Quo vadis/Chapitre XXXIX

La bibliothèque libre.
Quo vadis (s. d. (avant 1936))
Traduction par Ely Halpérine-Kaminski.
Flammarion (p. 264-271).

Chapitre XXXIX



Ursus puisait de l’eau à la citerne et, tandis qu’il tirait les doubles amphores attachées à la corde, il fredonnait une mélodieuse chanson lygienne. Les yeux rayonnants de joie, il contemplait Lygie et Vinicius, tels de blanches statues, parmi les cyprès du jardin de Linus. Nulle brise ne venait agiter leurs vêtements. Une pénombre dorée et violette régnait dans le jardin et, dans le calme du couchant, ils causaient en se tenant par la main.

— N’as-tu rien à craindre de fâcheux, Marcus, pour avoir quitté Antium à l’insu de César ? — demanda Lygie.

— Rien, ma chérie, — répondit Vinicius. — César a annoncé qu’il resterait enfermé pendant deux jours avec Terpnos pour composer de nouveaux chants. Cela lui est arrivé souvent déjà, et alors il oublie tout le reste. D’ailleurs, que m’importe César, puisque je suis auprès de toi et que je te regarde ? Je languissais trop de toi, et pendant ces dernières nuits je n’ai même pu dormir. Parfois, je m’assoupissais de fatigue ; mais je me réveillais aussitôt avec la sensation qu’un danger te menaçait, ou bien je rêvais qu’on m’avait amené les chevaux qui devaient me conduire d’Antium ici et grâce auxquels, en effet, j’ai franchi cette distance avec une vitesse que n’atteindrait jamais aucun courrier de César. Je n’aurais pu vivre plus longtemps sans toi. Je t’aime tant, ma chérie, ma très adorée !

— Je savais que tu viendrais. J’ai envoyé deux fois Ursus aux Carines pour savoir de tes nouvelles. Linus s’est moqué de moi et Ursus aussi.

On pouvait en effet constater qu’elle l’attendait, à ce que, au lieu du vêtement sombre qu’elle portait d’habitude, elle avait mis une stole blanche d’étoffe fine, d’où émergeaient ses épaules ainsi que des primevères de la neige. Quelques anémones roses ornaient ses cheveux.

Vinicius prit la main de la jeune fille et la pressa contre ses lèvres ; ils s’assirent sur un banc de pierre au milieu des aubépines et contemplèrent en silence les derniers rayons du soleil couchant qui se reflétaient dans leurs yeux.

Et peu à peu, ils furent envahis eux aussi par la paix du soir.

— Quel calme et que le monde est beau ! — murmura Vinicius à mi-voix. — Comme la nuit descend douce et magnifique ! Je me sens heureux comme jamais je ne le fus de ma vie ! Dis-moi, Lygie, d’où cela te vient-il ? Jamais je n’aurais cru qu’il pût exister un pareil amour. Où je ne voyais que du feu dans les veines et une passion furieuse, je comprends maintenant qu’on peut aimer avec chaque goutte de son sang, avec chaque souffle, et sentir en même temps un calme immense et doux, comme si l’âme était bercée à la fois par le Sommeil et par la Mort. C’est tout nouveau pour moi. Je regarde ces arbres immobiles, et il me semble que leur calme est descendu en moi. Aujourd’hui seulement je comprends qu’il peut exister un bonheur insoupçonné ; aujourd’hui je comprends pourquoi toi et Pomponia Græcina paraissez si sereines… Oui !… ce bonheur, c’est le Christ qui vous le donne.

Elle lui posa sa tête merveilleuse sur l’épaule :

— Mon Marcus bien-aimé…

Elle ne put en dire davantage. La joie, la reconnaissance, la pensée qu’elle avait maintenant le droit de l’aimer, avaient éteint sa voix et rempli ses yeux de larmes. Vinicius, entourant sa taille svelte, la serra contre lui :

— Lygie, béni soit l’instant où, pour la première fois, j’ai entendu Son nom !

