Sonnets (Fuster)/Trop petits

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Librairie Nouvelle ; Librairie Universelle (Anthologie Contemporaine. vol. 38) (p. 7).


TROP PETITS



Las d’avoir si longtemps et durement pâti
Pour construire, à grands blocs, les hautes pyramides,
Les esclaves fellahs, les prisonniers numides
Voulaient briser parfois ce qu’ils avaient bâti.

Mais la pierre est trop rude, et l’homme trop petit !
Contre les sombres murs, près des grèves humides,
Ils avaient beau jeter leurs insultes timides :
Le colosse dormait et n’avait rien senti.

Tels, pris à tout jamais d’une angoisse profonde,
Nous, les hommes, épars sur les croupes du monde,
Nous avons blasphémé, crié, haï, tué ;

Excitant, contre Dieu, nos forces épuisées,
En labeurs éternels nous les avons usées,
— Et l’immense infini n’en a pas remué !