… Elle a chassez beaux yeux,

Pour des yeux de province …
On ne vit qu’à Paris, et l’on végète ailleurs…
Tout le monde est méchant, et personne ne l’est…
L’aigle d’une maison n’est qu’un sot dans une autre…
L’esprit qu’on veut avoir gâte celui qu’on a…
Et c’est là qu’on entend le cri de la nature…


Et cent autres. Relu aujourd’hui, le Méchant se ressent un peu de cet inconvénient d’avoir trop réussi et d’être trop su d’avance. Pourtant il se maintiendra toujours à son rang littéraire, comme une des œuvres les plus honorables dans ce genre de la comédie mitigée et de l’épître morale, dont le mérite, lorsqu’il est universellement goûté par l’élite d’une nation ; donne la mesure certaine d’une qualité de civilisation bien polie et bien délicate.

Le succès du Méchant ouvrit à Gresset les portes de l’Académie ; il était donc à trente-neuf ans, en 1748, au comble, ce semble, de ses vœux et dans la plénitude de sa carrière, lorsque, sans qu’on vît bien pourquoi, il ressentit soudainement une grande lassitude et ne songea plus qu’à se retirer. Comme s’il avait pris à la lettre et tout-à-fait au sérieux son sujet du Méchant, et comme s’il s’était dit qu’il n’y avait pas à demeurer dans un pareil monde, il ne tourna plus désormais de regards qu’en arrière, vers la retraite et vers la vie de province. On le voit en 1749 obtenir des lettres patentes pour faire ériger en académie la Société littéraire d’Amiens ; il s’y disposait un abri commode et un petit sanctuaire à sa convenance. Au commencement de 1751, il se maria dans sa ville natale, et n’en sortit plus qu’en deux ou trois occasions obligées ; il y passa les vingt-six dernières années de sa vie.

A de telles déterminations qui tiennent de si près à la conscience et à la morale intime, il n’y a rien à opposer : l’idée qu’on peut se faire du cœur de Gresset gagne plutôt à le voir ainsi se dérober à ce qui eût tenté la plupart. La gloire dont il venait de goûter à pleine coupe dans l’applaudissement universel lui fut amère ; il parut sentir que c’était un breuvage trop fort pour lui, et il s’en détourna. Des pensées plus douces et plus humbles lui sourirent ; le bonheur domestique lui fit envie. Je ne sais qui disait de la situation de l’Autriche par rapport aux autres états plus remuans : Que voulez-vous ? ce sont des gens qui ont la bêtise d’être heureux. Gresset, à même de choisir, préféra ainsi le bonheur sûr à l’éclat hasardeux ; mais le bonheur trouve son prix en lui même, et il n’est guère intéressant à raconter.

Il ne tiendrait pas à M. de Cayrol que nous ne vissions dans ces années de retraite de Gresset l’époque la plus remplie littérairement et la plus fertile de sa vie. L’honorable biographe s’est tellement appliqué et a si bien réussi à retrouver tous les canevas et projets qui ont pu passer dans l’esprit ou s’ébaucher sous la plume de l’auteur sommeillant et indécis, que nous nous perdons avec lui dans cette multitude d’essais oiseux, de dédicaces sans but et de faciles avortemens. Il ne nous a convaincu pourtant que d’une chose, c’est que Gresset, à peine retiré, baissa aussitôt comme poète. Confiné et, pour tout dire, confit dans les solennités provinciales, dans la coterie littéraire du lieu et dans les admirations bourgeoises, il put encore avoir de bons, d’aimables instans en petit comité entre le digne évêque M. de La Mothe, qui le dirigeait, et MM. de Chauvelin, gens d’esprit, dont l’un était intendant de Picardie ; mais il ne retrouva plus désormais, il ne posséda plus son talent ; il eût été incapable, à sa manière, d’un grand et vivant réveil, comme en eut Racine. En guise dEsther et dAthalie, il couva le Parrain magnifique et le Gazetin, deux pauvretés qu’il regardait comme ses chefs-d’œuvre, et qui sont à Ver-Vert ce que Campistron est à Racine lui-même.

Il est, je l’ai dit et j’y reviens comme à la clé de mon explication, il est des natures poétiques qui vieillissent vite, et Gresset était de celles-là. Il avait eu son beau moment de maturité dans le Méchant, mais ce n’avait été qu’un éclair : à partir de là, son talent devint tout aussitôt vieillot avant l’âge, de même qu’il avait été si agréablement jeunet dans Ver-Vert. Ce qui avait été badinage aimable en sa primeur ne fut plus, en se répétant, que babiole et pure fadaise.