Elle répondit à voix basse :

— Je t’aime, Marcus !

Puis ils gardèrent un instant le silence, trop émus pour parler. Les derniers reflets violacés s’éteignirent sur les cyprès ; le croissant de la lune apparut et argenta les arbres.

Enfin, Vinicius se remit à parler :

— Je sais… À peine étais-je entré, à peine avais-je baisé tes mains chéries que je lus dans tes yeux cette question : « Es-tu pénétré de la doctrine divine que je confesse, es-tu baptisé ? » Non, je ne suis pas encore baptisé, mais en voici la raison, ô ma fleur ! Paul m’a dit : « Je t’ai convaincu que Dieu était venu sur terre et s’était laissé crucifier pour notre salut ; mais c’est Pierre qui le premier a étendu la main sur toi et t’a béni. Que ce soit donc lui qui te purifie à la source de grâce. » En outre, je veux que toi, ma chérie, tu assistes à mon baptême et que Pomponia m’y tienne lieu de mère. Voilà pourquoi je ne suis pas encore baptisé, bien que je croie en Notre Sauveur et en Sa douce doctrine. Paul m’a convaincu, m’a converti, et comment pourrait-il en être autrement ? Comment ne pas croire que le Christ est venu sur la terre, quand Pierre le dit, lui son disciple, et Paul, à qui Il est apparu ? Comment ne croirais-je pas qu’Il était Dieu, puisqu’Il est ressuscité d’entre les morts ? On L’a vu par la ville, et sur le lac, et dans la montagne ; et ceux qui L’ont vu sont des hommes dont les lèvres ignorent le mensonge. Et j’ai cru à toutes ces choses du jour où j’ai entendu Pierre à l’Ostrianum ; car alors déjà, je me disais : Tout autre homme pourrait mentir, excepté lui, qui affirme : « J’ai vu ! » Mais votre doctrine me faisait peur. Il me semblait qu’elle t’arrachait à moi, qu’il n’y avait en elle ni sagesse, ni beauté, ni bonheur. À présent que je la connais, quel homme serais-je si je ne désirais voir régner sur la terre la vérité et non le mensonge, l’amour et non la haine, la bonté et non le crime, la fidélité et non la trahison, la charité et non la vengeance ? Qui d’ailleurs ne désirerait pas aussi cela passionnément ? Et c’est là ce que veut votre doctrine. D’autres réclament aussi la justice, mais votre doctrine est seule à rendre juste le cœur humain. Elle le rend pur comme le tien et celui de Pomponia, elle le rend fidèle comme le tien et celui de Pomponia. Je serais aveugle de ne pas le voir. Et si le Christ-Dieu a promis en outre une vie éternelle et un bonheur infini, que ne peut accorder à l’homme la puissance divine, que peut-il désirer de plus ? Si je demandais à Sénèque pourquoi il recommande la vertu, quand la perversité donne plus de plaisir, il ne trouverait rien à me répondre de raisonnable. Et moi, je sais maintenant pourquoi je dois être vertueux. C’est parce que l’amour et la bonté découlent du Christ et que, lorsque la mort m’aura fermé les yeux, je retrouverai la vie, je retrouverai le bonheur, je me retrouverai moi-même et je te retrouverai, toi, ma bien-aimée… Comment n’aimerais-je pas et n’accepterais-je pas cette doctrine qui, en même temps, enseigne la vérité et détruit la mort ? Qui ne préférerait le bien au mal ? Je croyais votre doctrine opposée au bonheur, et Paul m’a fait comprendre que non seulement elle ne nous l’enlève pas, mais encore qu’elle le multiplie. Mon cerveau a peine à le comprendre, mais je sais que c’est la vérité, car jamais je n’ai été aussi heureux et jamais je ne l’aurais été autant, quand bien même je t’aurais prise de force et gardée dans ma maison. Tu viens de me dire : « Je t’aime ! » Or, je n’aurais pu t’arracher ces paroles, même avec l’aide de toute la puissance romaine, ô Lygie ! La raison dit que cette doctrine est divine, et le cœur sent qu’elle est la meilleure ! Qui donc résisterait à ces deux forces ?

