Râmâyana (trad. Roussel)/Bâlakânda/XIV

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Traduction par Alfred Roussel.
(1p. 41-45).

SARGA XIV


DESCRIPTION DE L’AÇVAMEDHA


1. L’année écoulée, le cheval étant de retour, le sacrifice royal s’accomplit sur la rive septentrionale de la Sarayû.

2. Rĭshyaçrĭñga à leur tête, les excellents Deux-fois-nés procédèrent au grand sacrifice de l’Açvamedha, offert par le souverain magnanime.

3. Les officiants, parvenus au terme de la science védique, accomplirent l’œuvre suivant les lois et les règles ; ils procédèrent selon les Çâstras.

4. Après l’offrande préalable (de Soma) et de beurre clarifié, conformément aux Çâstras, les Deux-fois-nés firent toutes les autres cérémonies, suivant les règles et les Çâstras.

5. Tous ces taureaux des ascètes, honorant (les Dieux), accomplirent joyeux et d’après les règles, tous les rites, à commencer par le pressurage du matin.

6. La part d’Indra lui fut réservée, suivant la loi ; l’irréprochable roi (Soma) fut pressuré ; le pressurage du milieu du jour eut lieu conformément à la rubrique.

7. Le troisième pressurage du roi (Soma) au grand cœur fut accompli, selon les Çâstras, par les vigilants et éminents Brahmanes.

8. Alors, Çakra et les autres Dieux supérieurs furent invoqués par Rĭshyaçrĭñga et ses collègues, à l’aide de Mantras empruntés aux Çikshâs.

9. Les Hotars (à leur tour), après les avoir invoqués par des chants suaves et des Mantras pleins d’onction, distribuèrent aux habitants du ciel leurs parts d’offrandes, chacun selon son rang.

10. Aucune invocation ne fut omise ; on ne remarqua nulle interruption ; toutes les prières furent récitées sans trouble.

11. Dans ces jours, on ne ressentit ni fatigue ni faim ; on n’aperçut aucun Brahmane ignorant, nul qui n’eût une suite de cent personnes.

12. Les Brahmanes mangèrent sans cesse, comme aussi ceux qui vivaient sous l’autorité d’un maître ; de même qu’ascètes et moines, mendiants,

13. Vieillards, infirmes, femmes, enfants aussi ; on mangeait toujours, sans jamais se rassasier.

14. « Donnez, donnez de la nourriture et des vêtements », et de se hâter et de multiplier (les distributions).

15. On voyait de nombreux tas de riz, hauts comme des montagnes. À ce sacrifice, offert par le saint (monarque), suivant les règles,

16. Des hommes accouraient chaque jour de tout côté, ainsi que des troupes de femmes ; on les pourvoyait abondamment de nourriture et de boisson.

17. Les taureaux des Deux-fois-nés vantaient cette nourriture hygiénique et succulente : « Ah ! nous sommes repus, bonheur à toi. » Telles étaient les paroles qu’entendait le fils de Raghu.

18. Des gens superbement vêtus se mettaient à la disposition des Brahmanes, qui étaient encore servis par d’autres personnages, portant des boucles d’oreilles ornées de brillants joyaux.

19. Dans l’intervalle des cérémonies, un grand nombre de discussions doctrinales s’engagèrent entre ascètes, éloquents et sages, désireux de se vaincre les uns les autres.

20. Chaque jour, sur le gazon (sacré), d’habiles Deux-fois-nés accomplissaient toutes les prescriptions liturgiques, avec ponctualité et empressement.

21. Il n’y avait point, parmi les assistants, de Brahmane qui ne connût les six Angas, qui ne fût fidèle à remplir ses vœux, ou qui ne fût très instruit. (Près) du roi, point de Deux-fois-né vicieux.

22. Lorsque l’on procéda à l’érection des poteaux (du sacrifice), on choisit six Bilvas, autant de Khâdiras, pour accompagner les Bilvas, ainsi que (six) Parnins.

23. Un (poteau) en bois de Çleshmâtaka, et deux de l’arbre des Dévas, furent (aussi) plantés sur le lieu (du sacrifice). Il fallait étendre les bras pour embrasser ces (derniers).

24. Tous furent préparés par (des Brahmanes) versés dans les Çâstras et la science des sacrifices. Afin de rehausser l’éclat de la cérémonie, on les revêtit d’or.

25. Les vingt et un poteaux avaient vingt et une coudées (de long) et ils furent décorés chacun de vingt et un ornements.

26. Tous avaient été travaillés par (d’habiles) sculpteurs ; ils étaient bien ouvragés et solides. Ils avaient huit arêtes chacun et leur surface était très lisse.

27. Couverts ainsi d’ornements, parés de fleurs et de parfums, ils étincelaient comme (la constellation des) sept Rĭshis dont le ciel est illuminé.

28. Des briques, suivant les règles, furent préparées en quantité ; puis d’habiles Brahmanes cachèrent le feu dans le (bûcher) dressé par les charpentiers.

29. Avec le feu caché par les sages Deux-fois-nés (au service) du lion des rois (était) un Garuda aux ailes d’or, triple, composé de dix-huit parties.

