Traité des instruments de martyre et des divers modes de supplice employés par les païens contre les chrétiens/Chapitre III

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Traduction par un inconnu, sur les originaux italien et latin.
Charles Carrington (p. 36-68).

CHAPITRE III

Du cheval de bois comme instrument de torture, de même de nombreuses et diverses sortes d'entraves.


LE cheval de bois, comme instrument de torture, a été cite par Cicéron et par beaucoup d'autres anciens écrivains - par Cicéron dans le Pro Deiotaro et le Pro Milone et les Philippiques. D'autres auteurs, qui en font aussi mention, sont Valère Maxime, Quintilien, Sénèque, Ammianus Marcellinus, ainsi que d'innombrables Histoires et Actes des Martyrs, principalement ceux de saint Crescentianus, des saintes Dorothée, Agathe et Eulalie, vierges et martyres, des saints Felix et Fortune, Alexandre et Bassus, évêques et martyrs - pour ne pas nommer une incalculable légion d'autres des deux sexes.

A part les écrivains et les Vies des Saints cités ci-dessus, le cheval de bois est également mentionné par saint Cyprien, dans son Epitre à Donatus et ailleurs par saint Gérôme, saint Augustin, Eusèbe, Isidore et d'autres - comme aussi par Prudentius qui en parle maintes fois dans ses Hymnes. Tous ceux-ci s'accordent à reconnaître que le cheval de bois était un instrument de torture employé dans les anciens temps pour arracher la vérité à des personnages suspects on coupables. Ainsi Cicéron, dans son Pro Deiotaro, écrit : « D'après la coutume de nos ancêtres, un esclave ne peut produire aucune charge contre son maître ; même soumis à la torture, lorsque la douleur peut arracher la vérité au temoin le plus involontaire. Pourtant, telle etait 1 influence exercée sur cet esclave, que l homme, dont il n avait pas même pu prononcer le nom étant sur le cheval, fut par lui accusé ouvertement lorsqu il fut mis en liberté » ; et encore : « Pour éclaircir les faits, le cheval est l endroit voulu ; pour discuter les points de la loi, c est la Cour. » La même chose se trouve dans ce que dit Ammianus Marcellinus : « Quoiqu il soil courbé en deux sous le cheval de bois, il n en persiste pas moins dans sa dénégation opiniâtre et désespérée. »

De plus, le cheval de bois était employé pour torturer les hommes et les déchirer cruellement en manière de châtiment - ainsi qu on peut le constater clairement dans les cas des Martyrs Chrétiens. Nous trouvons aussi fréquemment mention de cet instrument dans les Histoires où nous pouvons lire continuellement des phrases telles que celles-ci : « Il fut torturé sur le cheval, suspendu au cheval, hisseé sur le cheval, placé sur le cheval… » et ainsi de suite.

Maintenant, au sujet de ce que nous avons avancé, savoir que le cheval de bois etait unc espece de torture employee par les Anciens pour arracher la verite aux personnes accusees, les divers ecrivains s accordent tous sur ce point, mais ils ne s entendent pas aussi bien sur ce qui concerne sa description precise et sa forme exacte. Car quelques-uns ont declare a maintes reprises que c etait une plaque de metal rougie au feu ; d autres, une sorte d instrument au moyen duqucl un homme etait suspendu, les mains liees au-dessus de sa tete, de lourcls poids attaches a chacun de ses pieds et ainsi cruellement torture. D autres encore, parmi lesquels Sigonius, ainsi que plusieurs auteurs religieux qui l ont suivi, le tiennent pour avoir ete une espece de charpente en bois pourvue de poulies et agencee pour tendre et relacher, dans le but de torturer les hommes et les forcer a avouer la verite sur quelque evenement. « Maintenant, dit-il, voici quelle était la nature de cette torture : Après avoir lié à cette charpente les bras et les jambes de la personne qui devait être torturée, au moyen de menues cordes, ils étendaient la dite charpente et la mettaient debout, de sorte que la victime se trouvait suspendue,comme sur une croix. Ceci fait, ils commençaient par procéder à la dislocation de toutes les jointures et articulations de ses membres ; ensuite, ils lui mettaient contre le corps des plaques rougies au feu ; enfin ils lui déchiraient les flancs à l aide de crampons à doubles fourches, augmentant ainsi davantage encore l'amertume de son supplice. »

Ainsi parle le très savant Sigonius. Au contraire, d autres maintiennent que c était simplement une machine en bois, fabriquée de façon à avoir quelque ressemblance avec un cheval (ainsi que nous l expliquerons plus loin), ayant deux roues creuses ou poulies, fixées à chaque extrémité dans des trous faits pour les recevoir, et pouvant opérer leur révolution au moyen de leurs aiguilles ou axes. Sur celles-ci on fixait des cordes de telle façon que les personnes accusées pussent y être attachées et ainsi torturées de diverses façons, disloquées et écartelées.

Telles sont les différentes opinions soutenues par les divers écrivains, concernant le cheval de bois, dont la vérité ou la fausseté sera bientôt prouvée si l on examine la chose avec l attention voulue.

Maintenant, si nous considérons la première de ces manières de voir, nous verrons indubitablement qu elle s accorde, moins que toute autre, avec la vérité. Car, comment pouvons-nous admettre que le « cheval » lui-même était une plaque rougie au feu, lorsque nous lisons dans presque toutes les histoires des martyrs, aussi bien que dans diverses œuvres des anciens auteurs, que certains hommes étaient hissés sur le cheval et la brûlés avec des plaques rougies au feu ?

Arrivant à la seconde et à la troisième opinion, il nous sera facile de prouver d une facon concluante leur invraisemblance et leur incompatibilité avec la vérité. Car, en quoi les faits établis par nos prédécesseurs peuvent-ils s accorder avec ces récits ? C est impossible, et, en vérité, nous serons à même de démontrer, par des raisons suffisantes, que l opinion, la dernière donnée que nous tenons pour être la vraie, est réellemenl la seule véritable. Cette opinion peut être énoncée de nouveau ainsi :

Le « cheval » parmi les Anciens, était une machine de bois, faite à la ressemblance d un vrai cheval, et ayant deux petites roues creuses ou poulies aux deux extrémités où se trouvaient des trous pour les recevoir. Sur leurs axes, lorsque quelqu un devait être torturé sur l instrument on plaçait des cordes, et ces roues tournaient, et par ce moyen la personne qui y était attachée était distendue et disloquée de diverses façons.