Lygie écoutait Vinicius et le regardait, de ses yeux bleus semblables, sous les rayons de la lune, à des fleurs mystiques et, de même que des fleurs, humides de rosée.

— Oui, Marcus ! C’est vrai ! — murmura-t-elle, en appuyant plus fort sa tête contre l’épaule de Vinicius.

En ce moment, tous deux goûtaient un bonheur immense, car ils se sentaient liés par une force autre encore que l’amour, une force à la fois douce et invincible qui rend l’amour même indestructible et invariable, plus fort que les désillusions, la trahison, et même que la mort. Ils étaient certains que, quoi qu’il advînt, ils ne cesseraient jamais de s’aimer ou de s’appartenir. Vinicius sentait aussi que cet amour n’était pas seulement pur et profond, mais encore inouï. Il était à la fois inspiré et par Lygie, et par la doctrine du Christ, et par la clarté lunaire, qui baignait doucement les cyprès, et par cette nuit délicieuse, — si bien que tout l’univers lui semblait plein de cet amour.

Et il parla d’une voix douce et émue :

— Tu seras l’âme de mon âme et tu seras mon bien le plus précieux. Nos cœurs battront à l’unisson, notre prière sera la même, la même notre reconnaissance envers le Christ. Ô ma bien-aimée, vivre ensemble, adorer ensemble le doux Seigneur et savoir qu’après la mort nos yeux s’ouvriront encore, ainsi qu’après un rêve heureux, à une nouvelle lumière ! Que souhaiter de plus ?… Et je m’étonne seulement de ne pas l’avoir compris plus tôt. Sais-tu ce que je pense aujourd’hui ? C’est que personne ne résistera à cette doctrine. Dans deux ou trois cents ans, elle sera acceptée de l’univers entier. Les hommes oublieront Jupiter, oublieront les autres dieux, et le Christ seul subsistera, et il n’y aura que des temples chrétiens. Qui donc repousserait son propre bonheur ? Ah ! oui, j’ai assisté à un entretien de Paul avec Pétrone, et sais-tu ce que ce dernier a fini par dire ? Il a répondu : « Tout cela n’est pas pour moi. » Et il n’a pas trouvé d’autre réponse.

— Répète-moi les paroles de Paul, — demanda Lygie.

