Émile Nelligan et son œuvre/Tristia/Sous les faunes

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SOUS LES FAUNES




Nous nous serrions, hagards, en silencieux gestes,
Aux flamboyants juins d’or, pleins de relents, lassés,
Et tels, rêvassions-nous, longuement enlacés,
Par les grands soirs tombés, triomphalement prestes.

Debout au perron gris, clair-obscuré d’agrestes
Arbres évaporant des parfums opiacés,
Et d’où l’on constatait des marbres déplacés,
Gisant en leur orgueil de massives siestes.

Parfois, cloîtrés au fond des vieux kiosques proches,
Nous écoutions clamer des peuples fous de cloches
Dont les voix aux lointains se perdaient toutes tues,

Et nos cœurs s’emplissaient toujours de vague émoi
Quand, devant l’œil pierreux des funèbres statues,
Nous nous serrions, hagards, ma Douleur morne et moi.