Souvenirs autobiographiques du mangeur d’opium/La Jeunesse de Quincey

La bibliothèque libre.


LA JEUNESSE DE QUINCEY



On s’est beaucoup occupé en France de Thomas de Quincey depuis plusieurs années et, sans doute, l’excellente traduction des Confessions d’un mangeur d’opium de M. V. Descreux y a été pour quelque chose.

Dans un article qui fut remarqué, M. Th. de Wyséwa, un critique qui a fourni une riche contribution à l’étude des littératures étrangères, s’insurgeait contre les idées fausses que, d’après lui, nous nous faisions de l’écrivain anglais.

« L’on sait communément en France aujourd’hui, disait-il, que Quincey a été une façon de savant, qu’il a passé la plus grande partie de sa vie à manger de l’opium, et qu’il a aimé, d’un amour romanesque et pur, une jeune fille des rues de Londres. Quincey est, ainsi, célèbre chez nous, si l’on songe que nous ignorons jusqu’aux noms de Charles Lamb, de Walter Savage Landor, de Thomas Beddoes et de la plupart des poètes anglais de ce siècle. Mais il se trouve que l’amour de Quincey pour la phtisique Anne d’Oxford-Street est vraisemblablement une invention, que l’opium a joué dans la vie de Quincey un rôle fort effacé et que ce vague savant a été l’un des plus grands écrivains de la littérature anglaise[1]. » Et, plus loin, revenant sur la même idée pour y mieux appuyer, l’écrivain de la Revue des Deux Mondes ajoutait et concluait : « Quant à l’opium, son rôle dans la vie de Quincey fut, je le répéte, fort restreint. Les singularités de son caractère et de sa littérature ne doivent rien, en tout cas, à cet usage de l’opium, Quincey a été, dès le début, l’homme et l’écrivain qu’il est toujours resté. L’opium lui a seulement servi de prétexte pour attirer l’attention sur ses poèmes en prose. Cet homme extraordinaire avait, d’ailleurs, toutes les audaces. Après la mort de son ami Coleridge, qui avait été réellement une victime de l’opium, il s’attacha à établir, en faisant, d’ailleurs, le plus grand éloge de Coleridge, que le poète défunt n’avait jamais été un mangeur d’opium sérieux et que lui seul, Quincey, avait droit à ce titre. Et c’est ainsi que, ignorant l’extraordinaire écrivain des Césars et de la Diligence, nous connaissons tous Quincey le mangeur d’opium, dont on a pu dire sans trop d’invraisemblance qu’il n’avait jamais mangé d’opium dans sa vie[2]. »

Mais, bientôt après, la thèse qui fait de Thomas de Quincey une victime de l’opium trouva dans la même Revue des Deux Mondes un champion résolu en la personne de Madame Arvède Barine, critique non moins compétent.

« Si jamais homme gâcha les dons reçus en naissant, dit notamment Madame Arvède Barine, ce fut celui-là. Quincey n’avait pas vingt ans qu’il avait déjà mangé son blé en herbe ; à l’université, il ne pouvait plus travailler qu’en s’excitant avec de l’opium. Certainement il a une excuse. Qui n’en a pas dans ce monde ? Son excuse était d’avoir eu un père malsain, d’être venu au monde malsain : s’il n’eût versé d’un côté, il eût sans doute versé de l’autre, dans l’alcool, dans la débauche, que sais-je ? Mais ce qui atténue sa faute n’en avait pas atténué les conséquences et il faut les regarder en face une dernière fois… Les admirateurs de Quincey réclament pour lui plus que du talent : du génie, et ils ont raison. La plupart des critiques anglais se sont néanmoins refusés à attacher de l’importance à son œuvre, malgré ses luttes en faveur des Lakistes, malgré tout ce qu’il a fait pour initier l’Angleterre à la pensée allemande, et les critiques ont eu raison. Qu’est-ce qu’un génie qui ne donne plus que des miettes de pensée, des miettes d’idées et de raisonnements, où rien ne se tient et rien ne se suit ? Qu’est-ce que le monument littéraire d’un génie en poussière ? Quincey écrivait un jour à un ami, en parlant de ses propres ouvrages : « C’est comme si l’on trouvait de fins ivoires sculptés et des émaux magnifiques mêlés aux vers et aux cendres, dans les cercueils et parmi les débris de quelque monde oublié ou de quelque race disparue. » Des bijoux de grand prix parmi les ossements et dans la poussière d’un tombeau, voilà en effet ce que Thomas de Quincey nous a laissé ; voilà quelle a été l’œuvre de l’opium[3] ! »

