Un fil à la patte/Acte II

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Société d’éditions littéraires et artistiques (p. 97-185).
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ACTE II


La chambre à coucher de Mme  Duverger, dans son hôtel. Grande chambre carrée, riche et élégante, ouvrant au fond par une grande porte à quatre vantaux sur les salons. (Les deux vantaux extrêmes sont fixes et mobiles, à volonté.) À gauche, 3e plan, porte à un battant. À droite, 1er plan, autre porte également à un battant. À gauche, 2e plan, l’emplacement d’un lit de tête (le lit a été enlevé pour la circonstance), il ne reste que le baldaquin et les rideaux du lit, à la place duquel on a mis un fauteuil. Au fond, face au public et à gauche de la porte d’entrée, grande armoire de style, vide. À droite de la porte d’entrée, presque entièrement dissimulée par un paravent à six feuilles (la dernière feuille fixée à l’angle de droite du décor), une toilette de dame avec sa garniture. Devant le paravent, une table carrée, une chaise derrière la table. Une chaise contre le mur de chaque côté de la porte de droite. À gauche, au milieu de la scène une chaise longue placée presque perpendiculairement à la scène, la tête vers le fond, le pied côté du spectateur (le dossier de la chaise longue doit être très peu élevé) ; à gauche également, presque au pied de la chaise longue, un petit guéridon sur lequel est un timbre électrique. À gauche du baldaquin du lit une chaise volante. Du milieu, du panneau compris sous le baldaquin, émerge une tulipe électrique qui permet en temps ordinaire de lire dans le lit. Un lustre allumé au milieu de la pièce. Au fond, dans le second salon, face au public, une cheminée. Dans cet acte, tout le monde est en tenue de soirée.



Scène première

VIVIANE, MISS BETTING, en tenue de ville, puis LA BARONNE.
Viviane, près du guéridon, à Miss Betting qui, à genoux près d’elle, achève de lui lacer son corsage.

Will it soon be done, Miss ?

Miss Betting.

A minute, it is ready !… A pin please.

Viviane, lui donnant une épingle.

Again ! Then you wish my lover to pick his fingers.

Miss Betting, moitié riant, moitié grondant.

Oh ! Miss Viviane, shocking !

(Elles rient.)
La Baronne, entrant du fond.

Eh, bien ! Viviane, tu es prête ?

Viviane[1].

Mais quand Miss aura fini de m’épingler. Je ne sais pas si elle conspire contre mon fiancé, mais je suis plus hérissée de pointes qu’un vieux mur garni de tessons de bouteilles… (Étourdiment.) On dirait vraiment qu’elle craint l’escalade !

La Baronne, estomaquée.

Qu’est-ce que tu dis là ? malheureuse enfant !… Tu emploies des comparaisons !…

Viviane, naïvement.

Je ne vois pas ce que tu trouves de mal dans ce que j’ai dit !

La Baronne, à part, avec un sourire indulgent.

C’est vrai !… Pauvre petite !

Viviane, changeant de ton.

Oh ! maman, tu devrais bien dire à Miss que ce n’est pas gentil à elle de ne pas rester pour mon contrat.

La Baronne.

Comment, elle n’y assistera pas ?

Viviane.

Non ! Moi qui aurais tant voulu lui montrer mon fiancé !…

La Baronne, à Miss qui vient de se lever, sur un ton aimablement grondeur.

Oh ! mais pas du tout, Miss, il faut que vous restiez pour notre soirée.

Miss, souriant.

What ?

La Baronne, essayant de se faire comprendre.

Non… Je dis : « Miss, il faut que vous restiez pour notre soirée. » (Voyant que Miss sourit sans comprendre — avec l’accent anglais.) Il faut, vous rester… pour soirée de nous !… Soirée… danse… danse ! (Elle esquisse le mouvement de danser, Miss la regarde en souriant, l’air hébété. Au public.) Elle n’a pas saisi une syllabe ? Ce n’est pourtant pas difficile à comprendre ce que je lui dis !

Miss, souriant toujours.

What does that mean ?

La Baronne, abandonnant la partie à Viviane.

Oh ! explique-lui, toi ! moi, j’y renonce.

Viviane, à Miss, en anglais.

Mamma wishes you to say if you really can not stay to our soirée.

Miss, à la baronne et très rapidement.

Oh ! no ! and I much regret it, for it would have given me the pleasure of getting acquainted with Miss Vivian’s lover ; but my mother is poorly, and I promised to spend the evening with her.

La Baronne, qui a écouté cette avalanche de paroles avec un sérieux comique, accompagné de hochements de tête comme si elle comprenait. Oui, oui, oui ! c’est pas la peine de me dire tout ça à moi, je ne comprends pas un mot ! (À Viviane en riant.) Qu’est-ce qu’elle a dit ?

Viviane.

Elle dit qu’elle regrette bien, parce qu’elle aurait pu faire la connaissance de mon fiancé, mais qu’elle est obligée d’aller retrouver sa mère qui est souffrante.

La Baronne, avec intérêt.

Ah ! oui, oui… yes, yes !… maman malade… ill… ill…

Miss, désolée.

Oh ! yes… and I am very anxious about her : at her age, the least illness can become serious.

La Baronne, qui n’a pas compris un mot.

Oui, oui, yes, yes !… (Au public avec pleine conviction.) Et l’on dit que le français est une langue difficile !…

Viviane, à Miss qui achève de disposer sa toilette.

Are you ready, Miss ?

Miss, à Viviane.

Now it is ready.

Viviane, passant au 2.

Ah ! c’est pas malheureux ! Thank you, Miss.

Miss.

Aoh ! you are quite lovely so !…

Viviane.

Oui, je suis chic !

Miss, avec conviction.

Aoh ! yes !… tchic ! (Changeant de ton.) Now, you don’t want me any more, will you ask your mother if I may go ?

La Baronne.

Qu’est-ce qu’elle dit, « mégo » ?

Viviane.

Miss demande si elle peut s’en aller.

La Baronne.

Oh ! si elle veut. Ah ! seulement, dis-lui que je la prie de venir demain de bonne heure, parce que je ne pourrai pas te conduire comme à l’habitude à ton cours de chant… chez M. Capoul, et je lui demanderai de t’accompagner à ma place.

Viviane.

Bon ! (À Miss.) Yes, you can ! mamma only begs you to come early tomorrow to take me to my singing lesson : to mister Capoul ?

Miss, à la baronne.

Oh ! yes, with pleasure ! Good bye, Miss.

Viviane, passant au 1, et s’asseyant au pied de la chaise longue.

Good bye.

Miss, tout en remontant.

Good bye, Madame.

La Baronne, qui est remontée.

Goud bai ! Goud bai ! (À part, redescendant.) Eh ! mais… Je commence à savoir quelques mots, moi !

(Sortie de Miss par le fond.)



Scène II

VIVIANE, LA BARONNE.[2]
La Baronne, allant à Viviane, la regardant avec tendresse, l’embrasse, puis s’asseyant, près d’elle, sur la chaise longue.

Eh bien ! ma chérie, nous voilà arrivées au grand jour !

Viviane, indifférente.

Mon Dieu, oui !…

La Baronne, le bras passé autour de la taille de sa fille.

Tu es contente de devenir la femme de M. de Bois-d’Enghien ?

Viviane.

Moi ?… Oh ! ça m’est égal !

La Baronne, ahurie.

Comment, ça t’est égal ?

Viviane, positive.

En somme, ça n’est jamais que pour en faire mon mari !

La Baronne.

Eh bien ! mais… il me semble que ça suffit ! Ah ! çà pourquoi crois-tu donc qu’on se marie ?

Viviane.

Oh ! pour faire comme tout le monde ! parce qu’il arrive un temps où, comme autrefois on a quitté sa bonne pour prendre une gouvernante, on doit quitter sa gouvernante pour prendre un mari.

La Baronne, renversée.

Oh !

Viviane.

C’est une dame de compagnie… homme, voilà !

La Baronne.

Mais il y a autre chose !… Et la maternité, qu’est-ce que tu en fais ?…

Viviane.

Ah ! oui, la maternité, ça c’est gentil !… mais… qu’est-ce que le mari a à faire là-dedans ?

La Baronne.

Comment, « ce qu’il a à faire » ?

Viviane, très logique.

Mais dame ! est-ce qu’il n’y a pas un tas de demoiselles qui ont des enfants et un tas de femmes mariées qui n’en ont pas !… Par conséquent, si c’était le mari… n’est-ce pas ?…

La Baronne, va pour lui répondre, puis ne trouvant rien, se levant et gagnant la droite.

Elle est déconcertante ! (À Viviane qui s’est levée.) Enfin, en quoi ne te plaît-il pas, M. de Bois-d’Enghien ? Un beau nom ?…

Viviane, gagnant l’extrême gauche et avec une moue.

Pffeu ! noblesse de l’Empire !

La Baronne.

Il est bien de sa personne !…

Viviane, remontant jusqu’au-dessus de la chaise longue.

Oh ! pour un mari, on est toujours assez bien !… Regarde dans n’importe quel ménage, quand il y a deux hommes, c’est toujours le mari qui est le plus laid… alors !…

La Baronne, qui est remontée parallèlement à sa fille, redescend.

Mais, ça n’est pas obligatoire ? Et puisqu’on se marie, autant chercher dans son époux son idéal complet, quand ça ne serait que pour éviter de le compléter ensuite !

Viviane, allant à elle.

Oh ! bien, oui ! mais comme moi, mon idéal d’homme, c’est justement toujours l’homme que je ne peux pas épouser…

La Baronne.

Pourquoi ça ?

Viviane.

Parce que tu me voudrais pas !… Moi, j’aurais désiré un homme très en vue…

La Baronne.

Eh bien ! mais je comprends très bien ça… un artiste, par exemple.

Viviane.

Non… un mauvais sujet.

La Baronne, bondissant.

Qu’est-ce que tu dis ?

Viviane.

Un homme comme M. de Frenel, tiens ! (Mouvement de la baronne.) Je le cite comme j’en citerais tant d’autres. Tu sais, celui que nous avons vu l’été dernier à Trouville ! Ah ! voilà un mauvais sujet qui m’aurait convenu.

