Shiji/I

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Chapitre I
Annales des origines I
Les cinq empereurs
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史記卷一
Mémoires historiques – Chapitre I
本紀第一 五帝
Annales des origines I – Les cinq empereurs101

Huangdi

黃帝者,少典之子,姓公孫,名曰軒轅。生而神靈,弱而能言,幼而徇齊,長而敦敏,成而聰明。軒轅之時,神農氏世衰。諸侯相侵伐,暴虐百姓,而神農氏弗能征。於是軒轅乃慣用干戈,以征不享,諸侯咸來賓從。而蚩尤最為暴,莫能伐。炎帝欲侵陵諸侯,諸侯咸歸軒轅。軒轅乃修德振兵,治五氣,五種,撫萬民,度四方,教熊羆貔貅貙虎,以與炎帝戰於阪泉之野。三戰,然後得其志。蚩尤作亂,不用帝命。於是黃帝乃徵師諸侯,與蚩尤戰於涿鹿之野,遂禽殺蚩尤。而諸侯咸尊軒轅為天子,代神農氏,是為黃帝。天下有不順者,黃帝從而征之,平者去之,披山通道,未嘗甯居。

[ 102 Huangdi 103 (黄帝) était fils de Shaodian 104 (少典)]. Son nom de famille était Gongsun 105 (公孫) ; son nom personnel [était Xianyuan 106 (軒轅). Dès sa naissance il eut une puissance surnaturelle ; dès sa tendre enfance107 il sut parler ; dès sa jeunesse, sa vertu s’exerça partout avec promptitude ; adolescent, il fut bon et perspicace ; homme fait108, il eut une intelligence ouverte.]

Au temps de Xianyuan, les descendants de Shennong 109 (神農) s’étaient pervertis ; les seigneurs se prenaient des territoires les uns aux autres et se battaient ; ils opprimaient les cent familles. Or Shennong ne pouvait les réduire110. Alors Xianyuan s’exerça au maniement du bouclier et de la lance afin de soumettre ceux qui ne rendaient pas hommage à la cour ; les seigneurs vinrent tous avec respect et obéissance. Cependant Chiyou 111 (蚩尤) était le plus terrible et restait invincible.

Yandi (炎帝) voulut empiéter sur les droits des seigneurs ; les seigneurs se réfugièrent tous auprès de Xianyuan. Xianyuan alors fit appel à toute son énergie et leva des soldats ; [ 112 il se rendit maître des cinq influences113 ; il mit en terre les cinq semences114 ; il fit du bien aux dix mille tribus et gouverna les quatre côtés. Il dressa des ours, des léopards, des panthères, des lynx et des tigres115 et il s’en servit lors de la bataille qu’il livra à Yandi 116 dans la campagne de Banquan 117 (阪泉). Il soutint trois combats et finit par avoir gain de cause.]

Chiyou fit des troubles ; il n’obéit pas aux ordres impériaux. Alors Huangdi appela aux armes les seigneurs et livra bataille à Chiyou dans la campagne de Zhuolu 118 (涿鹿). Il s’empara donc de Chiyou et le mit à mort.

Puis les seigneurs élevèrent tous Xianyuan au rang de Fils du ciel ; il remplaça Shennong ; ce fut Huangdi.

Ceux qui dans le monde ne se soumirent pas à lui, Huangdi les poursuivit et les dompta ; ceux qui se tinrent calmes, il les laissa aller. Il fit des percées dans les montagnes ; il ouvrit des routes. Il n’avait pas un moment pour se reposer en paix.

東至於海,登丸山,及岱宗。西至於空桐,登雞頭。南至於江,登熊、湘。北逐葷粥,合符釜山,而邑于涿鹿之阿。遷徙往來無常處,以師兵為營衛。官名皆以雲命,為雲師。置左右大監,監于萬國。萬國和,而鬼神山川封禪與為多焉。獲寶鼎,迎日推筴。舉風後、力牧、常先、大鴻以治民。順天地之紀,幽明之占,死生之說,存亡之難。時播百穀草木,淳化鳥獸蟲蛾,旁羅日月星辰水波土石金玉,勞勤心力耳目,節用水火材物。有土德之瑞,故號黃帝。

À l’est, il alla jusqu’à la mer ; il monta sur la montagne Wan 119 (丸山) et sur le Daizong 120 (岱宗). À l’ouest, il alla jusqu’au mont Kongtong 121 (空桐) et monta sur le Jitou (雞頭)122. Au sud, il alla jusqu’au Jiang ()123 et gravit les monts Xiong () et Xiang (). Au nord, il repoussa les Xunyu 124 (葷粥). Il vérifia les insignes sur la montagne Fu 125 (釜山). Puis il s’établit au pied du Zhuolu 126. Il se déplaçait çà et là et n’avait pas de résidence fixe127 ; ses soldats formaient un campement pour le protéger.

Quant aux noms de fonctions, il se servit des nuées et appela nuées ses officiers128. Il institua les grands surintendants de gauche et de droite pour surveiller les dix mille tribus. Les dix mille tribus vécurent en paix. Puis les (sacrifices aux) génies et aux dieux, aux montagnes et aux fleuves, et les cérémonies feng et shan furent multipliés par lui. Il entra en possession du trépied précieux ; il compta d’avance les jours en faisant des supputations au moyen de l’achillée129.

Il leva en dignité Feng Hou (風後), Li Mu (力牧), Chang Xian (常先) et Da Hong (大鴻) et les chargea de gouverner le peuple130.

[ 131 Il se conforma aux nombres du ciel et de la terre, aux explications de la vie et de la mort, aux raisons subtiles du calme et du trouble132.

Aux époques voulues il planta les cent espèces de céréales, d’herbes et d’arbres. Il favorisa le développement des oiseaux, des quadrupèdes, des insectes et des reptiles. Il établit partout l’ordre pour le soleil, la lune, les étoiles, les syzygies de conjonction133, pour les flots de la mer, pour la terre, les pierres, les métaux et le jade. Il n’épargna aucune peine à son cœur, à sa force, à ses oreilles et à ses yeux. Il régla l’usage de l’eau, du feu134, du bois et de toutes choses.]

Il eut l’heureux présage de la vertu de la terre ; c’est pourquoi son surnom fut Huangdi 135.

黃帝二十五子,其得姓者十四人。

Huangdi eut vingt-cinq fils ; ceux qui eurent des noms de clans furent au nombre de quatorze136.

黃帝居軒轅之丘,而娶於西陵之女,是為嫘祖。嫘祖為黃帝正妃,生二子,其後皆有天下:其一曰玄囂,是為青陽,青陽降居江水;其二曰昌意,降居若水。昌意娶蜀山氏女,曰昌僕,生高陽,高陽有聖德焉。黃帝崩,葬橋山。其孫昌意之子高陽立,是為帝顓頊也。

[ 137 Huangdi demeura sur la colline de Xianyuan 138  ; il se maria avec une femme de Xiling 139 (西陵) qui n’est autre que Leizu 140 (嫘祖). Leizu fut première entre les femmes de Huangdi 141.]

Elle enfanta deux fils ; les descendants de tous deux possédèrent l’empire142. L’un d’eux s’appelait Xuanxiao (玄嚣) ; il n’est autre que Qingyang (青阳) ; Qingyang alla s’établir sur les bords de la rivière Jiang 143. Le second fils s’appelait Changyi (昌意) ; [il alla s’établir sur les bords de la rivière Ruo 144 (). Changyi épousa une femme des montagnes de Shu (蜀山) qui s’appelait Chang Pu 145 (昌仆)] et qui enfanta Gaoyang (高阳). Gaoyang eut une vertu sainte. Huangdi mourut et fut enterré sur la montagne Qiao 146 (桥山). Son petit-fils, Gaoyang, qui était le fils de Changyi, prit le pouvoir. Ce fut l’empereur Zhuanxu.

Zhuanxu

帝顓頊高陽者,黃帝之孫而昌意之子也。靜淵以有謀,疏通而知事;養材以任地,載時以象天,依鬼神以制義,治氣以教化,絜誠以祭祀。北至於幽陵,南至於交阯,西至於流沙,東至於蟠木。動靜之物,大小之神,日月所照,莫不砥屬。

L’empereur Zhuanxu, qui n’est autre que Gaoyang, [ 147 était petit-fils de Huangdi et fils de Changyi. Il était calme et profond dans ses desseins. Son intelligence était claire et étendue et il comprenait tout. Il cultivait les plantes de la manière qui convient à la terre. Il agissait suivant les saisons pour se conformer au ciel. Il s’appuyait sur les mânes et les dieux pour fixer la justice148. Il dirigeait les influences afin d’apprendre aux êtres à se perfectionner. Il accomplissait les sacrifices avec pureté et sincérité.]

Au nord, il alla jusqu’à Youling 149 (幽陵) ; au sud, il alla jusqu’au Jiaozhi 150 (交阯) ; à l’ouest, il alla jusqu’au Liusha 151 (流沙) ; à l’est, il alla jusqu’au Panmu 152 (蟠木).

Les êtres en mouvement et ceux qui sont en repos, les dieux, petits et grands, les choses qu’éclairent le soleil et la lune, tout, sans exception, fut calme et docile.

帝顓頊生子曰窮蟬。顓頊崩,而玄囂之孫高辛立,是為帝嚳。

L’empereur Zhuanxu engendra un fils qui s’appela Qiongshan 153 (窮蟬).

Zhuanxu mourut154. Alors le petit-fils de Xuanxiao, Gaoxin (高辛), prit le pouvoir ; ce fut l’empereur Ku ().

Ku

帝嚳高辛者,黃帝之曾孫也。高辛父曰蟜極,蟜極父曰玄囂,玄囂父曰黃帝。自玄囂與蟜極皆不得在位,至高辛即帝位。高辛於顓頊為族子。

Gaoxin, qui fut l’empereur Ku 155, était arrière-petit-fils de Huangdi. Son père s’appelait Jiaoji (蟜極) ; le père de Jiaoji s’appelait Xuanxiao ; le père de Xuanxiao s’appelait Huangdi. Xuanxiao, puis Jiaoji, n’eurent ni l’un ni l’autre l’empire. Mais Gaoxin obtint la dignité impériale156. Gaoxin était neveu157 de Zhuanxu.

高辛生而神靈,自言其名。普施利物,不於其身。聰以知遠,明以察微。順天之義,知民之急。仁而威,惠而信,脩身而天下服。取地之財而節用之,撫教萬民而利誨之,曆日月而迎送之,明鬼神而敬事之。其色鬱鬱,其德嶷嶷。其動也時,其服也士。帝嚳溉執中而遍天下,日月所照,風雨所至,莫不從服。

Dès sa naissance 158 Gaoxin fut divin et merveilleux ; il dit lui-même quel était son nom. Sa libéralité universelle favorisait tous les êtres. Il ne pensait pas à lui-même. Il avait l’ouïe fine et connaissait les choses éloignées ; il avait la vue perçante et discernait les moindres détails. il se conformait à l’ordre établi par le ciel. Il savait quels étaient les besoins du peuple. Il était bon et cependant majestueux, bienveillant et cependant digne de confiance. Il s’appliquait à bien se conduire et l’empire lui obéissait. Il recueillait les productions de la terre et en usait avec mesure. Il gouvernait et instruisait les dix mille tribus ; il leur était utile et leur donnait des conseils. Il observait le soleil et la lune pour les recevoir et les accompagner159. Il comprenait les mânes et les dieux160 et les servait avec respect.

Son air était très imposant ; sa vertu était fort haute ;

Il agissait aux temps opportuns ; son habillement était celui des fonctionnaires.]

L’empereur Ku était ferme et juste et il embrassait le monde entier. [ 161Tout ce qu’éclairent le soleil et la lune, tout ce qu’atteignent le vent et la pluie, se soumit à lui sans exception.]

帝嚳娶陳鋒氏女,生放勳。娶娵訾氏女,生摯。帝嚳崩,而摯代立。帝摯立,不善,而弟放勳立,是為帝堯。

L’empereur Ku épousa une femme de Chenfeng 162 (陳鋒). Elle mit au monde Fangxun 163 (放勳).

L’empereur Ku épousa une femme de Juzi (娵訾) ; elle enfanta Zhi 164 ().

L’empereur Ku165 mourut et l’empereur Zhi prit le pouvoir à sa place ; il ne fut pas bon ; il mourut. Son frère cadet, Fangxun, prit alors le pouvoir ; ce fut l’empereur Yao 166 ().

Yao

帝堯者,放勳。其仁如天,其知如神。就之如日,望之如雲。富而不驕,貴而不舒。黃收純衣,彤車乘白馬。能明馴德,以親九族。九族既睦,便章百姓。百姓昭明,合和萬國。

Celui qui fut l’empereur Yao n’est autre que Fangxun. [ 167 Sa bonté fut comme celle du ciel ; son savoir fut comme celui d’un dieu. De près, il apparaissait comme le soleil ; de loin, comme une nuée168. Quoique puissant, il n’était pas arrogant ; quoique élevé en dignité, il n’était pas méprisant. Il portait un bonnet169 jaune et un vêtement d’une seule couleur. Son char était rouge ; il montait sur un cheval blanc.]

[ 170 Il savait mettre en lumière et favoriser les talents171.
Par l’amour qu’il eut pour ses parents aux neuf degrés172,
Les neuf degrés de parenté furent en harmonie ;
Il distingua173 et dirigea les cent fonctionnaires174,
Et les cent fonctionnaires furent éclairés et intelligents175.
Il maintint la concorde entre les dix mille tribus.
乃命羲、和,敬順昊天,數法日月星辰,敬授民時。分命羲仲,居鬱夷,曰暘穀。敬道日出,便程東作。日中,星鳥,以殷中春。其民析,鳥獸字微。申命羲叔,居南交。便程南為,敬致。日永,星火,以正中夏。其民因,鳥獸希革。申命和仲,居西土,曰昧穀。敬道日入,便程西成。夜中,星虛,以正中秋。其民夷易,鳥獸毛毨。申命和叔;居北方,曰幽都。便在伏物。日短,星昴,以正中冬。其民燠,鳥獸氄毛。歲三百六十六日,以閏月正四時。信飭百官,眾功皆興。

Puis il ordonna à Xi () et à He 176 () d’observer avec attention le ciel majestueux et d’appliquer les méthodes du calcul au soleil, à la lune, aux constellations et aux syzygies de conjonction, puis d’indiquer avec soin au peuple les saisons.

Il ordonna spécialement au cadet des Xi de demeurer chez les Yuyi 177 (鬱夷), dans le lieu appelé Vallée du Soleil levant, pour y suivre avec attention le lever du soleil et déterminer et promulguer partout ce qu’il faut faire au printemps178. Le jour moyen179 et les constellations Niao 180 (星鳥) servent à fixer le milieu du printemps. Le peuple alors se disperse181 ; les oiseaux et les bêtes nourrissent ou sont petits182.

Il ordonna en outre au plus jeune des Xi de demeurer à Nanjiao 183 (南交) pour déterminer et promulguer les occupations de l’été184 et avec soin les faire parvenir à leur but185. Le jour le plus long186 et les constellations Huo (星火) servent à fixer le milieu de l’été. La population alors187 continue (à se disperser) ; (les plumes et les poils) des oiseaux et des bêtes deviennent rares et changent188.

Il ordonna en outre au cadet des He de demeurer dans le territoire de l’ouest, au lieu appelé Vallée de l’Obscurité, pour suivre avec attention le coucher du soleil et déterminer et promulguer ce qui s’achève en automne. La nuit moyenne189 et la constellation Xu 190 (星虛) servent à fixer le milieu de l’automne. La population a une vie calme et paisible. Les oiseaux et les bêtes se couvrent de plumes et de poils renouvelés191.

Il ordonna en outre au plus jeune des He de demeurer dans la région du nord, au lieu appelé la Résidence sombre, pour déterminer et surveiller le moment où les êtres se cachent192. Le jour le plus court et la constellation Mao 193 (星昴), servent à fixer le milieu de l’hiver. La population se tient alors au chaud194 ; les plumes et les poils des oiseaux et des bêtes s’épaississent.

L’année a trois cent soixante-six jours ; par le moyen du mois intercalaire195 on détermine196 les quatre saisons. En conformité avec cela on ordonne les cent fonctions et tous les travaux sont florissants197.

堯曰:「誰可順此事?」放齊曰:「嗣子丹硃開明。」堯曰:「籲!頑凶,不用。」堯又曰:「誰可者?」讙兜曰:「共工旁聚布功,可用。」堯曰:「共工善言,其用僻,似恭漫天,不可。」堯又曰:「嗟,四岳,湯湯洪水滔天,浩浩懷山襄陵,下民其憂,有能使治者?」皆曰鯀可。堯曰:「鯀負命毀族,不可。」嶽曰:「異哉,試不可用而已。」堯於是聽嶽用鯀。九歲,功用不成。

Yao dit :
— Qui est capable de continuer ces choses ?
Fangqi (放齊) dit :
— Votre fils, qui doit vous succéder, Danzhu (丹硃), est fort intelligent.
Yao dit :
— Hélas, il est méchant et querelleur ; on ne peut se servir de lui.
Yao dit encore :
— Qui en est capable ?
Huan Dou (讙兜) dit :
Gonggong 198 (共工) a multiplié et répandu ses actions méritoires en tous lieux ; on peut se servir de lui.
Yao dit :
Gonggong est un beau parleur ; mais quand on le met à l’œuvre il est mauvais ; il a l’air d’être respectueux, mais il méprise le ciel. C’est impossible.
Yao dit encore :
— Oh ! (chefs des) quatre montagnes199, la vaste étendue des eaux débordées s’élève jusqu’au ciel ; l’immense nappe entoure les montagnes et submerge les collines. À cause de cela le peuple de la plaine est dans l’affliction. Y a-t-il quelqu’un que je puisse charger d’y mettre bon ordre ?
Tous dirent :
Gun 200 () est capable.
Yao dit :
Gun enfreint mes ordres et il est funeste à ses collègues. C’est impossible.
Les (chefs des quatre) montagnes dirent :
— Il n’y en a plus d’autres201. Essayez-le et si vous ne pouvez pas vous servir de lui, vous le renverrez.
Alors Yao écouta l’avis des (chefs des quatre) montagnes et se servit de Gun. Pendant neuf ans202 celui-ci travailla à son service, mais sans succès.

堯曰:「嗟!四嶽:朕在位七十載,汝能庸命,踐朕位?」岳應曰:「鄙德忝帝位。」堯曰:「悉舉貴戚及疏遠隱匿者。」眾皆言於堯曰:「有矜在民間,曰虞舜。」堯曰:「然,朕聞之。其何如?」嶽曰:「盲者子。父頑,母嚚,弟傲,能和以孝,烝烝治,不至奸。」堯曰:「吾其試哉。」於是堯妻之二女,觀其德於二女。舜飭下二女於媯汭,如婦禮。堯善之,乃使舜慎和五典,五典能從。乃遍入百官,百官時序。賓於四門,四門穆穆,諸侯遠方賓客皆敬。堯使舜入山林川澤,暴風雷雨,舜行不迷。堯以為聖,召舜曰:「女謀事至而言可績,三年矣。女登帝位。」舜讓於德不懌。正月上日,舜受終於文祖。文祖者,堯大祖也。

Yao dit :
— Oh ! (chefs des) quatre montagnes, j’ai été au pouvoir soixante-dix années. Vous êtes capables d’observer le décret céleste203 ; succédez-moi dans ma dignité.
Les (chefs des quatre) montagnes répondirent :
— Notre vertu est mince ; nous déshonorerions la dignité impériale.
Yao dit :
— Cherchez partout quelqu’un à me proposer, peu importe qu’il soit élevé en dignité et qu’il soit mon parent ou qu’il vive à l’écart, caché et méconnu.
L’assemblée tout entière dit alors à Yao :
— Il y a un homme non marié204 qui est au nombre des gens du peuple205 ; il s’appelle Yu Shun 206 (虞舜) . Yao dit :
— C’est bien ! j’ai entendu parler de lui. Quelle sorte d’homme est-il ?
Les (chefs des quatre) montagnes dirent :
— C’est le fils d’un aveugle207. Son père était pervers ; sa mère était trompeuse ; son frère cadet était insolent. Il a su les faire rentrer dans l’ordre par sa piété filiale ; il les a graduellement amenés à bien agir et à ne pas se porter vers les choses mauvaises.
Yao dit :
— Je le mettrai à l’essai.

Alors Yao lui donna en mariage ses deux filles208, pour observer quelle était sa vertu dans la manière dont il se comporterait envers ses deux filles. Shun, dans les lieux qu’arrosent les rivières Gui () et Rui 209 (), dirigea et rendit humbles ces deux femmes210, en sorte qu’elles observèrent les rites des épouses211.]

Yao trouva cela fort bien ; il chargea donc ensuite 'Shun [ 212 de mettre avec soin l’ordre dans les cinq règles et les cinq règles213 purent être observées. Puis il (Shun) fut investi de toutes les cent fonctions214 et les cent fonctions eurent leur rang en leur temps. — Il reçut les hôtes aux quatre portes ; ceux qui venaient aux quatre portes215 étaient pénétrés de respect.] Les seigneurs et les étrangers qui arrivaient de loin pour être reçus étaient attentifs à leurs devoirs.

Yao envoya Shun [ 216 dans la forêt de la montagne]217, parmi les cours d’eau et les marais ; [il y eut un vent violent, du tonnerre et de la pluie,] mais Shun poursuivit sa route [sans se laisser troubler218.]

Yao estima cette conduite sage ; il manda Shun et lui dit :
— Les entreprises que vous avez projetées ont abouti ; vos paroles ont pu produire des œuvres méritoires ; voici la troisième année219. Montez à la dignité d’empereur.