Et non seulement Madame Arvède Barine fait de Thomas de Quincey le martyr de la passion de l’opium, mais elle le pose en type de cette névrose et l’étudie comme tel, de même qu’elle vit en Hoffman le martyr de la passion du vin, en Edgar Poe celui de la passion de l’alcool ou en Gérard de Nerval celui de la folie. « Thomas de Quincey, dit-elle, n’a jamais renié son erreur ; il s’en est plutôt paré… La crise passée, il se faisait l’historiographe complaisant des effets de l’opium sur l’âme humaine et il ne s’est jamais lassé de les analyser, de les décrire par le menu, avec une précision qui donne beaucoup de prix à ses récits, et non pas seulement dans ses fameuses Confessions d’un mangeur d’opium, mais dans cent endroits de ses œuvres, de ses lettres, de son journal, de ses notes inédites. Ce n’est pas chez lui l’obsession maladive ; c’est l’hommage volontaire de l’esclave crucifié au maître cruel qu’il ne peut s’empêcher d’admirer et de diviniser tout en luttant contre lui pour sa raison et pour sa vie[4]. »

De ces deux interprétations si divergentes de tournure et de la personnalité de Thomas de Quincey, nous n’hésitons pas à adopter celle de Madame Arvède Barine. L’autre n’est qu’un joli et spirituel paradoxe.

Évidemment Thomas de Quincey n’a pas été seulement le pape de l’opium, auquel cas il n’éveillerait qu’une fragile curiosité, mais si la passion qui devait ruiner et dévaster son cerveau a trouvé chez lui un terrain favorable de culture, l’étude de ce terrain n’est-elle pas aussi intéressante que celle du développement de la passion elle-même ? À entendre Quincey, ce fut « comme à un simple analgésique et par la seule violence de la douleur la plus cruelle » qu’il eut pour la première fois recours à l’opium. Toute autre affirmation, déclarait-il, était une calomnie et il se plaignait amèrement de Coleridge qui avait attiré l’attention du public sur la différence profonde qu’il y avait entre leurs situations respectives comme mangeurs d’opium[5]. Sur ce thème il ne tarissait pas. « Il semble, s’écriait-il, que Coleridge soit tombé dans cette habitude par des causes excusables, c’est-à-dire par nécessité, l’opium étant la seule ressource médicale qui fût efficace contre sa maladie à lui. Et moi, scélérat que je suis, j’ai, comme chacun sait, reçu des fées un charme contre la douleur ; si j’ai adopté l’opium, c’est par un penchant abominable pour la recherche aventureuse de la volupté, et j’ai pêché le plaisir dans toute sorte de ruisseaux. Coleridge se trompe dans toute l’étendue possible du mot, il se trompe dans son fait, il se trompe dans sa théorie ; un petit fait, une grosse théorie. Ce dont il m’accuse, je ne l’ai pas fait, et quand cela serait, il ne s’ensuivrait pas que je suis un citoyen de Sybaris ou de Daphné… J’ai été véridique en disant au lecteur que c’est non pas la recherche du plaisir mais l’extrême violence d’un mal de dents causé par le rhumatisme, que c’est cela, cela seul qui m’a conduit à l’usage de l’opium. La maladie de Coledrige était le rhumatisme simple. Pour moi, cette maladie qui est revenue avec violence pendant dix ans, était un rhumatisme facial combiné avec la névralgie dentaire. Je le devais à mon père, ou, pour mieux dire, je le devais à mon ignorance honteuse, car une dose insignifiante de coloquinte ou de quelque autre remède, prise trois fois par semaine, m’aurait, plus sûrement que l’opium, arraché à cette terrible malédiction… Dans cet état de souffrance, état complet et développé, j’étais exposé sans défense à un conseil fortuit, et par là même, par une conséquence naturelle à l’opium, le seul, l’unique analgésique qui soit accidentellement reconnu comme tel, le seul auquel tout le monde reconnaisse ce rôle important. »