La Baronne.

Oh ! l’horreur… Un garçon qui a une réputation !…

Viviane, appuyant sur le mot.

Détestable ! oui, maman… C’est ça qui vous pose un homme…

La Baronne.

Oh !

Viviane.

Un monsieur dont on pouvait citer toutes les maîtresses !

La Baronne, scandalisée.

« Les maîtresses » ! Viviane, où as-tu appris à prononcer ces mots-là ?

Viviane, très naturellement.

Dans l’histoire de France, maman. (Récitant.) Henri IV, Louis XIV, Louis XV, 1715-1774.

La Baronne, avec candeur.

Oh ! des rois ! donner un pareil exemple à des jeunes filles !

Viviane.

Il paraît qu’il y en a même trois qui sont mortes pour lui !

La Baronne.

Pour Louis XV ?

Viviane.

Mais non !… pour M. de Frenel… deux d’un coup de revolver et la troisième d’indigestion. (Changement de ton.) Aussi, ce que toutes les femmes couraient après lui, à Trouville !…

La Baronne, la ramenant à elle au moment où elle va pour gagner la gauche.

Mais toi, toi ! ça ne me dit pas comment il t’a plu ?

Viviane.

Tiens ! c’est quand j’ai vu que toutes les femmes en avaient envie ! c’est comme en tout, ça ! Pourquoi désire-t-on une chose ? C’est parce que les autres la désirent… Qu’est-ce qui fait la valeur d’un objet ? C’est l’offre et la demande. Eh bien ! pour M. de Frenel…

La Baronne.

Il y avait beaucoup de demandes ?

Viviane.

Tu y es ! Alors je me disais : « Voilà comme j’aimerais un mari ! », parce qu’un mari comme ça, c’est flatteur ! ça devient comme une espèce de légion d’honneur ! Et l’on est doublement fier de l’obtenir : d’abord pour la distinction dont on est l’objet, et puis… parce que ça fait rager les autres !…

La Baronne.

Mais c’est de la vanité, ça ! ce n’est pas de l’amour !…

Viviane

Je te demande pardon, c’est ça, l’amour ! C’est quand on peut se dire : « Ah ! ah ! cet homme-là, vous auriez bien voulu l’avoir… Eh bien ! c’est moi qui l’ai, et vous ne l’aurez pas ! » (Avec une petite révérence.) C’est pas autre chose, l’amour !

La Baronne, descendant un peu.

Qu’est-ce que tu veux, tu me déconcertes !

Viviane, la rejoignant par derrière, et comme une enfant câline, la tête par-dessus l’épaule de sa mère, l’enserrant de ses deux bras.

Non, vois-tu, maman, tu es encore trop jeune pour comprendre ça !…

La Baronne, riant.

Il faut croire ! (Elle l’embrasse.)

Viviane.

Eh bien ! voilà justement ce que je reproche à M. de Bois-d’Enghien ; il est très gentil, très bien, mais… il ne fait pas sensation ! Enfin ! quand on pense… qu’il n’y a pas la plus petite femme qui se soit tuée pour lui !…

La Baronne.

Est-ce que ça l’empêchera de te rendre heureuse ?

Viviane, quittant sa mère et gagnant la gauche.

Oh ! ça, je n’en doute pas… (Revenant à sa mère.) Et puis, si ça n’était pas, avec le divorce, n’est-ce pas ? c’est simple ! (Elle gagne la gauche.)

La Baronne, au public.

Allons ! elle me paraît en bonne disposition pour le mariage !…



Scène III

Les Mêmes, ÉMILE, puis BOIS-D’ENGHIEN.
Émile, du fond.

M. de Bois-d’Enghien, Madame.

La Baronne.

Lui ! Faites-le entrer.

Bois-d’Enghien, très gai, très empressé, un bouquet de fiancé à la main.

Bonjour, belle-maman ! bonjour, ma petite femme !

La Baronne. (3)

Bonjour, mon gendre !

Viviane, lui souriant en prenant le bouquet qu’il lui présente.

Toujours des fleurs, alors ?

Bois-d’Enghien. (2)

Pour vous, jamais trop ! (À part.) Et puis ça m’est égal, j’ai un forfait avec mon fleuriste.

(Viviane a déposé le bouquet sur le guéridon.)
La Baronne.

Vous n’embrassez pas votre fiancée ?… Aujourd’hui, ça vous est permis !

Bois-d’Enghien.

Comment donc ! tout le temps ! tout le temps ! (En l’embrassant, il se pique à une des épingles du corsage de Viviane.) Oh !

Viviane, moqueuse.

Prenez garde, j’ai des épingles !

Bois-d’Enghien, se suçant le doigt.

Vous ne l’auriez pas dit que je ne m’en serai pas aperçu !

Viviane.

Voilà ce que c’est que de mettre les mains…

Bois-d’Enghien.

Eh bien ! encore une fois, là… sans les mains !

Viviane.

Ouh ! gourmand !

(Il l’embrasse en gardant ses mains derrière le dos.)
La Baronne, qui s’est approchée de Bois-d’Enghien, de façon qu’en se retournant, la figure de celui-ci se trouve portée contre la sienne, — tendant la joue.

Et la belle-maman, alors, on ne l’embrasse pas ?

Bois-d’Enghien, après avoir fait une légère grimace.

Si ! si ! comment donc ! Ah ! bien… (Il l’embrasse ; puis à part, au public.) Le plat de résistance après le dessert.

La Baronne, joviale.

Et moi, au moins, on peut mettre les mains, je n’ai pas d’épingles !

Bois-d’Enghien.

À la bonne heure !

La Baronne.

Et maintenant, une bonne nouvelle pour vous, mon gendre… L’église ayant tous ses services retenus pour le jour que nous avons fixé, j’ai décidé d’avancer le mariage de deux jours.

Bois-d’Enghien, ravi.

Ah ! bien, j’en suis bien aise !… Justement mon fleuriste me disait tout à l’heure : « Comme vous faites durer longtemps vos fiançailles »… (À Viviane) Ah ! bien, je suis bien content !

La Baronne, dans le dos de Bois-d’Enghien.

Vous la rendrez heureuse, n’est-ce pas ?

Bois-d’Enghien, se retournant.

Qui ça ?

La Baronne.

Eh bien ! ma fille, voyons ! pas le Grand Turc !

Bois-d’Enghien.

C’est juste ! Je fais des réflexions bêtes.

Viviane.

Et puis, c’est ce que je disais à maman, avec le divorce, n’est-ce pas ?

Bois-d’Enghien, interloqué.

Ah ! vous avez déjà envisagé… ?

Viviane.

Oh ! moi, je trouve ça très chic, d’être divorcée !

Bois-d’Enghien.

Ah ?

Viviane.

J’aimerais encore mieux ça que d’être veuve !

Bois-d’Enghien.

Tiens ! Et moi aussi !

La Baronne, un peu au-dessus de Bois-d’Enghien, lui prenant la main gauche de sa main gauche, l’autre main sur l’épaule de son gendre.

D’ailleurs, ce sont là des extrémités auxquelles vous n’aurez jamais à recourir, Dieu merci ! Fernand est un garçon sérieux, rangé…

Viviane, avec un soupir.

Oh ! oui !…

Bois-d’Enghien.

Ça !…

La Baronne, quittant la main de Bois-d’Enghien.

Il a sans doute eu, comme tous les jeunes gens, ses petits péchés de jeunesse…

Bois-d’Enghien, avec aplomb.

Jamais !…

La Baronne, à mi-voix à Bois-d’Enghien, ravie.

Comment ! pas la moindre petite bonne amie !

Bois-d’Enghien.

Moi ?… Ah ! bien… mais je ne comprends pas ça ! Souvent je voyais des petits jeunes gens de mon âge courir les demoiselles… ça me passait ! Je leur disais : « Mais enfin, qu’est-ce que vous pouvez bien faire avec ces femmes ?… »

Viviane, avec pitié, à part.

Oh ! la, la, la, la !…

Bois-d’Enghien.

Moi, je n’ai jamais aimé qu’une seule femme !…

Viviane et La Baronne, se rapprochant vivement et chacune sur un ton différent ; la première, comme s’il y avait : « Serait-ce possible ! » l’autre comme elle dirait « Je le savais bien ! ».

Ah !

Bois-d’Enghien.

C’était ma mère !

(Viviane, qui s’était rapprochée avec une lueur d’espoir, retourne où elle était, avec déception.)

La Baronne, touchée.

C’est bien, ça !

Bois-d’Enghien.

Je m’étais toujours dit : « Je veux me réserver tout entier pour celle qui sera mon épouse. »

La Baronne, lui serrant la main et le montrant à sa fille.

Je te dis ! Tu ne sais pas… tu ne sais pas apprécier l’homme que tu épouses !

Bois-d’Enghien.

Je ne veux pas qu’on puisse dire de moi, comme de tant d’autres, que j’apporte en ménage les rinçures de ma vie de garçon !

Viviane.

Quelles rinçures ? Des rinçures de quoi ?

Bois-d’Enghien, interloqué.

Hein ? De… je ne sais pas ! c’est une expression : on dit comme ça : « Apporter les rinçures de sa vie de garçon ! » Ça ne peut pas se préciser, mais ça fait image !

La Baronne.

Oui, oui ! il a raison.

Bois-d’Enghien, à Viviane.

Eh bien ! moi, au moins, en m’épousant, vous pouvez vous dire que c’est moralement comme si vous épousiez… Jeanne d’Arc.

Viviane, le regardant.

Jeanne d’Arc ?

Bois-d’Enghien.

Tout sexe à part, bien entendu !

Viviane.

Pourquoi Jeanne d’Arc ? Vous avez sauvé la France ?

Bois-d’Enghien.

Non ! je n’ai pas eu l’occasion ! Mais tel j’arrive à la fin de ma vie de garçon, et avec l’âme aussi pure… que Jeanne d’Arc à la fin de sa vie d’héroïsme, quand elle comparut au tribunal de cet affreux Cauchon !