Shun s’excusa en alléguant son peu de mérite et ne se réjouit pas220.

Le premier jour du premier mois, Shun reçut l’abdication (de Yao) dans le (temple de) Wenzu (文祖).] Wenzu était l’aïeul à la cinquième génération de Yao 221.

於是帝堯老,命舜攝行天子之政,以觀天命。舜乃在璿璣玉衡,以齊七政。遂類于上帝,禋于六宗,望於山川,辯於群神。揖五瑞,擇吉月日,見四岳諸牧,班瑞。歲二月,東巡狩,至於岱宗,祡,望秩於山川。遂見東方君長,合時月正日,同律度量衡,脩五禮五玉三帛二生一死為摯,如五器,卒乃複。五月,南巡狩;八月,西巡狩;十一月,北巡狩:皆如初。歸,至於祖禰廟,用特牛禮。五歲一巡狩,群後四朝。遍告以言,明試以功,車服以庸。肇十有二州,決川。象以典刑,流宥五刑,鞭作官刑,撲作教刑,金作贖刑。眚災過,赦;怙終賊,刑。欽哉,欽哉,惟刑之靜哉!

Alors l’empereur Yao étant vieux chargea Shun de le suppléer dans l’exercice du gouvernement qui appartient au Fils du ciel, afin de voir quel était le décret du ciel222.

[ 223 Shun observa donc le mécanisme de l’évolution et la balance de jade pour vérifier l’accord entre les sept gouvernements224. Aussitôt après il fit le sacrifice lei () à l’Empereur d’en haut225, le sacrifice yin () aux six Vénérables226, le sacrifice wang 227() aux montagnes et aux cours d’eau et rendit hommage à tous les dieux228. — Il recueillit les cinq insignes229 ; il choisit un mois et un jour fastes pour donner audience aux (chefs des) quatre montagnes et aux pasteurs (des peuples)230, et leur distribua les insignes.

Le deuxième mois de l’année, il parcourut les fiefs231 dans l’est ; arrivé au Daizong, il alluma un bûcher ; il fit le sacrifice wang aux montagnes et aux cours d’eau suivant l’ordre fixé232. Puis il donna audience aux chefs de la contrée orientale. Il mit l’accord dans les saisons et dans les mois et rectifia les jours ; il rendit uniformes les tubes musicaux233 et les mesures de longueur, de capacité et de poids ; il restaura les cinq rites234 ; les cinq (insignes de) jade235, les trois pièces de soie236, les deux animaux vivants et l’animal mort237 lui furent apportés en offrande ; quant aux cinq instruments238, lorsque tout fut fini il les rendit.

Le cinquième mois239, il parcourut les fiefs dans le sud. Le huitième mois, il parcourut les fiefs dans l’ouest. Le onzième mois, il parcourut les fiefs dans le nord. Toutes (ces inspections) furent comme la première. À son retour, il se rendit aux temples de son grand-père et de son père défunt240, et fit le sacrifice rituel d’un taureau.

En cinq ans il y avait une inspection des fiefs et quatre réceptions des chefs à la cour241. Ils faisaient des rapports complets par leurs paroles ; ils étaient clairement contrôlés par leurs œuvres ; ils recevaient des chars et des vêtements pour leurs mérites.

Il institua douze provinces242. Il rectifia les cours d’eau.

Il fit des images243 pour les châtiments légaux. « On bannit244 ceux qui sont dignes d’une mitigation de peine245 ; il y a les cinq châtiments ; le fouet constitue le châtiment des magistrats ; la verge constitue le châtiment des instructeurs246 ; l’amende constitue le châtiment des fautes rachetables247. Ceux qui pèchent par inadvertance, on leur pardonne ; ceux qui sont endurcis et persistants dans le crime, on leur inflige les châtiments. Soyez sur vos gardes ! soyez sur vos gardes ! c’est par les châtiments qu’on établit le calme. »]

讙兜進言共工,堯曰不可而試之工師,共工果淫辟。四岳舉鯀治鴻水,堯以為不可,嶽彊請試之,試之而無功,故百姓不便。三苗在江淮、荊州數為亂。於是舜歸而言於帝,請流共工於幽陵,以變北狄;放驩兜於崇山,以變南蠻;遷三苗於三危,以變西戎;殛鯀於羽山,以變東夷:四罪而天下鹹服。

Huan Dou 248 recommanda Gonggong. Yao dit :
— C’est impossible, car je l’ai mis à l’essai comme intendant des travaux ; Gonggong s’est montré mauvais et pervers.

Les (chefs des) quatre montagnes proposèrent Gun pour refréner les eaux débordées ; Yao considérait que c’était impossible ; sur l’instante prière des (chefs des quatre) montagnes, il le mit à l’essai ; or il n’eut aucun succès et c’est pourquoi les cent familles ne furent pas à leur aise. Sanmiao 249 (三苗) suscita souvent des troubles dans la province de Jing, entre le Jiang et le Huai (). Alors Shun revint et parla à l’empereur ; il demanda qu’on [ 250 exilât Gonggong sur la colline You 251 (幽陵) pour réformer252 les Di () du nord, qu’on bannît Huan Dou sur la montagne Chong 253 (崇山) pour réformer les Man () du sud, qu’on transférât Sanmiao à Sanwei 254 (三危) pour réformer les Rong () de l’ouest, qu’on laissât périr Gun sur la montagne Yu 255 (羽山) pour réformer les Yi () de l’est. Après ces quatre condamnations256, il y eut une soumission générale dans l’empire.]

堯立七十年得舜,二十年而老,令舜攝行天子之政,薦之於天。堯辟位凡二十八年而崩。百姓悲哀,如喪父母。三年,四方莫舉樂,以思堯。堯知子丹硃之不肖,不足授天下,於是乃權授舜。授舜,則天下得其利而丹硃病;授丹硃,則天下病而丹硃得其利。堯曰「終不以天下之病而利一人」,而卒授舜以天下。堯崩,三年之喪畢,舜讓辟丹硃於南河之南。諸侯朝覲者不之丹硃而之舜,獄訟者不之丹硃而之舜,謳歌者不謳歌丹硃而謳歌舜。舜曰「天也」,夫而後之中國踐天子位焉,是為帝舜。

Yao était au pouvoir depuis soixante-dix ans quand il trouva Shun ; au bout de vingt ans ; étant vieux, il ordonna à Shun d’exercer à sa place le gouvernement du Fils du ciel ; il le présenta au Ciel. [ 257 Yao mourut vingt-huit ans en tout258 après avoir renoncé au pouvoir. Les cent familles s’affligèrent comme si elles avaient été en deuil d’un père ou d’une mère ; pendant trois ans on ne fit aucune musique en aucun lieu,] car on pensait à Yao.

Yao savait que son fils Danzhu 259 était dégénéré et n’était pas digne qu’on lui remît l’empire ; c’est pourquoi donc, tenant compte des circonstances260, il le donna à Shun. En le donnant à Shun, l’empire y trouvait son avantage et c’était un mal pour Danzhu ; en le donnant à Danzhu c’était un mal pour l’empire et Danzhu y trouvait son avantage ; Yao dit :
— Je ne me déciderai pas à favoriser un seul homme au détriment de tout l’empire.

Ainsi en définitive il donna l’empire à Shun.

[ 261 Après la mort de Yao, quand le deuil de trois ans fut terminé, Shun quitta le pouvoir et le céda à Danzhu au sud du Nanhe 262 (南河). Les seigneurs qui venaient rendre hommage n’allèrent pas auprès de Danzhu mais allèrent auprès de Shun ; ceux qui étaient condamnés à la prison ou avaient des procès n’allèrent pas auprès de Danzhu mais allèrent auprès de Shun ; ceux qui récitaient et chantaient ne célébrèrent pas Danzhu mais célébrèrent Shun. Shun dit :
— C’est le Ciel !

Alors il revint à la capitale263 et prit la dignité de Fils du ciel.] Ce fut l’empereur Shun.

Shun

虞舜者,名曰重華。重華父曰瞽叟,瞽叟父曰橋牛,橋牛父曰句望,句望父曰敬康,敬康父曰窮蟬,窮蟬父曰帝顓頊,顓頊父曰昌意:以至舜七世矣。自從窮蟬以至帝舜,皆微為庶人。

Yu Shun avait pour nom personnel Chonghua 264 (重華). Le père de Chonghua s’appelait Gusou (瞽叟) ; le père de Gusou s’appelait Qiaoniu 265 (橋牛) ; le père de Qiaoniu s’appelait Gouwang (句望) ; le père de Gouwang s’appelait Jingkang (敬康) ; le père de Jingkang s’appelait Qiongshan; le père de Qiongshan s’appelait l’empereur Zhuanxu ; le père de Zhuanxu s’appelait Changyi ; jusqu’à Shun il y eut sept générations266. À partir de Qiongshan jusqu’à l’empereur Shun, tous furent sans importance et furent des hommes du commun peuple.

舜父瞽叟盲,而舜母死,瞽叟更娶妻而生象,象傲。瞽叟愛後妻子,常欲殺舜,舜避逃;及有小過,則受罪。順事父及後母與弟,日以篤謹,匪有解。

Le père de Shun, Gusou, était aveugle ; la mère de Shun étant morte267, il prit une autre femme qui enfanta Xiang. Xiang était arrogant. Gusou aimait le fils de sa seconde femme et cherchait sans cesse à faire périr Shun ; Shun lui échappa, mais lorsqu’il commettait quelque faute légère il se soumettait au châtiment. Il servait scrupuleusement son père et sa marâtre ainsi que son frère cadet ; chaque jour il se montrait sincère et attentif et jamais il ne se relâchait.

舜,冀州之人也。舜耕曆山,漁雷澤,陶河濱,作什器於壽丘,就時於負夏。舜父瞽叟頑,母嚚,弟象傲,皆欲殺舜。舜順適不失子道,兄弟孝慈。欲殺,不可得;即求,嘗在側。

Shun était un homme de la province de Ji 268 (冀州).

Shun laboura sur la montagne Li 269 (曆山) ; il pêcha dans l’étang de Lei (雷澤) ; il façonna des vases d’argile au bord du Fleuve ; il fabriqua diverses sortes d’ustensiles à Shouqiu 270 (壽丘) ; il profita du moment favorable pour aller à Fuxia 271 (負夏).

Le père de Shun, Gusou, était pervers ; sa mère était trompeuse ; son frère cadet, Xiang (), était insolent, Tous désiraient tuer Shun ; Shun était docile, et il ne lui arriva jamais de manquer à la conduite que doit avoir un fils, ni à l’amour fraternel. Quoiqu’ils voulussent le tuer, ils ne purent y arriver ; quand ils cherchaient à l’essayer, ils (frappaient) à côté.

舜年二十以孝聞。三十而帝堯問可用者,四岳咸薦虞舜,曰可。於是堯乃以二女妻舜以觀其內,使九男與處以觀其外。舜居媯汭,內行彌謹。堯二女不敢以貴驕事舜親戚,甚有婦道。堯九男皆益篤。舜耕曆山,曆山之人皆讓畔;漁雷澤,雷澤上人皆讓居;陶河濱,河濱器皆不苦窳。一年而所居成聚,二年成邑,三年成都。堯乃賜舜絺衣,與琴,為築倉廩,予牛羊。瞽叟尚複欲殺之,使舜上塗廩,瞽叟從下縱火焚廩。舜乃以兩笠自扞而下,去,得不死。後瞽叟又使舜穿井,舜穿井為匿空旁出。舜既入深,瞽叟與象共下土實井,舜從匿空出,去。瞽叟、象喜,以舜為已死。象曰「本謀者象。」象與其父母分,於是曰:「舜妻堯二女,與琴,象取之。牛羊倉廩予父母。」象乃止舜宮居,鼓其琴。舜往見之。象鄂不懌,曰:「我思舜正郁陶!」舜曰:「然,爾其庶矣!」舜複事瞽叟愛弟彌謹。於是堯乃試舜五典百官,皆治。

Quand Shun eut vingt ans, il fut renommé pour sa piété filiale ; quand il eut trente ans, l’empereur Yao demanda qui il pourrait employer et les (chefs des) quatre montagnes lui proposèrent tous Yu Shun ; alors Yao donna ses deux filles en mariage à Shun pour voir quelle était sa conduite à l’intérieur ; il envoya ses neuf fils demeurer avec lui pour voir quelle était sa conduite à l’extérieur. Shun s’établit dans les lieux qu’arrosent les rivières Gui et Rui ; dans sa conduite privée il agit en tout avec attention ; les deux filles de Yao n’osèrent pas se targuer de leur noblesse pour être insolentes272 ; elles servirent les parents de Shun et observèrent strictement les devoirs des épouses ; les neuf fils de Yao redoublèrent tous de vertu.

Shun laboura sur la montagne Li 273 : les gens de la montagne Li se firent tous des concessions sur les limites de leurs champs ; il pêcha dans l’étang de Lei : les gens qui étaient sur les rives de l’étang de Lei se firent tous des concessions sur les places de leurs habitations ; il façonna des vases d’argile au bord du Fleuve : les ustensiles fabriqués au bord du Fleuve furent tous sans défauts. Au bout d’un an, dans l’endroit où il habitait, il se formait un village ; au bout de deux ans, il se formait un bourg ; au bout de trois ans, il se formait une ville274.

Yao alors gratifia Shun d’un vêtement de toile fine et d’un luth ; il lui fit construire un magasin et un grenier ; il lui donna des bœufs et des moutons275.

Cependant Gusou voulut encore le tuer ; il fit monter Shun sur le grenier pour le crépir ; d’en bas, Gusou mit le feu au grenier pour l’incendier ; Shun alors se servit de deux grands chapeaux de jonc pour protéger sa descente276 ; il s’échappa et put ne pas périr. Ensuite Gusou envoya derechef Shun creuser un puits ; Shun, en creusant le puits, ménagea un orifice secret qui était une issue latérale. Quand Shun fut entré au fond, Gusou et Xiang jetèrent ensemble de la terre et remplirent le puits ; Shun sortit par l’orifice secret et s’échappa. Gusou et Xiang se réjouirent, pensant que Shun était mort. Xiang dit :
— C’est moi qui ai eu l’idée de ce stratagème.
Xiang fit un partage avec son père et sa mère et dit alors :
— Les femmes de Shun, filles de Yao, ainsi que son luth, c’est moi, Xiang, qui les prendrai. Les bœufs, les moutons, le magasin et le grenier je les donne à mon père et à ma mère.
Xiang alors s’établit dans la demeure de Shun et joua de son luth. Shun vint le voir. Xiang déconcerté et mécontent lui dit :
— Je pensais à Shun et je me trouve plein de joie277.
Shun répliqua :
— Bien. Ce sont là, j’espère, vos sentiments278.

Shun recommença à servir Gusou et à aimer son frère cadet et fut sans cesse plein d’égards pour eux.

Alors Yao mit Shun à l’essai dans les cinq règles et les cent fonctions279 ; tout cela fut bien dirigé.

昔高陽氏有才子八人,世得其利,謂之「八愷」。高辛氏有才子八人,世謂之「八元」。此十六族者,世濟其美,不隕其名。至於堯,堯未能舉。舜舉八愷,使主後土,以揆百事,莫不時序。舉八元,使布五教于四方,父義,母慈,兄友,弟恭,子孝,內平外成。

[ 280 Autrefois Gaoyang 281 eut huit fils capables ; les hommes jouirent de leurs bienfaits et les appelèrent les huit Satisfaisants. Gaoxin 282 eut huit fils capables : les hommes les appelèrent les huit Excellents. Ces seize familles de génération en génération perfectionnèrent leurs qualités et ne laissèrent pas tomber leur réputation. Lorsque arriva le temps de Yao, Yao ne put point encore les mettre en charge. Shun mit en charge les huit Satisfaisants et les fit présider à la terre souveraine283, afin de déterminer les cent occupations ; il n’y eut rien qui n’eût son temps et son rang. Il mit en charge les huit Excellents et leur fit répandre les cinq enseignements284 dans les quatre directions : les pères furent justes ; les mères furent aimantes ; les frères aînés furent bienveillants ; les frères cadets furent respectueux ; les fils furent pieux ; à l’intérieur, ce fut le calme ; à l’extérieur, la perfection.

昔帝鴻氏有不才子,掩義隱賊,好行兇慝,天下謂之渾沌。少昚氏有不才子,毀信惡忠,崇飾惡言,天下謂之窮奇。顓頊氏有不才子,不可教訓,不知話言,天下謂之檮杌。此三族世憂之。至於堯,堯未能去。縉雲氏有不才子,貪于飲食,冒於貨賄,天下謂之饕餮。天下惡之,比之三凶。舜賓於四門,乃流四凶族,遷於四裔,以禦螭魅,於是四門辟,言毋凶人也。

Autrefois l’empereur Hong ()285 eut un fils incapable ; il faisait disparaître la justice ; il était dissimulé et scélérat ; il se plaisait à se livrer aux pires vices ; le monde l’appelait Chaos286. Shaohao (少昊) eut un fils incapable ; il détruisait la bonne foi et haïssait la sincérité ; il appréciait les discours artificieux et méchants ; le monde l’appelait Vaurien-trompeur287. Zhuanxu eut un fils incapable ; il ne pouvait rien apprendre et ne comprenait pas ce qu’on lui disait ; le monde l’appelait Soliveau288. De génération en génération on souffrait de ces trois familles ; lorsque arriva le temps de Yao, Yao ne put encore s’en débarrasser. Jinyun 289 (縉雲) eut un fils incapable ; il avait la passion de la boisson et de la bonne chère ; il était avide de richesse ; le monde l’appelait Glouton ; le monde l’avait en horreur et le mettait sur le même pied que les trois criminels290. Shun, allant recevoir les hôtes aux quatre portes, exila les quatre familles criminelles et les bannit aux quatre frontières, afin de soumettre à la règle les démons291.] Alors les quatre portes furent ouvertes et on annonça qu’il n’y avait plus de criminels.

舜入於大麓,烈風雷雨不迷,堯乃知舜之足授天下。堯老,使舜攝行天子政,巡狩。舜得舉用事二十年,而堯使攝政。攝政八年而堯崩。三年喪畢,讓丹硃,天下歸舜。而禹、皋陶、契、後稷、伯夷、夔、龍、倕、益、彭祖自堯時而皆舉用,未有分職。於是舜乃至於文祖,謀于四嶽,辟四門,明通四方耳目,命十二牧論帝德,行厚德,遠佞人,則蠻夷率服。舜謂四嶽曰:「有能奮庸美堯之事者,使居官相事?」皆曰:「伯禹為司空,可美帝功。」舜曰:「嗟,然!禹,汝平水土,維是勉哉。」禹拜稽首,讓於稷、契與皋陶。舜曰:「然,往矣。」舜曰:「棄,黎民始饑,汝後稷播時百穀。」舜曰:「契,百姓不親,五品不馴,汝為司徒,而敬敷五教,在寬。」舜曰:「皋陶,蠻夷猾夏,寇賊奸軌,汝作士,五刑有服,五服三就;五流有度,五度三居:維明能信。」舜曰:「誰能馴予工?」皆曰垂可。於是以垂為共工。舜曰:「誰能馴予上下草木鳥獸?」皆曰益可。於是以益為朕虞。益拜稽首,讓于諸臣硃虎、熊羆。舜曰:「往矣,汝諧。」遂以硃虎、熊羆為佐。舜曰:「嗟!四嶽,有能典朕三禮?」皆曰伯夷可。舜曰:「嗟!伯夷,以汝為秩宗,夙夜維敬,直哉維靜絜。」伯夷讓夔、龍。舜曰:「然。以夔為典樂,教 子,直而溫,寬而栗,剛而毋虐,簡而毋傲;詩言意,歌長言,聲依永,律和聲,八音能諧,毋相奪倫,神人以和。」夔曰:「於!予擊石拊石,百獸率舞。」舜曰:「龍,朕畏忌讒說殄偽,振驚朕眾,命汝為納言,夙夜出入朕命,惟信。」舜曰:「嗟!女二十有二人,敬哉,惟時相天事。」三歲一考功,三考絀陟,遠近眾功鹹興。分北三苗。

Shun 292 entra dans une grande forêt sur la montagne ; il y eut un vent violent, du tonnerre, et de la pluie ; il n’en fut pas troublé. Yao reconnut alors que Shun était digne qu’il lui donnât l’empire. Yao étant vieux chargea Shun d’exercer à sa place le gouvernement qui appartient au Fils du ciel et de parcourir les fiefs. Vingt ans après que Shun eut été mis en charge et eut administré les affaires, Yao le chargea de gouverner à sa place. Il gouverna à sa place pendant huit ans et c’est alors que Yao mourut. Lorsque le deuil de trois ans fut terminé, il céda le pouvoir à Danzhu. Le monde se réfugia auprès de Shun. Or Yu 293 (禹), Gaoyao 294 (皋陶), Xie 295 (), Houji 296 (後稷), Boyi 297 (伯夷), Kui (), Long (), Shui 298 (), Yi 299 (), Pengzu (彭祖) avaient tous été, dès le temps de Yao, promus à des emplois, mais on n’avait pas encore distingué les attributions des fonctions. Alors [ 300 Shun se rendit au (temple de) Wenzu 301. Il tint conseil avec les (chefs des) quatre montagnes pour ouvrir les quatre portes302 et percevoir par les oreilles et par les yeux tout ce qui se passait dans les quatre directions. Il ordonna aux douze pasteurs303] de prendre pour règle la vertu de l’empereur304, de pratiquer [la vertu réelle, d’éloigner les hommes artificieux. Alors les barbares Man et Yi se soumirent à l’envi.

