Sonnets (Fuster)/La Robe

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Librairie Nouvelle ; Librairie Universelle (Anthologie Contemporaine. vol. 38) (p. 12).


LA ROBE



Pour avoir revêtu la tunique de feu,
Hercule, noir de sang, râlait son agonie,
Tandis que, sans pitié de la plainte infinie,
La flamme, autour de lui, tordait son éclair bleu.

Fervent d’un fol amour, je passais par ce lieu ;
J’ai vu le dieu saigner dans son ignominie,
Et moi, qui me voudrais consumer de génie,
J’ai senti mon cœur battre en jalousant le dieu.

Mais alors ma chair lâche, indolente et traîtresse,
Ma chair, faite de crainte et faite de paresse,
M’a dit toute l’horreur des tourments aperçus ;

Ma raison me criait : « Il en est temps, — recule ! »
Je regardai le feu qui consumait Hercule.
Hercule est mort. J’ai pris la robe de Nessus !


Charles Fuster.