La Baronne, sévèrement.

Fernand ! ces expressions dans votre bouche !

Bois-d’Enghien.

Eh bien ! comment voulez-vous que je dise ?… Il s’appelle Cauchon, je ne peux pas l’appeler Arthur !…

Viviane, railleuse.

C’est juste !

La Baronne.

Fernand, vous êtes une perle…

Viviane.

Il est encore au-dessous de ce que je croyais !…

Bois-d’Enghien, à part, passant au 3.

C’est un peu canaille, ce que je fais là… mais ça me fait bien voir !…



Scène IV

Les Mêmes, ÉMILE, puis DE FONTANET.
Émile (3), du fond.

Madame, il y a déjà un monsieur d’arrivé.

La Baronne. (2)

Déjà ! qui ça ?

Émile.

M. de Fontanet !

Bois-d’Enghien (4), à part, sursautant.

Fontanet, fichtre ! le bonhomme de ce matin !

La Baronne.

Qu’est-ce que vous avez ? Vous le connaissez ?

Bois-d’Enghien, vivement.

Moi ? pas du tout !

La Baronne.

Ah ! Je croyais ! (À Émile.) Priez M. de Fontanet de venir nous retrouver ici… (Émile sort.)

Bois-d’Enghien.

Hein ! Comment, ici ?

La Baronne.

Pourquoi pas ? Je ne fais pas de cérémonies avec Fontanet.

Bois-d’Enghien, à part.

Mon Dieu ! Et impossible de le prévenir ! Pourvu qu’il ne mette pas les pieds dans le plat !

Émile, introduisant Fontanet.

Si Monsieur veut entrer.

(Il sort après avoir introduit.)
De Fontanet[3].

Ah ! bonjour baronne ! bonjour.

Bois-d’Enghien, qui s’est précipité à sa rencontre de façon à se mettre entre lui et la baronne.

Ah ! la bonne surprise ! Bonjour, ça va bien ? (Il l’emmène ainsi jusqu’à l’avant-scène.)

De Fontanet (4), ahuri de cet accueil.

Comment, vous ici !…

Bois-d’Enghien. (2)

Moi-même !

La Baronne, qui ne comprend rien à la scène.

Hein ?

Bois-d’Enghien, bas et vivement, à Fontanet.

Pas d’impair, surtout, pas d’impair ! (Haut.) Ah ! ce cher Fontanet !

La Baronne.

Vous le connaissez donc ?

Bois-d’Enghien.

Parbleu, si je le connais !

La Baronne.

Mais vous venez de nous dire…

Bois-d’Enghien.

Parce que je ne savais pas que c’était de lui que vous me parliez ! Mais je ne connais que lui, ce cher Fontanet ! (Il lui serre la main.)

De Fontanet.

Comment ! pas plus tard que ce matin, nous avons déjeuné ensemble !

Bois-d’Enghien, très troublé.

Hein ! ce matin… Ah ! oui ! oh ! si peu… je n’avais pas faim, alors…

La Baronne.

Tiens ! Où ça avez-vous déjeuné ?

Bois-d’Enghien, faisant des signes à Fontanet.

Eh ! bien, là-bas… vous savez… comment ça s’appelle donc déjà ?…

De Fontanet.

Chez la divette !

Bois-d’Enghien.

L’idiot.

La Baronne.

Chez la divette ?

Viviane.

Qu’est-ce que c’est la divette ?

De Fontanet.

La divette… Eh ! bien, c’est…

Bois-d’Enghien, vivement.

C’est un restaurant ! Le restaurant Ladivette !

De Fontanet, à part.

Qu’est-ce qu’il dit ?

Bois-d’Enghien, à la baronne et à Viviane, s’efforçant de rire.

Comment, vous ne connaissez pas le restaurant Ladivette ?

La Baronne et Viviane.

Non !

Bois-d’Enghien, riant très fort pour dissimuler son trouble.

Ah ! dites donc, Fontanet, elles ne connaissent pas le restaurant Ladivette !

De Fontanet, riant comme lui.

Ah ! ah ! ah ? (Changement de ton.) Moi non plus.

Bois-d’Enghien, ne pouvant retenir une grimace.

Oh ! (Reprenant son rire bruyant, mais sans conviction.) Ni vous non plus ! (Le montrant au doigt.) Ah ! ah ! ah ! il va dans un restaurant, et il ne sait même pas comment il s’appelle !… (Marchant sur lui et lui poussant des bottes de façon à lui faire gagner l’extrémité de la scène.) Ah ! ce cher Fontanet qui ne connaît pas le restaurant Ladivette ! (Vivement et bas.) Taisez-vous donc, voyons !… taisez-vous donc !

La Baronne, qui a ri avec eux, gaiement.

Et où le prenez-vous ce restaurant Ladivette ?

Bois-d’Enghien, étourdiment.

Je ne le prends pas !

La Baronne.

Hein ?

Bois-d’Enghien.

Ah ! « Où je le prends… le restaurant Ladivette ? » (À Fontanet) Belle-maman me demande où je le prends.

La Baronne.

Eh bien ! oui, où le prenez-vous ?

Bois-d’Enghien.

J’entends bien ! (À part.) Quelle fichue idée on a eue de parler du restaurant Ladivette !

Viviane.

Eh bien ?

Bois-d’Enghien, très embarrassé.

Eh bien ! voilà, euh !… C’est un peu loin…

La Baronne, gaiement.

Ça ne fait rien.

Bois-d’Enghien.

Bon ! Eh bien ! n’est-ce pas, vous êtes sur la place de l’Opéra… Vous savez où c’est, la place de l’Opéra ?

La Baronne.

Mais oui, mais oui !

Bois-d’Enghien.

Vous vous mettez comme ça sur le refuge, vous avez l’Opéra devant vous, et l’avenue dans le dos ! Vous voyez ça ? Bon… (Se retournant brusquement sur lui-même, et tout le monde avec lui.) Vous vous retournez vivement ! (Sur un ton calme.)… De façon à avoir l’Opéra dans le dos, et l’avenue en face…

La Baronne.

Mais, pardon !… Il aurait été plus simple de commencer par là tout de suite.

Bois-d’Enghien.

Ça, c’est vrai, mais enfin, ça ne s’est pas trouvé comme ça.

La Baronne, au moment où Bois-d’Enghien va continuer.

Et puis, dites-donc, vous savez, je vous demande ça… au fond, ça m’est égal !

Bois-d’Enghien.

Oui ? Ah ! bien, alors inutile, n’est-ce pas ? (À part.) Ouf !

De Fontanet, à part, le considérant.

Qu’est-ce qu’il a donc ?

La Baronne, à Fontanet.

Ce qu’il y a de plus clair dans tout ça, c’est que vous vous connaissez, je n’ai donc pas besoin de vous présenter le fiancé de ma fille.

De Fontanet.

Qui ça, le fiancé de votre fille ?

La Baronne.

Mais lui ! M. de Bois-d’Enghien !

De Fontanet

Hein ! comment ? C’est lui qui… (À part.) L’amant de Lucette… Oh ! la, la ! je comprends maintenant le restaurant Ladivette ! (Haut.) Comment, c’est vous qui… Eh bien ! hein ? quand je vous disais ce matin que le fiancé avait un nom dans le genre du vôtre… hein ?

Bois-d’Enghien, à part.

L’animal ! tiens ! (À bout de ressources, il lui écrase un pied de toute la force de son talon.)

De Fontanet, hurlant de douleur.

Oh ! la, la, la ! Oh ! la, la !

Tous.

Qu’est-ce que vous avez ?

Bois-d’Enghien, faisant plus de bruit que tout le monde.

Qu’est-ce que vous avez ? Vous avez quelque chose ? Il a quelque chose !… Qu’est-ce que vous avez ? dites-le ?

De Fontanet, qui est allé s’asseoir à cloche-pied sur le canapé.

Oh ! mon pied ! Oh ! mon pied !

Bois-d’Enghien, à part.

Comme ça, ça changera la conversation. (Il remonte.)

De Fontanet[4], furieux.

Oh ! la, la ! C’est vous !… avec votre talon !…

Bois-d’Enghien.

Moi ? Comment ? Oh !…

De Fontanet.

Oh ! la, la ! juste sur mon cor.

Bois-d’Enghien.

Vous avez des cors ? Il a des cors ! Oh ! c’est laid, ça !

De Fontanet.

Ah ! je ne sais pas si c’est laid, mais quand on vous marche dessus, c’est affreux.

Viviane, de l’autre côté de la chaise longue.

Eh bien ! vous sentez-vous mieux, Monsieur de Fontanet ?

De Fontanet, se levant et gagnant le 4 en marchant avec difficulté.

Merci, Mademoiselle, merci : ça va un peu mieux !…

Bois-d’Enghien (3).

Mais oui, mais oui ! Ça ne l’empêchera pas de signer à notre contrat quand Me  Lentery sera arrivé !

De Fontanet, tout en se frottant le pied qu’il ne peut encore poser carrément par terre.

Ah ! c’est Me  Lentery qui est votre notaire.

La Baronne (2).

Oui. Vous le connaissez ?

De Fontanet, moitié riant, moitié geignant.

Oui, oui. Oh ! très bon notaire.

Bois-d’Enghien.

N’est-ce pas ?

De Fontanet.

Il n’a qu’un défaut, le pauvre homme : ce qu’il sent mauvais !

Tous, retenant une envie de rire.

Ah ?

De Fontanet.

Vous n’avez pas remarqué ? Ffut ! (Il souffle ainsi dans le nez de Bois-d’Enghien.) Ah ! c’est insoutenable ! (Il gagne la droite.)

Bois-d’Enghien, à part.

La pelle qui se moque du fourgon.



Scène V

Les Mêmes, ÉMILE.
Émile, un plateau avec une carte à la main, descendant au 3.

Madame, une dame est là, accompagnée de deux personnes. Elle dit que Madame l’attend ! voici sa carte.

La Baronne

Ah ! parfaitement !… j’y vais ! (Émile remonte.)

Bois-d’Enghien.

Qu’est-ce que c’est ?