Shun parla en ces termes aux (chefs des) quatre montagnes :
— Y a-t-il quelqu’un qui puisse me servir avec zèle et illustrer les entreprises de Yao ? Je lui donnerai l’autorité pour qu’il m’aide dans les affaires.
Tous dirent :
— Le comte Yu est intendant des travaux publics305 ;] il est capable d’illustrer les mérites impériaux.
Shun dit :
— Ah ! c’est bien. Yu, vous réglerez les eaux et les terres306. Ne songez qu’à faire tous vos efforts !
Yu salua et se prosterna et voulut céder la place à Ji ()307, à Xie et à Gaoyao. Shun dit :
— C’est bien. Allez.
Shun dit :
Qi ()308, lorsque au commencement309 le peuple aux cheveux noirs était affamé, vous, prince Millet, vous avez semé et transplanté310 les cent céréales.
Shun dit :
— Les cent familles ne sont pas en bonne harmonie ; les cinq ordres311 (de devoirs) ne sont pas observés. Soyez directeur des multitudes312 et répandez les cinq enseignements. Ayez soin d’agir avec douceur.
Shun dit :
Gaoyao, les (barbares) Man et Yi troublent notre beau pays313. Ce sont des voleurs, des assassins, des ennemis et des rebelles314. Soyez chef (de la justice). Pour les cinq châtiments, il y a ceux qui les subissent et pour les subir, il y a trois lieux déterminés315 ; pour les cinq bannissements il y a des limites et pour les cinq limites il y a trois emplacements316. Ce n’est que par le discernement317 que vous pourrez mériter la confiance.
Shun dit :
— Qui peut surveiller mes travailleurs ?
Tous dirent :
Shui 318 en est capable.
Alors il nomma Shui intendant des travaux publics319.
Shun dit :
— Qui peut surveiller pour moi les lieux hauts et les lieux bas, les herbes et les arbres, les oiseaux et les quadrupèdes ?
Tous dirent :
Yi en est capable.
Alors il nomma Yi intendant des eaux et forêts320. Yi salua et se prosterna et voulut céder la place aux autres ministres ; Zhu (), Hu (), Xiong () et Pi (). Shun dit :
— Allez. Faites régner l’harmonie.]

Alors (Yi) prit pour assistants Zhu, Hu, Xiong et Pi 321.

[Shun dit :
— Ah ! (chefs des) quatre montagnes ! Y a-t-il quelqu’un qui soit capable de présider à mes trois cérémonies rituelles322 ?
Tous dirent :
Boyi en est capable.
Shun dit :
— Ah ! Boyi 323, je vous nomme directeur du temple ancestral324. Du matin jusqu’au soir appliquez-vous à la vigilance. Soyez droit ! appliquez-vous à être pur.
Boyi voulut céder la place à Kui et à Long. Shun dit :
— C’est bien.

Il nomma Kui intendant de la musique pour qu’il enseignât aux enfants des princes325 à être inflexibles mais avec douceur, indulgents mais avec énergie, fermes mais sans rigueur, indifférents aux détails mais sans arrogance. La poésie fut l’expression de la pensée ; le chant prolongea cette expression ; les notes résultèrent de ces modulations ; les tubes sonores furent d’accord avec les notes ; les huit instruments de musique purent être en harmonie et n’empiétèrent pas sur les domaines les uns des autres. L’accord fut établi par là entre les dieux et les hommes326. Kui dit :
— Hé ! je frappe la pierre, je touche la pierre et les cent animaux dansent tous à l’envi327.

Shun dit :
Long, je redoute fort les paroles calomnieuses et les tromperies corruptrices ; elles troublent et effraient mon peuple. Je vous nomme à la charge d’auditeur des paroles ; matin et soir, vous répandrez mes ordres et vous m’en référerez ; veillez à la bonne foi328.

Shun dit :
— Vous, ces vingt-deux hommes329, soyez attentifs ; conformez-vous aux temps ; observez quels devoirs prescrit le ciel330.

Tous les trois ans il y avait un examen des mérites331 ; au bout de trois examens, on faisait des dégradations et des promotions, des renvois et des nominations. Toutes les tâches furent bien exécutées.

On divisa et on repoussa les Sanmiao 332.]

  

此二十二人咸成厥功:皋陶為大理,平,民各伏得其實;伯夷主禮,上下鹹讓;垂主工師,百工致功;益主虞,山澤辟;棄主稷,百穀時茂;契主司徒,百姓親和;龍主賓客,遠人至;十二牧行而九州莫敢辟違;唯禹之功為大,披九山,通九澤,決九河,定九州,各以其職來貢,不失厥宜。方五千里,至於荒服。南撫交阯、北發,西戎、析枝、渠廋、氐、羌,北山戎、發、息慎,東長、鳥夷,四海之內咸戴帝舜之功。於是禹乃興九招之樂,致異物,鳳皇來翔。天下明德皆自虞帝始。

Ces vingt-deux hommes accomplirent tous leur tâche. Gaoyao étant chef de la justice, on eut la paix ; dans le peuple, chacun fut soumis et obtint ce qu’il méritait. Boyi présidant aux rites, tous les hommes, du haut en bas (de l’échelle sociale), se firent des concessions. Shui étant directeur des travaux, les cent travailleurs firent tous leurs efforts. Yi étant intendant des eaux et forêts, les montagnes et les marais furent ouverts (à la culture). Qi étant préposé aux grains, les cent céréales furent abondantes en la saison voulue. Xie étant directeur des multitudes, les cent familles vécurent dans l’amitié et dans l’harmonie. Long étant préposé aux hôtes, les hommes des pays lointains arrivèrent. Les douze pasteurs étant chargés de l’administration, personne dans les neuf provinces n’osa leur désobéir333. Mais, c’est Yu dont le mérite fut le plus grand334 ; il ouvrit les neuf montagnes ; il constitua les neuf lacs ; il dirigea le cours des neuf fleuves ; il détermina les neuf provinces ; chacune d’elles vint apporter un tribut suivant ce qu’elle devait et n’y trouva aucun désavantage.

Sur un espace de cinq mille li carrés, (Shun) parvint jusqu’au domaine des terres incultes335 ; au sud, il soumit Jiaozhi (交阯) et Beifa (北發) ; à l’ouest, les Rong (), Xizhi (析枝), Qusou (渠廋), les Diqiang (氐羌) ; au nord les Rong des montagnes, Fa () et Sushen (息慎) ; à l’est, les barbares Chang () et Niao 336 (). À l’intérieur des quatre mers, tout le monde fut reconnaissant à l’empereur Shun de ses actions méritoires.

Alors Yu mit en honneur la musique des neuf reprises337 ; il fit accourir les êtres étranges338 ; le phénix mâle et le phénix femelle vinrent en volant339.

Les vertus éclatantes dans l’empire commencèrent toutes au temps de l’empereur Shun 340.

舜年二十以孝聞,年三十堯舉之,年五十攝行天子事,年五十八堯崩,年六十一代堯踐帝位。踐帝位三十九年,南巡狩,崩於蒼梧之野。葬於江南九疑,是為零陵。舜之踐帝位,載天子旗,往朝父瞽叟,夔夔唯謹,如子道。封弟象為諸侯。舜子商均亦不肖,舜乃豫薦禹於天。十七年而崩。三年喪畢,禹亦乃讓舜子,如舜讓堯子。諸侯歸之,然後禹踐天子位。堯子丹硃,舜子商均,皆有疆土,以奉先祀。服其服,禮樂如之。以客見天子,天子弗臣,示不敢專也。

À l’âge de vingt ans, Shun fut renommé pour sa piété filiale ; quand il eut trente ans, Yao le mit en charge ; quand il eut cinquante ans, il exerça par procuration le gouvernement qui appartient au Fils du ciel ; quand il eut cinquante-huit ans, Yao mourut ; quand il eut soixante-un ans341, il remplaça Yao et prit la dignité impériale. Trente-neuf ans342 après avoir pris la dignité impériale, il alla dans le sud inspecter les fiefs ; il mourut dans la campagne de Cangwu (蒼梧) et fut enterré sur (la montagne) Jiuyi 343 (九疑), au sud du Jiang ; c’est le lieu appelé la sépulture Ling 344 (零陵).

Quand Shun eut assumé la dignité impériale, il prit avec lui l’étendard de Fils du ciel et alla rendre hommage à son père Gusou ; il fut plein de déférence et se montra très respectueux, observant la conduite qui convient à un fils. Il donna un fief à son frère cadet, Xiang, et le nomma seigneur345.

Le fils de Shun, Shangjun (商均), lui aussi346, était indigne ; c’est pourquoi (Shun) présenta d’avance Yu au Ciel347 ; dix-sept ans après, il mourut. Quand le deuil de trois ans fut terminé, Yu, lui aussi, se retira devant le fils de Shun, comme Shun s’était retiré devant le fils de Yao ; les seigneurs se réunirent autour de lui et c’est après cela que Yu prit la dignité impériale. Le fils de Yao, Danzhu, et le fils de Shun, Shangjun, eurent tous deux un domaine déterminé pour y accomplir les sacrifices à leurs ancêtres348 ; ils portaient leurs vêtements ; leurs rites et leur musique étaient conservés dans leur intégrité ; lorsqu’ils rendaient visite au Fils du ciel, c’était en qualité d’hôtes349 ; le Fils du ciel ne les traitait pas en sujets, montrant ainsi qu’il ne se permettait pas d’agir de sa propre autorité350.

自黃帝至舜、禹,皆同姓而異其國號,以章明德。故黃帝為有熊,帝顓頊為高陽,帝嚳為高辛,帝堯為陶唐,帝舜為有虞。帝禹為夏後而別氏,姓姒氏。契為商,姓子氏。棄為周,姓姬氏。

Depuis Huangdi jusqu’à Shun et Yu, tous (les empereurs) eurent le même nom de famille ; mais ils se distinguèrent par les noms de leurs principautés, afin de mettre en lumière leur illustre vertu351. Ainsi, Huangdi fut Youxiong 352 (有熊) ; l’empereur Zhuanxu fut Gaoyang ; l’empereur Ku fut Gaoxin ; l’empereur Yao fut Taotang (陶唐) ; l’empereur Shun fut Youyu 353 (有虞) ; l’empereur Yu fut Xiahou 354 (夏後), mais il eut un autre nom de famille qui fut Si () ; Xie fut Shang () et eut pour nom de famille Zi () ; Qi fut Zhou () et eut pour nom de famille Ji 355 ().

Commentaires de Sima Qian

太史公曰:學者多稱五帝,尚矣。然尚書獨載堯以來;而百家言黃帝,其文不雅馴,薦紳先生難言之。孔子所傳宰予問五帝德及帝系姓,儒者或不傳。餘嘗西至空桐,北過涿鹿,東漸於海,南浮江淮矣,至長老皆各往往稱黃帝、堯、舜之處,風教固殊焉,總之不離古文者近是。予觀春秋、國語,其發明五帝德、帝系姓章矣,顧弟弗深考,其所表見皆不虛。書缺有間矣,其軼乃時時見於他說。非好學深思,心知其意,固難為淺見寡聞道也。餘並論次,擇其言尤雅者,故著為本紀書首。

Le duc grand astrologue dit : Ceux qui ont étudié disent pour la plupart que les cinq empereurs sont la haute antiquité356. Or le Shangshu (尚書) ne traite que de Yao et de ceux qui vinrent après lui ; d’autre part, les écrivains divers357 qui ont parlé de Huangdi font des récits qui ne sont pas exacts ; les maîtres officiels358 répugnent à en parler. Ce qui nous vient de Kongzi (孔子), à savoir les « Questions de Zai Yu (宰予) sur les vertus des cinq empereurs » et la « Suite des familles des empereurs »359, certains lettrés ne l’enseignent point. Pour moi, j’ai été à l’ouest jusqu’au Kongtong 360 ; au nord, j’ai passé le Zhuolu ; à l’est, je me suis avancé jusqu’à la mer ; au sud, j’ai navigué sur le Jiang et sur le Huai 361 ; lorsque je m’adressais aux notables et aux vieillards, tous, pris chacun à part, me parlaient communément des localités où se trouvèrent Huangdi, Yao et Shun ; leurs traditions et leurs notions étaient certes fort diverses ; d’une manière générale celles qui ne s’écartent pas des anciens textes sont les plus proches de la vérité. J’ai examiné le Chunqiu (春秋) et le Guoyu 362 (國語) ; ils font voir clairement que « les Vertus des cinq empereurs » et la « Suite des familles des empereurs » sont (des textes) canoniques. En réfléchissant, à moins que l’examen auquel on se livre ne soit pas approfondi, on reconnaîtra que tout ce qu’ils exposent n’est point vide de sens. Le Shu (jing) est incomplet et a des lacunes ; mais ce qu’il omet peut se trouver parfois dans d’autres récits. Si un homme de forte instruction n’y pense pas profondément et si son intelligence ne comprend pas leurs idées363, il sera certes difficile que ce soit raconté par des gens aux vues superficielles et aux connaissances bornées. J’ai mis l’ordre dans tout cela ; j’ai choisi ce qu’il y avait de plus exact dans ces dires et c’est ainsi que j’ai composé les Annales fondamentales qui ouvrent mon livre.

Notes

101. Les cinq empereurs correspondant aux cinq éléments sont, dans le système de Sima Qian : Huangdi (terre) ; Zhuanxu (bois) ; Ku (métal) ; Yao (feu) ; Shun (eau).

102. Dadai liji (大戴禮記) : Chap. VII, Wudi (五帝).

103. Huangdi signifie l’empereur jaune ; le jaune est en effet la couleur qui correspond à l’élément terre. — On verra plus loin dans ce même chapitre que Huangdi est appelé quelquefois l’empereur Hong et quelquefois Youxiong shi.

104. Shaodian est donné par Sima Zhen comme étant aussi le père de Yandi Shennong. Si l’on s’en tient au texte du Guoyu cité dans la note 00.141, Shennong et Huangdi seraient donc frères. Mais, d’après Sima Zhen, Shennong et Huangdi sont distants l’un de l’autre de cinq cents années environ ; il faut donc admettre que Shaodian n’est pas le nom d’un homme, mais celui d’un État dont les princes engendrèrent à des époques très différentes Shennong puis Huangdi ; Sima Zhen confirme son dire en citant une phrase des Annales principales des Qin (Mém. hist., ch. V, p. 1 v°) d’après laquelle un ancêtre des Qin aurait épousé une fille de Shaodian ; comme cet ancêtre des Qin vivait longtemps après Huangdi, le Shaodian dont il est ici question ne peut donc être que le nom d’un État. — En réalité l’hypothèse de Sima Zhen n’est qu’un expédient subtil pour concilier les incohérences des anciennes légendes.

105. Sima Qian dit que le nom de clan de Huangdi était Gongsun ; mais nous avons fait remarquer que cet auteur méconnaît l’antique distinction des noms de clan et des noms de famille (cf. note 00.103). Gongsun n’est pas un nom de clan, mais un nom de famille ; le nom de clan de Huangdi était, d’après Huangfu Mi, Ji ().

106. Le Tongjian gangmu (通鑒綱目) (qian bian, chap. a, p. 10 r°) dit :

« Une concubine du prince du royaume de Shaodian, nommée Fubao, fut émue en voyant la lueur d’un éclair entourer la Grande Ourse et conçut ; elle enfanta l’empereur sur la colline de Xianyuan ; c’est pourquoi son nom personnel fut Xianyuan.

— D’après le Tongjian jilan (通鑒輯覽) (ch. I, p. 5 r°), Xianyuan se trouvait dans la sous-préfecture actuelle de Xinzheng, préfecture de Kaifeng, province de Henan : D’après le Shuijingzhu (水經注) (chap. XVII, p. 10 v°), Xianyuan était le nom d’une gorge de montagne dans la préfecture secondaire de Qin, province de Gansu. — Une autre interprétation que rapporte le Lülizhi (律曆志), du Qian Hanshu (前漢書) (chap. XXI b, p. 15 r°) considère Xianyuan comme un surnom qui fut donné à Huangdi parce qu’il inventa les vêtements longs (yuan) et le chapeau en forme de char (xian). — Cf. le P. L. Gaillard, Croix et swastika, p. 264-268.

107. On appelle [], proprement : faible, tendre, l’enfant qui n’a pas encore soixante-dix jours.

108. Lorsque l’homme prend à vingt ans le bonnet viril, on l’appelle homme fait.

109. Shennong ou Yandi est le dernier des trois souverains d’après Sima Zhen. Voyez plus haut, p. 12 et suiv.

110. Ce passage donne à entendre que Sima Qian, d’accord avec le Guoyu (cf. n. 00.141), considère Shennong et Huangdi comme contemporains. Shennong, frère de Xianyuan, était empereur ; ses parents et ses enfants qui étaient des seigneurs n’obéissaient pas à ses ordres ; Xianyuan se chargea de les ramener au devoir. Plus tard cependant, Shennong fut injuste envers les seigneurs ; alors Xianyuan le combattit, lui enleva le pouvoir et devint lui-même empereur sous le nom de Huangdi.

111. Dans les Rites de Dai l’aîné, au chapitre de l’Emploi des soldats (Dadaili, section 75), on lit que « Chiyou fut un ambitieux sorti du peuple. » Ce texte a une certaine autorité aux yeux des critiques chinois parce que le chapitre d’où il est extrait fut, dit-on, écrit par Confucius pour répondre aux questions du duc Ai de Lu. Cependant, d’après le texte de Sima Qian, il semble que Chiyou n’était pas un homme vulgaire, mais un seigneur. — Zhang Shoujie (張守節), citant un livre intitulé Longyu Hetu, dit :

« Quand Huangdi était régent de l’empire, il y avait quatre-vingt un frères appelés Chiyou ; ils avaient tous des corps de bêtes et des voix humaines, des têtes de cuivre et des fronts de fer ; ils mangeaient du sable ; ils fabriquèrent les cinq sortes d’armes de guerre, des glaives, des lances et de grandes arbalètes ; ils terrorisaient le monde ; ils massacraient et tuaient sans raison. Les dix mille familles donnèrent avec respect à Huangdi le mandat de remplir la tâche du Fils du ciel. Huangdi ne parvint pas à réprimer Chiyou par la bonté et la justice ; alors il leva les yeux au ciel et soupira. Le ciel envoya une femme sombre qui descendit et vint donner à Huangdi un écrit scellé sur la guerre ; il subjugua Chiyou. Dans la suite, l’empire fut de nouveau troublé ; Huangdi dessina alors l’image de Chiyou pour effrayer l’empire ; tous dirent que Chiyou n’était pas mort et que dans les huit directions tout allait être détruit.

On voit dans cette légende que le premier écrit sur l’art de la guerre passe pour avoir été communiqué d’une manière surnaturelle à Huangdi.

112. Dadai liji : Chap. VII, Wudi de (五帝德).

113. Les cinq influences sont celles des cinq éléments primordiaux.

114. D’après Zheng Xuan (鄭玄) les cinq semences sont celles des cinq céréales, à savoir : le millet glutineux (Panicum miliaceum), le millet commun (Panicum miliaceum, autre variété), une sorte de haricot (Soja hispida), le blé et l’orge, le riz (cf. Breischneider, Botanicon sinicum, n° 335).

115. Ce passage rappelle les beaux vers où Lucrèce nous représente les anciens cherchant à employer dans les combats des animaux furieux (De natur rerum, chant V, vers 1307 et suiv.)

Tentarunt etiam tauros in moenere belli,
Expertique sues saevos sunt mittere in hostes ;
Et validos Parthi prae se misere leones
Cum ductoribus armatis saevisque magistris,
Qui moderarier hos possent vinclisque tenere...

Le fonctionnaire qui, à la cour des anciens souverains chinois, avait la charge de ces animaux de combat, s’appelait le Fu Bushi, c’est-à-dire celui qui soumet ceux qui ne sont pas soumis. Il est mentionné dans le Zhouli chap. XXVIII et XXX, trad. Biot, t. II, p. 147 et 209). — Il n’y a pas lieu de prendre en considération l’explication trop ingénieuse de Zhang Shoujie d’après qui ces noms de bêtes féroces étaient les appellations que Huangdi donnait à ses soldats pour effrayer l’ennemi (cf. aujourd’hui encore les soldats appelés tigres).

116. Les Rites de Dai l’aîné écrivent « l’empereur rouge » au lieu de Yandi. Ce souverain régnait en effet par la vertu du feu, élément auquel correspond la couleur rouge.

117. Banquan, c’est-à-dire la source de la montagne Ban, se trouvait à peu de distance (1 li suivant les uns, 5 li suivant les autres) de Zhuolu qui fut la capitale de Huangdi. Zhuolu était situé au sud de la préfecture secondaire de Bao'an, préfecture de Xuanhua, province de Zhili. Bao'an se trouve en dehors de la première grande muraille au bord d’un des cours d’eau dont la réunion constitue le Yongdinghe.

— La bataille que Huangdi livra dans la plaine de Banquan était célèbre avant le temps de Sima Qian car il y est fait allusion dans le Zuozhuan (cité dans le Tongjian jilan, chap. I, p. 5 r°) ; ainsi, quoique le Shu jing et le Shi jing' ne fassent pas mention de Huangdi, les légendes relatives à ce souverain sont anciennes.

118. Voyez la note précédente.

119. La montagne Wan était située dans la sous-préfecture actuelle de Linkui, préfecture de Qingzhou, province de Shandong. D’après la géographie Guodizhi', elle s’appelait aussi la montagne Dan, et donnait naissance à la rivière Dan.