Mais pour rendre plus clair et plus simple ce que nous avons dit ci-dessus et les explications supplémentaires que nous venons d ajouter, il faut indiquer le cours des opérations suivi par les Anciens dans la fabrication du « cheval ». Pour commencer, ils préparaient une poutre en bois d une largeur et d une longueur convenables. Dans les deux extrémités de celle-ci, où l on avait auparavant creusé des trous, on adaptait de petites roues creuses tournant sur des axes ; puis, afin de pouvoir élever l appareil entier au-dessus de terre, on choisissait quatre autres pièces de bois plus courtes et plus minces que la première qu ils fixaient par des clous de fer près des quatre angles, complétant ainsi une machine se tenant sur quatre pieds et ressemblant à un vrai cheval. Lorsque tout était prêt, s il y avait quelqu un à torturer sur le cheval, on lui écartait de force les deux jambes et on le poussait sur le dos de la machine. Alors les bourreaux prenaient des cordes ; avec l une ils attachaient les pieds de l homme, et avec l autre, ses mains, que l on avait croisées derrière son dos. Ensuite, plaçant ces cordes sur les petites roues ou poulies, ils les conduisaient à une petite manivelle, genre grue on treuil (comme on peut le supposer), fixée an pied du cheval, et les y adaptaient. Puis, faisant tourner la manivelle, ils resserraient les liens de telle façon que l homme, ayant le dos attaché à celui du cheval, et son visage tourné vers le ciel, était détiré en même temps. Ils continuaient ainsi à tirer sans se lasser, resserrant de plus en plus les cordes jusqu à ce que tous les membres fussent écartelés et toutes les jointures disloquées. Après un assez long temps, ou bien on le laissait ainsi, ou bien, sur un signe du juge, on relâchait les cordes et on le laissait tomber pendant sous le ventre du cheval, à sa grande augoisse. Alors le juge supposant que c etait maintenant une bonne occasion de condamncr ou d acquitter le prisonnier, procédait à un interrogatoire en forme sur ses faits et gestcs. Mais si, grâce à la constance de la victime, le magistrat était déçu dans ses espérances, il ordonnait que l on allât chercher des plaques rougies an feu ou bien des pinces ou des crampons de fer, afm que cette nouvelle augmentation de souffrances put arracher la vérité.

Voilà pour la forme et le mode d emploi du cheval de bois ; maintenant, il ne nous reste plus qu à confirmer l explication que nous avons donnée dans chacun de ces détails par d autres considérations et la certitude tirée d anciens auteurs.

En premier lieu, le fait que cette machine de bois était faite à la ressemblancc d un vrai cheval est manifeste par le nom meme qui lui est donne : cheval (equuleus). De plus, de nos jours, diverses sortes de bancs ou articles d ameublements, qui sont quelque peu élevés de terre sur quatre pieds, sont appelés « chevaux ». De plus, le langage employé par divers anciens écrivains montre clairement qu en parlant de prisonniers placés sur l instrument de bois, ils avaient, présente à leur esprit, l idée d un vrai cheval vivant sur lequel on les aurait fait monter.

Ainsi Cicéron, dans les Tusculanes : « Ils montent le
Fig. XI
A. — Martyr sur le cheval de bois.
B. — Martyr suspendu au cheval.
C. — Le cheval de bois.
D. — Faisceaux consulaires.
E. — Plate-forme ou échafaud sur lequel le cheval de bois était fixé.


cheval de bois », « Essayant d atteindre au dos du cheval. »

Le poète Pomponius écrit aussi : « Et lorsque je me fus élancé (mot employe pour monter à cheval) sur le dos du cheval à poulies, je fus torturé au grand trot, après être monté sur le cheval à roues creuses, je fus torturé à une vive allure, c est-à-dire au moyen des cordes et des poulies aménagées dans ce but. » Nous lisons aussi constamment dans des descriptions des souffrances des saints martyrs et particulièrement dans celles des saints Abundius et Abundantius, comment les Chrétiens étaient hissés sur le cheval pour être torturés. Il est done parfaitement clair que le cheval, comme il a déja été dit, était une machine de bois faite à la ressemblance d un cheval, et rien autre.

En dernier lieu, cette façon de voir semble être grandement corroborée par saint Jérôme, Épitre aux Innocents, et Sénèque, dont le premier écrit que les personnes torturées sur le cheval de bois avaient les yeux levés au ciel, et le dernier, qu elles étaient étendues dessus tout de leur long.

Ainsi, saint Jérôme dit : « Quoique son corps fut étendu sur le cheval, ses yeux — la seule partie de lui que les bourreaux ne pussent lier — regardaient vers le ciel. »

Et Sénèque : « Actuellement, vous essayez de nous persuader que cela importe peu si un homme est sous l influence d une émotion joyeuse, ou s il est couché sur le cheval. »

Si donc, comme il est dit ici, les prisonniers regardaient le ciel, étant couchés sur le cheval, il est plus que probable que cet instrument était fabriqué plutôt comme un cheval que comme toute autre chose. De plus, le fait que le cheval était pourvu de petites roues creuses on poulies, peut être confirmé par les vers de l ancien poète Pomponius, déja cité, comme il apparaît d une façon manifeste par les fails et les expériences que nous avons donnés ci-dessus.

En outre, que les victimes aient été hissées sur le cheval, les bras croisés derrière le dos et les jambes liées à la machine à des cordes qui étaient placées sur certaines petites manivelles de la nature des poulies, et ainsi détirés et écartelées, ceci, je le répète, peut être prouvé par de nombreux et divers passages, et spécialement par l Hisloire d Eusèbe, où l on trouve ces mots : « Car, en premier lieu, quelques-uns étaient suspendus, les mains liées au bois derrière eux, et, au moyen de certaines machines, tous leurs membres étaient détirés et écartelés, etc… »

De plus, le passage qui suit montre assez clairement qu il s agit ici du cheval de bois. « Deuxièmement, sur l ordre des magistrats, ils étaient horriblement torturés dans tout le corps par les bourreaux, et non seulement leurs flancs, comme on le fait ordinairement pour les meurtriers, mais leur ventre aussi, et leur menton et leurs genoux, étaient frappés avec des bâtons de fer ou des griffes. »

De plus, l ésidence peut en être encore accrue par un autre passage tiré de l Épître aux Innocents de saint Jérôme, où il est écrit : « Mais vraiment, la femme fut plus forte que son sexe, et quoique le cheval torturât son corps, tandis que ses mains, souill&es par les ordures de la prison, étaient liées par des cordes, derrière elle, pourtant, avec ses yeux, etc… »

On peut aussi trouver la même chose dans l Hymne sur le Martyre de saint Vincent de Prudentius, dans lequel le Tyran s adresse ainsi ainsi bourreaux :

<poem>

Vinctum retortis brachiis Sarsum et deorsum extendite, Compago donec ossium Divalsa membratim crepet…

« Va, lie l homme, les bras croisés derrière le dos. Et disloque-le du haut en bas, Jusqu à ce que la charpente de ses os craque. Et que ses membres soient déchirés les uns après les autres. » </poem> Et encore dans l Hymne pour l anniversairc de saint Romain, où l indomptable martyr parle ainsi du haut du cheval :

^Miserum putatis, quod retortis pendeo

Extensus ulnis, quod revelluntur pedes,
Compago nervis quod sonat crepantibus



« Vous me jugez malheureux, parce que je suis suspendu, étendu,
Les coudes liés derrière moi, et que mes jambes sont écartelées,
Et que toute ma charpente craque, tandis que mes nerfs sont brisés… »

De tous ces passages, il s ensuit clairement, dans notre opinion, que les prisonniers avaient les mains et les pieds liés par des cordes, les mains étant croisées derrière le dos, et que, par la révolution de certaines petites manivelles auxquelles les cordes étaient fixées, ils étaient torturés et leurs membres dechirés l un après l autre.