La Baronne.

Ah ! voilà, c’est une surprise que je ménage à mes invités.

De Fontanet.

Vraiment ?

Bois-d’Enghien.

Mais à nous, vous pouvez bien dire…

La Baronne.

Non ! non ! vous verrez, vous verrez ! c’est une surprise ! vous serez contents ! Viens, Viviane !

Viviane.

Oui, maman !

(Sortie de la baronne et de Viviane par le fond.)
Bois-d’Enghien (1), qui a accompagné la baronne jusqu’au fond, redescend vivement sur Fontanet. (2)

Mais malheureux, vous ne vous aperceviez donc pas des transes par lesquelles vous me faisiez passer tout à l’heure ?

De Fontanet.

Eh ! mon ami, je l’ai compris après : mais est-ce que je pouvais penser que vous étiez le fiancé, vous, l’amant de Lucette Gautier !

Bois-d’Enghien.

Eh ! Lucette ! il y a quinze jours que c’est fini !

De Fontanet.

Comment ! je vous y ai vu ce matin !

Bois-d’Enghien.

Qu’est-ce que ça prouve ça ? Ce matin… c’était en passant… pour prendre congé… P. P. C., l’adieu… de l’étrier ! (Il gagne la gauche.)

De Fontanet.

Ah ?

Bois-d’Enghien, revenant vivement à lui.

Surtout, n’est-ce pas ? Si vous voyez Lucette Gautier, pas un mot de mon mariage ! Elle le saura bien assez tôt !

De Fontanet.

Entendu ! entendu !

(Voix dans la coulisse.)
De Fontanet.

Tiens ! voilà la baronne qui revient !

Bois-d’Enghien, d’un air au fond indifférent.

Avec sa surprise, sans doute.

De Fontanet.

Tiens ! Voyons-la ?… (Bois-d’Enghien reste à l’avant-scène. Fontanet remonte et une fois au fond, parlant dans la coulisse.) Comment, c’est elle !… Comment, c’est vous ! (Il disparaît dans le second salon.)

Bois-d’Enghien, pris, lui aussi de curiosité.

Qui ça, « vous » Qui ça, « elle » ? (Il remonte, regarde et bondissant.) Miséricorde !… Lucette Gautier ! (Il se précipite vers la porte de gauche qu’il trouve fermée.) Dieu ! c’est fermé ! (Affolé, ne sachant où donner de la tête.) Lucette ici ! Pourquoi ? Comment ? (Il veut traverser la scène pour gagner la porte de droite, mais il s’arrête brusquement au moment de passer devant la porte du fond, en voyant les autres qui arrivent ; il n’a que le temps de rebrousser chemin et de se jeter dans l’armoire du fond.) Ah ! à la grâce de Dieu ! (Il referme les battants sur lui.)



Scène VI

Les Mêmes, LA BARONNE, VIVIANE, LUCETTE, MARCELINE, DE CHENNEVIETTE.
(Tous les personnages sont dans la pièce du fond.)
De Fontanet.

Ah ! bien, c’est égal ! Pour une surprise, voilà bien une surprise !

La Baronne.

N’est-ce pas ? (À Lucette.) Tenez, Mademoiselle, si vous voulez entrer par ici…

De Fontanet, à part.

Dieu ! le malheureux ! (Haut et vivement, barrant l’entrée à tous les personnages.) Non ! non ! pas ici ! pas ici !

Tous, étonnés.

Pourquoi ?

De Fontanet.

Parce que… Parce que… (Jetant un rapide regard dans la pièce et ne voyant plus Bois-d’Enghien. À part) Personne ? (Haut.) Ah ! et puis ici, si vous voulez, vous savez !

Tous.

Mais, dame !

De Fontanet, à part.

Il a filé, je respire.

(Tout le monde entre par la porte du fond dont les quatre vantaux sont ouverts.)
La Baronne[5], à Lucette.

Voilà, Mademoiselle… J’espère que cette pièce vous conviendra.

Lucette.

Mais, comment donc, Madame ! J’y serai divinement !

La Baronne, à Marceline qui porte un gros carton à robe.

Tenez, si vous voulez poser ça là, ma fille…

Marceline.

Sa fille ! En voilà une façon de me parler !

(Elle porte le carton sur la table du fond.)
Lucette, présentant Chenneviette qui tient le sac de cuir dans lequel sont les objets de toilette et de théâtre de Lucette.

Voulez-vous me permettre de vous présenter M. de Chenneviette, que je me suis permis d’amener, mon plus vieil ami et un peu mon parent… par alliance ; en même temps que mon régisseur quand je vais en soirée.

La Baronne.

Enchantée, Monsieur.

(Chenneviette s’incline.)
Marceline.

Il n’y a pas de danger que ma sœur pense à me présenter, moi !

La Baronne.

Vous voyez, Mademoiselle ; vous trouverez tout ce qu’il vous faut ici ! C’est ma chambre à coucher que j’ai fait aménager pour la circonstance…

Lucette.

Je suis vraiment désolée de vous avoir donné tant de mal !

La Baronne.

Du tout ! J’ai tenu à en faire une loge digne d’une étoile comme vous !

Lucette.

En effet. (Apercevant le fauteuil placé sous le baldaquin du lit.) Que vois-je ?… Un trône !…

Tous.

Un trône !

Lucette.

Ah ! vraiment, c’est trop !

La Baronne.

Où ça, un trône ? ça ? Ce n’est pas un trône, c’est le baldaquin de mon lit ! J’ai fait enlever le lit et j’ai mis le fauteuil à la place.

Lucette, un peu dépitée.

Ah ! je disais aussi…

Marceline, à part.

C’est bien fait ! C’est pas un trône !

La Baronne, qui va successivement aux différents objets qu’elle désigne, suivie à une certaine distance, de Chenneviette qui remplit son emploi de bon régisseur.

Vous trouverez là, derrière ce paravent, le nécessaire pour la toilette !… (S’approchant de l’armoire comme pour l’ouvrir.) Voici une armoire où vous pourrez ranger vos costumes ; elle est vide ! (Elle quitte l’armoire et descend à gauche de la chaise longue.)

Lucette.

Parfait ! (Chenneviette reste à partir de ce moment au-dessus de la chaise longue.)

La Baronne.

Sur cette table, un timbre électrique, si vous avez besoin de quelqu’un, vous n’avez qu’à sonner ! D’ailleurs cette porte… (Elle va à la porte de gauche.) Tiens ! Qui est-ce qui l’a donc fermée ? (À Viviane qui est au fond près de l’armoire, causant avec Fontanet.) Bichette, veux-tu faire le tour ? La clef est de l’autre côté.

Viviane.

Oui, maman. (Elle sort par le fond.)

La Baronne, gagnant le 3.

Cette porte donne sur le couloir de service… Votre femme de chambre aura encore plus vite fait d’aller à la cuisine elle-même…

Marceline, piquée.

La femme de chambre ? Quelle femme de chambre ?

La Baronne.

Mais, Mademoiselle… est-ce que vous n’êtes pas ?…

Marceline, pincée.

Pas du tout, Madame ! Je suis la sœur de Mlle  Gautier !

La Baronne.

Oh ! pardon, Mademoiselle ! je suis désolée…

Marceline, aigre.

Il n’y a pas de mal (À part.) On lui en donnera des femmes de chambre ! (Elle remonte à la table s’occuper de son carton.)

Viviane, entrant de gauche.

Voilà, c’est ouvert ! (Elle descend au 1, à gauche de la chaise longue, et prend son bouquet sur le guéridon.)

La Baronne. (4)

Maintenant, si vous voulez bien, Mademoiselle, venir jusqu’au salon pour voir si tout est à votre convenance : l’emplacement du piano, de l’estrade…

Lucette. (2)

Oh ! ça, ça regarde mon régisseur ! (À Chenneviette.) Chenneviette, à toi, mon ami !

De Chenneviette.

J’y vais… (Il remet le sac à Lucette, puis à la baronne.) Si Madame veut m’indiquer.

La Baronne, remontant.

Nous vous accompagnons. Vous venez, Fontanet ?

De Fontanet, qui est dans le salon du fond, adossé à la cheminée.

Je suis à vos ordres !

Lucette, qui a ouvert son petit sac sur le guéridon.

Pendant ce temps-là, aidée de ma sœur, moi, ici, je vais faire ma petite installation.

La Baronne, au fond au moment de sortir.

C’est cela, viens Viviane !… Mais qu’est donc devenu ton fiancé ?

Viviane.

Je ne sais pas, maman. Il prend l’air, sans doute.

(Elle sort avec sa mère en emportant son bouquet.)



Scène VII

LUCETTE, MARCELINE, BOIS-D’ENGHIEN, dans l’armoire.
Marceline, qui a ouvert son carton dont elle a déposé le couvercle devant elle sur la chaise, entre le dossier et la table.

C’est agréable, on me prend pour ta femme de chambre.

Lucette.

Eh bien ! il n’est pas écrit sur ta figure que tu es ma sœur !

Marceline.

Non, mais tu aimes ça, toi, quand on peut m’humilier !

Lucette.

Allons, au lieu de grogner, déballe donc plutôt mes costumes qui se froissent dans ce carton et pends-les dans l’armoire !

Marceline, tout en déballant.

Oh ! toi, tu seras cause que je ferai un coup de tête, un jour !

Lucette.

Et qu’est-ce que tu feras ? mon Dieu !

Marceline, gagnant le milieu de la scène avec un costume de théâtre sur le bras.

Je prendrai un amant !

Lucette.

Toi !

Marceline

Oh ! mais tu ne me connais pas ! (Elle pétrit nerveusement, et sans faire attention à ce qu’elle fait, le costume qu’elle a sur le bras.)

Lucette, riant.

Oh ! la, la ! un amant, elle ! (Changeant de ton.) Fais donc attention, tiens, à la façon dont tu portes ces effets… (Passant à droite pendant que Marceline est à l’armoire.) Ah ! pristi, non, tu n’es pas femme de chambre, parce que si tu étais femme de chambre, tu ne resterais pas longtemps au service des gens…

Marceline (1), allant à l’armoire.