— C’était chez moi, un soir. Pétrone se mit à parler avec négligence et en plaisantant, comme il en a l’habitude, et alors Paul lui dit : « Comment, toi, sage Pétrone, peux-tu nier l’existence du Christ et sa résurrection d’entre les morts, puisque tu n’étais pas né alors et que Pierre et Jean l’ont vu, et que moi je l’ai rencontré sur le chemin de Damas ? Que ta sagesse nous démontre donc que nous sommes des menteurs, et seulement alors tu contesteras notre témoignage. » Pétrone répondit qu’il ne songeait pas à la contester, car, il le savait, bien des choses incompréhensibles s’accomplissent, qui cependant sont attestées par des hommes dignes de foi. « Mais, — ajouta-t-il, — la révélation de quelque dieu étranger est une chose, et reconnaître sa doctrine en est une autre. Je ne veux rien connaître, — fit-il, — de ce qui pourrait gâter ma vie et en détruire la beauté. Il ne s’agit pas de savoir si nos dieux sont véritables, mais qu’ils sont beaux, et que, grâce à eux, nous pouvons vivre gaiement et sans soucis. » Alors, Paul lui répondit : « Tu repousses la doctrine d’amour, de justice et de miséricorde, par crainte des soucis de la vie ; mais, songes-y, Pétrone : votre existence est-elle réellement exempte de soucis ? Toi, seigneur, de même que le plus riche, le plus puissant, tous vous ignorez, en vous endormant le soir, si vous ne serez pas réveillés par un arrêt de mort. Dis-moi : si César professait une doctrine qui enseigne l’amour et la justice, ton bonheur n’en serait-il pas plus certain ? Tu crains pour tes joies ; mais alors l’existence ne serait-elle pas plus joyeuse ? Quant aux plaisirs de la vie et de l’art, et étant donné que vous avez édifié tant de temples et de magnifiques statues en l’honneur de divinités méchantes, vengeresses, perverties et changeantes, que ne feriez-vous pas en l’honneur du Dieu unique d’amour et de vérité ? Tu es satisfait de ton sort parce que tu es puissant et riche ; mais tu aurais pu être pauvre et abandonné, et alors mieux vaudrait pour toi que les hommes reconnussent le Christ. Dans votre ville, on voit des parents, même fortunés, exiler les enfants du foyer pour s’éviter la peine de les élever. On appelle ces enfants des alumnæ, et toi, seigneur, tu aurais pu être alumna. Cela ne pouvait t’arriver si tes parents vivaient suivant notre doctrine. Si, parvenu à l’âge viril, tu eusses épousé la femme que tu aimais, tu eusses voulu qu’elle te restât fidèle jusqu’à la mort. Or, vois ce qui se passe chez vous : que de hontes, que d’opprobres, que de mépris pour la fidélité conjugale ! Vous vous étonnez vous-mêmes de rencontrer une de ces femmes que vous appelez univira. Et moi, je te dis que celles qui porteront le Christ dans leur cœur ne violeront point la promesse de fidélité à leur mari, de même que les maris chrétiens demeureront fidèles à leur femme. Mais vous n’êtes sûrs ni de vos maîtres, ni de vos pères, ni de vos femmes, ni de vos enfants, ni de vos serviteurs. L’univers tremble devant vous et vous tremblez devant vos esclaves, car vous savez qu’à tout instant ils peuvent se venger de votre joug d’une façon terrible, comme ils l’ont fait déjà plus d’une fois. Tu es riche, et tu ignores si demain on ne t’ordonnera pas de restituer tes richesses ; tu es jeune, et peut-être que demain il te faudra mourir ; tu aimes, mais la trahison te guette ; tu tiens à tes villas et à tes statues, et demain tu pourrais être exilé à Pendataria ; tu as des milliers d’esclaves : demain ils pourraient t’égorger. S’il en est ainsi, comment pouvez-vous être tranquilles, heureux, et vivre dans la joie ? Et moi, je prêche l’amour, j’enseigne la doctrine qui ordonne aux supérieurs d’aimer leurs inférieurs, aux maîtres d’aimer leurs esclaves, aux esclaves de servir par affection ; cette doctrine répand la justice et la miséricorde, et enfin, elle promet le bonheur, vaste comme la mer. Alors, comment, toi, Pétrone, peux-tu dire qu’elle gâte la vie, puisqu’elle la redresse, et que toi-même tu serais cent fois plus heureux et plus tranquille si elle s’étendait sur l’univers, comme s’y est étendue votre puissance romaine ? »

Ainsi parlait Paul, et Pétrone de répondre : « Tout cela n’est pas pour moi. » Et, feignant d’avoir sommeil, il sortit, non sans toutefois ajouter : « Je préfère mon Eunice à ta doctrine, Hébreu, mais cependant je ne voudrais pas discuter avec toi en public. » Pour moi, j’écoutais Paul de Tarse de toute mon âme, surtout quand il parlait de nos épouses, et je glorifiais de tout mon cœur la doctrine dont tu es née, comme le printemps fait naître les lis. Et je songeais : Voici Poppée qui a abandonné deux maris pour Néron, voici Calvia, Crispinilla, Nigidia, presque toutes celles que je connais, sauf Pomponia, qui trafiquent de leur fidélité et de leurs devoirs. Une seule, mon unique Lygie, ne me quittera pas, ne me trahira pas, ne laissera pas s’éteindre mon foyer, quand même tous mes espoirs me trahiraient et me tromperaient. Je te disais du fond de mon âme : Comment te prouver ma reconnaissance autrement que par l’amour et par le respect ? Sentais-tu que là-bas, à Antium, je m’entretenais avec toi toujours, sans trêve, comme si tu avais été près de moi ? Je t’aime cent fois plus parce que tu m’as fui dans le palais de César. Je n’en veux pas non plus, de ses palais, de son luxe, de ses chants. Je ne veux que toi ! Dis un mot, et nous quittons Rome pour aller nous fixer quelque part, au loin.