120. Le Daizong est la cime orientale du Taishan, dans la préfecture secondaire de Tai'an, province de Shandong.

121. Il existe deux montagnes appelées Kongtong dans la province de Gansu ; l’une est située à l’est de cette provinee, dans la préfecture de Pingliang ; l’autre est située beaucoup plus à l’ouest, dans la préfecture secondaire de Su non loin de la célèbre passe appelée Jiayuguan. Toutes deux passent pour avoir reçu la visite de Huangdi. Parmi les légendes taoïstes qui se sont accumulées autour du nom de Huangdi, il en est une d’après laquelle ce souverain aurait reçu du sage Guangchengzi les enseignements taoïstes sur la montagne Kongtong : on lira le récit de l’entrevue de Huangdi et de Guangchengzi dans quelques belles pages de Zhuangzi' (chap. XI ; cf. trad. Legge, Sacred Books of the East, t. XXXIX, p. 297-300 ; [trad. Wieger, Les pères ... Tch11C]).

122. . Le mont Jitou, dont le nom signifie tête de coq, paraît être une des cimes du massif appelé Kongtong ; c’est du mont Jitou que sort la rivière Jing mentionnée dans le Tribut de Yu (voyez plus loin Annales fondamentales des Xia).

123. Le Jiang est le Yangzi Jiang.

— Plusieurs montagnes en Chine portent le nom de Xiong ou Xionger (proprement : oreilles d’ours). D’après les indications que nous donne le Guodizhi', celle dont il est ici question devrait se trouver à l’est de la préfecture secondaire de Shang, province de Shanxi. Mais le contexte semble cependant indiquer que cette montagne devait se trouver beaucoup plus dans le sud.

— Quant à la montagne Xiang, elle était dans la sous-préfecture actuelle de Baling, préfecture de Yozhou, province de Hunan ; une devait donc être située sur la rive orientale du lac Dongting.

124. Les Xunyu étaient les nomades qui habitaient les plaines de la Mongolie actuelle. D’après Sima Zhen, on les appelait, au temps de Yao et de Shun, les Rong des montagnes ou les Xunyu ; au temps des Xia, les Shunwei (au début du CXe chapitre des Mémoires historiques, Shunwei est donné par Sima Qian comme le premier ancêtre des Xiongnu) ; au temps des Yin, leur pays était désigné sous le nom de Guifang ; au temps des Zhou, on les appelait les Xianyun ; au temps des Han, les Xiongnu.

— Ces nomades étaient sans doute connus des Chinois sous le nom de celle de leurs tribus qui avait la suprématie et lorsque cette suprématie passait d’une tribu à une autre, le nom par lequel on les désignait tous changeait aussi.

125. La montagne Fu était située dans le voisinage immédiat de Zhuolu (cf. n. 117).

— La vérification des insignes consistait à réclamer à tous les vassaux la tablette qui leur conférait l’investiture et à constater que cette tablette se raccordait exactement avec une autre dont elle n’était qu’un morceau détaché. On verra plus loin que l’empereur Yu passe pour avoir pris une mesure analogue à l’égard des seigneurs.

— S’il faut en croire un passage du Tongmingji de Guo Xian (auteur du 1er siècle de notre ère ; son opuscule est réimprimé dans le Hanwei Congshu, mais je n’ai pas pu y trouver le texte que cite ici Sima Zhen), on devrait donner à cette phrase un tout autre sens : la montagne Fu serait une montagne merveilleuse située dans la mer orientale ; elle émettait une vapeur qui changeait de couleur suivant le souverain qui était appelé à régner ; elle était rouge pour Yao qui régnait par la vertu du feu ; elle était jaune pour Huangdi. La phrase de Sima Qian signifierait donc que Huangdi se rendit sur la montagne Fu afin de vérifier que la vapeur magique était bien de la couleur correspondant à l’élément terre.

126. Cf. n. 117. Zhuolu est ici le nom d’une montagne.

127. Cette phrase semble témoigner d’un ancien État nomade.

128. Cf. n. 00.118.

129. L’achillée est la plante dont les tiges servent à la divination. Il est assez difficile de voir quelle relation il y avait entre le trépied et l’achillée qui sont toujours mentionnés simultanément dans les légendes de Huangdi. Sur les travaux attribués à Huangdi relativement au calendrier, voyez dans le Traité sur les cérémonies feng et shan, les discours tenus par Gongsun Jing à l’empereur Wu (cf. ma première trad. de ce traité, p. 66). — Une tradition rapportée par le Shi Ben dit :

« Huangdi, ayant reçu l’achillée magique, ordonna à Danao de faire le cycle sexagénaire, et à Rongcheng à de dresser le calendrier.

130. Les noms de Feng Hou et de Li Mu ont donné lieu à une légende que Huangfu Mi rapporte dans son Diwang Shiji : Huangdi aurait vu en rêve un grand vent qui balayait toute la poussière, puis un homme qui tenait un arc énorme et gardait des brebis ; il en conclut que le ciel lui désignait ainsi les noms de ceux qu’il devait prendre pour conseillers ; en effet vent se dit feng — et poussière se dit keou ; en retranchant de ce dernier caractère la clef qui se trouve à gauche, on obtient exactement le nom de Feng Hou ; d’autre part, l’arc énorme suggère l’idée de force, li, et le fait de garder les moutons suggère l’idée de berger, mu ; on obtient ainsi le nom de Li Mu. Huangdi n’eut pas de cesse qu’il n’eût trouvé deux hommes répondant à ces noms.

— Nous ne savons rien sur Chang Xian ; quant à Dahong, le Traité sur les cérémonies feng et shan nous apprend que c’était le surnom d’un certain Guiyuju (cf. ma première trad. de ce traité, p. 68).

S’il fallait indiquer l’origine de ces légendes, nous ferions volontiers l’hypothèse qu’elles ont dû naître du désir d’expliquer les titres de certains ouvrages d’une haute antiquité que la croyance populaire rat tachait au cycle littéraire de Huangdi. Ainsi, dans le XXXe chapitre du livre des Han antérieurs, nous voyons cités les treize chapitres du Fenghou, les quinze chapitres du Limu, les trois chapitres du Guiyuju. Le sens de ces titres étant perdu, on imagina d’y voir des noms propres et, pour rendre compte du rapport qui existait entre ces livres et Huangdi, on crut que ces noms propres désignaient des officiers de ce souverain.

131. Dadai liji : Chap. VII, Wudi de.

132. La terre et le ciel, l’obscur et le clair, la mort et la vie, le trouble et le calme sont des séries de termes antithétiques qui dérivent de la grande opposition primitive des principes yin et yang.

133. Le mot chen désigne les syzygies de conjonction. Les syzygies de conjonction ont une grande importance dans le calendrier chinois, car elles sont prises comme point de départ dans le calcul des lunaisons. Le premier jour de la lunaison est le jour de la syzygie de conjonction.

134. Il indiqua les lieux où il fallait construire des digues et ceux où il fallait laisser s’échapper l’eau des fleuves ; il détermina les endroits qu’on devait défricher par le feu et ceux où on devait s’en abstenir. Tel est le sens que Zhang Shoujie voit dans la phrase : « Il régla l’usage de l’eau et du feu. »

135. Ce présage fut l’apparition d’un dragon de couleur jaune ; nous avons vu que le nom de Huangdi signifie l’empereur jaune.

136. Le Guoyu (chap. X, p. 10 r°) dit aussi :

« Huangdi eut vingt-cinq fils qui fondèrent des familles ; ceux qui eurent des noms de clans furent au nombre de quatorze répartis entre douze clans qui sont ceux de Ji (), You (), Qi' ()', Ji (), Teng (), Zhen (), Ren (), Xun (), Xi (), Ji (), Jian (), Yi ().

Mais il est assez malaisé d’établir, d’après le Guoyu, quels sont les quatre fils qui n’ont que deux noms de clans ; en effet le Guoyu dit d’une part que Qingyang (celui qui fut empereur sous le nom de Shaohao) et Yiku eurent tous deux pour nom de clan Ji, et d’autre part il dit que ce même Qingyang et Canglin eurent tous deux pour nom de clan Ji. Ces deux assertions sont contradictoires. Sima Zhen suppose que dans la seconde il faut remplacer Qingyang par Xuanxiao (le grand-père de l’empereur Ku), et dire que Xuanxiao et Canglin eurent tous deux pour nom de famille Ki. Il est vrai que l’explication de Sima Zhen n’est admissible que si l’on accepte, comme lui, la théorie de Huangfu Mi suivant laquelle Xuanxiao et Qingyang sont deux personnages différents ; d’après Sima Qian, ces deux noms s’appliquent à un seul et même homme, comme on va le lire quelques lignes plus bas.

137. Dadaili : Chap. VII, Di 'Xi.

138. Cf. n. 106.

139. Zhang Shoujie : Xiling est le nom d’un royaume.

140. Leizu passe pour avoir enseigné au peuple l’art d’élever les vers à soie. On remarquera que Sima Qian omet les légendes qui rapportent l’invention de tous les arts à l’époque de Huangdi.

141. D’après Sima Zhen, Huangdi, pour imiter les quatre étoiles appelées les Concubines impériales, prit quatre femmes. Huangfu Mi donne leurs noms :

  • la première était originaire de Xiling et s’appelait Leizu ; elle enfanta Changyi ;
  • la seconde était originaire de Fanglei et s’appelait Niujie ; elle enfanta Qingyang ;
  • la troisième était originaire de Tongyu et enfanta Yiku qui s’appelle aussi Canglin ;
  • la quatrième était Momu''.

Cette tradition diffère de celle qui est adoptée par Sima Qian, puisque celui-ci nous dit que Leizu enfanta Changyi et Qingyang. Elle diffère aussi de celle du Guoyu suivant lequel Yiku et Canglin sont deux personnages différents, et de celle de Ban Gu qui, dans le chapitre Gujin renbiao du livre des Han antérieurs, dit que Tongyu enfanta Yiku et que Momu'' enfanta Canglin.

142. On verra plus loin que Changyi fut le père de l’empereur Zhuanxu et que Qingyang fut le grand-père de l’empereur Ku. — D’après Huangfu Mi, Qingyang exerça lui-même le pouvoir souverain et fut appelé l’empereur Shaohao (cf. n. 00.102). Mais Sima Qian ne parle pas de cet empereur dans le premier chapitre de son histoire, quoiqu’il en rappelle le nom dans divers autres endroits (cf. Traité sur les sacrifices feng et shan).

143. Sima Zhen, se fondant sur un passage du Shuijing, pense que la rivière Jiang n’est autre que la rivière Lujiang, cours d’eau qui se trouve dans la province de Sichuan.

D’après Zhang Shoujie, la rivière Jiang arrosait l’ancien État de Jiang qui était situé dans la préfecture secondaire de Yu, province de Henan.

144. Le Shuijing zhushi (ch. XXXVI, p. 4 r°) rapporte la même légende. D’après la description que le Shuijing donne de la rivière Ruo, ce cours d’eau aurait passé par la préfecture de Ningyuan, province de Sichuan ; or la rivière qui arrose cette ville se réunit plus au sud, dans le territoire de la préfecture secondaire de Huili, au Yangzi ; mais on sait que les géographes chinois regardent la rivière Min, comme étant le cours principal du Yangzi ; c’est ce qui explique pourquoi le Shuijing considère comme faisant aussi partie de la rivière Jo toute la section du fleuve appelé encore Yangzi par les géographes européens, entre la préfecture secondaire de Huili et la préfecture de Xuzhou.

Changyi, fils de Huangdi, est tenu pour le premier ancêtre des princes de Shu.

145. Dans d’autres textes, cette femme est appelée Niuchu.

146. Huangfu Mi dit que Huangdi mourut à l’âge de cent onze ans, après avoir régné cent ans. C’est aussi la durée que les chronologies vulgaires assignent au règne de Huangdi. D’après les indications que donne la géographie Guodizhi', la tombe de Huangdi serait située dans la sous-préfecture actuelle de Zhenning, préfecture de Qingyang, province de Gansu.

Zhenning se trouve sur un petit affluent de gauche de la rivière Wei. — D’après un autre texte, la montagne Qiao serait située plus au nord-est, dans la sous-préfecture de Anding, préfecture de Yan’an, province de Shaanxi.

147. Dadai liji : Chap. VII, Wudi de.

148. La traduction que nous donnons de cette phrase est conforme au commentaire de Sima Zhen.

— D’après Zhang Shoujie, l’expression Gui shen désignerait, non les âmes des morts, mais les dieux des montagnes et des cours d’eau.

149. Zhang Shoujie : c’est l’arrondissement de You. — L’arrondissement qui portait ce nom à l’époque des Tang se trouvait au sud-est de 'Beijing.

150. Le Jiaozhi correspond au Tonkin actuel.

— Le nom de Jiaozhi est écrit parfois [交止] ; avec cette dernière orthographe, il signifie « doigts du pied croisés ». D’après un auteur annamite cité par M. des Michels (Du sens des mots « Giaoshi » dans le Recueil de textes et de trad. pub. par l’École des langues orientales en 1889, p. 293-297),

« le gros doigt du pied chez les Giaoshi était largement écarté. Lorsqu’ils se tenaient debout en rapprochant leurs deux pieds l’un contre l’autre, les deux orteils se croisaient.

Cette fable est répétée à satiété par les commentateurs chinois. Mais M. des Michels fait remarquer avec raison que les Annamites ne présentent point cette particularité physiologique ; il revient donc à la première orthographe et explique Jiaozhi comme signifiant « le point où les zones frontières des deux pays se joignent ». Cependant on pourra objecter que, si le sens de Jiaozhi est si simple, il est bien surprenant que les Chinois eux-mêmes ne l’aient pas aperçu et qu’ils aient eu recours, pour expliquer cette expression, à la légende des orteils écartés. C’est pourquoi certains auteurs ont pensé que Jiaozhi n’avait aucun sens et n’était qu’une transcription phonétique d’un nom indigène dont on pourrait peut-être retrouver la trace dans la Cattigara de Ptolémée et dans le nom de Kesho qui désignait récemment encore Hanoï (Richthofen, China, t. I, p. 510, n. 2).

— Pour ma part, considérant que le Jiaozhi est appelé Nanjiao = le Jiao du sud, dans le Shu jing, je serais disposé à voir dans le mot Jiao seul une transcription phonétique et à prendre le mot Zhi dans son sens ordinaire de « pays au pied d’une montagne » ; ainsi le Tonkin serait appelé soit le Jiao du sud, soit le pays de Jiao qui est au pied des montagnes.

— On remarquera que les limites de l’empire de Zhuanxu sont portées beaucoup plus au sud que celles de l’empire de Huangdi (cf. p. 29 et 30) ; il est évident d’ailleurs que la légende ne repose ici sur aucun fondement réel.

151. Le Liusha ou « sables mouvants » est le nom que prend le désert de Gobi en dehors de la passe appelée Jiayuguan.

152. Le Haiwaijing (partie du Shanhaijing), cité par Pei Yin, dit :

« Dans la mer orientale on trouve une montagne qui s’appelle Dusuo. Sur cette montagne est un grand pêcher (l’arbre Panmu dont il est ici parlé) qui a trois mille li de circonférence. Au nord-est est une porte qui s’appelle la porte des génies ; c’est là que se rassemblent les dix mille génies. L’empereur du ciel en a confié la garde aux hommes divins ; l’un de ceux-ci s’appelle Yujie ; ils passent en revue et gouvernent les dix mille génies. Si un génie fait du mal aux hommes, ils l’enchaînent avec des liens de roseau, tirent sur lui avec des arcs faits en bois de pêcher et le jettent en pâture au tigre.

Yujie a pour compagnon Tuyu. Ces deux personnages sont considérés aujourd’hui comme les divinités protectrices des portes (cf. China Review, vol. IX, p. 20 ; de Groot, Les fêtes annuelles à Emoui, trad. française, p. 597 et suiv.).

153. Le Shiben appelle ce personnage Qiongshi  ; dans le système chronologique de Sima Qian, ce fut l’ancêtre de l’empereur Shun.

154. Huangfu Mi dit que Zhuanxu mourut à l’âge de quatre-vingt-dix-huit ans, après avoir régné soixante-dix-huit années. — On montre la tombe de Zhuanxu au nord-est de la sous-préfecture de Hua, préfecture de Weihui, province de Henan (Tongjian jilan, ch. I, p. 12 r°).

155. D’après Zhang Yan, Gaoyang et Gaoxin sont les noms des localités où fleurirent les empereurs Zhuanxu et Ku. — La ville de Gaoyang était située dans la sous-préfecture de Qi , préfecture de Kaifeng, province de Henan ; le village de Gaoxin se trouve dans la sous-préfecture de Shangqiu, préfecture de Guide, province de Henan (Tongjian jilan, ch. I, p. 11 r° et 12 r°).

— D’après Huangfu Mi, le nom personnel de l’empereur Ku était Qun.

156. Huangfu Mi : Il établit sa capitale à Bo.

— Cette ville passe aussi pour avoir été la capitale de Tang, fondateur de la dynastie des Yin ; c’est aujourd’hui la ville de Yanshi, préfecture de Henan, province de Henan.

157. Le mot « neveu » ne rend pas exactement l’expression chinoise. Gaoxin était, à parler exactement, le fils du cousin germain de Zhuanxu.

158. Dadai liji : Chap. VII, Wudi de.

159. C’est-à-dire qu’il établit un calendrier pour prévoir l’apparition et la disparition du soleil et de la lune.

160. Zhang Shoujie : les esprits du ciel s’appellent shen : les esprits des hommes s’appellent Gui. — Les puissances surnaturelles que vénérait l’empereur Ku étaient donc les dieux célestes et les génies ou âmes des morts.

161. Dadai liji : Chap. VII, Wudi de.

162. Le Shiben (Dixibian, ch. IV dans l’édition du Zhangshi Congshu, p. 7 v°) dit :

« L’empereur Ku tira les sorts au sujet des fils de ses quatre femmes et reconnut qu’ils seraient tous empereurs. Sa première femme était une fille de la famille des princes de Tai et s’appelait Jiangyuan elle enfanta Houji (c’est l’ancêtre de la dynastie Zhou). Sa seconde femme était une fille de la famille des princes de Song et s’appelait Jiandi ; elle enfanta Xie c’est l’ancêtre de la dynastie Shang). Sa troisième femme était une fille de la famille Chenfeng et s’appelait Qingdu ; elle enfanta l’empereur Yao. Sa quatrième femme était une fille de la famille Juzi et s’appelait Changyi : elle enfanta Zhi.

163. Zhang Shoujie : Le nom de Fangxun signifie : (celui qui sait) imiter la gloire (de ses ancêtres). — La plupart des commentateurs admettent que ce fut le nom personnel de Yao.

164. L’empereur Zhi n’a trouvé place dans aucun système chronologique ; on voit que Sima Qian le mentionne mais sans le compter au nombre des cinq empereurs ; il en est de même du Tongjian gangmu et du Tongjian jilan qui lui attribuent neuf ans de règne, mais ne le font pas rentrer dans leur liste de souverains ; enfin le Zhushu jinian identifie Zhi avec Shaohao et le place immédiatement après Huangdi ; mais ces Annales n’assignent aucune durée au règne de ce souverain et par conséquent leur série de cinq empereurs reste identique au fond à celle de Sima Qian.

165. Le Huang Lan dit que la tombe de l’empereur Ku se trouvait au sud de Dunqiu ; Dunqiu était au sud-ouest de la sous-préfecture de Qingfeng, préfecture de Daming, province de Zhili. — Le Huang Lan est le titre d’un livre qui traitait des sépultures des souverains ; il fut composé au temps de la dynastie Wei (220-264) par Wang Xiang et Miu Xi (Shitong tongshi, chap. V, p. 4 v°).

166. Yao est un titre posthume qui signifie : soutenir le bien et répandre la sainteté. — On trouve souvent aussi Yao désigné par les noms de Tang ou de Tao Dang ; Huangfu l’explique en disant que, sous le règne de l’empereur Zhi, Yao fut nommé seigneur du pays de Tang ; il avait été auparavant seigneur du pays de Tao. Tao correspond à la sous-préfecture actuelle de Dingtao, préfecture de Caozhou, province de Shandong. Tang est aujourd’hui la sous-préfecture de même nom, préfecture de Baoding, province de Zhili.

— Le nom de clan de Yao était Ji. Mais, grâce à la confusion qui s’est établie entre les noms de clan et les noms de famille (cf. n. 00.103), certains auteurs, tels que Huangfu Mi, disent que le nom de clan de Yao fut le nom de famille Yiqi. Yi est expliqué comme le nom du lieu où la mère de Yao l’enfanta ; c’est aujourd’hui la sous-préfecture de Yiyang, préfecture de Ruzhou, province de Henan.

167. Dadaili : Chap. VII, Wu di de.

168. De près il était comme le soleil qui réchauffe tout de son ardeur bienfaisante ; de loin il était comme les nuées qui couvrent le ciel et répandent une pluie fertilisante.

169. Le mot [] désigne, dans l’acception où il est pris ici, une sorte de bonnet qui fut en usage jusque sous la dynastie des Xia.

170. Shu jing : Yao dian.

171. Le mot [] est remplacé dans le texte du Shu jing par le mot [] et la phrase doit être alors traduite : il savait mettre en lumière les hommes capables et vertueux.

172. Les neuf degrés de parenté comprennent tous les parents par agnation depuis le trisaïeul jusqu’à l’arrière-arrière-petit-fils. Une autre interprétation veut introduire dans les neuf degrés des parentés collatérales et des parentés par les femmes ; mais la première opinion est la plus généralement adoptée.

173. Le mot [] employé ici par Sima Qian dans le Shu jing ; mais ces deux caractères sont tous deux pris par abus pour représenter un ancien caractère inusité dont le sens est [] = distinguer, séparer (Shangshu houan, dans H. T. K. K., chap. CCCCIV, p. 4 v°).

