Sur la mort d’une jeune demoiselle

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Traduction par Benjamin Laroche.
Œuvres complètesVictor LecouPremière série : Poésies diverses — Childe-Harold (p. 4).

SUR LA MORT D’UNE DEMOISELLE, COUSINE DE L’AUTEUR, ET QUI LUI FUT BIEN CHÈRE

Les vents retiennent leur haleine ; le soir est calme et sombre ; aucun zéphyr n’erre dans le bocage ; et moi, je vais revoir la tombe de ma Marguerite, et répandre des fleurs sur la cendre que j’aime.

Dans cette étroite cellule repose sa poussière, cette poussière que tant de vie animait naguère ; le Roi des Épouvantements en a fait sa proie ; ni le mérite, ni la beauté, n’ont pu racheter sa vie.

Oh ! si ce Roi des Épouvantements avait pu se laisser attendrir ! si le Ciel avait réformé son rigoureux décret, celui qui la pleure n’aurait pas de regrets à faire parler ici ; ce n’est pas ici que la Muse raconterait ses vertus.

Mais pourquoi pleurer ? Son âme incomparable a pris son vol par delà les régions où brille l’astre du jour ; et des anges en pleurs la conduisent vers ces bosquets sacrés où la Vertu est récompensée par des plaisirs sans fin.

Et nous, mortels présomptueux, irons-nous accuser le Ciel et nous élever follement contre la divine providence ? Ah ! loin de moi des pensées aussi vaines ! — Je ne refuserai point à mon Dieu l’hommage de ma résignation.

Et pourtant il est doux le souvenir de ses vertus ; elle est fraîche et vivante la mémoire de sa beauté. Mes pleurs n’ont point cessé de couler pour elle ; et son image a gardé dans mon cœur sa place accoutumée.

1802.