Le fait que le cheval était pourvu d engins de la nature des poulies, pour ne pas faire de nouveaux appels à l évidence fournie par Eusèbe, est un fait qui peut être confirmé par ce que dit Vitruve, l architecte, dans son Ouvrage, où il traite des poulies ainsi que des autres instruments employés pour soulever, tels que les treuils ou cabestans.

Il déclare qu une corde qui court, après avoir été placée sur une poulie, doit, si l on veut soulever des marchandises ou les embarquer, être menée à quelqu engin de la nature d un treuil.

Le fait que les victimes étaient étendues tout de leur long sur le cheval, le visage tourné vers le ciel, tandis que l on resserrait les cordes, est demontre d une facon suffisante par les passages tires de saint Jerome et de Seneque ; mais il y a un autre point a noter (comme nous en sommes avises par cette menie Epitre de saint Jerome), savoir : que les bourreaux avaient quelquefois l habitude, en vuc d augmenter encore la souffrance, d attacher au hois les cheveux des femmes qui encouraient le chatiment da cheval. Et rien d etonnant a ce que ce fut un accroissement de souffrances, car, lorsque les cordes etaient relachees par les bourreaux et que les victimes tombaient sous le venire du cheval (comme on le verra bientot d apres Ammianus Marcellinus), le corps pendant courbe en deux, la chevelure etait forcement tiree et arrachee de la tete, a 1 excessive douleur du corps et de 1 esprit.

Mais, quant mix victimes tombant sous 1 instrument, le corps pendant, lorsque les cordes serrees etaient relachees, ce fait est atteste, parmi d autres auteurs, par Ammianus Marcellinus, qui ecrit : II livra aux bourreaux plusieurs personnes innocentes, et les fit placer le corps pendant sous le cheval, et plus loin (comme il a deja etc cite) : Quoiqu il demeurat le corps pendant sous le cheval, il n en persista pas moins dans sa denegation opiniatre et desesperee. Maintenant, dans ces passages, et specialement dans le dernier, 1 auteur vent impliquer que les cordes etaient relachees afm d augmenter la douleur, et non pas dans le but de la diminuer. La premiere de ces opinions est la notre, tandis que la seconde est maintenue par Sigonius et ses disciples. II assure que les Anciens avaient 1 habitude de relacher les cordes, par lesquelles les prisonniers etaient attaches au cheval, dans le but d attenuer la soufTrance. En consequence, il ecrit : De même que le cheval, ou plutot les cordes, etaient resserrees en vue d augmenter la souffrance, de memc ellcs etaient relachees dans le but de 1 attenuer ; - - citant, pour confirmer son opinion par 1 autorite des Anciens, ce qui suit, tire" de Valerius Maximus : « Pendant que Zeno etait torture par Ne arque, le Tyran, il declara qu il y avail quelque chose quel autre clevait entendre secretcmenl ; alors, lorsqne le cheval fut relache, il saisit 1 oreille du Tyran entre ses dents et la coupa , et encore, a un autre endroit : « Hieronymus, le Tyran, excita en vain le xele de ses bourreaux, car il rompit les verges, detacha les cordes, relacha le cheval, et mit de cote les plaques rougies an leu, avant que d avoir pu forcer 1 autre a reveler ses complices dans le tyrannicide. 11 y a un autre point que nous voudrions faire remarquer an lecteur : Ce relachement des cordes (commc il est demontre dans le pas sage cite de Valerius Maximus) implique clairemenl le fait, que nous avons etabli au commencement de ce chapilre, que le che val de hois etait quelque pen eleve au-dessus de la terre dans toutes ses parties. Nous ne devons done pas etre surpris si Prudentius, dans son Hymne sur le marly re de saint Homain, repre senle ce soldat du Christ, criant du haut du cheval, comme du haut d un edifice eleve.

Aadilc cuncti, clamo longe, ac pnieilico, Emitto vocem de catasla celsior.

« Ecoutez tons : Je crie et je proclame mes nouvelles ; « Je fais entendre ma voix, eleve sur cet echafaud. »

Mais assez sur cette partie de notre sujet.

Fidiculac : CE QUE LES ANCIENS SIGNIFIAIENT PAR CE MOT.

Sigonius,, dans le passage cite ci-dessus, emet l opinion que c etaient des lanieres ou bandes au moyen desquelles les membres des prisonniers etaient attaches au cheval, etque, parler des criminels etant tortures par les fidiculae, c est la meme chose que de dire qu ils etaient attaches au cheval par ces lanieres, et que les jointures de leurs os etaient disloquees et arrachees a leur douleur extreme. Mais il y a plusieurs considerations qui nous convainquent, sans laisser de doute, que les savants qui ont cette opinion sont completement dans 1 erreur, et, pour satisfaire pleinement sur ce point 1 indulgent lecteur, nous allons les exposer ici tout an long.

Saint Isidore declare, avec la plus grande exactitude, qu il n y avait pas du tout de lanieres, mais phi tot des pinces ou griffes de fer avec lesquelles on lacerait les condamnes. Cela s accorde avec ce que dit Prudentius dans son Hymne a saint Romain le Martyr, ou il parle des fidiculae comme d une sorte de pinces on griffes. Voici les mots qu il met dans la bouche d Asclepias, le Juge :


Vertat ictum carnifcx
In os loquentis, inque maxillas mainnim
Sulcosque acutos, et fidiculas transferal
Verbositatis ut rumpatur locus.

Que 1 executeur applique un soufflet
Sur leslevres de 1 orateur
Et laboure ses machoires de coupures aigues avec les griffes de fer;
Afin que 1 endroit d ou sont venus les mots puisse etre detruit.

Que par le mot fidiculae Asclepias ici ait voulu nommer des griffes est prouve par les vers qiiel auteur ajoute immediatement :

<poem> Implet jubentis dicta Victor improbus, Charaxat ambas ungnlis scribentibns Genas cruentis el secat faciem rotis : Hirsula barbis solvitnr carptim cutis Et menlum adusque vultus omnis scinditur.

Le cruel licteur obeit aux ordres du Juge,

II marque ses deux joues de 1 ecriture des griffes de fer,

Et laboure son visage de sillons sanglants.
La peau et la barbe qui la rendait dure sont arrachees par lambeanx,
Le menton et les traits sont tous laceres.