174. C’est sur l’autorité de Kong Anguo que nous traduisons [] comme signifiant les cent fonctionnaires.

175. Nous signalons ici (à partir des mots « par l’amour qu’il eut... » jusqu’aux mots « éclairés et intelligents ») un fragment en vers dans le texte du Yao dian. Les deux premiers vers ont pour rimes [] et [] qui, dans la théorie de Duan Yucai, sont au rusheng de la troisième catégorie (H. T. K. K., ch. DCLX, p. 4 v°) ; les deux derniers vers ont pour rimes [] et [] qui sont au ping sheng de la onzième catégorie (loc. cit., p. 11 r°). — Les deux phrases qui suivent dans le texte du Shu jing forment aussi deux vers qui ont pour rimes [] et [] au ping sheng de la huitième catégorie ; mais elles ont été modifiées dans le texte de Sima Qian.

176. Dans ce passage et les suivants, il va être question de six personnages : deux d’entre eux sont Xi et He ; les quatre autres sont deux frères cadets de Xi et deux frères cadets de He. Ces quatre derniers sont préposés aux quatre saisons, comme il ressort du texte même du Shu jing. Quant aux deux premiers, ils avaient à s’occuper, s’il faut en croire Zheng Xuan, l’un du ciel, l’autre de la terre, c’est-à-dire l’un du principe yang et l’autre du principe yin, dont dépendent les quatre saisons ; une légende rapportait que l’empereur Ku avait préposé un certain Zhong au ciel et un certain Li à la terre ; Zheng Xuan en conclut que Xi et He étaient les descendants de Zhong et de Li.

177. Les Yuyi (=barbares Yu), ou la localité appelée Yuyi, devaient se trouver à l’extrémité de la presqu’île de Shandong. Le second des Xi présidait ainsi au côté de l’est et au printemps. Nous n’avons aucune raison d’adopter l’opinion qui placerait Yuyi dans le Liaodong ou en Corée, car une telle position, suivant la judicieuse remarque de Wang Guanglu, n’aurait pas été l’est, mais le nord-est.

178. Proprement : les occupations de l’est..

179. Le jour moyen du printemps est celui qui est également éloigné du jour le plus court de l’hiver et du jour le plus long de l’été ; c’est donc l’équinoxe du printemps.

180. Le mot niao = oiseaux, désigne proprement une partie du firmament. Le ciel était divisé en quatre régions que symbolisaient quatre animaux : à l’est correspondait le dragon ; à l’ouest, le tigre ; au nord, la tortue et au sud l’oiseau (K. T. K. K., chap. CCCCIV, p. 10 r°). Sept des vingt-huit constellations zodiacales étaient comprises dans chacune de ces régions ; d’après Kong Anguo, le milieu du printemps était marqué par le fait que les sept constellations du côté sud étaient visibles vers le soir. Cependant dans deux des paragraphes suivants, c’est une constellation et non un groupe de constellations dont la culmination sert à marquer les grandes époques de l’année ; on a donc cherché à déterminer quelle était la constellation particulière qui indiquait l’équinoxe du printemps ; voyez sur ce sujet Legge, Chinese Classics, t. III, p. 19.

181. Le peuple sort des maisons où il s’était tenu renfermé durant l’hiver et il se répand dans les champs pour les labourer.

182. Les animaux viennent d’avoir des petits et sont occupés à les nourrir. Le Shu jing écrit, au lieu du mot wei=petit que nous trouvons dans Sima Qian, le mot wei=queue ; si on adopte la leçon du Shu jing, il faut la considérer comme étant une image très grossière et traduire wei par « copuler ». C’est l’interprétation de M. Legge. Mais la leçon des Mémoires historiques ne demande pas qu’on force ainsi le sens d’un mot et paraît préférable ; elle est adoptée par la plupart des critiques chinois (H. T. K. K., chap. CCCXC, p. 13 v°).

183. Kong Anguo explique nanjiao comme le lieu où l’été et le printemps se touchent (jiao) ; mais le sud symbolise l’été seul et non le rapport de l’été et du printemps ; d’ailleurs les trois autres points cardinaux sont désignés par des noms de lieu ; c’est pourquoi Sima Zhen considère nanjiao comme un nom de lieu et fait de jiao une abréviation de jiaozhi. Nous avons dit plus haut (n. 150) que l’empire de Zhuanxu passait pour s’être étendu jusqu’au Jiaozhi, c’est-à-dire jusqu’au Tonkin actuel. — Le troisième des Xi réside dans le sud et préside à l’été. Zheng Kangcheng fait observer avec raison qu’après les mots nanjiao devaient se trouver les trois mots yue ming du. Ce membre de phrase est nécessaire en effet pour rétablir le parallélisme qui est manifeste dans tout ce passage. § Le second des Xi demeure à l’est, dans le lieu appelée vallée du Soleil levant ; § Le second des He demeure à l’ouest, dans le lieu appelé vallée de l’Obscurité ; § Le troisième des He demeure au nord, dans le lieu appelé la Sombre Résidence ;

Il faut donc une quatrième phrase ainsi conçue : § Le troisième des Xi demeure au sud, dans le lieu appelé la Claire Résidence.

184. Sima Zhen montre que la leçon du Shu jing préconisée par Kong Anguo est obscure et embarrassée. — D’une manière générale, si l’on veut bien se rapporter à ce que nous avons dit de la constitution du texte du Shu jing dans notre introduction, on verra que nous n’avons aucune raison de préférer a priori le texte traditionnel du Shu jing à celui que nous donne Sima Qian, puisque Sima Qian écrivit avant l’établissement de ce texte traditionnel.

185. C’est en été que les semences plantées par les laboureurs atteignent leur entier développement. A côté de cette interprétation, il faut citer l’opinion de Zheng Kangcheng qui croit voir dans cette phrase l’indication qu’on observait l’extrême limite atteinte par l’ombre de la tige du cadran solaire ; mais rien n’autorise une théorie aussi alambiquée.

186. Le jour le plus long est le solstice d’été. — Il n’y a pas à proprement parler de constellation he ; le mot he signifie feu, et comme l’élément feu correspond au sud et par suite à l’été, on appelle constellations feu celles qui culminent au moment du solstice d’été ; on donne plus spécialement ce nom, parmi les sept constellations qui occupent la région du ciel symbolisée par le dragon, aux deux constellations centrales qui sont [] et [].

187. En été, le peuple se répand en toujours plus grand nombre dans les champs ; même les enfants et les vieillards sortent des maisons.

188. D’après Zheng Kangcheng, le mot ne signifierait pas changer, mais aurait son sens propre de cuir, peau : les plumes et les poils se faisant rares, on voit la peau qui est dessous.

189. L’équinoxe d’automne est indiqué par la nuit de longueur moyenne et l’équinoxe du printemps par le jour de longueur moyenne. Le printemps correspond en effet au principe yang que symbolise le jour, et l’automne correspond au principe yin que symbolise la nuit.

190. Xu occupe la place du centre parmi les sept constellations de la région du ciel symbolisée par la tortue. On donne souvent le nom de [] ou guerrier sombre à cette région du ciel ; en effet une légende rapportée par le Sou shen ji raconte que le roi des démons se changea en une tortue que vainquit l’empereur sombre, au temps de Zhou, de la dynastie des Yin.

Le nom du vainqueur est resté attaché à la région céleste que symbolise en réalité la tortue, comme on peut le voir sur toutes les représentations graphiques.

191. Proprement : ont des plumes et des poils et renouvellent leurs plumes et leurs poils.

192. La leçon [] = les êtres qui se cachent, se retrouve, nous dit Sima Zhen, dans le grand commentaire de Fu Sheng ; Sima Qian nous donne donc ici le texte moderne du Shu jing (cf. H. T. K. K., chap. CCCXC, p. 17 v°). L’édition classique du Shu jing présente la leçon [] = les changements de l’hiver.

193. Le solstice d’hiver indique le milieu de l’hiver. A ce moment les sept constellations de la région du ciel symbolisée par le tigre sont visibles au firmament et c’est la constellation centrale, mao, qui culmine.

— Les indications que nous donne ce texte sur les diverses constellations qui culminaient au ciel aux équinoxes et aux solstices peuvent donner la tentation de chercher à le dater en tenant compte de la loi de précession des équinoxes ; Medhurst et le Dr Legge croient pouvoir trouver par ce moyen une confirmation de la chronologie du Tongjian gangmu qui place le règne de Yao de 2357 à 2255 avant J.-C. Mais M. S. M. Russell, professeur d’astronomie au Tong wen guan à Pékin, a repris la question dans un article intitulé : Discussion of astronomical records in ancient Chinese books (Journal of the Peking Oriental Society, vol. II, n° 3) ; il montre que les indications de ce texte sont trop vagues pour permettre des calculs précis, qu’elles coïncident en partie avec celles fournies par le Xia xiaozheng qui passe pour postérieur, enfin que la vague approximation à laquelle on pourrait arriver avec de telles données nous reporterait à une date postérieure de quelques siècles à celle de la chronologie ordinaire. Selon M. Russell, les étoiles mentionnées dans ce texte sont les suivantes : α de l’Hydre pour l’équinoxe du printemps, π du Scorpion pour le solstice d’été, β du Verseau pour l’équinoxe d’automne et η du Taureau pour le solstice d’hiver ; d’après les commentateurs chinois, ces observations étaient faites à 6 heures du soir.

194. Ma Rong donne ce sens qui est tout à fait conforme à la signification du mot employé par Sima Qian. D’après Zheng Kangcheng, la leçon du Shu jing serait [] et signifierait l’intérieur d’une chambre.

195. Les commentateurs ont accumulé autour de ce passage toute leur science astronomique. Il nous suffit de n’y voir que ce qui s’y trouve exprimé, à savoir que, dès l’époque très reculée à laquelle remonte ce texte, les Chinois avaient évalué la durée de l’année avec une assez grande approximation, puisqu’ils l’estimaient à 366 jours, en second lieu qu’ils avaient recours à l’artifice des mois intercalaires pour rétablir l’accord entre l’année solaire et le calendrier lunaire. — Le Shu jing met ce paragraphe dans la bouche de Yao s’adressant à Xi et à He ; il nous semble que c’est une modification relativement récente et que Sima Qian nous présente le texte dans son intégrité en le laissant sous sa forme abrupte. Il n’est pas difficile en effet de reconnaître dans tout ce qui précède un vieux calendrier analogue au Xia xiaozheng qui se trouve dans les Rites de Dai l’aîné ou au Yue ling du Li ji ou au Shixun jie du Zhou Shu ; ce vieux débris de l’antiquité a été incorporé dans la légende de Yao, mais devait former à l’origine un tout indépendant.

196. Le caractère [] employé par Sima Qian est, d’après Jiang Sheng (H. T. K. K., chap. CCCXC, p. 18 v°), la bonne leçon ; le caractère [] qui se trouve dans le Shu jing n’y aurait été introduit que par l’édition de la période kai yuan (713-741).

197. Le texte de Sima Qian est ici une traduction en caractères faciles d’une phrase en termes obscurs du Shu jing. Il en sera souvent de même dans ce qui suit.

198. L’opinion générale des commentateurs est que Gonggong est le nom d’une fonction qui était celle d’intendant des travaux publics ou de surveillant des eaux. Mais Jiang Sheng (H. T. K. K. chap. CCCXC, p. 21 r°) est d’avis que le personnage ici désigné ne remplissait pas cette charge, puisque précisément Yao refuse de la lui confier : on voit en effet par ce qui suit que l’empereur cherchait quelqu’un qui fût capable de lutter contre l’inondation. Peut-être un des ancêtres de Gonggong avait-il été intendant des travaux publics et le nom de la fonction était-il devenu celui de la famille (cf. n. 00.103).

199. M. Legge traduit l’expression [] comme ne désignant qu’un seul personnage, le chef des quatre montagnes ; cette interprétation ne s’appuie que sur l’autorité de Zhu Xi et les commentateurs antérieurs admettent que les chefs des quatre montagnes sont plusieurs personnes ; cette opinion paraît beaucoup plus plausible, puisque, lorsque Yao s’est adressé aux chefs des quatre montagnes, on lit la phrase : Tous dirent. En outre, un texte du Guo yu (Zhou yu, chap. III, p. 8 r°) dit formellement, que les chefs des quatre montagnes étaient au nombre de quatre ; il rappelle les récompenses données à Yu et aux chefs des quatre montagnes qui l’avaient aidé dans ses travaux, puis il ajoute : ce roi (c’est-à-dire Yu) et ces quatre chefs... (c’est-à-dire les chefs des quatre montagnes). — Enfin on verra plus loin que les chefs des quatre montagnes sont dans une étroite relation avec les quatre portes de la capitale ou les quatre côtés de l’empire et paraissent être les surveillants des quatre points cardinaux. — Il ne faut pas enlever à ces vieilles légendes leur symétrie mathématique sous le prétexte de leur donner plus de vraisemblance.

Mais, ce premier point établi, il est assez difficile de savoir qui étaient ces chefs des quatre montagnes. D’après Zheng Kangcheng, ces chefs étaient les intendants des quatre saisons ; c’étaient à l’origine, comme on l’a vu plus haut, le second et le troisième des Xi, le second et le troisième des He. A la mort de ces personnages, les chefs des quatre montagnes furent au nombre de huit et s’appelèrent les ba bo ; quatre d’entre eux auraient précisément été ceux des ministres de Yao dont nous venons de voir les noms, Huan Dou, Gonggong, Fang Qi auxquels il faut ajouter Gun dont il sera question plus loin. Mais toute cette théorie n’est guère solide.

200. Gun fut le père de l’empereur Yu, fondateur de la dynastie des Xia.

201. Cette interprétation est celle de Kong Anguo, mais le mot [] ne laisse pas que d’être obscur.

202. A la fin de chaque période de trois ans, on examinait quelle avait été la conduite des fonctionnaires, et après trois de ces examens triennaux, c’est-à-dire au bout de neuf ans, on procédait aux promotions et aux révocations ; c’est ce qui explique pourquoi Gun fut renvoyé au bout de neuf ans.

203. Le mot [] pourrait signifier les ordres impériaux ; mais d’après Zheng Kangcheng, il s’agit ici d’un ordre céleste, de ce fameux décret d’en haut qui confère à un homme le droit de régner sur les autres.

204. D’après les rites, l’homme doit être marié à trente ans et la femme à vingt ; l’homme qui dépassera trente ans sans s’être marié est appelé du nom particulier de guan ; tel était le cas de Shun.

205. Ce texte montre combien sont artificielles les généalogies de Sima Qian qui font descendre de Huangdi tous les anciens souverains de la Chine. D’après le système de Sima Qian (cf. Mém. hist., chap. XIII), Shun serait l’arrière-arrière-petit-fils du cousin germain de Yao. Au contraire, la légende telle que nous la trouvons ici veut qu’il ait été un homme du peuple. Ajoutons que si le système de Sima Qian était exact, le mariage de Shun avec les deux filles de Yao serait une infraction scandaleuse aux règles de la morale chinoise.

206. Les commentateurs sont généralement d’accord pour dire que Shun est un titre posthume. Quant au nom de Yu, l’explication la plus plausible est celle qui en fait le nom du lieu qui vit naître Shun. Mais les opinions varient au sujet de l’emplacement de cette localité. D’après les indications du Guodizhi cité par Zhang Shoujie, la ville de Yu aurait été située dans la sous-préfecture de Pinglu, préfecture secondaire de Jie, province de Shanxi. D’après Gu Yewang, il faudrait l’identifier avez la sous-préfecture de Shangyu, préfecture de Shaoxing, province de Zhejiang. Le Xiaojing dit que Shun naquit à Yaoqu c’est-à-dire dans le Shandong, au sud de la sous-préfecture de Sishui. Le dernier de ces textes serait le plus conforme au passage de Mencius (trad. Legge, p. 192), où il est dit que Shun était un homme du pays des barbares orientaux ; mais c’est la première hypothèse, celle qui place le lieu de naissance de Shun dans le Shanxi, qui est la plus généralement adoptée. — Le nom de clan de Shun était Yao. Yao passe aussi pour avoir été le nom du lieu où naquit Shun; on l’identifie avec la sous-préfecture de Yongji, préfecture de Puzhou, province de Shanxi.

207. On verra plus loin que le père de Shun s’appelait Gusou. les deux caractères qui entrent dans la composition de ce nom signifient tous deux « aveugle ». Kong Anguo explique qu’il ne s’agit que d’un aveuglement moral ; mais rien dans le texte ne justifie cette interprétation.

208. Comm. Zheng Yi : Les deux filles de Yao s’appelaient, l’une Huang'e et l’autre Nüying ; la première n’eut pas de fils ; la seconde enfanta Shangjun.

209. Le Gui est une petite rivière du Shanxi qui traverse la localité appelée aujourd’hui encore le village de Yu (Shun), Yuxiang, préfecture de Puzhou, et va se jeter dans le Huanghe. D’après Kong Anguo, le mot Rui signifierait une petite crique et il faudrait traduire que Shun demeurait auprès d’une crique de la rivière Gui. D’autres commentateurs disent que ce mot désigne le confluent de deux rivières ou encore la rive nord d’une rivière. Selon d’autres auteurs enfin, Rui serait le nom d’un petit cours d’eau. affluent de la rivière Gui ; cette dernière interprétation est celle du Tongjian jilan (ch. I, p. 15 r°).

210. Le sens que nous donnons à cette phrase ne s’accorde pas avec le texte du Shu jing, mais on verra quelques pages plus loin que Sima Qian l’entendait bien ainsi.

211. Ici se termine, à quelques variantes près, la Règle de Yao, le premier chapitre du Shu jing ; on peut y distinguer trois sections : dans la première, on traite du bon gouvernement de Yao ; dans la seconde, on montre comment il sut établir le calendrier et connaître les saisons ; dans la troisième enfin, on met en lumière les principes au moyen desquels il choisissait les hommes à qui il voulait confier le gouvernement.

Le texte de Sima Qian ne distingue pas le Shun dian du Yao dian ; c’est artificiellement que le Shu jing traditionnel a divisé ces deux chapitres (cf. mon Introduction, IIIe partie). En effet, tous les auteurs antérieurs au IIIe siècle de notre ère, lorsqu’ils citent des passages de ce qui est aujourd’hui appelé le Shun Dian, les rapportent au Yao dian ; les exemples qu’on en peut donner sont très nombreux ; le plus célèbre se trouve dans Mencius (trad. de Legge, Chinese Classics, t. II, p. 229). Wang Su (vers 256 ap. J.-C.) est le premier commentateur où l’on voie ces deux chapitres distingués ; plus tard, pour donner plus d’unité au pseudo Shun dian, on y ajouta un début de vingt-huit caractères qui ne se trouve naturellement pas dans Sima Qian ; on attribue cette interpolation à un certain Liu Xuan qui vivait sous la dynastie des Sui (581-618 ap. J.-C.) (cf. Ding Yan jian, dans le Xu Huang-qing jingjie, chap. DCCCXLIV, p. 23 r°). Ce que nous lisons dans Sima Qian est donc le Yao dian en texte moderne, sans interpolation ni division artificielle ; aussi les critiques modernes qui ont tenté de reconstituer le Shu jing ont-ils tous suivi le grand historien et écrivent-ils le pseudo Shun dian à la suite du Yao dian dont il n’est en réalité qu’une partie. (cf. Wang Mingsheng, dans le Huang-qing jingjie, chap. CCCCIV, p. 29 r° et Jiang Sheng, dans le même recueil, chap. CCCXC, p. 26 r°).

M. Legge est d’avis que le Shun dian, tel que nous l’avons aujourd’hui, se compose de deux parties, l’une qui faisait partie du Yao tien, l’autre qui est un fragment du véritable Shun dian et il dit : « On ne peut trouver aucune citation où un paragraphe de cette seconde partie soit rapportée au Yao dian. » Cette affirmation est contredite par les faits : le Lunheng de Wang Chong (Ier siècle ap. J.-C.) cite la dernière phrase du pseudo Shun dian comme appartenant au Yao dian ; on trouvera d’autres citations analogues dans le DCCCXLIVe chapitre du Xu Huang-qing jingjie, p. 22 v°. C’est donc le pseudo Shun dian tout entier, et non pas seulement une partie de ce chapitre, qui faisait corps primitivement avec le Yao dian.

212. Shu jing : Shun dian. [et Legge [css : édition/rechercher : ‘2.’]]

213. L’expression òu tièn « les cinq règles » ne se trouve que dans ce texte du Shu jing : les commentateurs veulent y voir les cinq vertus qui règlent les relations de mari et femme, père et fils, souverain et sujets, frère aîné et frère cadet, ami et ami.

214. D’après le texte du Shu jing, il faudrait traduire : fut investi des cent surveillances, c’est-à-dire qu’il eut la surveillance générale des cent fonctionnaires.

215. Les quatre portes sont les portes de la capitale où Shun allait recevoir les seigneurs qui venaient des quatre points cardinaux. Certains commentateurs ont voulu y voir les quatre portes du Ming tang ou salle de la distinction où le Fils du ciel recevait les seigneurs en les distinguant suivant leurs rangs. Dans cette phrase, le mot pīn est l’équivalent du mot qui signifie « recevoir un hôte », tandis que, dans la phrase suivante, il a son sens propre « être un hôte ».

216. Shu jing : Shun dian.

217. Au lieu de [], le Shu jing écrit [] ; ce mot a le même sens, car le commentaire de Guliang l’explique en disant : C’est une forêt au pied d’une montagne. On voit les libertés que Sima Qian prend avec le texte du Shu jing, substituant des gloses aux termes obscurs.

