Rapport de 1990 sur les rectifications orthographiques/4

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6 décembre 1990 Documents administratifs 4.
confiée au Conseil supérieur. Ce rapport a été présenté par le Délégué général au groupe de travail, élargi à tous les membres du Conseil qui le désiraient, et les termes en ont été discutés et amendés au cours de plusieurs réunions.
Comme vous l’aviez précisé, et comme il allait de soi, l’Académie française a été consultée. M. Cerquiglini, au cours de deux auditions, a présenté les propositions à la Commission du dictionnaire, laquelle en a débattu dans le détail et avec le plus grand soin.
À la suite de quoi, j’ai présenté moi-même à l’Académie, dans sa séance du 3 mai 1990, le rapport de sa Commission. L’Académie a constaté que les ajustements proposés étaient dans la droite ligne de ceux qu’elle avait pratiqués dans le passé, notamment en 1740, où la graphie d’un mot sur quatre était changée, en 1835, où elle a décidé de la modification que j’ai évoquée tout à l’heure, en 1878, dans la septième édition du dictionnaire, et encore en 1935, dans la huitième édition. Mais elle n’avait pas, en ces circonstances, l’aide d’un comité d’experts hautement qualifiés, ni non plus le secours de l’informatique.
Elle a apprécié les intentions qui avaient inspiré les travaux du Conseil : rectifier les incohérences anciennes, faciliter la maîtrise orthographique des mots à créer, faciliter l’enseignement de l’orthographe, affermir la place de la langue dans le monde. Elle a noté avec satisfaction que les deux graphies des mots modifiés resteraient admises jusqu’à ce que la nouvelle soit entrée dans l’usage. Et elle a considéré que cet ajustement mesuré serait de nature à ramener l’attention du public sur l’orthographe.
Pour ces motifs, et à quelques réserves près, minimes, que le Conseil supérieur a bien voulu prendre en compte, l’Académie, à l’unanimité, a approuvé les propositions du Conseil. Et elle est disposée à les mettre en application dès la publication du 6e fascicule de son dictionnaire, l’an prochain. Enfin, elle a émis un vœu dont je vous ferai part en conclusion de cet exposé.
D’autre part, le Conseil de la langue française du Québec et celui de la Communauté française de Belgique ont été tenus informés des travaux auxquels certains de leurs membres ont participé, et ils ont donné des avis positifs, nous assurant donc que ces autorités francophones accueillent favorablement nos propositions.
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Monsieur le Premier ministre, je vais maintenant présenter la teneur des rectifications qui devraient, selon l’avis du Conseil supérieur, approuvé par l’Académie, être apportées à l’orthographe du français.
Chaque fois que cela a été possible, nous nous sommes efforcés d’énoncer une règle qui rende compréhensibles ces rectifications et facilite leur enseignement et leur usage.
Celles qui peuvent être rattachées à une règle, de même que quelques listes closes de vocables, pourront être rapidement appliquées.
Les autres prennent la forme de recommandations adressées spécifiquement aux auteurs de dictionnaires et aux créateurs de termes nouveaux ; elle [1] visent à orienter de façon plus harmonieuse le développement de la langue écrite et sa codification dans les dictionnaires.
Vous nous aviez invités à examiner comment l’usage du trait d’union dans les mots composés pouvait être rendu plus régulier. Les règles fondamentales qui régissent l’utilisation de ce signe sont réaffirmées.
Le procédé de l’agglutination, ou soudure, dans les mots composés devrait connaître un renouveau d’extension, d’ailleurs conforme à la tradition de l’Académie française. On conservera toutefois le trait d’union quand la soudure risquerait de susciter des prononciations défectueuses, et généralement quand la dernière lettre du premier composant et la première lettre du second sont des voyelles qui pourraient former diphtongue. Exemple : extra-utérin.
Cette mesure concerne en particulier :
– des noms fortement ancrés dans l’usage, formés ou non d’un élément verbal suivi d’un élément nominal, tels que : croquemitaine, portemine, piquenique ou encore : quotepart, terreplein ;
– des noms formés avec les éléments prépositifs contre, entre : on écrira à contrecourant (comme à contresens), s’entraimer (comme s’entraider) ;
– des mots formés au moyen de préfixes latins : extra, intra ultra [2], infra, supra. On écrira extraconjugal (comme extraordinaire) ;
– des mots formés à partir d’onomatopées ou similaires : blabla, tamtam, etc. ;
– des mots composés d’origine latine ou étrangère, bien implantés dans l’usage et n’ayant pas valeur de citation : cowboy, weekend, statuquo, vademecum ;
– les nombreux mots composés sur thèmes « savants » (en particulier en o-), déjà très souvent écrits sans trait d’union, et dans lesquels on privilégiera à l’avenir les graphies du type : autovaccin, cirrocumulus, électroménager, etc.
L’usage du trait d’union sera étendu aux numéraux formant un nombre complexe, en deçà et au-delà de cent. Exemple : on reliera par un trait d’union les composants de cent-deux et ceux de cent-soixante-douze, etc.
Vous nous aviez demandé de réfléchir également sur le pluriel des noms composés. En fait, c’est à la fois le singulier et le pluriel qui doivent être régularisés.
On propose donc pour le singulier et le pluriel des noms formés de verbe + nom et de préposition + nom une seule règle : ces noms seront traités comme des substantifs ordinaires et prendront la marque finale du pluriel seulement quand ils seront eux-mêmes au pluriel. On écrira par exemple : un pèse-lettre (sans s), des pèselettres (avec s) ; un après-midi (sans s), des après-midis (avec s). Il y aura cependant exception pour les mots comme des prie-Dieu (le second composant étant un nom propre), des trompe-l’œil (le second composant comportant un article au singulier).
Nous avons également précisé que les mots d’origine étrangère formeraient leur pluriel selon la règles [3] du français. On écrira tout simplement des matchs, des solos.
Vous avez ensuite confié au Conseil la tâche d’améliorer l’usage de l’accent circonflexe, source de nombreuses difficultés.
Après avoir examiné cette question avec la plus grande rigueur et en même temps la plus grande prudence, il est apparu au Conseil supérieur qu’il convenait de conserver l’accent circonflexe sur la lettre a, e et o, mais qu’il ne serait plus obligatoire sur les lettres i et u, sauf dans les quelques cas où il est utile : la terminaison verbale du passé simple et du subjonctif

  1. Note du Wiki-éditeur : le texte original contient une coquille oubliée « elle » au lieu de « elles ».
  2. Note du Wiki-éditeur : une virgule a été oubliée entre les préfixes « intra » et « ultra ».
  3. Note du Wiki-éditeur : le texte original contient une coquille oubliée « la règles » au lieu de « la règle » ou « les règles ».