Quand on retrouverait la totalité des manuscrits perdus, quand ce fameux portefeuille de Gresset qu’avait eu entre les mains M. Duméril, et qui s’est égaré on ne sait comment, se rouvrirait aujourd’hui tout entier ; quand on en verrait sortir cette suite du Ver-Vert dont M. de Cayrol porte encore le deuil et dont il a tenté de nous donner en vers la complète restitution, on n’aurait guère à changer d’avis ; on y serait de plus en plus confirmé, je le crains. Gresset vieillissant tournait sans cesse autour du Ver-Vert ; il en avait repris, développé, enjolivé les deux derniers chants ; une partie nouvelle qui s’appelait l’Ouvroir fut par lui récitée à la famille royale dans un voyage qu’il fit à Paris en 1774. Il eut là le plus vif succès de ses vingt-cinq dernières années. Mesdames royales, filles de Louis XV, ne se sentirent pas de joie à la peinture de cet intérieur de nonnes ; c’était la plus vive gaieté qui eût jamais pénétré au sein de cette autre vie cloîtrée et innocemment futile.

À part ce petit succès à huis clos, Gresset ne donna signe de vie durant ces années que pour essuyer de légers échecs qu’un manque de tact devenu trop habituel lui attirait. Chargé en 1754 de recevoir d’Alembert à l’Académie, il trouva moyen, à propos de l’évêque de Vence qu’on remplaçait, de faire une critique des prélats de cour qui ne résidaient pas ; l’occasion était mal choisie, et l’on dit que, lorsqu’il alla ensuite à Versailles pour présenter au roi son discours, Louis XV, qui le crut esprit-fort, lui tourna le dos. Quelques années après, en 1757, ce fut Gresset qui, lors de l’attentat de Damiens, voulut signaler son zèle en demandant au roi, par une épître en vers, qu’il daignât changer le nom de la ville d'Amiens en celui de Louisville. Ce sont là de ces faiblesses telles qu’il en arrive aux gens honnêtes un peu amollis par la vie domestique ; mais on se demande ce qu’est devenu l’homme d’esprit.

On se le demande encore, lorsqu’en 1759 on voit Gresset, sans nécessité, sans prétexte, s’aviser de publier une Lettre sur la Comédie, dans laquelle il déclare à tous son projet de renoncer au théâtre par scrupule de conscience, et d’après la décision qu’il en a reçue de l’évêque d’Amiens : « Je profite de cette occasion, y disait-il, pour rétracter aussi solennellement tout ce que j’ai pu écrire d’un ton peu réfléchi dans les bagatelles rimées dont on a multiplié les éditions, sans que j’aie jamais été dans la confidence d’aucune. » Ces sentimens sont respectables, même dans leur excès ; mais à quoi bon les proclamer ? et que cela donnait beau jeu à Voltaire de s’écrier dans le Pauvre Diable, qui est justement de l’année suivante :

Gresset dévot, long-temps petit badin,
Sanctifié par ses palinodies ;
Il prétendait avec componction
Qu’il avait fait jadis des comédies
Dont à la Vierge il demandait pardon.
- Gresset se trompe, il n’est pas si coupable
Un vers heureux et d’un tour agréable
Ne suffit pas ; il faut de l’action,
De l’intérêt, du comique, une fable,
Des mœurs du temps un portrait véritable,
Pour consommer cette œuvre du démon !


Chez Gresset, sans qu’il s’en rendit compte, la conscience littéraire, par une de ces ruses d’amour-propre qui sont naturelles au cœur humain, se déguisait ici en conscience morale ; elle lui disait tout haut qu’il ne devait plus rien faire, pressentant tout bas qu’il ne le pourrait plus.

Mais l’échec le plus célèbre de Gresset depuis sa retraite fut à l’un de ses retours comme directeur de l’Académie, lorsqu’il reparut en public pour la réception de Suard, en août 1774. Le siècle dans l’intervalle avait changé ; les grandes œuvres philosophiques s’étaient produites, et la mode elle-même tournait au sérieux. Gresset, dans son séjour d’Amiens, s’était extrêmement préoccupé, comme font volontiers les écrivains retirés en province, du néologisme qui s’introduisait en quelques branches du langage : « Il avait été frappé justement, mais beaucoup trop, dit Garat dans sa Vie de Suard, du ridicule d’une vingtaine de mots qui avaient pris leurs origines et leurs étymologies dans les boutiques des marchandes de modes, même dans les boutiques des selliers. » Il en forma comme le tissu de son discours ; toutes ces locutions exagérées dont il s’était gaiement raillé vingt-cinq ans auparavant dans le rôle du jeune Valère Je suis comblé, ravi, je suis au désespoir ; Paris est ravissant, délicieux, il les remit là en cause, il fit d’une façon maussade comme la petite pièce en prose à la suite du Méchant ; et tandis que Suard plaidait avec tact pour la raison, alors dans sa fleur, et pour la philosophie, Gresset souligna pesamment des syllabes, anticipant l’office que nous avons vu depuis tant de fois remplir à feu M. Auger avec un égal désagrément. Le succès en effet répondit à la méthode, et, « dès les premiers mots, c’est encore Garat qui nous le dit, les applaudissemens furent si bruyans, si universels, si continus, que Gresset lui-même ne put se méprendre à leur intention. »