Ainsi parle Prudentius. D autre part, Suetone (Tibere) semble s opposer a cette opinion dans un passage oil on parle des fidiculae comme d une forme de supplice apparemment toute differente : II avait encore invente un autre mode de torture ; apres avoir traitreusement induit ses victimes a boire longtemps et beau coup, il leur faisait soudain Her les parties privees, de sorte qu ils sonffraient a raourir par la contraction des liens (fidiculae) et par la dilatation de leur vessie sous 1 accumulation de 1 urine. Voila ce que dit Suetone, mais, sans vouloir discuter son autorite, on peut admettre de suite qu ici nous avons affaire a une chose tout a fait differente de ce que Ton cite comme fidicalae dans les Histoires des saints Martyrs et autres autorites mentionnees. Mais, assez sur ce sujet.

Pourtant, relativement a ce que nous avons dit ci-dessus concernant certains autres genres de supplices qui consistaient a etendre les prisonniers sur un cheval de bois et a les torturer, il faut remarquer que nos ancetres avaient 1 habitude d etendre la personne sur cet instrument et que, au moyen des fidiculae ou griffes de fer, ils lui dechiraient les membres ou bien les lui brulaient avec des plaques rougies au feu ou autres choses sembla- bles. Cela est rapporte dans diverses collections d Actes des Saints Martyrs et specialement dans YEpitre a Donatus de saint Cyprien, oil il ecrit : La lance etait la, et 1 epee, et 1 executeur se tenait pret, et il y avait la griffe de fer qui arrache et dechire les ilancs, le cheval qui ecartele les membres et le feu qui brule, bien des sortes de supplices pour un pauvre corps humain. Et encore, a un autre endroit : Mais la cruaute du Juge au cceur de pierre fut de nouveau excitée, et la victime, déja épuisée par la souffrance, fut de nouveau dcchirée par le fouet, frappeée par le bâton, disloquée sur le cheval, lacérée par les griffes de fer et brûlée par les flammes. » Saint Augustin aussi écrit dans son Épître à Marcellinus : « Quand, je vous le demande, avez-vous avoué vos crimes si pleins de haine? Ce n est ni par le cheval qui disloque les membres, ni par les griffes de fer qui déchirent, ni par les flammes qui brûlent, mais par de simples coups de fouet? » De même Cicéron dans In Verrem : « Mais quoi, lorsque les plaques rougies au feu, ainsi que le reste des instruments du bourreau, furent apportées… » Et dans les Philippiques : « Appelez sous vos yeux les entraves et les fouets, le cheval, l exécuteur et l horrible Samarius, le bourreau. » Sénèque aussi : « Et tout un appareil de cruauté doit lui être payé de retour : ses chevaux et ses griffes de fer, ses entraves et ses croix, ses plateaux et son feu et le crampon qui traîne hors de l arène le corps torturé. » Et Ammianus Marcellinus : « Les chevaux furent étendus et l exécuteur préparait ses crampons et ses instruments de supplice. »

Il ne nous reste plus maintenant qu à citer quelques vers tirés des Hymnes de Prudentius, traitant du même sujet : De l Hymne de saint Vincent, Martyr :

Extorque, si potes, fidem.
Tormenta, carcer, ungulæ,
Stridensque flammis lamina
Atque ipsa poenarum ultima
Mors Christianis ludus est.

Et un peu plus loin dans la même hymne :

Ridebat haec miles Dei,
Manus cruentas increpans
Quod fixa non profundius
Intraret artus ungula.

Arrachez-moi ma foi, si vous pouvez.
Les tortures, la prison, les griffes de fer,
La plaque rougie au feu crépitant sous les flammes,
Et la mort elle-même, le dernier des châtiments,
Ne sont que des jeux pour le Chrétien.
De toutes ces choses, le champion de Dieu se moque,
Frappant l une centre l autre ses mains sanglantes,
Riant parce que le crampon qui perçait sa chair
N entrait pas plus profondement.

De même dans l hymne de saint Romain, le Martyr :

Amor coronae pœnae prævenit trucem

Lictoris artem, sponte nudas offerens

Costas bisulcis execandas ungulis.

Et encore dans la même :

Non ungularum tanta vis latus fodit

Mucrone, quanta dira pulsat pleuresis :
Nec sic inusta laminis ardet cutis,

Ut febris atro fele venas exedit.


L amour de la couronne du martyre
Triomphe du pouvoir sauvage du bourreau,
Faisant offrir volontairement les flancs nus à la laceration des crampons à double fourche.
La griffe de fer ne déchire pas le côté aussi cruellement de ses dents aiguës,
Que ne le fait la pleurésie dans son attaque mortelle.
Les plaques ardentes ne brûlent et ne rôtissent pas la peau d une façon aussi terrible
Que la fièvre et la noire bile quand elles consument le sang des
veines.

De tous ces passages, donc, il apparaît, d une manière manifeste, que l opinion que nous avons nous-même adoptée et déclarée concernant le cheval, est la vraie, savoir que c était une machine de bois fabriquée à la ressemblance d un vrai cheval ; et non, comme le veut Sigonius, simplement une sorte d échafaud ou de plate-forme. Car, si c était cette dernière chose, comment le poète Pomponius, cité plus haut, pourrait-il parler de prisonniers enfourchant le cheval et comment Cicéron eut-il

pu se servir de termes ayant la même signification ? Et comment Ammianus Marcellinus eût-il pu parler d hommes étant torturés sur le cheval, puis, lorsque les cordes avec lesquelles ils étaient liés étaient relâchées, tombant immédiatement sous le ventre du cheval, le corps pendant, courbé en deux, et non pas étendu droit ?

Mais arrivons aux raisons allégués par Sigonius et à leur réfutation.

Son premier point est qu Eusèbe, Histoire ecclésiastatique, faisant mention du cheval, implique que c était une sorte d échafaud ou de plate-forme que l on avait l habitude d élever toute droite. Voici ses paroles :

« Mais lorsque ces cruelles et tyranniques formes de torture, en raison de la sainte patience des martyrs, qui était confirmée par les mérites du Christ, semblaient avoir toutes été appliquées et infligées en vain, le démon imaginait contre eux d autres nouvelles inventions. C est pourquoi ils étaient jetés dans des donjons où ils restaient misérablement, dans des endroits sombres et insupportablement pleins d horreur, tandis que, quelquefois, leurs pieds étaient fixés dans de lourds blocs de bois, l un de l autre étant jusqu à la distance du cinquième trou. » Cela, ajoute Sigonius, montre que le cheval était une plate-forme en bois sur laquelle on étendait les prisonniers. Il s en rapporte aussi à d autres passages tirés de Sozomen (Histoire) où, parlant de Busiris, chrétien de la ville galate d Ancyra, qui fut crucifié pour sa foi à Myros, ville de Phrygie, sous l empereur Julien l Apostat, il écrit : « De sorte que, lorsqu on l eût conduit vers l instrument du supplice, il ordonna que celui-ci fut élevé. » Et encore : « Parmi les Chrétiens qui avaient été jetés en prison, il choisit premièrement un jeune homme nommé Théodore et le lie au poteau où l on avait l habitude d infliger des supplices et où il fut déchiré pendant longtemps avec des griffes de fer. » De même Prudentius — pour ne pas citer une seconde fois les vers tirés de son hymne sur le martyre de saint Romain et où il fait ce saint parler « d elever la voix du haut de l échafaud » — dit d un martyr :

« Scindant utrumque milites teterrimi
Mucrone bisulco pensilis latus viri. »


« Les sauvages soldats coupèrent et ouvrirent ses flancs
Avec une épée à double tranchant tandis qu il pendait là. »

Tels sont les principaux arguments sur lesquels se reposent Sigonius et ceux qui suivent son opinion, laquelle nous allons réfuter. Et pour rendre plus facile la réfutation, nous devons déclarer, pour commencer, que ce savant a sûrement fait une confusion entre le cheval de bois, d une part, et de l autre, entre premièrement : la plate-forme en bois ou échafaud où l on avait coutume de placer les prisonniers pour les torturer, et, deuxièmement : les lourdes entraves ou blocs dans lesquels les prisonniers étant en prison avaient les jambes fixées et écartelées jusqu au quatrième ou cinquième trou, et étaient ainsi tenus dans une souffrance constante.