Dans ce plaidoyer pro domo, Quincey réclame que quelqu’un qui en sache plus long que lui-même sur cette question refasse ses confessions d’un bout à l’autre et négligemment il jette en passant cette indication de l’atavisme paternel. Elle était cependant capitale et, pour le comprendre, il faut détacher curieusement dans les Souvenirs autobiographiques les pages qu’il consacre à la famille Quincey, perdues qu’elles sont dans un fouillis de détails et de digressions, résultat peut-être ces dernières de l’atrophie cérébrale, de l’émiettement des idées causé par le travail lent du poison.

Peu importe, en effet, quelque intérêt qu’y attacha Quincey, qu’il ne fût point le descendant d’émigrés français. Sa gallophobie trouvait son compte à déclarer que les Quincey anglais dataient du conquérant et qu’ils n’étaient pas de souche française mais norvégienne. Le point intéressant était celui-ci. Le père de Thomas, négociant, riche et lettré, était phtisique. Il avait eu huit enfants avant et après la rupture du vaisseau sanguin qui précipita sa fin. Cet accident survenu vers la cinquième année de Thomas Quincey laissa le négociant de Manchester brisé et faible. Vainement il chercha la santé dans de grands voyages vers les climats chauds. Ni Lisbonne ni Madère ne lui furent des séjours prospères et guérisseurs et en 1792 il revint mourir à Greenheys dans l’élégante demeure qu’il s’était fait construire au milieu des jardins des faubourgs suburbains de Manchester.

Les frères et les sœurs de Thomas eurent la part néfaste de cette hérédité morbide. « L’aîné des garçons, rapporte Madame Arvède Barine, était un cerveau fêlé qui cherchait le moyen de marcher au plafond la tête en bas, comme les mouches ». « Si un homme peut tenir cinq minutes, disait-il, qu’est-ce qui l’empêchera de tenir cinq mois ? » Cette idée ingénieuse et quelques autres de même force le firent reléguer au loin. Quand il revenait au logis maternel pour quelque cause fortuite, on l’envoyait aussitôt chez un ministre des environs en la compagnie de Thomas et alors Thomas devenait son souffre douleur. « Le frère était un forcené batailleur qui ameuta contre eux tous les gamins du pays et obligea l’infortuné Thomas à être son corps d’armée. Pendant que le général en chef accomplissait des prouesses et se décernait des ordres du jour louangeurs, ses troupes recevaient d’abominables raclées[6]. »

Des autres enfants, deux fillettes furent fauchées par la mort, et la visite que Thomas fit furtivement à six ans au cadavre d’une d’elles, est une des pages les plus émues des Souvenirs autobiographiques. Tous, d’ailleurs, étaient mélancoliques, méditatifs et plus tard, Quincey en arrivait à se féliciter des brutalités de son frère aîné qui l’obligeant à guerroyer, c’est-à-dire à se faire rouer de coups, l’avait contraint de faire une violente diversion à ses éternelles spéculations métaphysiques. Sans cela il serait mort de langueur.

Quincey avait encore un autre frère, le Pink dont il raconte les étonnantes aventures en un chapitre entier de ses Souvenirs. C’était incontestablement une tête brûlée et Thomas lui-même, avec ses fugues soudaines, ses longues disparitions, n’a-t-il pas tous les traits d’un dégénéré supérieur ? Se souvient-on du joli portrait qu’en a tracé Carlyle, ce portraitiste magistral : « Assis, on l’aurait pris aux lumières pour un joli enfant : des yeux bleus, un visage brillant, s’il n’y avait pas eu un je ne sais quoi qui disait : Eccovi, cet enfant a été aux enfers. »

