Un vieux pays

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Poesias Completas
Livraria Garnier-Irmãos (p. 86-87).




 
Il est un vieux pays, plein d’ombre et de lumière,
Où l’on rêve le jour, où l’on pleure le soir ;
Un pays de blasphème, autant que de prière,
Né pour le doute et pour l’espoir.

On n’y voit point de fleurs sans un ver qui les ronge,
Point de mer sans tempête, ou de soleil sans nuit ;
Le bonheur y paraît quelquefois dans un songe
Entre les bras du sombre ennui.

L’amour y va souvent, mais c’est tout un délire,
Un désespoir sans fin, une énigme sans mot ;
Parfois il rit gaîment, mais de cet affreux rire
Qui n’est peut-être qu’un sanglot.


On va dans ce pays de misère et d’ivresse,
Mais on le voit à peine, on en sort, on a peur ;
Je l’habite pourtant, j’y passe ma jeunesse…
Hélas ! ce pays, c’est mon cœur.