De plus, il faut remarquer, en passant, que ce mot plate-forme avait encore une autre signification, voulant indiquer quelquefois, quoique à moins proprement parler, une combinaison faite de longs et larges morceaux de bois où l on tenait enfermés les esclaves exposés pour la vente ; quelquefois on l emploie à l occasion pour indiquer la charpente du gril sur lequel mourut saint Laurent, ainsi que d autres martyrs.

Prudentius aussi, dans son hymnz sur saint Laurent, chante :


Postquam vapor diutius
Decoxit exustum latus,
Vitro ex catasta Judicem
Compellat affatu brevi :
Converte partem corporis,

Satis crematus jugiter. »


Lorsque la chaleur eut longuement
Brûlé et rôti un côté,
Interpellantle juge de dessus l échafaud (c est-à-dire le gril),
Le martyr dit d une voix courte et brève :
« Tournez maintenant mon corps de l autre côté ;
Celui-ci est assez brûlé et doit être épargné. »

Mais il est certain que la signification véritable et générale de ce mot plate-forme ou échafaud était un endroit élevé où l on plaçait les gens pour les torturer afin d être mieux vus par les personnes présentes et que, dans son exposé du mot cheval, le savant a fait confusion entre les deux objets.

Un mot de plus sur cette sorte d entraves ou de blocs dans lesquels on plaçait les prisonniers dans leur cellule, écartelant leurs jambes jusqu au quatrième et cinquième trou et les y maintenant pendant longtemps pour prolonger leur souffrance :

Cet instrument ne peut, en aucune manière, être le même que le cheval de bois, ainsi que je l ai demontré, pour plusieurs raisons. Premièrement, parce que, par l opération du premier, les hommes étaient écartelés en largeur, tandis que par le dernier, comme nous le voyons déclaré par Sénèque, ils étaient détirés en longueur. Secondement, il est clair que la première forme de châtiment ne s employait que dans les cellules (comme on le verra bientôt d une façon plus évidente lorsque nous en viendrons a traiter des entraves et des fers), mais la dernière, an contraire, comme le prouvent de nombreux Actes des saints Martyrs, s employait en dehors des murs de la prison et plus généralement dans les places publiques ou les villes. Troisièmement, sur le cheval, non seulement les jambes de la victime étaient torturées et écartelées pour être déchirées par les griffes de fer, mais le corps entier aussi, tandis que, dans les entraves, les jambes seulement étaient écartelées. Tout cela montre que ces dernières étaient complètement différentes du cheval de bois.

PLUSIEURS FAÇONS DIVERSES DONT LES CORPS DES PRISONMERS ÉTAIENT DISTENDUS ET TORTURÉS

Nous devons de plus comprendre que c était la coutume des Anciens de torturer et de distendre les corps des personnes accusées de diverses façons, savoir : au moyen du cheval, par des poulies, ou en les suspendant avec de lourds poids attachés à leurs pieds - et aussi de les torturer par d autres supplices variés, tels que de les déchirer avec des griffes de fer, des étrilles ou autres instruments semblables, ou les brûler avec des plaques rougies au feu, etc. Et ces mêmes tortures étaient infligées de manières différentes, soit en laissant les victimes sur le cheval de bois, soit en les suspendant de l une ou l autre des façons décrites ci-dessus dans le chapitre Ier ; en les attachant à des pieux, à des arbres ou à des poteaux. FACONS DONT LES GENS ETAIENT LIES AU CHEVAL DE BOIS, ET COMMENT ILS Y ETAIENT SUSPENDUS COMME A UNE POUTRE ; DE MEME DE LA VRAIE SIGNIFICATION D ETRE PENDU AU CHEVAL.

Nous lisons encore et encore, dans les récits de la passsion des saints Martyrs, des phrases de ce genre : « Le martyr fut pendu au cheval, » — façon de s expliquer qui a fait supposer (comme il a été dit plus haut) que le cheval n était pas fait de manière à ressembler à un vrai cheval, mais était quelque chose de different. Sûrement ceux-ci n ont pas considéré un fait pleinement confirmé par les œuvres des anciens auteurs, savoir que ce mot pendu signifie simplement aussi être élevé sur un endroit quelconque, chose qu ils n auraient pu faire autrement que de remarquer s ils avaient lu leurs auteurs avec quelque attention. Donc, dire d un martyr qu il était suspendu au cheval est la même chose que de dire qu il était élevé dessus. C est pourquoi, en lisant les histoires des saints qui ont conquis la couronne du martyre, nous trouvons dans la bouche du juge ou de l empereur qui ordonne que quelqu un soit torturé sur le cheval, des paroles comme celles-ci : « Que l homme soit hissé sur le cheval et torturé. »

De même dans les Actes des saints Abundius, prêtre, et Abundantius, diacre, on raconte : « Alors Dioclétien ordonna qu ils fussent hissés sur le cheval et torturés pendant longtemps, et lorsqu ils furent ainsi torturés, etc… » Être suspendu au cheval, donc, ne signifie ni plus ni moins qu être placé dessus.

Cela est aussi confirmé par les istoires des saintes Regina et Marguerite, vierges et martyres. Au commencement il est écrit : « Marguerite fut suspendue au cheval, » tandis qu un peu plus loin on ajoute : « Après plusieurs jours, le peuple revient et elle est amenée devant le juge et, comme elle refuse de sacrifier aux idoles, elle est de nouveau hissée sur le cheval, » etc…

Enfin, nous pouvons ajouter qu à l occasion les martyrs étaient réellement suspendus au cheval auquel ils étaient liés. Car, lorsque les cordes, au moyen desquelles ils étaient attachés, étaient relâchées, ils tombaient sous le ventre du cheval, le corps plié en deux. Ainsi ils ne pendaient pas droit de l instrument, comme le font habituellement les gens pendus, mais (oomme il est dit plus haut), le corps plié au-dessous, fait abondamment prouvé par Ammianus Marcellinus dans divers passages déja cités.