C’est surtout au tien que je ne resterais pas ! (Tirant vainement le battant de l’armoire.) Mais qu’est-ce qu’elle a, cette armoire ?… On ne peut pas l’ouvrir !

Lucette, qui, derrière la table, est en train de remettre le couvercle sur le carton.

Elle est peut-être fermée, tourne la clé.

Marceline.

C’est ce que je fais : il n’y a pas moyen !

Lucette.

Comment, il n’y a pas moyen !… (Allant à l’armoire.) Ah ! la, la ! même pas capable d’ouvrir une armoire !… Tiens, ôte-toi de là ! (Elle la bouscule pour se mettre à sa place et essaye d’ouvrir.) C’est vrai que c’est dur !

Marceline.

Là, je ne suis pas fâchée !…

Lucette, s’épuisant à tirer.

C’est drôle, on dirait que la résistance vient de l’intérieur ! (À Marceline.) Essayons à nous deux, bien ensemble.

Lucette et Marceline.

Une, deux, trois. Aïe donc !

(La porte cède, Bois-d’Enghien entraîné par l’élan, manque de tomber sur elles.)
Lucette et Marceline, poussant un cri strident.

Ah ! (Elles reculent épouvantées, n’osant regarder.)

Lucette. (2)

Un homme !

Marceline. (3)

Un cambrioleur !

Bois-d’Enghien, qui a repris son équilibre dans l’armoire, bien calme.

Ah ! tiens ! c’est vous ?

Lucette.

Fernand !

Marceline.

Bois-d’Enghien !

Lucette, moitié colère, moitié tremblante.

Eh bien ! qu’est-ce que tu fais là, toi ?

Bois-d’Enghien, sortant de l’armoire.

Moi ? eh bien ! tu vois, je… je vous attendais !

Lucette, même jeu.

Dans l’armoire !

Bois-d’Enghien.

Hein ! oui, dans… l’armoire… tu sais quelquefois, dans la vie, on a besoin de s’isoler… Et ça va bien depuis tantôt ?

Lucette.

Ah ! que c’est bête de vous faire des frayeurs pareilles !

Marceline.

Il faut être idiot, vous savez, pour remuer les sangs comme ça !

Bois-d’Enghien, avec un rire forcé pour dissimuler son embarras.

Ah ! ah ! je vous ai fait peur ! Ah ! ah ! Alors j’ai réussi, c’était une plaisanterie !

Lucette.

Tu appelles ça une plaisanterie !

Bois-d’Enghien, même jeu.

Oui, je me suis dit : Elle arrive, elle ouvre l’armoire et elle me trouve dedans… C’est ça qui est une bonne farce !

Lucette.

Ah ! bien, elle est jolie, la farce !

Marceline.

Elle est stupide !

Bois-d’Enghien.

Merci ! (À part, descendant à gauche.) Mon Dieu ! pourvu que les autres n’arrivent pas !



Scène VIII

Les Mêmes, DE CHENNEVIETTE.
De Chenneviette. (2)

Tout est prêt là ! (Apercevant Bois-d’Enghien.) Ah ! Bois-d’Enghien !

Bois-d’Enghien. (1)

Chenneviette !

De Chenneviette.

Ah ! çà, comment ? Vous êtes ici, vous ?

Bois-d’Enghien, essayant de se donner l’air dégagé.

Mon Dieu, oui ! Mon Dieu, oui !

Lucette. (3)

Et tu ne sais pas où je l’ai trouvé ? Dans l’armoire !

De Chenneviette.

Comment, dans l’armoire ?

Bois-d’Enghien, se tordant, mais sans conviction.

Oui, oui, hein ! c’est drôle ?

De Chenneviette, à part.

Ah ! çà, il est fou !

Marceline, qui, pendant ce qui précède, est allée accrocher les effets de théâtre dans l’armoire, emportant le carton.

J’emporte ça par là.

Lucette.

Bon ! bon !

Marceline, maugréant, en sortant de gauche.

Par la porte de la femme de chambre ! (Elle sort.)

Lucette, à Bois-d’Enghien.

Mais, au fait, tu connais donc les Duverger, toi ?

Bois-d’Enghien, avec aplomb.

Oui, oui… oh ! depuis longtemps ! J’ai vu la mère toute petite !

Tous.

Hein ?

Bois-d’Enghien, se reprenant.

Euh !… La mère m’a vu tout petit, alors…

Lucette.

Ah ? c’est drôle…

Bois-d’Enghien, se tordant en gagnant la gauche.

Hein ! n’est-ce pas ? c’est drôle, c’est très drôle…

Lucette, le regardant avec étonnement, ainsi que Chenneviette.

Mais qu’est-ce qu’il a donc à rire comme ça ?

Bois-d’Enghien, redevenant subitement sérieux et bondissant (2), sur Lucette (3), pendant que Chenneviette descend au 1.

Et maintenant, tu vas me faire le plaisir de ne pas chanter dans cette maison, hein ?

Lucette, ahurie.

Moi ?… Et pourquoi ça ?

Bois-d’Enghien.

Pourquoi ! elle demande pourquoi ?… Parce que… parce… qu’il y a des courants d’air, là !…

Lucette.

Où ça ?

Bois-d’Enghien, ne sachant plus ce qu’il dit.

Partout !… au-dessus de l’estrade !

Lucette.

Au-dessus de l’estrade !… il y a des c… (Brusquement.) Je vais en parler à la baronne ! (Elle remonte.)

Bois-d’Enghien, la rattrapant de sa main droite et la faisant redescendre au 2.

C’est ça, ça fera des cancans ; elle saura que c’est moi qui t’en ai parlé…

Lucette.

Mais non, mais non ! je ne prononcerai pas ton nom !… (On aperçoit la baronne dans le second salon.) Voici la baronne, je vais en avoir le cœur net.

Bois-d’Enghien, se précipitant à droite.

Ma belle-mère ! Je file !

Lucette.

Eh bien ! où vas-tu ?

Bois-d’Enghien, dans l’embrasure de la porte.

Tu ne m’as pas vu ! Tu ne m’as pas vu ! (Il disparaît.)

Lucette.

Est-il drôle !

De Chenneviette, qui a assisté à cette scène, avec un profond ahurissement. (À part.)

C’est égal, je serais curieux de connaître le fin mot de tout ça !



Scène IX

DE CHENNEVIETTE, LUCETTE, LA BARONNE.
La Baronne.

Où peut être passé mon gendre ?

Lucette. (3)

Ah ! Madame, je ne suis pas fâchée de vous voir. (La baronne descend ainsi que Lucette.) Il paraît qu’il y a des courants d’air dans votre salon ?

La Baronne, avec un soubresaut.

Dans mon salon !

Lucette, polie, mais sur un ton qui n’admet pas de réplique.

Oui, Madame ! on me l’a dit… et je vous avouerai que je ne peux pas chanter avec un vent coulis sur les épaules.

La Baronne, dans tous ses états, ne sachant qui prendre à témoin, tantôt à Lucette, tantôt à Chenneviette.

Mais, Madame, je ne sais pas ce que vous voulez dire !… un vent coulis dans mon salon !… mais c’est insensé… Voyons, Monsieur… ? oh ! dans mon salon ! Madame ! un vent coulis !… mais venez voir par vous-même si vous trouvez le moindre courant d’air !

Lucette.

Eh bien ! c’est ça ! parfaitement ! allons voir ! Parce que vous comprenez, moi chanter dans ces conditions-là…

La Baronne.

Mais venez, mais je vous en prie ! (En s’en allant.) Dans mon salon, un vent coulis !… Non ! non !… (Ces dernières phrases sont dites en s’en allant, les deux femmes parlant ensemble.)



Scène X

DE CHENNEVIETTE, BOIS-D’ENGHIEN, puis VIVIANE, puis LUCETTE et LA BARONNE.
De Chenneviette, gagnant la droite.

Oh ! la, la, la, la ! parbleu, il n’y en a pas de courant d’air ! il n’y en a pas !

Bois-d’Enghien, comme un boulet, surgissant par la porte de gauche et tout essoufflé.

Ouf ! vous êtes seul ?

De Chenneviette. (2)

Allons, bon ! vous arrivez par là, vous ?

Bois-d’Enghien.

Oui, parce que j’étais parti par là. (Il indique la porte de droite.) Et alors j’ai fait… (Il indique d’un geste qu’il a fait le tour par en haut et qu’il est redescendu par la gauche.)

De Chenneviette.

Eh bien ! qu’est-ce qu’il y a ? qu’est-ce qui se passe ?

Bois-d’Enghien.

Ce qu’il y a ? Il y a que j’ai une maison de cinq étages suspendue sur ma tête ! que Lucette est ici, et que c’est mon contrat de mariage qu’on va signer tout à l’heure.

De Chenneviette, bondissant.

Non ?

Bois-d’Enghien, accablé.

Si !

De Chenneviette, se frappant la cuisse.

Nom d’un pétard ! (Par ce mouvement il se trouve tourner à demi le dos à Bois-d’Enghien, et regarder l’avant-scène droite.)

Bois-d’Enghien.

Oh ! oui, nom d’un pétard ! (Faisant pivoter Chenneviette sur lui-même en le poussant sur l’épaule droite et en le tirant sur l’épaule gauche de façon à lui faire faire un tour complet.) Et c’est ce pétard qu’il faut absolument que vous m’évitiez en trouvant le moyen d’emmener Lucette, de gré ou de force.

De Chenneviette.

Mais comment ! comment ?…

Bois-d’Enghien.

Ah ! je ne sais pas ; mais il faut !

De Chenneviette, se tournant comme précédemment.

Je vais essayer…

Bois-d’Enghien, le faisant pivoter comme précédemment.

Où est-elle en ce moment ? Où est-elle ?

De Chenneviette, furieux de se voir bousculé de la sorte et se dégageant.

Avec la baronne, dans le salon, en train de s’expliquer sur votre vent coulis. (Il remonte.)

Bois-d’Enghien.

Ah ! mon Dieu ! ça va éclater alors, c’est évident.