La seule personne de la famille, qui n’a pas été nommée ici, l’y eût volontiers renvoyé. Madame de Quincey, bien que son fils en parlât toujours en termes respectueux, ressort de ses récits sous des traits plutôt défavorables. La tendresse maternelle lui était un sentiment à peu près inconnu. Pourvu qu’il revînt de temps en temps au logis, elle le laissa vagabonder et se livrer à toutes les excentricités de collégien mal équilibré qui hantaient son cerveau. C’était une rigide protestante et elle n’aurait pu admettre que l’indocilité fût le meilleur moyen de se procurer des aises et du bien-être. Ce serait un encouragement aux frères cadets, s’ils voyaient récompenser la révolte de leur aîné. Voici comment Quincey raconte une de ces entrevues où il se présentait la conscience anxieuse. « Attristé par ces réflexions, je le fus encore plus par la froideur de ma mère. Si je pouvais me hasarder à supposer en elle un défaut, c’est que dans son caractère hautement tendu, elle dirigeait trop exclusivement sa froideur vers ceux qu’elle savait ou croyait les auteurs d’un mal, à quelque degré que ce fût. Parfois, son austérité pouvait paraître injuste. Mais alors toute l’artillerie de son déplaisir semblait se démasquer, et avec justice, pour tirer sur une observation morale, que n’offrait à ce moment aucune excuse admissible ; cela se disait dans un coup d’œil, s’exprimait d’un seul mot. Ma mère avait de l’inclination à juger défavorablement les causes qui avaient besoin de beaucoup de paroles ; de mon côté, j’avais du talent pour les subtilités de toute nature et de tout degré, et j’étais devenu naturellement expert dans les cas qui ne pouvaient laisser tomber leur appareil extérieur et se présenter sous un aspect aussi simple. S’il y a au monde quelque misère sans remède, c’est le serrement de cœur que donne l’Incommunicable. Qu’un autre sphinx vienne proposer à l’homme une nouvelle énigme en ces termes : y a-t-il un fardeau absolument insupportable pour le courage humain ? — je répondrai aussitôt : c’est le fardeau de l’Incommunicable. À ce moment-là, alors que j’étais assis dans le salon du Prieuré avec ma mère, sachant combien elle était raisonnable, combien patiemment elle écoutait les explications, combien elle était franche, ouverte à la tendresse, je n’en étais pas moins abîmé dans un désespoir infini par la difficulté de me faire entendre. Elle et moi, nous avions sous les yeux le même acte, mais elle le regardait d’une centre et moi d’un autre. J’étais certain que si pendant une demi-minute elle pouvait ressentir l’impression mortelle des souffrances que j’avais combattues pendant plus de trois mois, cette somme d’angoisse physique, cette désolation de toute vie intellectuelle, elle aurait exprimé avec élan son pardon pour tout ce qui lui apparaissait alors comme un simple éclat d’insoumission capricieuse. « Dans cette courte expérience, se serait-elle écriée, je lis un arrêt qui vous acquitte ; dans ces dures souffrances, je reconnais une résistance digne d’un gladiateur. » Voilà ce qui aurait été alors son verdict, dans le cas que je suppose. Mais des raisons infiniment délicates rendaient cette supposition irréalisable. De tout ce qui se présentait à ma rhétorique, il n’était rien qui ne représentât mes souffrances d’une manière aussi faible que puérile. Je me sentais impuissant, désarmé dans cette difficulté languissante à affronter ou à essayer d’affronter l’obstacle qui était devant moi, comme il nous est souvent arrivé, dans nos rêves enfantins, de lutter contre un lion formidable. Je sentais que la situation était sans espérance : un mot unique, que j’essayais d’exprimer de mes lèvres se mourait en un sanglot, et je me laissais aller passivement à un aveu apparent qui se dessinait dans toutes les apparences, à l’aveu de n’avoir aucune excuse acceptable à présenter[7]. »

Aussi l’enfant fut abandonné à lui-même, et littérairement cela vaut peut-être mieux, car madame de Quincey en eut fait quelque épouvantable méthodiste au lieu du conteur spirituel et érudit qu’on retrouve à chaque page des Souvenirs autobiographiques.

Il serait déplacé de réécrire ici le récit détaillé de l’enfance de Thomas de Quincey. Ce qu’il faut indiquer, c’est le vif intérêt qu’offre à des Français le récit de l’expédition Humbert en Irlande. Comme le rapporte le Mangeur d’opium, il parcourait ce pays au moment où les souvenirs de l’occupation française vivaient encore dans tous les esprits. Il put causer avec ceux qui avaient été les hôtes plus ou moins volontaires d’Humbert et de ses lieutenants.