EXTENSION ET DISTENSION DU CHEVAL DE BOIS

Ammianus et plusieurs autres écrivains font souvent mention du cheval de bois comme étant étendu et distendu. On ne doit pas naturellement comprendre qu il s agit ici de la machine elle-même, mais des cordes par lesquelles on attachait les victimes qui devaient être torturées, car, tandis que celles-ci étaient tirées, puis relâchées, le cheval lui-même semblait en même temps être étendu et relâché.

POURQUOI LE CHEVAL ETAIT QUELQUEFOIS APPELE UN POTEAU, ET QUELQUEFOIS UNE CROIX.

Le cheval de bois (comme il a déja été établi) se composait d un poteau oblong ou poutre en bois, supporté par quatre autres morceaux de bois ou pieds. Cela est mentionné par saint Jérôme, Épître aux Innocents, en ces mots : Sa chevelure est attachée au poteau et son corps entier lié au cheval ; alors on approche de ses pieds un feu, tandis qu au même moment, l exécuteur lui déchire les flancs, etc… » Dans les mêmes termes Prudentius parle de la fabrication entière du cheval comme du poteau maudit dans son Hymme à saint Romain le Martyr, où il dit :

Incensus his Asclepiades jusserat

Eviscerandum corpus equuleo eminus

Pendere, et uncis ungulisque crescere


Et, quelques lignes plus bas :

Jubet amoveri noxialem stipitem
Plebeia clara poena ne damnet virum


« Courroucé par ces paroles, Asclepiades avait ordonné
Que son corps fut élevé pour être torturé sur le cheval,
Et pour subir le supplice des crampons et des griffes de fer. »
« Il ordonna que le poteau maudit soit déplacé,
Pour sauver la noble victime d un sort aussi plébéien. »

Ce nom n est pas non plus le seul donné au cheval de bois, car on l appelle aussi mala mansio, ou « mauvais quartier ». Quelquefois aussi on en parle comme d une croix ; ainsi dans les Actes de sainte Dorothée, vierge et martyre, dans les saints jours du mois de février, on trouve aussi ces mots concernant un certain Théophile qui fut torturé sur le cheval de bois : « Maintenant, regarde ! je suis chrétien, car, n ai-je pas été pendu à la croix, c est-à-dire au cheval de bois ? Car ce même cheval a une ressemblance avec une croix. »

Et, vraiment, il n y a rien d étonnant à ce qu il fût appelé ainsi, car, en premier lieu, nous lisons que d autres instruments de torture eéaient de même appelés croix ; deuxièmement parce que les corps de ccux qui y étaient supplicies y étaienl ordinairement étendus comme ceux des personnes crucifiées ; troisièmement et finalement parce que les piliers de bois qui représentaient les jambes du cheval, outre qu ils étaient liés à la poutre principale, étaient aussi unis ensemble et joints par des pièces de bois en croix quoiqu ils fussent séparés tout près de la terre, ce qui faisait que chaque paire de piliers formait ainsi les deux bras d une croix.

Une citation de plus et nous en aurons dit assez sur cette partie de notre sujet. Sozomen parlant d un certain chrétien nommé Busiris, écrit : « Alors, l emmenant à la place publique où se trouvait le cheval de bois, il ordonne qu il y soit suspendu. Une fois là, Busiris, levant ses mains vers sa tête, découvrit lui-même ses flancs et les mit à nu et, s adressant an gouverneur, dit qu il n y avait aucune nécessité pour les licteurs à prendre des peines inutiles pour le suspendre au cheval et ensuite le laisser retomber à terre, etc… » passage qui confirme de plus nos premières assertions sur ce que le cheval était réellement, savoir une machine faite à la ressemblance d un cheval vivant, sur laquelle on élevait les martyrs pour les torturer, et non simplement une plate-forme ou échafaud.

DES BLOCS ET DIVERSES AUTRES METHODES POUR LIER ETROITEMENT LES PRISONNIERS

Un peu plus haut, nous avons établi la distinction existant entre le cheval de bois et les entraves dans lesquelles on enfermait les jambes des martyrs pour leur faire subir le supplice qui consistait à les écarteler jusqu au quatrième ou au cinquième trou. Maintenant, il convient de remarquer que, parmi les Anciens, il y avait plusieurs sortes d entraves en usage, savoir : les blocs, les courroies, les chaînes, les lanières, les fers, les menottes, les colliers et la cellule. Plaute les énumère dans sa pièce, Asinaria :

Adversum slimulos, laminas, crucesque, compedesque,
Nervos, catenas, carceres, numellas, pedicas, boias.


« Contre les fouets et les plaques rougies an feu, centre la croix
et les blocs,
Contre les courroies, les chaînes, les prisons, les lanières, les fers et les colliers. »


DES BLOCS


Les blocs étaient une espèce de machine en bois dans laquelle on avait l habitude d emprisonner les jambes des prisonniers et des criminels et où elles étaient serrées et comprimées. Plaute et Térence, parmi d anciens écrivains, en font mention, le premier auteur dans les Captivi, où il dit :

Ubi ponderosas crassas capiat compedes.

« Lorsqu on le place dans les lourds et pesants blocs » ; le dernier dans le Phormio :

Molendum usque in pistrino, vapulandum, habendx, compedes.

« Nous devons pour toujours broyer le grain dans le moulin, et être frappés, et endurer les blocs. »

Horace aussi a quelque chose à dire sur le sujet dans ses Épodes : Des blocs

Ibericis peruste funibus latus
Et crura dura compede.

« Vous dont le flanc est irrité par les liens Ibériens,
« Et les jambes blessées par le bois dur des blocs. »

Et encore dans ses Epitres :

…Argentum tollas licet, in manicis et
Compedibus salvo te sub custode tenebo.

« Oui, vous pouvez prendre l’argent; mais je vous tiendrai
« Enchainé dans les blocs sous une dure oppression. »

C’est dans cette sorte de blocs que les Saints Martyrs furent cruellement torturés; car (comme nous en sommes informé par des passages cités un peu plus haut) après les avoir flagellés et déchirés avec les griffes de fer, leurs jambes étaient étendues et écartées de force jusqu au quatrième ou cinquième trou de l’instrument. Prudentius en parle dans l’une de ses Hymnes :

In hoc barathrum conjicit
Truculentus hostis martyrem,
Lignoque plantas inserit
Divaricatis cruribus.

« Dans ce donjon le féroce tyran
« Jette le martyr,
« Et, lui écartant les jambes de force,
« Emprisonne ses pieds dans les blocs. »

II semble probable, d’après ce que dit Eusèbe, que, lorsqu’ils étaient ainsi mis dans les blocs, ils étaient nécessairement forcés d’être couchés à plat, le dos sur une planche de bois. II écrit : « De plus quelques-uns, après avoir été flagellés, étaient placés dans les blocs et leurs jambes écartées de force à la distance de quatre trous l’une de l’autre, de telle facon qu’ils étaient forcément obligés de rester couchés sur le dos sur le bois, quoiqu’ils ne pussent le faire sans de grande difficultés, attendu que leurs corps entiers étaient couverts de blessures fraîches faites par le fouet. » Tout cela dit sur les blocs.

