Sonnets (Fuster)/Tristesse de la mer

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Librairie Nouvelle ; Librairie Universelle (Anthologie Contemporaine. vol. 38) (p. 5).


TRISTESSE DE LA MER



Quand les amants s’en vont, seuls sur la vaste grève,
Devant le ciel muet, devant les flots hurlants,
Parfois un vague effroi glace leurs cœurs brûlants,
Je ne sais quoi d’affreux vient déchirer leur rêve.

C’est que la mer est triste, et qu’un râle soulève
Toute l’immensité béante de ses flancs,
Devant tant de soupirs, ingénus ou troublants,
Qui la viennent navrer sans répit et sans trêve.

Elle a tant écouté de mensonges divins,
Tant de baisers amers et tant de sanglots vains,
Qu’elle en roule à jamais comme une horreur vivante.

C’est pourquoi, par les soirs de houle, les amants
Devant l’immense mer qui maudit leurs serments,
Sentent passer en eux des frissons d’épouvante.