Qu’est-ce donc que cette chose légère qu’on appelle le goût, l’urbanité, qui est si en danger de s’évaporer sitôt que l’on s’éloigne d’un certain centre et qu’on ne respire plus en un certain lieu ? Qu’est-ce que cette mollesse et finesse de l’air que les anciens trouvaient au ciel d’Athènes, que les Latins du temps des Césars croyaient ressentir à Rome (proprium quemdam gustum urbis), que Voltaire recommandait si fort aux poètes trop absens de Paris, et dont lui-même, à ce qu’il semble, il savait se passer si bien ? En combien d’endroits de ses lettres Cicéron se montre préoccupé de ce je ne sais quoi si réel et si indéfinissable, soit que, du fond de la Cilicie, il écrive à un de ses amis plus heureux, qui vit, comme il dit, à la lumière : « Urbem, urbem, mi Rufe, cole et in ista lute vive[5] ; » soit qu’il écrive à cet autre qui se plaignait de lui et qui tout d’un coup, en arrivant à Rome, change de ton : « Il a suffi du seul aspect de la ville pour te rendre ta première urbanité, adspectus videlicet urbis tibi tuam pristinam urbanitatem reddidit[6]. » Comment la vue seule de Paris et de ce monde qu’il avait une fois connu ne fit-elle point à Gresset cet effet-là ? Comment la rouille avait-elle si complètement recouvert ce vif et brillant esprit ? Car enfin, même en se retirant au bout du monde, on emporte des préservatifs avec soi : Voltaire se fit un Paris et un Versailles partout où il alla, et tout en se vantant par coquetterie d’être Suisse et très Suisse. Cet Hamilton que Gresset, dans sa jeunesse, avait beaucoup lu et qu’il prétendait continuer, ne vécut pas toujours, tant s’en faut, à Paris ou à Saint-Germain, et les délicieux Mémoires de Grammont sont donnés comme venant de la plume d’un campagnard, de quelqu’un qui se dit rouillé par une longue interruption de commerce avec la cour. Je sais bien qu’autre chose est l’entière retraite de la campagne, autre chose la ville de province[7], surtout l’académie de l’endroit ; et Gresset, par le genre de vie anodin qu’il adopta, se soumit à la plus redoutable, à la plus assoupissante des épreuves. Malgré tout, on revient toujours à se poser à son sujet cette question délicate, embarrassante : comment se fait-il que, lorsqu’on a eu du goût, on cesse tout d’un coup d’en avoir ? et est-il bien vrai alors qu’on en ait eu réellement auparavant, j’entends du vrai goût, du franc, du meilleur, de celui qui tient à la première nature ?

C’est assez insister sur ces problèmes, un peu humilians au fond pour l’esprit humain et pour le talent. Il ne me reste rien à dire de Gresset, sinon qu’il mourut de mort subite en juin 1777, universellement regretté malgré sa longue éclipse, et pardonné aisément d’un siècle qui avait deux fois reçu de lui un régal excellent. — Pour moi, en tout ceci, à l’occasion du livre de M. de Cayrol, je n’ai guère fait que commenter et développer, en l’adoucissant convenablement, l’opinion qu’avait exprimée Voltaire avec un bon sens malin et intéressé, je l’avoue, mais d’autant mieux aiguisé.


SAINTE-BEUVE.

  1. Deux volumes in 8°, chez Dumoulin, quai des Augustins.
  2. Journal janséniste.
  3. Il paraît qu’il avait reçu de sa mère et de sa sœur une lettre datée de cette heure-là et que de plus il y avait eu une retraite à Amiens.
  4. « Animum sexagesimum excessit, et adhuc scholasticus tantum est ; quo genere hominum nihil aut simplicius, aut sincerius, aut melius. Nos enim qui in foro verisque litibus terimur, multum malitiæ, quamvis nolimus, addiscimus. » (Epist., liv. II, 3.)
  5. Lettres familières, II, 12.
  6. Lettres familières, III, 9.
  7. La ville de province telle qu’elle était autrefois, car, on le sait, il n’y a plus de province aujourd’hui, il n’y en aura plus demain, grace aux chemins de fer ; nous sommes à la veille d’un atticisme universel, à paris comme ailleurs, et c’est ce qui me met à l’aise pour m’expliquer.