218. Le texte de Sima Qian est ici beaucoup plus clair que celui du Shu jing et ne laisse aucun doute sur le sens de la phrase ; dans le Shu jing, la concision est telle que le pseudo Kong Anguo a pu en donner l’interprétation suivante : « Le vent violent, le tonnerre et la pluie ne troublèrent pas », c’est-à-dire que, grâce au bon gouvernement de Shun, tout les phénomènes naturels se passèrent avec ordre. Mais le sens indiqué par Sima Qian est le plus simple et le plus évident.

219. Dès le premier examen triennal (cf. p. 51, n. 3), Shun est jugé digne d’exercer par procuration le gouvernement.

220. C’est-à-dire que, ne se sentant pas capable de supporter le fardeau de l’État, Shun ne fut pas heureux d’entendre la proposition de Yao.

Le texte antique, adopté par le Shu jing traditionnel, écrit [] il ne succéda pas, il ne voulut pas succéder. — Ce qui suit montre d’ailleurs que Shun ne persista pas dans son refus.

221. Dans cette phrase, ajoutée au texte du Shu jing, Sima Qian nous donne son avis sur le sens très controversé de l’expression Wenzu. Wenzu — l’aïeul parfait, semble bien en tous cas être un ancêtre de Yao et c’est ainsi que le culte des ancêtres est la plus ancienne manifestation religieuse de l’esprit chinois.

— La glose de Sima Qian implique une théorie quinaire que la doctrine des cinq éléments avait mise en vogue à son époque, mais qui paraît bien postérieure à l’âge du Yao dian. En effet, si Wenzu est l’aïeul à la cinquième génération, il faut de nécessité qu’à côté de son temple se soient trouvés les quatre temples du trisaïeul, du bisaïeul, de l’aïeul et du père (cf. Wang Guanglu, dans H. T. K. K., ch. CCCCIV, p. 32 r°). Mais le trisaïeul de Yao est Huangdi qui passe pour le premier des souverains ; l’aïeul à la cinquième génération ne peut donc être que le ciel qui seul régna avant Huangdi ; c’est le ciel qui serait l’ancêtre accompli, suivant Ma Rong. Nous ne craindrions pas, pour notre part, d’accepter cette interprétation qui montre bien comment le culte des ancêtres, fondement premier de la religion chinoise, se rattache par des gradations insensibles à l’adoration des forces naturelles. Le ciel est imposant par son immensité, mais si on le vénère, c’est parce qu’il est regardé comme le premier ancêtre, et cela non pas au figuré, mais au sens propre, car il est lui-même un souverain mort ou peut-être la réunion de toutes les âmes des souverains morts.

Le commentateur Zhang Shoujie explique d’une manière différente le terme Wenzu dans lequel il veut voir non pas le nom d’un personnage, mais celui d’un temple. Quoique sa note se fonde sur la théorie des cinq empereurs d’en haut qui ne date guère que de l’époque des Han et ne saurait expliquer les anciennes conceptions théologiques chinoises, elle mérite d’être citée à cause des renseignements curieux qu’elle nous donne sur les cinq empereurs :

« L’ouvrage intitulé : Shangshu diming yan dit : Les empereurs continuent le ciel : on leur élève des palais pour vénérer les diverses formes que prend le ciel. Les cinq palais au temps de Yao et de Shun étaient appelés les cinq palais ; sous les Xia on les appelait les maisons des générations ; sous les Yin, on les appelait les habitations diverses ; sous les Zhou, on les appelait la salle de la distinction.Tous ces édifices étaient les lieux où on sacrifiait aux cinq empereurs.

Pour ce qui est du terme Wenzu, le nom du palais de l’empereur rouge, Biaonu, est Wenzu ; l’essence du feu est l’éclat et la clarté ; c’est l’ancêtre de ce qui est parfait et manifeste ; c’est pourquoi on appelle (ce palais) Wenzu, l’aïeul parfait ; sous les Zhou, le nom en fut Mingtang (salle de la distinction).

Pour ce qui est de Shendou, le nom du palais de l’empereur jaune, Hanchunyu, est Shendou ; dou signifie « présider » ; l’essence de la terre est pure et calme : elle préside aux quatre autres éléments, c’est pourquoi on appelle (ce palais) Shendou (le président saint) ; sous les Zhou on l’appelait Taishi (grande maison).

Pour ce qui est de Xianji, le nom du palais de l’empereur blanc, Zhaoju, est Xianji ; ji signifie régler ; l’essence du métal coupe et tranche toutes choses ; c’est pourquoi on appelle (ce palais) Xianji (la règle manifeste) ; sous les Zhou, on l’appelait Zongzhang.

Pour ce qui est de Xuanju, le nom du palais de l’empereur noir, Guangji, est Xuanju ; ju signifie règle ; l’essence de l’eau est sombre et obscure, elle peut peser le léger et le lourd ; c’est pourquoi on appelle (ce palais) Xuanju (la règle sombre) ; sous les Zhou on l’appelait Xuantang (la salle sombre).

Pour ce qui est de Lingfu, le nom du palais de l’empereur vert, Lingweiyang, est Lingfu ; sous les Zhou on l’appelait Qingyang (principe yang vert). »

— Le sens des noms attribués ici aux cinq empereurs est fort obscur ; Chalmers (prolég. au Shu jing de Legge, p. 97) croit que ce sont des mots d’origine étrangère transcrits en chinois. Il ne semble pas cependant que tel soit le cas pour tous ces noms sans exception ; ainsi l’empereur rouge qui préside au feu s’appelle Biaonu et ces deux mots signifient : « flamme qui s’élève, s’élancer ».

222. Ce paragraphe est une addition de Sima Qian qui explique pourquoi Yao résigna le pouvoir entre les mains de Shun.

223. Shu jing : Shun dian. [et Legge [css : édition/rechercher : ‘3.’]]

224. Nous traduisons cette phrase en lui donnant le sens que devait lui attribuer Sima Qian lui-même. Dans son chapitre sur les Directeurs du ciel (Mém. hist., chap. XXVII, p. 1 v°), il nous dit en effet :

« Les sept étoiles de la Grande Ourse sont ce dont il est question dans la phrase : (il observa) le mécanisme de l’évolution et la balance de jade pour vérifier l’accord entre les sept gouvernements.

Dans ce système d’interprétation, la Grande Ourse est regardée comme le mécanisme qui préside à l’évolution universelle, elle est comme la balance qui maintient l’équilibre entre toutes choses ; on lui applique l’épithète « de jade » à cause de sa couleur blanche. Les sept gouvernements sont alors, d’après l’explication de Zheng Kangcheng, les sept domaines sur lesquels s’exerce l’action régulatrice de la Grande Ourse, à savoir : le printemps, l’été, l’automne, l’hiver, les mouvements des astres, la configuration de la terre et la conduite des hommes.

— C’est cependant une interprétation entièrement différente qui a prévalu chez les commentateurs du Shu jing traditionnel ; selon eux, les quatre caractères siuên hêng désignent un appareil astronomique au moyen duquel on observait les étoiles ; cet appareil, d’après les représentations graphiques qu’on en donne (cf. Couvreur, Dict. chinois-français, p. 316), se composait de plusieurs cercles concentriques représentant l’un l’horizon et les autres les cours des différents astres ; au centre se mouvait un tube qui jouait le rôle d’une lunette astronomique ; à l’aide de cet appareil Shun observa les sept Gouverneurs ; c’est-à-dire le soleil, la lune et les cinq planètes qui dirigent tous les autres corps célestes.

— Quelle que soit l’interprétation qu’on adopte, la démarche que Shun passe pour avoir accomplie est faite dans le même but : Yao ayant résigné l’empire entre ses mains, il consulte les astres pour voir s’ils témoignent par la régularité de leur cours qu’ils approuvent ce changement. La réponse étant favorable, il accomplit tous les sacrifices qui lui concilieront la bonne volonté des dieux.

225. Les commentateurs expliquent généralement le nom du sacrifice lei de la manière suivante : le sacrifice régulier fait à époque fixe en l’honneur de l’Empereur d’en haut. c’est-à-dire du ciel, était le sacrifice jiao ; mais, lorsqu’on avait quelque déclaration spéciale à adresser au ciel, comme ici, par exemple, l’annonce d’un changement de souverain, on accomplissait un sacrifice spécial qui était du même genre que le sacrifice jiao et c’est ce qui exprime le mot lei qui signifie genre, espèce.

Le roi Wu, fondateur de la dynastie Zhou, fit la même cérémonie quand il eut vaincu le dernier souverain de la dynastie Yin (cf. Shu jing, chap. Taishi, trad. Legge, Chinese Classics, III, p. 287). Dans le Zhouli (au chap. XXV,.trad. Biot, t, I, p. 92), il est dit que le grand prieur fait le sacrifice lei à l’Empereur d’en haut. D’après ces textes, il semblerait donc que le sacrifice lei s’adressât au ciel.

— Mais d’autres textes viennent ébranler cette opinion : § dans le Shi jing (décade du roi Wen, ode 7 ; trad. Legge, Chinese Classics, IV, p. 455), le roi Wen nous est représenté comme faisant le sacrifice lei alors qu’il n’est qu’un seigneur et que, n’ayant pas le titre de Fils du ciel, il n’est pas autorisé à sacrifier au ciel. § Dans le Zhouli (au chap. XIX, trad. Biot, t. I, p. 441) il est parlé des quatre sacrifices lei (Biot traduit assez inexactement : les quatre spécialités) et plus loin il est dit (trad. Biot, t. I, p. 453) que toutes les fois qu’il y a une grande calamité dans le ciel ou sur la terre, l’officier appelé Xiao zong bo offre le sacrifice lei aux dieux de la terre et des moissons et au temple ancestral.

Du rapprochement de ces passages il résulte que les sacrifices appelés lei ne s’adressaient pas uniquement au ciel, mais qu’on appelait de ce nom tout sacrifice extraordinaire du même genre qu’un sacrifice prescrit par les rites (cf. Xu Huang-qing jingjie, chap. VIII, p. 15 r°16 v°).

— Nous rencontrons dans ce texte pour la première fois la fameuse expression Shang li qui a donné lieu à tant de controverses. Nous ne pouvons pas entamer à ce sujet une longue discussion dans une note : § nous nous bornerons à faire remarquer que, la théorie des cinq Shang li étant intimement liée à celle des cinq éléments qui ne prit corps que vers le IVe siècle avant notre ère, il est très vraisemblable que, dans les plus anciens textes, le terme Shang li désigna une divinité unique. § En second lieu, cette divinité est identifiée par la plupart des commentateurs avec l’étoile polaire ; nous ne voyons aucune raison (je parle des raisons scientifiques) de regarder cette identification comme une perversion tardive d’un monothéisme primitif, et par conséquent nous l’adoptons comme l’expression de l’ancienne croyance religieuse des Chinois. § Enfin nous croyons que les mots « Empereur d’en haut » sont ceux qui rendent le mieux le sens du terme Shang li, parce que c’est à leur image que les hommes conçoivent leurs dieux et que par conséquent le plus élevé en dignité parmi les êtres célestes doit être appelé l’Empereur d’en haut, tout comme ici-bas on appelle empereur celui à qui tous obéissent.

226. Le sacrifice Yin est expliqué comme étant un sacrifice fait avec une intention pure.

— L’expression liu zong = les six Vénérables, est l’une des plus obscures de tout le Shu jing ; rien n’indique son véritable sens et chaque commentateur l’interprète à sa guise. § Fu Sheng voulait y voir le ciel, la terre et les quatre saisons. § Un passage du Li ji (trad. Legge, t. Il, p. 203) a autorisé Kong Anguo à dire que les six Vénérables étaient les saisons, le chaud et le froid, le soleil, la lune, les étoiles, les inondations et la sécheresse. § Zheng Kangcheng y reconnaît les cinq planètes, les douze mansions lunaires, l’étoile Sizhong qui est la cinquième de la Grande Ourse, l’étoile Siming qui est la quatrième de la même constellation, le maître du vent qui est l’astérisme Ji et le maître de la pluie qui est l’astérisme Bi.

227. Le sacrifice aux montagnes illustres et aux grands fleuves se faisait de loin et c’est ce qu’indique le mot wang qui signifie « regarder de loin ».

228. Le mot chênn désigne proprement les dieux du ciel et le mot [] les dieux de la terre. Quoique le premier seul soit employé ici, il désigne l’ensemble de tous les dieux soit du ciel soit de la terre, Rendre hommage à tous les dieux appartient en propre à l’empereur ; aucun autre homme n’a un pouvoir religieux aussi étendu.

229. On explique ce passage au moyen d’un texte des Rites des Zhou où il est dit que les cinq degrés de noblesse (gong, hou, bo, zi, nan) avaient chacun un insigne qui était comme la marque de leur investiture.

Les ducs, marquis et comtes avaient des sortes de rectangles en jade (celui des ducs s’appelait [] ; celui des marquis [], celui des comtes [] ; voyez des dessins de ces insignes dans Couvreur, Dict. chinois-francais, p. 433 [css : et Shu jing, trad. Couvreur, notes 17 et 151 ; les vicomtes et les barons avaient des anneaux (celui des vicomtes s’appelait [], parce qu’on y avait gravé l’image de céréales ; celui des barons s’appelait [] parce qu’on y voyait la représentation de joncs ; cf. Couvreur, ibid., p. 620).

— Au moment où le pouvoir changeait de mains, tous les insignes étaient rendus au nouveau souverain qui les conférait ensuite lui-même aux seigneurs. Il est manifeste d’ailleurs que tout ce cérémonial féodal date de l’époque des Zhou et cette considération montre bien le caractère légendaire des récits relatifs à Shun.

230. Dans ce texte, qui se retrouve le même au chapitre des Mémoires historiques intitulé Fengshan shu et au chapitre du livre des Han antérieurs appelé Jiaosi zhi, c’est aux chefs des quatre montagnes et aux pasteurs (c’est-à-dire à ceux qui dirigent le peuple, comme le berger conduit son troupeau) que Shun remet les insignes d’investiture. Dans le texte du Shu jing, les chefs des quatre montagnes et les pasteurs n’interviennent que comme témoins et c’est aux nobles que sont donnés les insignes.

231. L’expression xun shou est expliquée par un texte de Mencius (Legge, Chinese Classics, t. II, p. 35) :

« Quand le Fils du ciel allait chez les seigneurs, cela s’appelait xun shou : xun shou signifie parcourir les lieux dont ils avaient reçu la garde.

— Le Daizong n’est autre que le Taishan, la célèbre montagne au nord de Tai'an zhou, province de Shandong.

— D’après Ma Rong, on plaçait une victime sur le bûcher.

232. Cf. note 227. L’ordre auquel il est fait allusion est le suivant, d’après Fu Sheng qui développe un passage des Ordonnances royales du Li ji : § on sacrifiait aux cinq pics (du centre et des quatre points cardinaux) avec les rites qui conviennent aux trois ducs ; § aux quatre grands cours d’eau, avec les rites des seigneurs ; § on sacrifait aux autres montagnes et rivières avec les rites des comtes, vicomtes et barons suivant leur importance.

233. Les tubes sont les douze tubes musicaux qui servent de principes à toutes les mesures ; on en trouvera la théorie exposée en détail dans le XXVe chapitre des Mémoires historiques. Il est à remarquer que ce système compliqué et savant ne saurait remonter à une haute antiquité. D’une manière générale, le chapitre du Shu jing qui traite de Shun rapporte à ce souverain toute une série d’institutions qui sont d’une date évidemment plus tardive et fait de son règne comme le raccourci de l’organisation politique de la dynastie Zhou ; nous y trouvons en effet les cinq ordres de noblesse, les mesures ayant pour principe les tubes musicaux, les rites politiques du Zhouli, les cinq sortes de châtiments et les dispositions mitigées du code pénal, toutes choses que les commentateurs n’expliquent qu’en recourant aux textes de l’époque des Zhou.

234. D’après le Zhouli, les cinq rites sont les suivants : 1. les rites de réjouissance par lesquels on rend hommage aux mânes et aux divinités célestes et terrestres des royaumes et principautés ; 2. les rites de tristesse par lesquels on s’afflige sur les malheurs des royaumes et principautés ; 3. les rites de l’hospitalité par lesquels on établit d’étroites relations entre les royaumes et principautés ; 4. les rites militaires, par lesquels on allie les royaumes et principautés ; 5. les rites de félicitation, par lesquels on apparente les dix mille tribus. Cf. Zhouli, trad. Biot, t. I, p. 419 et suiv.

235. Les cinq jades étaient les insignes conférés aux diverses classes de seigneurs. Cf. note 229.

236. Ces soies étaient ou rouge clair ou bleu foncé ou jaunes, suivant le rang des personnes qui les offraient.

237. Les deux animaux vivants étaient l’agneau que présentaient les hauts dignitaires et l’oie sauvage que présentaient les grands officiers. L’animal mort était le faisan que présentaient les simples fonctionnaires.

238. Les cinq instruments sont expliqués par Ma Rong comme étant les cinq insignes de jade que Shun confère de nouveau aux seigneurs. Mais il est assez singulier de voir ces insignes appelés des instruments et c’est pourquoi Cai Chen (Shu jing, chap. II, p. 15 v°) suppose que l’ordre des phrases a été interverti : suivant lui, la phrase : « les cinq (insignes de jade), les trois pièces de soie, les deux animaux vivants et l’animal mort lui furent apportés en offrande » doit être placée immédiatement après la phrase : « Il donna audience aux chefs de la contrée orientale. » Le texte qui suit devrait alors être traduit de la manière que voici :

« Il mit l’accord dans les saisons et dans les mois et rectifia les jours ; il rendit uniformes les tubes musicaux et les mesures de longueur, de capacité et de poids ; il restaura les cinq rites ; il rendit uniformes les cinq sortes d’instruments (dont on se servait dans les cinq rites) ; quand ce fut fini, il s’en retourna.

239. Le deuxième mois, c’est-à-dire au printemps, Shun va dans l’est ; le cinquième mois, c’est-à-dire en été, il va dans le sud ; le huitième mois, c’est-à-dire en automne, il va dans l’ouest ; le onzième mois, c’est-à-dire en hiver, il va dans le nord. On reconnaît ici le parallélisme entre les saisons et les points cardinaux et cette constatation témoigne une fois de plus du caractère mythique des traditions qui concernent Shun.

240. Le Shu jing donne la leçon Yizu, expression tout analogue à celle de Wenzu (cf. note 221) ; Shun se serait donc rendu au temple de « l’ancêtre instruit ». Le texte de Sima Qian est beaucoup plus clair ; en outre il est conforme à un passage des ordonnances royales du Li ji qui décrit la tournée d’inspection que le Fils du ciel devait faire tous les cinq ans (cf. Li ji, trad. Legge, Sacred Books of the East, t. XXVII, p. 218).

241. Selon Cai Chen, la première année le Fils du ciel parcourait tous les fiefs, la seconde année, il recevait à la cour les vassaux de l’est ; la troisième année, ceux du sud ; la quatrième année, ceux de l’ouest ; la cinquième année, ceux du nord. Puis le cycle quinaire étant terminé, il recommençait (cf. note 239).

242. Ce chiffre de douze provinces est embarrassant. En effet, la Chine ancienne ne comptait que neuf provinces, celles même qui sont mentionnées dans le tribut de Yu. Pour tourner la difficulté, les commentateurs ont imaginé de dire que, lorsque Yu régla les eaux et les terres de l’empire, le règne de Yao était encore loin d’être fini et que c’est après l’accomplissement des travaux de Yu que Shun, exerçant l’empire par une délégation de Yao, distingua l’empire en douze provinces. C’est ainsi que le Tongjian jilan place les travaux de Yu entre la 72e et la 80e année de Yao et rapporte la distinction des douze provinces à la 81e année. Quelle que soit la valeur de cette singulière explication, voici les noms des douze provinces : Ji, Yan, Qing, Xu, Jing, Yang, Yu, Liang, Yong, You, Bing et Ying. Les provinces de Bing et de You avaient été formées avec des parties de la province de Ji ; la province de Ying avait été formée avec une partie de la province de Qing.

243. La phrase siáng ì tièn hîng a donné lieu aux interprétations les plus diverses. Le sens que nous avons adopté est celui de Ma Rong qui dit :

Le peuple au temps de Shun était si vertueux que personne n’était coupable ; c’est pourquoi les châtiments étaient représentés par des images, mais n’étaient pas appliqués en réalité.

Pour d’autres interprétations, cf. Legge [css : édition/rechercher : ‘punish’], Chinese Classics, t. III, p. 38.

244. Quoique les commentateurs chinois ne donnent ici aucune explication, il semble que le style narratif est interrompu et fait place à l’édiction des peines qui est mise dans la bouche d’une personne déterminée, comme le prouve l’apostrophe de la fin : « Soyez sur vos gardes. » Je serais tenté de voir là un fragment d’un vieux code qui a été incorporé dans le Shun dian.

245. Selon Ma Rong, les mots liôu ióu òu hîng constituent deux phrases et il faut traduire :

« On bannit ceux qui sont dignes d’une mitigation de peine ; il y a les cinq châtiments.

Il y avait trois catégories de criminels dignes d’une mitigation de peine : les enfants, les vieillards et les imbéciles. — Les cinq châtiments étaient la marque, l’ablation du nez, l’ablation des rotules ou des pieds, la castration et la mort. — D’après Kong Anguo, les quatre mots précités ne font qu’une seule phrase et il faut traduire : le bannissement adoucit les cinq châtiments.

246. D’après le commentaire de Kong Yingda (Shu jing, ch. II, p. 20 r°), le fouet et la verge auraient été les châtiments infligés par les magistrats et les instructeurs, et non pas aux magistrats et aux instructeurs, comme le dit M. Legge.