30. Les victimes furent liées là. Après avoir invité chaque divinité, l’on convoque les serpents et les oiseaux, conformément aux Çâstras.

31. Puis dans le Çâmitra les Rĭshis (placèrent) le cheval et aussi les animaux aquatiques. Ils accomplirent tous les rites conformément aux Çâstras.

32. Trois cents victimes furent attachées aux poteaux, ainsi que le joyau le plus précieux (des écuries) du roi Daçaratha.

33. Kausalyâ, tournant alors tout autour de ce cheval, le dépeça à l’aide de trois épées avec une vive allégresse.

34. Kausalyâ, dans son amour du devoir, passa une nuit avec le cheval, ferme dans sa résolution.

35. Le Hotar, l’Adhvaryu et l’Udgâtar attachèrent au cheval, avec la Mahishî et la Parivrĭtti, l’autre femme, la Vâvâtâ.

36. Le roi, dont les sens étaient refrénés, ayant enlevé la graisse du cheval, et étant aidé des éminents Rĭtvijs, la mit à cuire suivant les Çâstras.

37. L’odeur dégagée par la graisse fumante, le prince la huma le temps prescrit, conformément aux règles, détruisant ainsi ses péchés.

38. Les membres du cheval furent tous jetés dans le feu, selon les rites, par les Brahmanes réunis au nombre de seize Rĭtvijs.

39. Les libations des autres sacrifices furent faites sur des branches de Plaksha ; une portion du sacrifice de l’Açvamedha fut déposée sur du jonc tressé.

40. Les trois jours de l’Açvamedha furent désignés par les Brahmanes, d’après le Kalpasûtra. Le premier jour fut le Catuhstoma.

41. Le second l’Ukthya et le dernier compta pour l’Atirâtra. De très nombreuses (cérémonies) furent accomplies d’après les Çâstras.

42. Ce furent le Jyotishtoma et l’Ayuh(shtoma) ; deux Atirâtras, l’Abhijit et le Viçvajit, deux Aptoryâmas ; c’est le grand sacrifice.

43. Le roi, l’accroissement de sa race, donna la région de l’est au Hotar, l’ouest à l’Atdhvaryu, le sud au Brahman.

44. L’Udgâtar eut le nord. Cette Dakshinâ fut déterminée pour le grand sacrifice de l’Açvamedha, établi autrefois par Svayambhû.

45. Ayant procédé au sacrifice, suivant les rites, le roi, taureau des hommes et accroissement de sa race, distribua ainsi la terre aux prêtres officiants, aux Rĭtvijs.

46. Cela fait, grande fut la joie du fortuné rejeton d’Ikshvâku. Alors tous les Rĭtvijs dirent au roi dont les fautes étaient effacées :

47. Tu es seul digne de gouverner la terre entière. Nous n’avons que faire d’elle, nous ne pourrions la protéger.

48. Nous nous contentons de l’étude perpétuelle (des Védas) ; ô monarque, donne (nous) un salaire quelconque.

49. Pierres précieuses, joyaux, or, vaches, ou toute autre chose, donne-nous-la, ô roi, mais non la possession de la terre.

50. Les Brahmanes, instruits à fond dans la science des Védas, lui ayant ainsi parlé, le roi leur donna dix fois cent mille vaches,

51. Dix Kotis d’or, quatre fois autant d’argent. Les Rĭtvijs assemblés se partagèrent ces richesses.

52. Les excellents Deux-fois-nés, ayant fait les parts légalement, en informèrent le Muni Rĭshyaçrĭñga et le sage Vasishtha,

53. Tous, le cœur joyeux, pleins d’allégresse. Alors, dans l’attitude d’un profond recueillement, (Daçaratha distribue) de l’or aux Prasarpakas.

54. Il donna une Koti d’or Jâmbûnada aux (autres) Brahmanes et un bracelet très précieux à un Deux-fois-né mendiant.

55. Voilà ce qu’à chaque solliciteur fournit le rejeton des Râghavas. Les Deux-fois-nés étant satisfaits, l’ami des Deux-fois-nés,

56. (Daçaratha) s’inclina devant eux, les sens troublés par la joie. Les Brahmanes comblèrent de bénédictions

57. Ce noble prince, prosterné à terre. Le roi (eut) l’âme joyeuse, après avoir offert le meilleur des sacrifices,

58. Qui efface les péchés, conduit au ciel, qui est difficilement accessible aux taureaux des rois (eux-mêmes). Le roi Daçaratha dit alors à Rĭshyaçrĭñga :

59. Tu dois maintenant accroître (ma) race, ô toi qui es fidèle à tes vœux. Certainement, répondit cet éminent Deux-fois-né. Il ajouta : Ô roi, il te naîtra quatre fils d’élite, qui perpétueront ta race.

60. À cette parole, douce à entendre (de l’ascète), le saint roi se prosternant devant lui ressentit la plus vive allégresse. Le (prince) magnanime s’entretint de nouveau avec Rĭshyaçrĭñga.


Tel est, dans le vénérable Râmâyana,

Le premier des poèmes, œuvre de Vâlmîki, le Rĭshi,

Le quatorzième Sarga du Bâlakânda.