DES ENTRAVES[modifier]

Celles-ci aussi sont mentionnées dans les lignes que nous venons de citer de l'Asinaria de Plaute ; et ainsi décrites par Nonius : « L’entrave est une sorte de machine en bois autrefois employée par les Anciens pour torturer les criminels, le cou et les pieds de la victime y étant tous deux emprisonnés, c’est-à-dire que c’était un instrument en bois avec des trous ronds dans lesquels les pieds et le cou des prisonniers étaient enfermés et fixés de telle façon qu’ils ne pouvaient pas les retirer.

Notre opinion personnelle est que, pourtant, ce mot entraves était employe par les Anciens pour désigner plusieurssortes différentes d’entraves, conclusion à laquelle nous sommes amené par les paroles de Sextus Pompée, qui en parle en ces termes : « L’entrave est une sorte de liens dans lesquels on enferme les bêtes à quatre pattes, elle est généralement faite avec des lanières faites de peau de boeuf brute. Ceci diffère du compte rendu de Nonius, de sorte que, à moins que nous ne soyons résolu à dire ouvertement que l’un des deux est dans l’erreur, nous ne pouvons que conclure que le mot s’appliquait dans deux sens différents.

DES COURROIES[modifier]

Celles-ci sont mentionnées par Plaute dans ses Captivi :

Nam noctu nervo vinctus custodibitur

« Car à la nuit il sera gardé à vue et lié par une courroie » ; dans le Curculio :

Atque ita te nervo torquebo, ibidem ut catapultae solent

« Et je tordrai tes membres avec une courroie, comme le ferait une catapulte » et dans d'autres passages encore à choisir. Cyprien aussi, Epîtres au Clergé et au Peuple, dit, parlant de Celerinus : « Pendant dix-neuf jours, il fut enfermé dans une prison, lié par des courroies et des bandes de fer... »

Mais Sextus Pompée ajoute quelque chose de plus dans la description qu'il en fait, disant : « Nous donnons aussi ce nom à des fers pour les pieds, quoique Plaute en parle comme si on les employait aussi pour le cou. Nous pouvons nous résumer par cette définition : Une courroie est une sorte de lien employé pour emprisonner les pieds ou le cou. » De là ce que dit Caton, rapporté par Aulu Gelle : « Les voleurs coupables de vols privés passent la journée emprisonnés dans les fers et les courroies, les voleurs publics dans la pourpre et l'or. »

DES FERS[modifier]

Les fers étaient une sorte d'entrave dans laquelle on enfermait les pieds des criminels, juste de la même façon que les menottes emprisonnent les mains.

DES MENOTTES[modifier]

Les menottes étaient des bandes pour les mains ; comme dit le Psaume : « Pour avoir mis les pieds de leurs rois dans les fers et leurs princes dans des bandes de fer. » Plaute écrit encore dans sa Mostellaria :

Ut cum exlemplo vocem,
Continue exiliatis, manicas celeriter connectite

« De sorte que, au moment où j’appelle, vous puissiez à l’instant vous élancer en avant et promptement attacher ensemble les menottes » ; et dans les Captivi :

Injicite huic actutum manicas mastigiæ

« Va, mets immediatement ici les menottes à ce misérable! » Virgile aussi dans sa deuxième Énéïde :

Ipse viro primus manicas, atque arcta levari
Vincla jubet Priamus.

Le roi Priam lui-même est le premier à intercéder pour que l’on délivre l’homme de ses menottes et de ses liens. »

Pour ne pas mentionner un certain nombre d autres auteurs, que, pour plus de brièveté, nous devons nous dispenser de citer.

Les hérétiques anglais, au temps actuel (1591) s’occupent sans cesse plus activement à infliger à ceux qui professent la foi orthodoxe, d’une façon maligne et cruelle, le supplice des bandes de fer ou menottes, comme ils les appellent. C’est une sorte d instrument au moyen duquel un homme est pendu et torturé, ses deux mains étant placées dans un anneau de fer dentelé à l’intérieur et violemment serré. En vérité, si intense et si terrible est la douleur que, à moins que le doigt n’ait la possibilité de s’appuyer contre un mur ou la pointe des pieds de toucher la terre, 1 homme tombera immédiatement dans une défaillance mortelle. Si vous voulez en apprendre davantage sur ces atrocités, lisez l’ouvrage du Père Sanders sur le Schisme Anglican, où l’auteur appelle ce genre de supplice les gantelets de fer. Mais assez sur ceci, procédons maintenant à d’autres objets.

DES COLLIERS

Ceux-ci peuvent être décrits de la manière suivante : « Les colliers étaient une sorte de boucle pour le cou à l’usage des condamnés criminels, faite en fer ou en bois, et emprisonnant fortement le cou comme le fait le joug pour les bœufs. » Nous pouvons de plus dire que nous supposons qu’il existait aussi d’autres sortes de colliers, différents de ceux-ci, quoique de la même nature, et generalement appelés colliers, que Nonius définit ainsi : « Le collier est une sorte de lien dans lequel le cou est comprimé. » Dans Lucilius aussi nous trouvons : « Afin qu’avec les menottes, la laisse et le collier, je puisse ramener à la maison le fugitif. »

En vérite ces colliers, ainsi qu’il est clairement démontré par les Actes de sainte Balbine et du pape Alexandre, étaient grandement en usage parmi les hommes des premiers temps pour lier et emprisonner les cons des prisonniers et des criminels.

Ainsi nous lisons : « Aussitôt, baisant le collier du plus glorieux martyr, le pape Alexandre, cette vierge bénie du Christ, sainte Balbine, entendit prononcer ces mots : « Cesse, ma fille, de saluer ces colliers, et va plutôt chercher les liens de mon maître saint Pierre… » Il semblerait, d’après cela, que ces derniers étaient de la même nature, et vraiment lorsque l’on examine les liens, conservés jusqu’à ce jour dans l’Église de Saint-Pierre aux Liens à Rome, avec lesquels le saint apôtre du Christ était attaché, on voit qu’ils se composent d’un collier de fer dans lequel le cou du martyr était serré.
DES CHAINES

Une chaine est un lien en fer au moyen duquel on attachait les esclaves et les prisonniers pour les empecher de s echapper. Ainsi Tile-Live, 1 historien, ecrivantsur les premieres annees de la fondation de Rome, dit : Turnus, se reveillant de son sommeil, se trouve environne de gardes. On s etait saisi de ses esclaves qui, par amour pour leur maitre, s etaient prepares a la rsistance, les glaives se montrant a tous les coins du refuge. II ne pouvait plusy avoir aucun doute et Turnus fut charge de chaines; Ciceron aussi (Contre Verres.) Le mecreant ordonne que Ton lie pardeschaines des hommes infortuncs et innocents ; en outre plusieurs autres ecrivains qui en font mention de la meme maniere.