Et elle, tenant toujours sa tête sur l’épaule de son fiancé, releva ses yeux rêveurs vers la cime argentée des cyprès et répondit :

— Bien, Marcus. Dans ta lettre, tu m’as parlé de la Sicile. C’est là que les Aulus iront aussi pour y couler leurs vieux jours…

Vinicius l’interrompit avec joie :

— Oui, mon aimée. Nos terres sont voisines. C’est là un merveilleux rivage où le climat est plus doux encore, les nuits plus sereines et plus parfumées qu’à Rome… Là-bas, la vie et le bonheur ne font qu’un.

Il se mit à rêver à l’avenir.

— Là-bas, on peut oublier tous les soucis. Nous nous promènerons dans les bois d’oliviers et nous nous reposerons à leur ombre, ô ma Lygie ! Quelle vie ce sera pour nous de nous sentir apaisés, de nous aimer, de contempler le ciel et la mer, de vénérer un Dieu de miséricorde, de faire du bien autour de nous et de distribuer la justice, et tout cela dans un calme profond !

Devant cette perspective de l’avenir, ils se turent. De plus en plus, Vinicius serrait contre lui Lygie, de sa main où brillait, à la clarté de la lune, son anneau de chevalier. Dans le quartier, habité par une pauvre population de travailleurs, tout dormait et aucun bruit ne venait troubler le silence.

— Tu me permettras de voir Pomponia ? — demanda Lygie.

— Oui, carissima, nous les inviterons à venir dans notre maison, ou bien nous irons chez eux. Veux-tu que nous prenions avec nous l’apôtre Pierre ? Il est accablé par l’âge et les fatigues. Paul aussi viendra nous voir. Il convertira Aulus Plautius, et comme les soldats fondent des colonies dans les régions lointaines, nous fonderons, nous, une colonie chrétienne.

Lygie prit la main de Vinicius et voulut la porter à ses lèvres. Mais lui, tout bas, comme s’il eût craint de voir s’envoler son bonheur :

— Non, Lygie, non. C’est à moi de te respecter et de te vénérer. Donne-moi ta main.

— Je t’aime, — murmura Lygie.

Il tint longtemps ses lèvres sur la main blanche comme le jasmin. Un moment, ils n’entendirent plus que le battement de leur cœur. Nulle brise ; et les cyprès se taisaient, comme si eux aussi avaient retenu leur souffle…

Mais soudain, ce silence fut rompu par un grondement inattendu qui semblait sortir de terre. Un frisson courut dans tout le corps de Lygie. Vinicius se leva et dit :

— Ce sont les lions qui rugissent dans les vivaria…

Ils prêtèrent l’oreille. Au premier grondement répondit un second, un troisième, un dixième… de tous côtés. Parfois, il y avait en ville plusieurs milliers de lions parqués dans les différentes arènes et, la nuit, ils venaient souvent appliquer aux grilles leurs têtes velues et exhaler leur nostalgie du désert et de la liberté ; et les voix, se répliquant dans la nuit silencieuse, emplissaient la ville de mugissements. Il y avait là quelque chose d’inattendu et de mélancolique, et, à ces grondements, Lygie sentait s’évanouir ses doux rêves d’avenir. Elle les écoutait, le cœur angoissé d’une inquiétude singulière.

Vinicius l’entoura de ses bras :

— Ne crains rien, ma bien-aimée. C’est parce que les jeux du cirque sont proches que tous les vivaria sont pleins.

Et ils rentrèrent dans la petite maison de Linus, accompagnés par les rugissements redoublés des lions.