Quand plus loin il explique le système d’organisation de l’université d’Oxford, il n’est pas moins intéressant, car on a trop parlé chez nous de l’éducation anglaise, des collèges anglais, pour ne pas écouter avec profit un homme qui en a fait l’expérience personnelle.

Cet intérêt, ce charme de ses récits ont rendu Quincey suspect à bien des lecteurs. Il y a toute une école qui prétend que son imagination seule écrivait, que, dégénéré supérieur et monomane de l’opium, il avait perdu la mémoire par suite de l’intoxication. Ceux qui soutiennent cette thèse s’appuient sur les affirmations du docteur Pichon qui a cru remarquer la perte de mémoire comme un trait caractéristique du morphiné. Mais le docteur Bail s’est, chez nous, inscrit en faux contre cette affirmation. Il a constaté dans ses savantes leçons que la mémoire demeurait intacte chez les intoxiqués d’opium et a déclaré qu’il ne fallait pas confondre la perte de la mémoire accidentelle chez quelques-uns comme conséquence de l’engourdissement général du mot avec les phénomènes ordinaires chez les intoxiqués morphiniques. D’ailleurs si l’épreuve est impossible pour beaucoup des traits rappelés par Quincey, l’épisode d’Anne d’Oxford Street sur lequel il était seul à pouvoir témoigner, — l’épreuve est au contraire facile dans certains cas. M. Page a par exemple publié de charmantes et très authentiques lettres de Quincey enfant, adressées à sa sœur Mary et signées par badinage Tabitha Quincey. Ces lettres sont écrites de Bath et rapportent sa maladie cérébrale dans cette villégiature. Elles confirment point par point les récits du Mangeur d’opium à ce sujet ; pas un détail n’est en divergence, pas même en ce qui concerne le début de sa liaison avec Lord Westport, le fils unique de Lord Altamont, plus tard marquis de Sligo, « un bien joli enfant… dans mon genre. « Le même M. Page a publié, d’une date quelque peu postérieure, des lettres adressées à madame Quincey. Le jeune homme y racontait avec esprit et littérature les incidents du voyage en Irlande fait avec Lord Westport. Or, s’il n’y raconte pas par le menu l’incident, Lady Errol — miss Blake, c’est que l’auteur des Souvenirs autobiographiques avait pris son parti de ce qui avait certainement beaucoup blessé l’adolescent. Pour le reste, paysage y compris, — ce qui prouve que Quincey avait l’impression photographique, — il n’y a pas un trait de la lettre qui ne se retrouve dans les Souvenirs.

Quincey n’a pas poussé ceux-ci au-delà d’Oxford, mais on en trouverait aisément la suite dans les pages qu’il a consacrées à certains types qui l’ont particulièrement préoccupé. Peut-être y aura-t-il un jour intérêt à traduire les portraits qu’il a tracés des Lakistes anglais dont il fut l’ami, le compagnon et un peu le jaloux. Si nous abordions cette tâche, nous trouverions Southey le bibliophile au milieu de ses livres, Wordsworth coupant les siens avec le couteau à beurre de la laide, louche mais charmante madame Wordsworth, Coleridge, le rival de Quincey dans le culte de l’opium, avec son regard assoupi où brillait une pointe de folie. Avec cela, les Suspiria de profundis, la Diligence et quelques contes, on aurait la fleur de l’œuvre de Quincey[8].

Albert Savine.

P. S. — Ce m’est un devoir de remercier ici M. V. Descreux de l’aide qu’il m’a apportée, pour ce travail, de sa parfaite connaissance de la langue élégante mais un peu chantournée et spéciale de Quincey.



  1. Th. de Wyséwa, Écrivains étrangers 1896, p. 61.
  2. Th. de Wyséwa, Écrivains étrangers 1896, p. 73.
  3. Arvède Barine, Névrosés, p. 155 et 156.
  4. Arvède Barine, p. 63.
  5. Confessions d’un mangeur d’opium, traduction V. Descreux. p. 36-40.
  6. Arvède Barine, Névrosés, p. 75 et 72.
  7. Confessions d’un mangeur d’opium. Trad. V. Descreux p. 144 et 145.
  8. Je signale aux curieux les traductions parues de Jeanne d’Arc et de l’Assassinat considéré comme un art.