De plus nous lisons et relisons, dans les Actes des Saints, comment, pendant les temps de persecution, les Chretiens etaient lies avec des chaines de fer, ainsi qu il est demontre, parmi d autres, par 1 histoire de sainte Anastasie, martyre romaine, sainte Febronia, vierge et martyre, saint Chrysantus et une legion

d autres saints et martyrs des deux sexes. En outre, si quelqu un desire apprendre de quelle facon les Chretiens etaient lies avec des chaines dans 1 anliquite, qu il aille voir les figures que Ton pent encore examiner de nos jours creusees et gravees sur 1 Arc de 1 empereur Constantin. II verra la un certain nombre de captifs ainsi enchaines.
PRISONS OU GEOLES

Une prison ou geole est un endroit oil 1 on garde a vue les criminels et d oii aucun homme ne pent sortir de sa propre volonte. La premiere prison a Rome fat construite par le roi Ancus Martins, dont Tile-Live nous dit : Vraiscmblablement le donjon des Quirites, qui n est pas un monument banal lorsqif on le regarde du haul d un lieu eleve, est 1 oeuvre du roi Ancus. La prosperite de 1 Etat s etant grandement accrue, et, comme on potivait s y attendre dans une population aussi nombreuse, les distinctions entre le bien et le mal etant devenues confuses et les crimes de fraudes et de vol etant devenus frequents, on construit une prison pour mettre un frein a ces licences au centre meme de la ville, regardant le Forum. »

Maintenant il faut remarquer qu il y avail, chez les Anciens, deux manieres differentes de garcler les prisonniers, savoir : la prison publique et la maison privee. Dans la derniere on avait 1 habitude de garder les personnes accusees avant leur aveu ou avant que leur culpabilite eiit ete etablie. On 1 appelait prison libre ; les personnes alors etaient confiees a la garde de magistrats dans leur propre maison ou dans celle de quelque personnage noble prive. Ainsi Tite-Live, parlant du juge des Bacchanales, ecrit : « Le consul prie son beau-pere de rendre une partie de sa maison libre, afin de pouvoir y loger Hispala, etc. Puis, quclques lignes plus loin : . Les consuls ordonnerent aux Ediles Curules de rechercher tous les pretres, de les arreter et de les garder en prison libre jusqu a ce qu ils soient examines. La meme chose se trouve dans ce que dit Salluste, ecrivant sur la conspiration Catilinienne : Le Senal declara que la magistrature serait abolie, et que Lentulus et le reste des confederes seraient gardés en prison libre. En conséquence, Lentulus fut confié à Publius Lentulus Spinther, qui était Edile en ce temps-là, Cethegus à Quintus Cornificius, » et ainsi de suite pour les autres. Ces passages confirment pleinement ce que nous disons, savoir que les personnes accusées, avant l'aveu de leurs crimes, étaient habituellement confiées par les Anciens, à ce que l'on appelait la prison libre ou surveillance, tandis qu'après qu'elles avaient avoué ou que leur culpabilité était reconnue, on les jetait dans la prison commune. Ceci est corroboré par les écrivains de la loi romaine, tels que Venuleus, qui dit : « Une personne accusée qui a avoué doit, en attendant que sa sentence soit prononcée, être jetée dans la prison commune publique »; et Scaevola : « Une personne qui avait avoué était, simplement sur la foi de son aveu, jetée en prison. » Nous voudrions ici rappeler au lecteur comment les fidèles disciples du Christ, dans les temps de persécution, n'étaient pas seulement enfermés dans les prisons Tulliane et Mammertine ; mais étaient souvent de même détenus sous la surveillance militaire dans les maisons d'individus privés. Ceci est attesté par d'innombrables histoires des saints Martyrs, et en particulier par celles des saints Etienne et Alexandre, pontifes romains.

DE CERTAINES AUTRES SORTES DE LIENS

Parmi ceux-ci on pent comprendre les lanières avec lesquelles on liait les prisonniers, d'où le nom de licteurs, souvent employé par Plaute, appliqué à ceux dont le devoir était de lier on de frapper avec des lanières ceux de leurs compagnons d'esclavage que leur maitre leur indiquait. Le même titre était également donné aux officiers des magistrats qui les aidaient dans leurs fonctions et portaient devant eux les faisceaux . Mais assez sur les différentes espèces de liens ainsi que sur le cheval de bois en usage chez les Anciens.

DU CHEVAL DE BOIS OU TORTURE EMPLOYÉE PAR LES HÉRÉTIQUES SUR CEUX DE LA FOI ORTHODOXE : DE LEUR EMPRISONNEMENT ET DES DIVERSES SORTES DE SUPPLICES QU'ILS INFLIGEA1ENT AUX PRISONNIERS.

Les hérétiques du temps présent (1591) en Angleterre (ainsi qu'en témoignent L'Origine et le progrès du schisme anglican, ainsi qu'un ouvrage intitulé Sur la Persécution Anglicane et Le Théâtre des Cruautés Hérétiques de Sanders) ont torturé un certain nombre de prêtres y compris les Pères Campion, religieux de la Société de Jésus, Sherwing, Briant, Janson, Bosgrave et d'autres encore, par l'écartèlement de tous leurs membres, presque jusqu'à la mort, au moyen d'un instrument appelé par eux-mêmes le cheval de bois ou torture. C'est une sorte de supplice qui consiste, après avoir étendu un homme sur le dos et lui avoir lié les mains et les pieds jointure par jointure, à resserrer petit à petit les cordes par lesquelles il est attaché à certaines roues aménagées à cet effet jusqu'à ce que tous ses membres soient disloqués. Ce supplice horrible et monstrueux est employé par ces nouveaux hérétiques de nos jours (ainsi qu'il est décrit dans le livre appelé Un trophée de l'Eglise Anglaise) pour torturer les catholiques qu'ils ont jetés en prison. En outre, ils emploient encore d'autres moyens pour faire souffrir les mêmes prisonniers, quelquefois introduisant des piques de fer ou de longues aiguilles sous les ongles de leurs doigts, quelquefois (comme il est raconté d'un prêtre dans l'ouvrage cité ci-dessus) les liant, les pieds en l'air, à des poteaux de bois jusqu'à ce qu'ils soient suffoqués par l'infection de leurs propres
excréments. D’autres fois ils les enferment dans un instrument de fer qui recroqueville l’homme et le rend rond comme une balle, et les laissent ainsi emprisonnés pendant des heures entières, ou bien, ils les retirent de force de la prison et les poussent violemment devant l’assemblée des ministres hérétiques, ou les liant deux à deux avec des chaînes (voyez de nouveau Sanders, Schisme Anglican et Théâtre des Cruautés) les emmènent ainsi d’un cachot sale et puant à un autre plus infect et plus horrible encore. Au sujet de ces emprisonnements de catholiques en Angleterre, consultez l’ouvrage nommé ci-dessus Sur la Persécution Anglicane, que j’aurais voulu pouvoir transcrire ici en entier, si j’avais eu la place.