(Voix dans la coulisse.)
De Chenneviette, vivement à Bois-d’Enghien.

Attention ! les voilà qui reviennent !

Bois-d’Enghien.

Oh ! (Il se précipite à droite pour s’esquiver, et va donner dans Viviane qui entre de droite.)

Viviane et Bois-d’Enghien, ensemble.

Oh ! (Ils se frottent l’un et l’autre l’épaule cognée. Dans leur élan, Viviane a été portée au 2 et Bois-d’Enghien au 3.)

Bois-d’Enghien, à part.

Fichtre !… (Haut, en affectant de rire.) Ah ! ah ! tiens ! c’est vous ?

Viviane.

Eh bien ! où étiez-vous ? Voilà une demi-heure que je vous cherche !

Bois-d’Enghien.

Mais moi aussi ! moi aussi… (Voulant l’entraîner.) Eh bien ! cherchons ensemble, cherchons ensemble !

Viviane, le retenant.

Cherchons quoi ? Puisque nous nous sommes trouvés.

Bois-d’Enghien.

C’est juste ! (À part.) Je ne sais plus ce que je dis !

Viviane, à part.

Mais est-il bête !

De Chenneviette, qui est redescendu à l’extrême gauche.

Il bafouille le pauvre garçon ! il bafouille !

(On entend la voix de la baronne.)
De Chenneviette et Bois-d’Enghien.

Elles ! (Bois-d’Enghien essaye de gagner la porte de droite à pas de loup pour s’esquiver sans être aperçu.)

La Baronne (3), au fond.

Vous voyez, Mademoiselle, que j’avais raison !

Lucette. (2)

Mais en effet !

La Baronne, au moment où Bois-d’Enghien va disparaître.

Ah ! Bois-d’Enghien ! Enfin, vous voilà !

Bois-d’Enghien, pivotant sur ses talons et avec aplomb.

Mais… je venais.

La Baronne, à Lucette, pour lui présenter Bois-d’Enghien.

Mademoiselle…

Bois-d’Enghien, à part.

Oh ! la, la ! Oh ! la, la !

La Baronne, à Lucette qui d’ailleurs fait signe de la tête qu’elle connaît.

Voulez-vous me permettre de vous présenter…

De Chenneviette, se précipitant entre Lucette et la baronne et saisissant Lucette par la main, l’entraîne au fond, non sans bousculer la baronne.

Non, non ! c’est pas la peine !… Elle connaît, elle connaît !…

Tous.

Hein ! (Tumulte général.)

De Chenneviette, l’entraînant.

Viens ! viens ! avec moi.

Lucette, se débattant.

Mais où ? Mais où ?

De Chenneviette, même jeu.

Chercher le vent coulis ! je sais où il est, je sais où il est !

Lucette, disparaissant, entraînée de force par Chenneviette.

Mais non, mais non ! Oh ! mais, voyons !

Bois-d’Enghien, qui, seul, n’est pas remonté, à part avec joie.

Oh ! mon terre-neuve… je l’embrasserais ! je l’embrasserais !



Scène XI

Les Mêmes, moins LUCETTE et CHENNEVIETTE.
La Baronne, au fond avec Viviane.

Mais qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi l’entraîne-t-il comme ça ?

Bois-d’Enghien.

Pourquoi ? (Il gagne le fond à pas de géant, se place entre elles deux, les prend chacune par une main et les fait redescendre également à grandes enjambées qu’elles suivent comme elles peuvent.) Parce que… parce que vous alliez faire un impair énorme !…

La Baronne. (1)

Un impair, moi !

Viviane. (3)

Et comment ça !

Bois-d’Enghien. (2)

Vous alliez me présenter : « Monsieur de Bois-d’Enghien, mon gendre, ou le futur, le fiancé… » quelque chose comme ça ?

La Baronne.

Mais naturellement !

Bois-d’Enghien, sur un ton de profond mystère.

Eh bien ! voilà justement ce qu’il ne faut pas !… C’est ce monsieur-là qui m’a prévenu… C’est pour ça qu’il l’a entraînée… Il ne faut jamais prononcer le mot de futur, de gendre ou de fiancé devant Lucette Gautier !

La Baronne.

Parce que ?

Bois-d’Enghien.

Ah bien ! voilà… parce qu’il paraît… C’est ce monsieur-là qui m’a prévenu… Il paraît qu’elle a eu autrefois un amour malheureux !

Viviane, avec intérêt.

Vraiment ?

Bois-d’Enghien, sur un ton lamentable.

Un beau jeune homme qu’elle adorait et qu’elle devait épouser ! Malheureusement il était d’une nature faible. (Avec un soupir.) Un beau jour… il a succombé…

La Baronne.

Ah ! mon Dieu ! à quoi ?

Bois-d’Enghien, changeant de ton.

À une vieille dame très riche qui l’a emmené en Amérique…

La Baronne et Viviane.

Oh !

Bois-d’Enghien, sur un ton dramatique.

Alors, flambé, le mariage ! Lucette Gautier ne s’en est jamais remise… Aussi, il suffit de prononcer devant elle les mots : gendre, futur ou fiancé, — c’est ce monsieur-là qui m’a prévenu, — aussitôt, crises de nerfs, pâmoisons, évanouissements !

La Baronne.

Oh ! mais c’est affreux ! vous avez bien fait de m’avertir !

Viviane.

Un roman d’amour, c’est gentil !

Bois-d’Enghien.

Eh bien ! voilà, sans moi, hein ? et le monsieur qui m’a prévenu…

La Baronne, pendant que Bois-d’Enghien remonte pour faire le guet.

Ah ! je suis bien contente de savoir ça !

Viviane.

Oh ! oui !…

(Lucette paraît au fond, discutant avec Fontanet et Chenneviette.)
Bois-d’Enghien, à part.

Eux ! (Il redescend comme une bombe, saisit Viviane et la baronne chacune par une main et les entraînant à droite.) Venez venez avec moi !

La Baronne et Viviane, ahuries.

Hein ! Comment ? Pourquoi ?

Bois-d’Enghien, les poussant par la porte de droite, Viviane d’abord, la baronne ensuite.

J’ai encore quelque chose à vous dire, à vous montrer ! C’est là-haut. C’est là-haut. Venez… (Il les pousse malgré leurs récriminations et disparaît avec elles, à droite.)



Scène XII

LUCETTE, DE CHENNEVIETTE, DE FONTANET,
puis ÉMILE, LE GÉNÉRAL.
Lucette, à Chenneviette qui la précède.

Tiens, tu es stupide !

De Chenneviette, à part, descendant (1) à gauche de la chaise longue.

Il est embêtant, Bois-d’Enghien, il me fait jouer les rôles de crétin !

De Fontanet.

Dites donc ! je ne vous gêne pas ici ?

Lucette, qui s’est assise (2) sur la chaise longue et se met un peu de poudre en se regardant dans une glace à main.

Mais non, mais non !

De Fontanet, descendant à droite.

Parce que je me rase par là ! C’est vrai, tout le monde a filé, et on me laisse là, tout seul, comme un pauvre pestiféré !

Lucette.

Ce pauvre Fontanet !

De Fontanet.

C’est vrai, je suis à plaindre !

Émile, annonçant.

Le Général Irrigua !

De Fontanet.

Qué qu’c’est qu’ça ?

Lucette.

Lui ? Ah !

De Chenneviette.

Comment ! on a invité le rastaquouère ?

Lucette, sans se lever.

Oui, c’est moi. (Au général qui paraît au fond.) Eh ! arrivez donc, Général !

Le Général, un bouquet à la main, arrivant empressé et allant à Lucette.

Oh ! qué yo lo suis en retard ! Qué yo lo suis ounpardonnable, porqué yo l’ai perdou oun temps qué yo l’aurais pou passer près de vouss !

Lucette.

Mais non, mais non ! vous n’êtes pas en retard !

De Chenneviette.

Bonjour, Général !

Le Général, le saluant d’un petit coup de tête amical.

Buenos dias. (Il salue également Fontanet qui s’incline. À Lucette lui présentant le bouquet qui est composé de fleurs des champs.) Permettez qué yo vous offre…

Lucette, sans le prendre.

Oh ! des fleurs des champs ! Quelle idée originale !

Le Général, galant.

Bueno ! Qué yo l’ai pensé, des fleurs des champs… à l’étoile… des chants !

Tous, avec une admiration railleuse.

Ah ! charmant !

Le Général, sur un ton dégagé et satisfait.

C’est oun mott !

De Fontanet, flatteur.

Ah ! très parisien ! (Le Général s’incline — au public en riant.) C’est vrai, pour un peau-rouge !

Le Général, remettant à Lucette le bouquet qui est attaché par un rang de perles.

Mais si la bouquette il est môdique, la ficelle il est bienn !

Lucette, se levant et prenant le bouquet auquel elle enlève le collier qui le lie.

Un collier de perles !… Ah ! vraiment, Général !

Le Général, grand seigneur.

Rienn du toute ! C’est oun bâcatil !

De Fontanet, au général.

Vous permettez… (Il passe devant le général et va admirer le collier avec les autres.)

Tous.

Ah ! que c’est beau !

De Chenneviette. (1)

Mâtin !

Lucette (2), se faisant attacher le collier autour du cou par Chenneviette.

Oh ! je suis contente ! Vous n’avez pas idée comme je suis contente !

De Fontanet. (3)

Ah ! c’est d’un goût ! Je trouve ça d’un goût ! (Le Général s’incline modestement.) Parole, c’est encore mieux que le mot, vous savez !

Lucette, présentant Fontanet sans quitter Chenneviette qui lui attache son collier.

Général, monsieur Ignace de Fontanet.

Le Général (4), tendant la main.

Yo vous prie.

De Fontanet.

Enchanté, Général ! Et tous mes compliments ! Cette façon tout à fait grand seigneur de faire les choses…

Le Général, qui hume l’air sans se rendre compte de l’odeur qu’il respire.

Oh ! yo vous prie !

De Fontanet, lui parlant dans le nez avec force courbettes. À mesure que le général, enfin renseigné, se recule, Fontanet, toujours gracieux, marche sur lui. Le Général à la fin se trouve ainsi acculé à l’extrême droite.