247. Cai Chen (Shu jing, ch. II, p. 31 r°) remarque que les fautes rachetables étaient les fautes légères, celles qui ne tombaient pas sous le coup des cinq châtiments. Le Shun dian n’impliquerait donc point le principe condamnable que toutes les fautes, quelque graves qu’elles soient, peuvent être rachetées à prix d’argent ; ce principe est énoncé pour la première fois dans le Code pénal du roi Mu, de la dynastie Zhou, les Châtiments de (on trouve une partie du chapitre du Shu jing intitulé « Les Châtiments de  » dans le IVe chapitre des Mémoires historiques). 1

248. Ce qui suit est une interpolation introduite dans le texte du Shu jing ; par cette addition, Sima Qian rappelle, au prix d’une répétition, de quelles fautes Huan Dou, Gonggong, Gun et Sanmiao s’étaient rendus coupables et il explique ainsi pourquoi ils méritèrent d’être bannis. On retrouvera plus loin, sous une autre forme, la légende des quatre grands criminels exilés aux quatre points cardinaux.

249. Par Sanmiao, il faut entendre le chef du peuple de Sanmiao, car les commentateurs sont unanimes à dire que Sanmiao est le nom d’un pays. Leur assertion s’appuie sur un passage du Zuozhuan (1e année du duc Zhao, trad. Legge, p. 577 ; [trad. Couvreur]) et sur un texte du Zhanguoce (chap. XIV) où un certain Ou Ki dit que les limites du territoire de Sanmiao sont, à gauche, le lac Dongting (province de Hunan) et à droite le lac Pongli (ou lac Poyang, dans la province de Jiangxi).

— La province de Jing dont il est question dans le texte de Sima Qian, est une des neuf provinces de Yu ; elle se trouvait au sud du Jiang ou Yangzi Jiang et comprenait le lac Dongting. — Elle était assez distante de la rivière appelée Huai ; ce n’est donc pas de cette rivière qu’il est ici parlé ; selon Sima Zhen, Huai ou Hui est un autre nom du lac Pongli ou Poyang.

250. Shu jing : Shun dian. Dadai liji : Wudi de. Mencius, liv. V, 2e partie, ch. III.

251. Au lieu de Youling, le Shu jing donne la leçon « l’île de You ». D’après le Guodizhi, le lieu où fut banni Gonggong se serait trouvé au nord-est de la sous-préfecture de Miyun, préfecture de Shun dian (Pékin).

252. En exilant les quatre coupables au nord, au sud, à l’ouest et à l’est, Shun prétend faire un exemple destiné à engager au bien les Di ,les Man ,les Rong et les Yi c’est-à-dire les peuples barbares des quatre points cardinaux ; le Shu jing n’en fait pas mention.

253. La montagne Chong se trouvait dans le territoire de la sous-préfecture actuelle de Yongding, préfecture secondaire de Li, province de Hunan.

254. Sanwei est le nom d’une montagne sur les bords de la rivière Dang, au sud de Dunhuang, à l’ouest du Gansu.

255. D’après le Guodizhi, la montagne Yu était sur le territoire de la sous-préfecture de Lanshan, préfecture secondaire de I, province de Shandong. D’après le Tongjian jilan (ch. I, p. 17 r°), elle se trouvait dans la sous-préfecture de Ganyu, préfecture secondaire de Hai, province de Jiangsu. Les deux localités sont très voisines.

256. Le mot crime, condamnation, est écrit dans Sima Qian [] ; c’est l’ancienne orthographe du mot ; mais Qin Shihuangdi trouva que ce caractère ressemblait trop au caractère huang = souverain, qui faisait partie de son titre et c’est pourquoi il ordonna qu’on l’écrivit à l’avenir [] (H. T. K. K., ch. CCCXC, p. 38 v°).

257. Shu jing : Shun dian. [et Legge [css : édition/rechercher : ‘twenty’]]

258. D’après ce texte et un autre que nous trouverons plus loin, il est clair que Sima Qian compte quatre-vingt-dix-huit années (70 + 28) depuis le moment où Yao prit le pouvoir jusqu’à sa mort. Si l’on s’en rapporte cependant au texte seul du Shu jing, il faudra dire avec Cai Chen (Shu jing, ch. II, p. 23 v°), que Yao régna d’abord soixante-dix-sept ans, qu’il mit ensuite Shun à l’essai pendant trois ans, enfin qu’il lui délégua son pouvoir pendant vingt-huit ans ; Yao aurait donc régné cent un ans.

259. D’après Huangfu Mi, la mère de Danzhu était une fille de la tribu Sanyi, qui s’appelait Nüwang.

260. Sima Zhen dit : Lorsque le fils succède au père, c’est la méthode ordinaire ; lorsqu’on cherche un sage pour lui céder le pouvoir, c’est la méthode qui tient compte des circonstances.

261. Mencius, liv. V, 1e partie, ch. V.

262. Le Nanhe, ou He du sud, est, d’après Pei Yin, la plus méridionale des neuf branches du Huanghe. On trouvera dans notre traduction du Tribut de Yu (Mém. hist., chap. II) une note sur les neuf branches du He. D’après Zhang Shoujie, l’expression He du sud signifie simplement que le Huanghe était au sud de la capitale de Yao, laquelle était située à 15 li au nord-est de la préfecture secondaire de Fu, province de Shandong.

Zhang Shoujie remarque en outre qu’à 15 li au nord-ouest de la préfecture secondaire de Pu, il y a les ruines de la ville appelée Yanzhou, ce qui signifie « l’obstacle fait à Zhou » ; il explique ce nom en rappelant une légende qui se trouve dans des livres écrits sur bambou : Yao s’étant perverti, Shun l’aurait emprisonné, puis il aurait mis des obstacles et des barrières devant Danzhu pour l’empêcher de revoir son père.

263. Le terme qui désigne la capitale est ici, proprement : l'Empire du Milieu. On voit que cette expression, qui signifie maintenant la Chine tout entière par opposition aux nations voisines, s’appliquait à l’origine à la résidence impériale.

264. L’appellation Chonghua est expliquée par Kong Anguo comme signifiant « gloire renouvelée » ; parce que Shun fit preuve des mêmes vertus que Yao. Une autre interprétation que nous trouvons, entre autres, dans Huainan zi et dans le commentaire des Annales écrites sur bambou (Legge, Chinese Classics, t. III, prolég., p. 114) veut que Chonghua, signifiant: « double éclat », fasse allusion au fait que Shun avait une double prunelle.

265. Le caractère qiao, nous dit Zhang Shoujie, se prononce ici sans aspiration.

266. Dans cette généalogie ne figure pas un certain Mo qui est cité par le Zuozhuan (8e année du duc Zhao ; cf. Legge, Chinese Classics, t. V, p. 62 ), comme un des ancêtres de Shun ; aussi quelques critiques ont-ils mis en doute la valeur de la généalogie dressée par Sima Qian.

267. D’après Huangfu Mi, la mère de Yu s’appelait Wudeng.

268. La province de Ji est la plus septentrionale des neuf provinces de Yu (cf. le Yu gong) ; elle comprenait en gros les provinces de Shaanxi et de Zhili ; cependant, la petite portion du Shandong qui est au nord de Huanghe en faisait aussi partie ; ce texte ne nous permet donc pas de déterminer si le lieu de naissance de Shun était, aux yeux de Sima Qian, dans le Shaanxi ou dans le Shandong (cf. note 206).

269. On trouve un écho de cette légende dans Mencius (II, a. 8, trad. Legge, p. 82 ; [trad. Couvreur]) qui dit :

« Depuis le temps où Shun labourait, semait, façonnait des vases et pêchait, jusqu’au moment où il devint empereur, il ne manqua jamais de prendre exemple sur autrui.

L’identification de la montagne Li est incertaine ; les uns la placent dans la préfecture actuelle de Puzhou, province de Shaanxi ; d’autres, au sud-est de la préfecture secondaire de Pu préfecture de Caozhou, province de Shandong, tout auprès de l’étang de Lei dont il est fait mention à la phrase suivante ; d’autres la trouvent dans la sous-préfecture de Yuyao, préfecture de Shaoxing, province de Zhejiang ; d’autres enfin y voient une montagne de la sous-préfecture de Huailai, préfecture de Xuanhua, province de Zhili. On remarque ici la même dispersion des légendes que dans le cas du lieu de naissance de Shun.

270. Shouqiu est, d’après certaines légendes, le lieu de naissance de Huangdi. C’était une hauteur à l’est de la sous-préfecture de Qufu, préfecture de Yanzhou, province de Shandong.

271. L’emplacement de Fuxia n’est pas indiqué d’une manière exacte par les commentateurs. Zheng Xuan se borne à dire qu’il se trouvait sur le territoire du pays de Wei, lequel comprenait la pointe sud du Zhili et les parties avoisinantes du Henan et du Shandong. — Dans le livre de Mencius on lit (IV, b. 1, Legge, p. 192 ; [trad. Couvreur]) :

« Meng Zi dit : Shun naquit à Zhufeng, il se transporta à Fuxia ; il mourut à Mingtiao.

272. Ce texte confirme la traduction que nous avons donnée plus haut :

« Shun... dirigea et rendit humbles ces deux femmes, en sorte qu’elles observèrent les rites des épouses.

Cf. note 210.

273. Cf. p.╓72 . Ces répétitions montrent à nu le procédé de composition de Sima Qian qui coud bout à bout des légendes diverses sans se préoccuper de mettre de l’unité dans son récit.

274. Le mot que nous traduisons par « ville » est le mot []. C’est par allusion à cette légende que Shun est appelé dans Mencius (V, a. 2, Legge, p. 222 ; [trad. Couvreur]) le prince créateur de villes.

275. Cf. Mencius (V, a. 1. Legge, p. 219 ; [trad. Couvreur]) :

« L’empereur fit que ses enfants, neuf fils et deux filles, les divers fonctionnaires, des bœufs et des moutons, des magasins et des greniers fussent mis au service de Shun...

276. D’après Sima Zhen les deux larges chapeaux jouèrent le rôle d’un parachute et empêchèrent Shun de se blesser quand il se précipita du haut du grenier. Le Lienu Zhuan dit que ce furent les deux filles de Yao qui enseignèrent à Shun l’art de voler comme un oiseau.

277. Ce passage se trouve avec des variantes dans Mencius (V. a. 2, Legge, p. 222-223 ; [trad. Couvreur]) :

« Ses parents envoyèrent Shun réparer le grenier ; ils enlevèrent l’échelle et Gusou incendia le grenier. Ils l’envoyèrent creuser un puits ; il sortit par côté et ils comblèrent le puits. Xiang dit :

— Le stratagème de couvrir (de terre) le prince créateur de villes (cf. note 274), c’est moi qui en ai tout le mérite. Que les bœufs et les moutons soient à mon père et à ma mère ; que le magasin et le grenier soient à mon père et à ma mère. Que le bouclier et la lance soient miens ; que le luth soit mien ; que l’arc soit mien ; que ses deux femmes prennent soin de mon lit.

Xiang se rendit dans la demeure de Shun ; Shun était sur sa couche et jouait du luth. Xiang dit :

— Je me réjouissais en pensant à vous.

Il fut couvert de confusion.

— L’expression yu tao que nous traduisons par « se réjouir » ou « plein de joie » demande une explication. Dans le texte de Mencius, M. Legge lui donne le sens d’ « éprouver de l’anxiété » ; on la retrouve dans une phrase du chapitre du Shu jing intitulé : Le Chant des cinq fils yu tao … ; le contexte impose là la traduction : « Ils sont pleins de tristesse nos cœurs. » Il semblerait donc que le sens de l’expression yu tao fût celui de tristesse ou d’anxiété et non celui de joie.

Mais Yan Ruoqu a fort bien démontré (cité par Wang Mingsheng, H. T. K. K., chap. CCCCXXXIV b, p. 8 r°) que ce sens ne saurait convenir aux deux caractères employés : le caractère tao a deux sens ; le premier est celui de façonner un objet en terre ; le second, qui est indiqué par tous les dictionnaires et en particulier par le Guang yun (fin du Xe siècle ap. J.-C.) est celui de joie. Quant au caractère yu, il peut avoir le sens de tristesse mais il a aussi, d’après le Guang yun, celui de disposition ou sentiment de l’âme. L’expression yu tao est donc donnée par le Er-ya comme signifiant se livrer à la joie.

Dès lors, dans le texte de Mencius, Xiang, se trouvant inopinément en présence de Shun qu’il croyait mort, explique sa venue en disant qu’il voulait avoir le plaisir de lui rendre visite ; c’est un mensonge par lequel il se tire d’embarras ; dans le texte de Sima Qian, il paie d’audace et dit qu’il est heureux de revoir son frère ; en réalité il est pénétré de dépit. Les anciens critiques n’ont pas compris ce texte et ils ont admis que l’expression yu tao signifiait être triste ou anxieux, ce qui mène à une interprétation absurde, car Xiang doit nécessairement feindre d’ignorer le danger auquel vient d’échapper Shun. Ainsi, soit par le sens des mots, soit par la suite des idées, nous devons, dans le texte de Mencius, traduire yu tao par « être joyeux ».

Mais ce sens répugne absolument à la phrase du Chant des cinq fils ; voici comment on écarte cette dernière objection : le Chant des cinq fils fait partie du pseudo-texte antique du Shu jing et doit donc être considéré comme inauthentique ; les érudits qui le composèrent, ayant fait un contresens sur le texte de Mencius, empruntèrent à ce texte les caractères mêmes qu’ils comprenaient de travers pour donner à leur œuvre un faux air d’antiquité.

278. Ce sens est celui qui est indiqué par Sima Zhen. Le texte correspondant de Mencius comporte une tout autre interprétation (cf. Legge, Chinese Classics, t. II, p. 223).

279. Cf. p. 55. Le Shiji lunwen met 1a ponctuation après bo guan, ce qui confirme notre traduction.

280. Zuozhuan, 18e année du duc Wen.

281. Gaoyang est identifié par Sima Qian avec Zhuanxu (cf. p.╓ 37 ). Dans ce texte, qui est tiré du Zuozhuan, il n’est pas certain que Gaoyang et Zhuanxu soient considérés comme un seul et même personnage ; en effet, Gaoyang est donné comme ayant eu huit fils excellents, tandis que plus loin Zhuanxu est cité comme le père d’un scélérat.

282. Gaoxin est identifié par Sima Qian avec l’empereur Ku (cf. p.╓ 39 ).

283. Le Zheng yi du Chunqiu dit : Le ciel est appelé le ciel impérial ; la terre est appelée la terre souveraine.

284. Les cinq enseignements sont, comme la phrase suivante l’indique clairement, ceux qui concernent les devoirs des pères, des mères, des frères aînés, des frères cadets et des enfants.

285. L’empereur Hong « est identifié par les commentateurs avec Huangdi (cf. note 102).

286. Les quatre scélérats dont il va être question sont identifiés par les commentateurs avec les quatre criminels dont il a été parlé plus haut (cf. n. 248). Hundun, c’est-à-dire Chaos, ne serait autre que Huandou ; Qiongqi, c’est-à-dire le Vaurien-trompeur, ne serait autre que Gonggong ; Daowu, c’est-à-dire le Soliveau, ne serait autre que Gun et Taotie, c’est-à-dire le Glouton, ne serait autre que Sanmiao. Quoique ces rapprochements n’aient pas grande valeur en eux-mêmes, il est évident que nous avons affaire à deux formes différentes d’une seule et même légende.

287. Shaohao est l’empereur que la chronologie du Tongjian gangmu place avant Zhuanxu et après Huangdi. Il ne trouve pas place dans la liste des cinq empereurs telle que la donnent les Mémoires historiques. Shaohao est considéré comme présidant à l’ouest (cf. ma première trad. du Traité sur les sacrifices feng et shan, p. 9), et comme le métal correspond à l’ouest dans la théorie des cinq éléments, on appelle souvent Shaohao « le ciel-métal ».

288. Les deux caractères tao wu désignent l’un, une souche d’arbre, l’autre, un arbre sans branches. Nous les traduisons par « soliveau », ce mot ayant acquis, grâce à La Fontaine, le sens d’une épithète assez désobligeante. — Il est assez curieux que ces deux mêmes mots tao wu aient servi à désigner les Annales du pays de Chu ; on ne sait pas quelle en est la raison ; quoi qu’il en soit, voici le passage de Mencius (trad. Legge, p. 203) qui nous donne ce renseignement :

« Le Sheng (proprement : Chariot) de Jin, de Tao ou de Chu et le Chunqiu de Lu sont des ouvrages identiques.

289. D’après Jia Kui, Jinyun était un descendant de Shennong.

290. Quoiqu’il ne fût pas fils d’un empereur, on le mettait sur le même pied que les trois criminels fils d’empereurs.

291. Les démons ne sont autres que les barbares ; on a vu, plus haut (cf. note 124), qu’au temps de la dynastie Yin, le pays des Xiongnu était appelé Kuifang, c’est-à-dire région des démons.

292. Tout ce paragraphe est une répétition de ce qui a été dit plus haut.

293. Yu était le fils de ce Gun qui fut banni comme l’un des quatre grands criminels ; il fut le fondateur de la dynastie des Xia (cf. Mém. hist., chap. II) ; avant d’être empereur il était comte du fief de Xia et c’est pourquoi on l’appelle quelques lignes plus bas le comte Yu.

D’après Kong Yingda (Shu jing ; ch. II p. 26 v°), Yu aurait été comte du fief de Chong aujourd’hui sous-préfecture de Hu, préfecture de Xi’an, province de Shaanxi.

294. Gaoyao (皋陶) (le second caractère doit se prononcer ici yao et non t’ao) est identifié avec l’un des huit fils capables de Zhuanxu (cf. p.╓ 77 ). On verra plus loin que Yu voulait lui léguer l’empire, comme il l’avait lui-même reçu de Shun, mais que la mort prématurée de Gaoyao mit à néant ce projet.

295. Xie est l’ancêtre de la dynastie Shang ou Yin (Mém. hist., chap. III).

296. Houji, c’est-à-dire le prince Millet, est le titre donné dans le Shun dian à Qi, ancêtre de la dynastie Zhou, et ne semble se rapporter qu’à la charge de ministre de l’Agriculture qui lui fut confiée par Shun.

— Dans d’autres textes, Houji nous apparaît comme une divinité étroitement associée à celle de Houtu, le prince Terre ; le dieu des moissons et celui de la terre sont au nombre des divinités les plus anciennes de la Chine ; elles n’étaient que des hommes divinisés ; au temps des Xia le dieu de la terre était Goulong, fils de Gonggong, et le dieu des moissons était Zhu) (cf. note 00.154), fils de Zhuanxu; lorsque Tang le Victorieux substitua sa dynastie à celle des Xia il voulut remplacer ces anciens dieux ; il ne put changer le dieu de la terre dont le culte était sans doute trop invétéré ; mais il mit Qi (qui devait être l’ancêtre des Zhou), à la place de Zhu (Qian Han Shu, chap. Jiao si zhi, p. 2 r°).

— Le fait que, dans le texte du Shun dian reproduit par Sima Qian, le titre de Houji est donné à Qi prouve que ce texte est postérieur à l’époque où Qi fut substitué à Zhu ; nous avons eu déjà l’occasion de signaler d’autres faits qui tous concourent à prouver que la composition du Yao dian et du Shun dian ne peut remonter plus haut que la dynastie Zhou (cf. n. 233).

297. Boyi passe pour l’ancêtre des princes de Qi.

298. Kui Long et Shui ne nous sont guère connus que par le texte du Shun dian que Sima Qian va reproduire quelques lignes plus bas.

299. Les commentateurs chinois identifient Yi avec Boyi qui est l’ancêtre des Qin d’après Sima Qian (Mém. hist., ch. V) ; mais le rapprochement ne paraît pas se justifier par des raisons bien solides. — Pengzu nous est inconnu.

300. Shu jing : Shun dian. [et Legge [css : édition/rechercher : ‘5.’]]

301. Cf. note 221.

302. C’est-à-dire qu’il ouvrit les quatre portes de la capitale, pour que les hommes vinssent des quatre points cardinaux à la cour, et qu’il connût par eux ce qui se passait dans les quatre directions, comme s’il le voyait de ses yeux et l’entendait de ses oreilles. Ce passage semble bien confirmer l’opinion que les chefs des quatre montagnes étaient au nombre de quatre (cf. note 199).

303. Les douze pasteurs (de peuples) sont les chefs des douze provinces (cf. note 242).

304. L’empereur n’est autre que Yao dont le bon gouvernement doit servir de règle aux douze chefs.

305. Le nom de la charge d’intendant des travaux publics est ici sikong: un peu plus bas, on verra que Shui est nommé à une charge identique qui est appelée gonggong ; les commentateurs chinois se perdent dans de subtiles explications pour établir une différence entre ces deux charges ; ils disent que le sikong n’exerçait ses fonctions qu’en vertu d’une délégation spéciale et temporaire, tandis que le gonggong rentrait dans les cadres de l’administration régulière.

— En réalité, sikong est le nom qui fut donné sous la dynastie Zhou (cf. Zhouli, article du fonctionnaire de l’hiver) au fonctionnaire qui était appelé autrefois gonggong; le fait que ces deux dénominations d’époques différentes se trouvent réunies dans un même texte du Shu jing prouve simplement que ce texte date du moment où le titre de sikong était en vigueur et où on se rappelait l’ancien titre de gonggong sans savoir qu’il était au fond identique à celui de sikong.

306. D’après l’explication traditionnelle, les travaux de Yu sont rapportés à l’époque du règne de Yao : la phrase serait donc au passé. La gloire que Yu s’est acquise précédemment par ses travaux le fait élever par Shun à la première dignité de l’empire, celle de conseiller chargé d’aider l’empereur dans toutes les affaires.

