Théâtre de Lunéville

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Théâtre de Lunéville : Prologue d’ouverture
Imprimerie et Lithographie de ve Nicolas.
THÉÂTRE DE LUNÉVILLE

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REPRÉSENTATIONS DE LA TROUPE

DU THÉATRE DE NANCY
Direction de M. Émile MARCK
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PROLOGUE D’OUVERTURE
NANCY
Imprimerie et Lithographie de ve Nicolas, passage du Casino.
1863

A

MESDAMES ET MESSIEURS
LES
ABONNÉS ET HABITUÉS
DU THÉATRE DE LUNÉVILLE

THEATRE DE LUNÉVSLLE

PROLOGUE D’OUVERTURE
Dit le 5 Octobre 1863
Par Mlle  JEANNE FAVRE.
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Nous arrivons, Messieurs, avec notre bagage
D’amour et de jeunesse, et, dans notre langage,
Modulé savamment sur un rhythme amoureux,
Prêts à vous raconter les belles aventures
De ceux dont le Mystère et les choses futures
Tentent le cœur aventureux.
Chacun, suivant notre manière,
Nous vous dirons notre chanson
Demandée à chaque buisson
Gazouillant près de nous dans la grande lumière !
Divertir les honnêtes gens
Ainsi que le voulait Molière,
Tel est le but, Messieurs, de nos soins diligents !
Vous pourrez, avec nous, quand viendra la soirée,
Assister à ces jeux où la Muse effarée,

Rit aux éclats, ou bien vient se percer le flanc
Au dernier acte avec un poignard en fer blanc,
Et voir se préciser les visions du rêve
Derrière ce rideau qu’un machiniste enlève ;
Vous rafraîchir, enfin, dans les clairs horizons
Que nous cachent les murs de ces noires prisons
Dont l’éternel labeur est le geôlier ; revivre
Dans ce monde idéal où toute âme s’enivre
Et noie, en souriant, ses déboires défunts,
Dans la musique, dans les chants et les parfums !

Ainsi, venez, Messieurs, la maison est ouverte,
Entrez, et nous ferons pour vous la forêt verte ;
Belles, les pieds cachés dans les gazons naissants,
Vous entendrez le chœur des filles de seize ans,
Et Luna passera sa tête par les branches
Pour baigner de lueurs tendres leurs formes blanches !

Dans l’air empli de frissons,
Mille divines chansons
Trempent l’azur de leurs ailes
Et, riant aux claires eaux,
A travers les grands roseaux,
Glissent, vertes demoiselles !

Les victimes dont le cœur
Exhale un chant de langueur,
Ici, vous les verrez toutes,
Et, près d’elles, ces bouffons

Dont le rire et les chiffons
Chassent les pleurs et les doutes !

Sans souci du lendemain,
Nous couvrirons le chemin
Des fleurs de la poésie ;
Commençons le carnaval,
Car notre faim d’idéal
Jamais ne se rassasie.

Puis, nous évoquerons ces temps évanouis,
Fêtes de chaque jour pour les yeux éblouis,
L’époque où Girardet éternisait la Grâce
Dans ses toiles où l’âpre Aphrodite s’embrasse !
Écoutez ! l’air frémit encor
Au bruit de la chasse et du cor,
Et, dans les parcs qu’ombrage un ravissant mystère
Où l’âme des rêveurs se plaît,
J’entends les madrigaux que récite Voltaire
À madame du Châtelet !
Époque élégante et frivole !
Boufflers chante ses premiers vers,
Et les Amours joyeux, en route par les airs,
Secouant au hasard leur torche ardente et folle,
Unissent, en jouant, dans l’éther éclairci,
La cour de Lunéville à la cour de Nancy !

Hélas ! où m’emporte le rêve !
Messieurs, quand je voulais vous dire simplement :

Nous venons tous à vous, pleins d’ardeur et de sève,
Faisant de notre mieux pour que tout soit charmant.
Soyez-nous doux ; prêtez l’oreille à nos histoires ;
Pleurez sur nos malheurs fictifs ; riez aussi
Lorsque l’acteur bouffon vous dira : Me voici !
Ne nous refusez pas ces légères victoires
Qui haussent notre cœur et font que nous allons
Plus fermes, sur la route âpre et mal aplanie,
Et continuons mieux la tâché non finie !

Au Chef d’orchestre :

Commencez maintenant, messieurs les violons !


ALBERT GLATIGNY




Nancy. — Imp. et Lith. de ve Nicolas, passage du Casino.