C’est beau d’être à la fois millionnaire et galant, quand il y a tant de millionnaires qui ne sont pas galants et de galants qui ne sont pas millionnaires !

Le Général, prenant le 3, toujours suivi par Fontanet. (4)

Si ! Si ! (Tirant une petite boîte de son gilet et la tendant à Fontanet.) Prénez donc oun pastille.

De Fontanet.

Hein ? Qu’est-ce que c’est que ça ?

Le Général.

Des pastilles qué yo les prends quand yo l’ai foume oun cigare.

De Fontanet, s’inclinant, et bien dans le nez du général.

Alors, inutile, Général, je ne fume pas !

Le Général, vivement, élevant son chapeau claque de la main gauche d’un geste qui peut être pris pour un geste de regret, mais qui en réalité n’a d’autre but que d’élever un rempart qui mette son odorat à l’abri.

Yo le regrette ! (Tendant la boîte de la main droite.) Prenez tout de même !

De Fontanet.

Pour vous être agréable.

Le Général.

Yo vous rends grâce ! (Le Général regagne la gauche, suivi et obsédé par Fontanet qui continue de lui parler ; il se défend comme il peut contre lui, grâce à son claque qu’il tient comme une barrière entre eux et avec lequel il fait, ainsi que de la tête, des gestes d’acquiescement comme on fait avec une personne avec qui on ne tient pas à prolonger une discussion. Apercevant la baronne qui arrive de droite. À Fontanet.) Pardon ! (Il descend un peu au 4.) (Fontanet remonte au 3.)



Scène XIII

Les Mêmes, LA BARONNE, puis BOIS-D’ENGHIEN, VIVIANE.
La Baronne, entrant de droite.

Non ! on n’a pas idée de ce garçon, qui nous fait monter trois étages pour nous dire dans le grenier : « Vous n’avez pas remarqué que vous n’avez pas de paratonnerre sur la maison !… »

Le Général, saluant.

Madame !…

Lucette.

Ah ! Madame, permettez-moi de vous présenter un de mes bons amis, le général Irrigua…

Le Général, s’inclinant.

Soi-même.

Lucette.

Qui a été heureux de profiter d’une de vos cartes d’invitation.

Le Général, montrant par acquit de conscience sa carte d’invitation.

Yo l’ai la contremarque !

La Baronne, souriant.

Oh ! c’est inutile… (Minaudant.) Vous savez, Général, c’est une soirée toute de famille.

Le Général, très gracieux, comme s’il disait la chose la plus polie du monde.

Il m’est écal, yo vienne pour mamoisselle Gautier.

La Baronne, interloquée.

Ah ? alors !… (À part, pendant que le général va parler à Lucette.) Eh bien ! au moins, il ne me l’envoie pas dire !

Viviane, arrivant de droite, traînant Bois-d’Enghien.

Eh bien ! venez donc ! Qu’est-ce que vous avez ce soir ?

Bois-d’Enghien.

Hein ! Mais rien !… (À part.) Allons, bon ! le général ici !

Le Général, qui s’est retourné, reconnaissant Bois-d’Enghien.

Tienne ! Bodégué ! Qué vous allez nous chanter quéqué chose !

Tous.

Comment, chanter quelque chose ?

Le Général.

Buéno ! Pouisqu’elle est oun ténor !

Tous.

Non ?

Viviane.

Comment ! Vous chantez, vous ?

Bois-d’Enghien.

Heu ! Oh ! vous savez !… Mais peu !… très peu !

Viviane.

Oh ! je ne savais pas. Tiens, nous ferons de la musique !

Bois-d’Enghien, au public.

Ah ! ça va bien ! ça va très bien !



Scène XIV

Les Mêmes, ÉMILE, LE NOTAIRE, puis BOUZIN dans le fond.
Émile.

Maître Lentery !

La Baronne, allant à la rencontre du notaire

Ah ! le notaire ! Bonjour, Maître Lentery.

Maître Lentery, descendant un peu et à droite (5) avec la baronne. (4)

Bonjour, Madame la baronne !… Messieurs, Mesdames !

(Le Général, après être remonté, redescend (2) causer avec Chenneviette (1) à gauche de la chaise longue.)

La Baronne.

Puisque vous voilà, nous allons pouvoir commencer de suite ! Vous avez le contrat ?

Maître Lentery.

Non, mais un de mes clercs l’apporte ! Ah ! justement le voici !

(Bouzin paraît au fond parlant à Émile.)

La Baronne.

Parfait !

Bois-d’Enghien, à part, traversant la scène, allant à Lucette.

Sapristi ! Bouzin ici ! (À Lucette.) Dis donc, Bouzin, là !

Lucette.

Bouzin ? Ah ! bien, si le général le voit ! (Elle occupe le général, en tournant le dos au public, de façon à empêcher le général de se retourner.)

La Baronne, qui est remontée à la suite du notaire, qui lui-même est allé retrouver Bouzin dans le second salon.

Mes amis, si vous voulez venir par là, pour la lecture du contrat.

De Fontanet, Viviane, Bois-d’Enghien.

Mais parfaitement. (Ils sortent, sauf Bois-d’Enghien qui gagne la droite.)

La Baronne, du fond.

Monsieur de Chenneviette ?

De Chenneviette, qui cause avec le général, à la baronne.

Mais, très honoré, Madame ! (Au général.) vous permettez, Général ?

Le Général.

Yo vous prie, Cheviotte ! (Il continue de causer avec Lucette.)

La Baronne, à Bouzin, dans le second salon.

Eh ! mais, c’est Monsieur que j’ai vu ce matin !

Bouzin, la reconnaissant.

Ah ! Madame la baronne !… Ah ! bien, si je m’attendais !… On est en pays de connaissance, alors !…

La Baronne.

Mon Dieu, oui ! (Bouzin, le notaire, Viviane, Fontanet et Chenneviette disparaissent dans la coulisse ; du fond à Lucette.) Vous ne voulez pas assister, Madame ?…

Bois-d’Enghien, sursautant.

Hein !

Lucette.

Mon Dieu, Madame, je vais achever mes petits préparatifs ici ! (Elle va à l’armoire chercher un corsage que Marceline y a précédemment accroché.)

La Baronne.

Comme vous voudrez, Madame !…

Bois-d’Enghien, poussant un soupir de soulagement.

Ouf !

La Baronne, au général.

Et vous, Général ?

Le Général, s’inclinant.

Yo vous rends grâce ! yo reste avec mamoisselle Gautier ! (Il descend à l’extrême gauche.)

La Baronne, à part.

Naturellement. (Haut.) Venez, Bois-d’Enghien !… Elle sort.

Bois-d’Enghien, empressé.

Voilà, voilà !…

Lucette, redescendant presqu’à la chaise longue, avec son corsage dont elle défait les lacets.

Ah ! tu ne vas pas y aller, toi ?

Bois-d’Enghien, subitement cloué au sol.

Ah ! tu crois que… ?

Lucette.

Mais non ! qu’est-ce que ça te fait, leur contrat ?

Bois-d’Enghien, prenant l’air indifférent.

Oh !

Lucette.

Est-ce que ça t’intéresse ?

Bois-d’Enghien, même jeu.

Moi ! Oh ! la, la, la, la !

Le Général, comme un argument sans réplique.

Est-ce qué yo l’y vais, moi ?… Bueno ?…

Bois-d’Enghien.

Oh ! vous, parbleu, tiens !… (à part, au public.) Il me paraît bien difficile, cependant, de ne pas assister à mon contrat !

Lucette, remontant vers l’armoire.

Si tu y tiens absolument, tu iras un peu à la fin…

Bois-d’Enghien, saisissant la balle au bond.

Ah ! oui !

Lucette, s’arrêtant en route.

… Avec moi ! (Elle achève d’aller à l’armoire et raccroche son corsage.)

Bois-d’Enghien, à part..

Ah ! bien, ça serait le bouquet !

Tous, dans la coulisse.

Bois-d’Enghien ! Bois-d’Enghien !

Bois-d’Enghien, à part.

Allons, bon ! les autres maintenant !… (Haut et agacé.) Voilà ! voilà !

Lucette, redescendant à la chaise longue.

Mais qu’est-ce qu’ils ont après toi ?

Bois-d’Enghien, affectant de rire.

Je ne sais pas ! je me le demande !

(Tout le monde paraît au fond, à l’exception du notaire.)
La Baronne.[6]

Eh bien ! venez donc Bois-d’Enghien ! Qu’est-ce que vous faites ? (Montrant Bouzin qui est allé se placer par habitude de bureaucrate derrière la table de droite.) Monsieur vous attend pour lire le contrat !

Le Général, apercevant Bouzin et bondissant.

Boussin !

Bouzin.

Le Général ici ! sauvons-nous ! (Poursuite autour de la table en va-et-vient, en sens contraire de la part du général et de Bouzin, puis en faisant le tour complet de la table au milieu du tumulte général.)

Le Général, faisant la chasse à Bouzin.

Boussin ici ! Encore Boussin ! Attends, Boussin ! C’est oun homme morte, Boussin ! (Bouzin s’est sauvé par la droite, en faisant tomber au passage la chaise, qui est près de la porte, dans les jambes du général. Le Général l’enjambe.)

La Baronne, dans le tumulte général.

Eh bien ! qu’est-ce qu’il y a ? Où vont-ils ?

Lucette.

Ne craignez rien, Madame ! Courez, de Chenneviette… séparez-les.

De Chenneviette.

J’y vole !

(Pendant ce dialogue très rapide au milieu du brouhaha général, ce qui en fait presque une pantomime, Bouzin s’est sauvé par la droite en faisant tomber au passage la chaise qui est à droite de la porte, dans les jambes du général. Le Général enjambe la chaise, Bois-d’Enghien, qui s’est précipité, tient le général par une basque de son habit. Chenneviette qui s’est lancé à son tour enlève à bras-le-corps Bois-d’Enghien qui lui obstrue le passage, le rejette derrière lui et se précipite à la poursuite. — Affolement des personnages qui restent. Un instant après, on aperçoit dans le second salon la poursuite qui continue. Bouzin traverse le premier le fond en courant, puis, successivement, le général et Chenneviette.)
La Baronne.