— Mais Sima Qian considère ce passage comme exprimant la nomination de Yu aux fonctions de régulateur des eaux et des terres ; comme on le verra plus loin, c’est à la suite de cette nomination que Yu exécute ces travaux.

307. Ji n’est autre que Houji (cf. note 296).

308. Qi est le nom propre du personnage qui avait mérité d’être appelé Houji, c’est-à-dire le prince Millet, à cause des services qu’il avait rendus à l’agriculture.

309. Au commencement, c’est-à-dire autrefois, au moment où les eaux étaient débordées. Le mot employé par Sima Qian est l’équivalent du caractère, qui était, d’après Xu Guang, la leçon du texte moderne du Shu jing. Le pseudo-texte antique, qui nous est donné par le Shu jing traditionnel, présente la leçon qui signifie « obstacle, détresse ». — En suivant le texte du Shu jing, M. Legge a traduit :

« Ji, le peuple aux cheveux noirs souffre (encore) la détresse de la famine ; il vous appartient, ô prince, ministre de l’Agriculture, de planter (pour lui) les diverses sortes de grains.

Le texte de Sima Qian nous oblige à mettre la phrase au passé et à sous-entendre que Shun confirme Qi dans les fonctions qu’il a exercées avec tant de succès.

310. La phrase chinoise est ainsi conçue […]. Sima Zhen dit qu’elle signifie : en vous conformant aux quatre saisons, vous avez planté les cent céréales, Mais Jiang Sheng (H. T. K. K., ch. CCCXC, p. 46 r°) remarque que la position du mot shi après le mot bo rend ce sens inadmissible ; il faut donc considérer comme équivalent de transplanter.

311. Les cinq ordres sont les cinq sortes de devoirs que les cinq enseignements inculquent aux pères, aux mères, aux frères aînés, aux frères cadets, aux fils.

— On a vu plus haut (p.╓ 77 ) que Shun confia aux huit Excellents, descendants de Gaoxin, le soin de répandre les cinq enseignements ; on en conclut que Xie était l’un des huit Excellents.

312. Le titre de situ paraît appartenir, comme celui de sikong, à l’organisation administrative de l’époque des Zhou.

313. Nous avons suivi la glose de Zheng Xuan qui dit que Xia signifie « illustre et grand ».

— On pourrait se demander cependant si le mot Xia ne désigne pas la Chine, parce que la dynastie Xia avait donné son nom au pays sur lequel elle régna ; le mot Xia, dans ce texte, serait alors un anachronisme et en dénoncerait la composition tardive. Il va sans dire qu’aucun commentateur chinois n’est assez audacieux pour soutenir une pareille hypothèse.

314. Le sens de ces deux derniers mots est nettement indiqué par un passage du Zuozhuan (16e année du duc Cheng) où il est dit que ceux qui font des troubles au dehors sont appelés [], que ceux qui font des troubles au dedans sont appelés []. On cite parfois ce passage en intervertissant le sens de ces deux mots, mais c’est une erreur.

315. Les commentateurs ont donné les explications les plus diverses de cette phrase, parce qu’ils ont cherché à concilier deux renseignements entièrement indépendants l’un de l’autre, à savoir, d’une part la liste des cinq châtiments qui a été indiquée plus haut (cf. note 245), d’autre part un texte du Guoyu qui énumère les trois places où s’infligeaient les châtiments. Jiang Sheng (H. T. K. K., ch. CCCXC, p. 47 v°) a fort bien montré que les châtiments dont parle le Guoyu ne sont pas ceux de la liste précitée et que, d’autre part, le texte du Guoyu est bien celui qui peut jeter quelque lumière sur ce texte puisque dans le Guoyu, comme ici, les criminels ne sont pas seulement ceux qui enfreignent les lois civiles, mais aussi les barbares, les ennemis de l’État. Voici l’explication qu’on peut tirer du Guoyu (Lu yu, p. 6) : 1. les armes offensives et défensives (c’est-à-dire les armées) punissent les plus grands criminels (c’est-à-dire les ennemis) ; 2. les deux sortes de haches d’armes punissent les crimes moins graves du même genre (on décapite ceux qui violent les commandements militaires).

Ces deux châtiments sont infligés en rase campagne ; 3. le couteau et la scie punissent les crimes moyens (c’est-à-dire les criminels qu’on décapite, qu’on coupe en morceaux ou à qui on enlève le nez) ; 4. le foret et l’instrument à marquer punissent les crimes moins graves du même genre (c’est-à-dire les criminels à qui on enlève les rotules ou qu’on marque au visage).

Ces deux sortes de châtiments sont infligés en présence du souverain, à la cour ; 5. le fouet et les verges punissent les crimes peu importants.

Ce châtiment est infligé sur la place publique.

Ainsi la rase campagne, la cour et la place publique sont les trois lieux où l’on subit les cinq châtiments.

316. Le sens de cette phrase est que le lieu du bannissement peut être fixé à un éloignement plus ou moins grand de la capitale ; il y avait cinq éloignements fixés par la loi et répartis sur trois zones concentriques de plus en plus distantes de la capitale.

317. Le juge qui prononce les peines doit savoir discerner la gravité des fautes.

318. Le caractère doit être prononcé shi + weishui (H. T. K. K., ch. CCCXC, p. 49 r°).

319. Le nom de cette fonction est ici gonggong ; cf. note 305.

320. Le titre de cette fonction est zhenyu ; dans le Shu jing, cette phrase est prononcée par Shun lui-même ; c’est pourquoi plusieurs commentateurs ont cru que le mot yu désignait à lui seul la fonction et que zhen était le pronom possessif de la première personne. Le texte de Sima Qian semble prouver que zhenyu sont deux mots inséparables qui représentent le nom de la charge ; c’est d’ailleurs aussi l’interprétation que donne Zheng Xuan (H. T..K. K., ch. CCCXC, p. 50 r°). Cependant un peu plus loin (p. 88, ligne 14), Sima Qian, d’accord avec les autres commentateurs, désigne cette charge par le seul mot yu.

— Sur les travaux de défrichement qui sont attribués à I, cf. Mencius, III, a, 4, Legge, p. 126 ; [trad. Couvreur].

321. Les noms Zhu, Hu, Xiong et Pi signifient littéralement le Sapin, le Tigre, l’Ours et l’Ours rayé, et donnent à la cour de Shun, comme le fait remarquer M. Legge, quelque ressemblance avec un conseil de chefs Peaux-Rouges. — Hu et Xiong sont mentionnés par le Zuozhuan au nombre des huit Excellents, fils de Gaoxin (cf. p.╓ 77 ).

322. Les trois cérémonies rituelles sont le culte rendu aux dieux du ciel, aux esprits de la terre et aux mânes des hommes.

323. ) Le Shu jing écrit simplement bo = comte. Il fait donc de Yi le nom de ce personnage et de bo son titre. Au contraire, Sima Qian ne disjoint jamais les deux caractères bo et yi et semble les considérer comme un nom propre unique (cf. p. 80, n. 1).

324. Cette charge est celle du da zong bo dans le Zhouli. Le chapitre Bo guan biao du livre des Han antérieurs nous apprend que l’usurpateur Wang Mang (9-23 ap. J.-C.) rétablit l’ancien titre de shi zong qui est donné dans ce texte.

325. Les fils de l’État, d’après Zheng Xuan; c’est-à-dire les fils de ceux qui prennent part au gouvernement de l’État, depuis le souverain jusqu’aux dafu.

326. Tout ce paragraphe, dans le Shun dian, est mis dans la bouche de Shun ; il faut le traduire alors par une série de définitions : « La poésie est l’expression de la pensée ; le chant prolonge cette expression..., etc. »

— Le chant prolonge les paroles en les modulant ; de ces modulations on tire la gamme primitive de cinq notes : kong, shang, jiao, zhi, yu ;

— Les rapports mathématiques entre les cinq notes et les douze tubes sonores seront étudiés dans le XXVe chapitre des Mémoires historiques ;

Les huit instruments de musique sont les suivants d’après le Bo hu tong (1er chap., p. 26 r°, section Li yo) : § « l’instrument en terre s’appelle xuan (sorte d’ocarina ; voyez le dessin qu’en donne Couvreur, Dict. chinois-français, p. 139) ; § l’instrument en bambou s’appelle guan (flûte composée de deux tuyaux avec un seul bec ; cf. Couvreur, p. 427) ; § l’instrument en peau s’appelle hu (tambour ; cf. Couvreur, p. 444) ; § l’instrument fait d’une calebasse s’appelle sheng (sorte de flûte composée de treize ou dix-neuf tuyaux placés sur une calebasse ; cf. p. 10, n. 1 et Couvreur, p. 18) ; § l’instrument fait en fils de soie s’appelle xian (ce sont tous les instruments à cordes) ; § l’instrument de pierre s’appelle qing (c’était une pierre sonore suspendue à un support ; cf. Couvreur, p. 383) ; § l’instrument de métal s’appelle zhong (cloche) ; § les instruments faits en bois s’appellent zhu et yu (c’étaient de petites caisses en bois sur lesquelles on frappait pour annoncer le commencement et la fin de la musique ; cf. Couvreur, p. 833 et 251).

C’est là ce qu’on appelle les huit instruments de musique. »

327. Les cent animaux sont, d’après les commentateurs, les animaux féroces qui étaient commis à la garde du fonctionnaire appelé le fu bu shi (cf. note 115).

— Le commentateur Su Zhe (Shu jing, ch. II, p. 34 v°) remarque que cette phrase est assez singulière dans la bouche de Kui ; tous les autres fonctionnaires nommés par Shun ont voulu céder leurs honneurs à de plus dignes ; lui seul se vante de ses talents ; Su Zhe en conclut que ce passage devait à l’origine faire partie du chapitre I et Ji du Shu jing et a été incorporé dans le Shun dian par erreur.

— A nos yeux, ce n’est pas seulement cette phrase, mais toute la théorie musicale qui précède, qui n’est guère à sa place.

328. Shun redoute les malentendus que de faux rapports peuvent faire naître entre lui et son peuple ; il charge Long de promulguer ses ordres sans les altérer et de le renseigner exactement pour que ces ordres soient appropriés aux circonstances.

329. Ce texte est, à vrai dire, le seul qui pourrait justifier l’opinion que l’expression « les quatre montagnes » désigne un fonctionnaire unique ; dans cette hypothèse en effet, les vingt-deux hommes sont le chef des quatre montagnes, les douze pasteurs et les neuf personnes dont nous avons lu la nomination à des charges diverses.

— Mais nous avons montré quelles raisons nous font préférer l’ancienne interprétation qui voit quatre fonctionnaires dans les chefs des quatre montagnes (cf. notes 199 et 302). Nous devons dès lors accepter le commentaire de Ma Rong, d’après qui, dans les neuf personnes promues par Shun, il y en a trois, Houji, Xie et Gaoyao, qui ne sont que confirmés dans des charges anciennes et ne doivent pas entrer en ligne de compte ; les vingt-deux hommes sont alors les six personnes restantes, plus les chefs des quatre montagnes et les douze pasteurs.

330. Nous suivons ici le sens indiqué par Zhang Shoujie. Le ciel dont il est question est le ciel physique ; on observe l’ordre établi par le ciel en se conformant aux saisons.

331. Encore aujourd’hui la coutume de faire subir un examen triennal à tous les fonctionnaires est de règle. Tous les trois ans, le gouverneur de chaque province rédige un rapport sur ses subordonnés (cf. notes 202 et 219).

332. On a vu plus haut que le peuple de Sanmiao avait été transporté par Shun du sud dans l’ouest ; Jiang Sheng explique que, les Sanmiao se montrant encore insubordonnés dans leur nouvelle résidence, on fut obligé d’user envers eux de nouveaux moyens de rigueur. — Tout ce qui précède avait trait à la nomination des fonctionnaires ; on ne comprend guère ce que vient faire ici cette phrase isolée.

333. La confusion entre la division de l’empire en douze provinces et la division en neuf provinces apparaît manifestement dans cette phrase (cf. note 242).

334. Sur les travaux des Yu, voyez les Annales principales des Xia.

335. Sur le domaine des terres incultes, qui était à 2,500 li de la capitale au nord, au sud, à l’est et à l’ouest et avait par conséquent 5000 li de côté, cf. le Tribut de Yu, ad fin [p. ╓148 ].

336. Tout ce passage est fort altéré et les leçons des Rites de Dai l’aîné (chap. Wudi de, p. 3 v°) ne contribuent guère à l’éclaircir. Sima Zhen propose de corriger le texte de la manière suivante [….]. Il faut alors traduire :

« Au sud, il soumit Jiaozhi et Beihu ; à l’ouest, les Rong de l’ouest, Xizhi, Qusou, les Diqiang ; au nord, les Rong des montagnes, Beifa et Xizhen ; à l’est, les barbares Chang et Niao.

— Le Jiaozhi correspond au Tonkin actuel (cf. note 150) ; le Beihu, d’après un commentaire du Er-ya cité par le Kangxi zidian, est identique à la commanderie de Rinan sous les Han, c’est-à-dire au Quang Nam actuel, dans l’empire d’Annam ; le Beihu est mentionné dans la sixième strophe de l’inscription que Qin Shihuangdi fit faire en l’an 219 avant J.-C. sur la terrasse Langya (cf. Annales principales de Qin Shihuangdi).

— Les Rong de l’ouest sont les barbares qui habitaient le Gansu actuel ; le Xizhi est appelé Xian zhi et le Qusou est appelé Quyu dans les Rites de Dai l’aîné ; ces deux pays sont aussi mentionnés dans le Yu gong (province de Yong) ;

— les Diqiang (ou, suivant quelques-uns, les Di et les Qiang) sont des barbares souvent assimilés aux Rong, mais qui paraissent avoir habité surtout le Sishuan occidental et le Tibet. Le Beifa est cité par le livre des Han antérieurs comme un pays du nord ; les Xizhen ont été identifié assez arbitrairement par Zheng Xuan avec les Sushen, ou Rouzhi (肉氏), qui régnèrent en Chine sous le nom de dynastie Jin et sont regardés comme les ancêtres des Mandchous actuels.

— Les barbares Chang nous sont inconnus ; dans le nom des barbares niao, certains commentateurs proposent de corriger Niao en dao ; il faut alors traduire les barbares des îles ; ces îles seraient soit l’archipel Japonais, soit l’archipel des îles de la Sonde.

Je rapporte tout ce paragraphe à Shun parce qu’il lui est formellement attribué dans les Rites de Dai l’aîné.

337. La musique de Yu comprenait neuf chants successifs, chantés chacun sur un ton différent.

338. L’apparition d’êtres singuliers est regardée par les Chinois comme un présage de bon augure.

339. Cf. Shu jing, chap. I et Ji, trad. Legge [css : édition/rechercher : ‘phoenix’], Chinese Classics, t. III, p. 88 ; [trad. Couvreur].

340. Proprement : de l’empereur Yu ; nous avons écrit Shun pour éviter toute confusion avec Yu dont il a été question dans le paragraphe précédent.

341. C’est-à-dire après que le deuil de trois ans fut fini.

342. On voit que, d’après les données de Sima Qian, Shun mourut àgé de cent ans, après un règne personnel de trente-neuf ans. La chronologie du Tongjian gangmu fait régner Shun quarante-huit ans et celle du Zhushu jinian cinquante-trois ans ; toutes deux s’appuient sur le texte du Shu jing (Shun dian, ad fin), qui dit que Shun mourut cinquante ans après avoir pris le pouvoir ; mais le Tongjian gangmu retranche de ce nombre les trois années de deuil, tandis que le Zhushu jinian les ajoute à ce nombre.

343. Cangwu est le nom du lieu où se trouvait la montagne Jiuyi, c’est-à-dire des neuf doutes, ainsi nommée parce qu’elle avait neuf pics si semblables qu’on les confondait entre eux. Cangwu se trouvait dans l’actuelle sous-préfecture de Ningyuan, préfecture de Yongzhou, province de Hunan.

344. Au sud-est de la sous-préfecture de Ningyuan.

345. Mencius (V, b. 3, Legge, p. 225) dit que Xiang fut nommé prince de Pi (près de la préfecture secondaire de Dao, préfecture de Yongzhou, province de Hunan). Dans ce passage de Mencius est discutée la question de savoir si Shun agit bien ou mal en donnant cette dignité à son frère, malgré sa méchanceté.

346. C’est-à-dire de même que Danzhu, fils de Yao.

347. Il le proposa au Ciel pour être empereur après lui.

348. Nous voyons apparaître ici pour la première fois une idée fondamentale de la religion chinoise : pour que des fils de personnes souveraines puissent faire les sacrifices rituels à leurs ancêtres, il est nécessaire qu’ils aient un domaine, quelque restreint qu’il soit, où ils soient maîtres absolus. Le sacrifice est étroitement rattaché au sol.

349. Cette situation privilégiée accordée à un descendant d’une dynastie éteinte, chargé de représenter ses ancêtres auprès du souverain régnant, est mentionnée dans plusieurs autres textes. Dans le Shu jing, le chapitre Weizi zhi ming nous montre le duc de Zhou nommant le vicomte de Wei représentant de la dynastie Shang et lui annonçant qu’il serait traité comme un hôte dans la maison du roi. Voyez encore dans le Shu jing, chap. I et Tsi (trad. Legge, p. 87), Danzhu appelé l’hôte de Shun ; et encore Zuo zhuan, 24e année du duc Xi, trad. Legge, p. 193, 1e col. ; — Shi jing, décade de Chengong, ode 3, trad. Legge, p. 585 ; [trad. Couvreur] ; — Liji, chap. Jiaotesheng, trad. Legge, Sacred Books of the East, vol. XXVII, p. 422-428.

350. C’est-à-dire qu’il ne se séparait pas de ses ancêtres et ne se reconnaissait pas le droit de se conduire comme un maître envers les fils des anciens souverains. La phrase se retrouve dans le chapitre Ji fa du Liji.

351. Leur mérite fit qu’on les distingua en les désignant par le nom de la principauté qui leur avait appartenu en fief avant leur accession au trône.

352. La principauté de Xiong correspond à l’actuelle sous-préfecture de Xinzheng, préfecture de Kaifeng, province de Henan.

— ► C’est dans ce texte que M. Terrien de Lacouperie a trouvé la preuve que Huangdi n’était autre que Shutruk-Nahhunte et voici comment il arrive à ce résultat : le mot Xiong est donné par le Dictionnaire de Kangxi comme se prononçant, dans certains cas (mais non pas dans celui où il est le surnom de Huangdi) Nai ; M. Terrien de Lacouperie prend ce mot Xiong, prononcé à tort Nai, et le place devant le nom de Huangdi, créant ainsi une expression Nai (lisez Xiong) Huangdi qui n’existe, à ma connaissance, dans aucun texte chinois ; c’est ensuite un jeu d’établir les équivalences Nai = Na, Huang = khun ; di = te. Cet exemple suffit à expliquer pourquoi nous ne croyons pas nécessaire de surcharger nos notes en réfutant point par point les prétendues concordances sinico-élamites de M. Terrien de Lacouperie.

353. Sur l’emplacement des pays de Gaoyang et de Gaoxin, cf. note 155 ; sur Tao et Tang, cf. note 166 ; sur Yu, cf. note 206.

354. C’est-à-dire prince de Xia. Le pays de Xia est identifié avec la préfecture secondaire de Yu, préfecture de Kaifeng, province de Henan.

355. Xie est l’ancêtre de la dynastie Shang ; son fief de Shang correspond à la préfecture secondaire de Shang, province de Shaanxi. — Qi est l’ancêtre de la dynastie Zhou ; mais ce ne fut qu’un de ses descendants qui eut le fief de Zhou (Tongjian jilan, ch. II, p. 12 v°) ; lui-même eut le fief de Tai, aujourd’hui sous-préfecture de Wugong, préfecture secondaire de Qian, province de Shaanxi.

356. Cette phrase est évidemment inspirée par un passage du Wudi deKongzi dit que Huangdi appartient à la haute antiquité et qu’il est difficile de bien le connaître.

357. Le Shangshu (Livre de l’Antiquité ou, suivant d’autres, Livre vénérable) est un nom du Shu jing. On oppose les livres canoniques tels que le Shu jing aux cent écoles qui comprennent les écrivains divers non classiques.

358. Dans l’expression encore en usage de nos jours, jin shen, le texte de Sima Qian remplace le premier caractère par un équivalent phonétique. L’expression jin shen désigne les personnes qui ont une charge officielle ; jin signifie enfoncer et shen large ceinture ; jin shen a donc le sens de « ceux qui enfoncent dans leur ceinture » le hu, c’est-à-dire la tablette que tous les officiers tenaient à la main quand ils étaient reçus en audience par l’empereur.

359. Ce sont les chapitres Wudi de et Dixi sing des Rites de Dai l’aîné. — Sima Qian commence par montrer pour quels motifs certains lettrés de son temps se refusaient à faire remonter l’histoire de Chine au-delà de Yao. Dans ce qui suit, il expose quelles raisons l’ont déterminé lui-même à accepter, en les choisissant avec critique, quelques-uns des récits relatifs aux cinq empereurs.

360. La montagne Kongtong est dans la préfecture de Pingliang, province de Gansu.

361. Sur la montagne Zhuolu, cf. note 117. Le Jiang et le Huai sont le Yangzi Jiang et la rivière Huai.

362. Le Chunqiu ou Chronique de l’État de Lu attribuée à Confucius et les Discours des États attribués à Zuo Qiuming. Cf. mon Introduction, au chapitre des Sources de Sima Qian.

363. Les idées de ces autres récits.