Mais en voilà une affaire ! Qu’est-ce que c’est que cet homme-là ! Qu’est-ce qu’il a après ce garçon ?

Lucette.

Excusez-le, Madame, je vous en prie !

La Baronne.

Enfin, c’est très désagréable ces histoires chez moi. (Les deux femmes continuent de parler à la fois : Lucette pour excuser le général, la baronne pour manifester son mécontentement. Enfin d’une voix impérative.) Voyons ! finissons-en ! Nous avons un contrat à lire… Bois-d’Enghien ! donnez le bras à ma fille et venez. (Elle remonte.)

Lucette[7], prise de soupçon.

Mais… pourquoi M. Bois-d’Enghien ?

La Baronne, sous le coup de l’émotion et sans réfléchir.

Comment, pourquoi ?… Parce que c’est son fiancé !

Lucette.

Son fiancé, lui… (Poussant un cri strident.) Ah ! (Elle s’évanouit.)

Tous.

Qu’est-ce qu’il y a ?

Marceline, qui a reçu Lucette dans ses bras.

Ah ! mon Dieu, ma sœur ! du secours ! elle se trouve mal !…

(Tout le monde — à l’exception de la baronne et de Viviane qui, redescendues, restent pétrifiées sur place — entoure Lucette qu’on étend sans connaissance sur la chaise longue.)
Bois-d’Enghien (5), revenant à la baronne, lui faisant carrément une scène.

Là ! voilà ! ça y est ! Vous avez prononcé le mot de fiancé, voilà !

La Baronne. (6)

Moi !

Viviane (7), faisant aussi une scène à sa mère.

Mais oui, toi !

Bois-d’Enghien.

Et on vous prévient ! (Il retourne à Lucette.)

Viviane.

Puisqu’on t’avait dit de ne pas parler de fiancé !

(La baronne énervée hausse les épaules.)
Le Général, entrant vivement par le fond gauche, emboîté par Chenneviette.

Voilà ! yo viens de le flanquer par la porte, Boussin !

De Chenneviette, à part, s’épongeant le front.

Oh ! quelle soirée, mon Dieu !

Le Général, apercevant Lucette évanouie.

Dios ! quel il a Lucette ! il est malade ! (Allant à elle.) Loucette !

Bois-d’Enghien[8], quittant Lucette et frappant dans ses mains pour presser les gens.

Vite, du vinaigre, des sels !

Marceline

J’y cours ! (Elle sort par la gauche pendant que Bois-d’Enghien, la baronne et Viviane, comme des gens qui ne savent où donner la tête, vont chercher des sels sur la toilette du fond.)

Le Général, tapant dans les mains de Lucette pendant que Chenneviette en fait autant de l’autre côté.

Mademoiselle Gautier ! révénez à moi… révénez à moi !

De Fontanet, qui est derrière la chaise longue, naïvement en se penchant sur la figure de Lucette.

Il faudrait lui faire respirer de l’air pur…

Bois-d’Enghien, revenant avec un flacon de sels.

Oui, eh bien ! alors retirez-vous de là !

De Chenneviette et Le Général.

Oui, allez-vous-en ! allez-vous-en !

Bois-d’Enghien, vivement, repassant au milieu de la scène.

C’est ça, allons-nous-en tous ! (À la baronne et à Viviane qui sont un peu remontées.) Laissons ces messieurs avec elle, nous finirons de signer par là, nous !…

Tous.

Oui, oui, c’est ça !

Le Général, d’une voix forte, au moment où Bois-d’Enghien va partir avec les deux femmes.

Oun clé ! qu’il il a oun clé ?

Bois-d’Enghien, très affairé, tirant une clé de sa poche, la donne au général et remontant tout en parlant.

Une clé, voilà. Pourquoi ?

Le Général.

Gracias ! (Il la met dans le dos de Lucette.)

Bois-d’Enghien, redescendant pour prendre sa clé.

Mais vous êtes fous ! c’est la clé de mon appartement ! elle ne saigne pas du nez !

Le Général, qui a mis la clef dans le dos.

Yo veux voir si ça fait le même !

La Baronne, s’impatientant, à Bois-d’Enghien.

Eh bien ! voyons ! allons par là, nous !

Bois-d’Enghien, cavalcadant sur place comme un homme attiré de deux côté.

Voilà, voilà ! (À part.) Je signe et je reviens.

(Tout le monde sort, à l’exception De Fontanet, du général, de Chenneviette et de Lucette évanouie. Les portes du fond se referment. Elles ne s’ouvrent plus jusqu’à la fin de l’acte qu’à deux vantaux.)



Scène XV

LUCETTE, DE FONTANET, LE GÉNÉRAL, DE CHENNEVIETTE.
Le Général.

Vite ! de l’eau, dou vinaigre ! quéqué chose ! oun liquide !

De Fontanet, remontant chercher de l’eau à la toilette du fond.

Attendez ! Attendez !

De Chenneviette.

Quelle aventure, mon Dieu !

Le Général.

Ah ! Dios mio ! Mamoisselle Gautier ! Revenez à moi !… Revenez à moi, mamoisselle Gautier !

De Fontanet, revenant avec une serviette imbibée d’eau.

Voilà de l’eau !

Le Général.

Gracias ! (Lui tamponnant le front et suppliant.) Réviens à moi, Gautier !… Gautier, réviens à moi !…

De Fontanet, qui est remonté à sa place première, derrière la chaise longue.

Vous ne croyez pas que si je lui soufflais sur le front…

De Chenneviette et Le Général, le repoussant d’un bras et vivement, avec un ensemble touchant.

Non !

De Fontanet, redescendant au 3 au milieu de la scène.

La pauvre femme ! ce qui l’a mise dans cet état, c’est le mariage de Bois-d’Enghien…

De Chenneviette, sursautant et à part.

Allons, bon !

Le Général, sans cesser de tamponner Lucette, regardant Fontanet.

Dou tenor ! qu’il loui fait soun mariache ?

De Fontanet.

Tiens, vous êtes bon, c’est son amant !

Le Général, bondissant et rejetant sa serviette sans s’apercevoir que c’est sur la figure de Lucette.

Hein !

De Chenneviette, à part, indiquant Fontanet.

Là ! l’autre crétin ! (Apercevant la serviette sur la figure de Lucette.) Oh ! (Il la retire et la tamponne à la place du général.)

Le Général, sautant à la gorge de Fontanet et le secouant comme un prunier.

Qu’ousqué tou dis ? Bodégué… il est soun amant ?…

De Fontanet, dans la figure du général.

Mais oui, qu’est-ce que vous avez ?

Le Général, qui a reçu l’haleine de Fontanet dans le nez, a un soubresaut, fait pfff… pour chasser l’odeur ; puis continuant à le secouer mais en ayant soin de tourner la tête au-dessus de son épaule droite. Il est soun amant, Bodégué ?

De Fontanet, à moitié étranglé.

Mais lâchez-moi ! voyons ! qu’est-ce qui vous prend ?



Scène XVI

Les Mêmes, BOIS-D’ENGHIEN.
Bois-d’Enghien, arrivant vivement du fond

Eh bien ! ça va-t-il mieux ?

Le Général, repoussant Fontanet qui manque de tomber et sautant à la gorge de Bois-d’Enghien qu’il fait pirouetter de façon à le faire passer du 3 au 4. C’est vous qui l’est l’amant de mamoisselle Gautier ?

Bois-d’Enghien, suffoqué.

Quoi ! qu’est-ce qu’il y a ?

Le Général, le secouant.

C’est vous qui l’est l’amant ?

De Fontanet, à part.

Oh ! j’ai fait une gaffe ! (Il s’esquive par le fond.)

Bois-d’Enghien.

Vous n’avez pas fini ? Voulez-vous me lâcher !

De Chenneviette, essayant de les calmer sans quitter Lucette.

Voyons ! Voyons !

Le Général, rejetant Bois-d’Enghien, et bien large.

Bodégué ! vous l’est qu’oun rastaquouère !…

Bois-d’Enghien.

Moi !

Le Général.

Vouss ! et yo vous touerai. (Il retourne à Lucette, lui tape dans les mains.)

Bois-d’Enghien, furieux.

Ah ! là ! me tuer ! Pourquoi d’abord ? pourquoi ?

Le Général, revenant à lui et d’une voix forte.

Porqué yo l’aime et qué yo soupporte pas il est oun baguette dans mes roues !

Bois-d’Enghien, criant plus fort que lui.

Eh bien ! vous voyez bien que je me marie !… Qu’est-ce que je demande ? C’est que vous m’en débarrassiez, de votre Lucette !

Le Général, subitement calmé.

C’est vrai ? Alors, vous n’aimez plus Loucette ?

Bois-d’Enghien, criant toujours et articulant chaque syllabe.

Mais puisque je me marie, voyons !

Le Général.

Ah ! Bodégué ! vous êtes oun ami ! (Il lui serre les mains.)

De Chenneviette.

Elle rouvre les yeux !

Bois-d’Enghien.

Laissez-moi seul avec elle ! je vais tenter un dernier va-tout !

Le Général, sortant.

Bueno, yo vous laisse ! (À Lucette, en s’en allant.) Réviens à lui… Gautier !… Gautier !… Réviens à lui !…

(Ils sortent par le fond. Bois-d’Enghien referme la porte sur eux.)



Scène XVII

BOIS-D’ENGHIEN, LUCETTE, puis la voix de LA BARONNE.
Lucette, revenant à elle.

Qu’ai-je eu ? qu’ai-je eu ?

Bois-d’Enghien, se précipitant à ses genoux.

Lucette !

Lucette, posant tendrement ses mains sur les épaules de Bois-d’Enghien, et d’une voix plaintive.

Toi ! toi ! c’est toi… mon chéri ?

Bois-d’Enghien.

Lucette, pardonne-moi, je suis un grand coupable ! pardon !

(À ces mots, l’expression de la figure de Lucette change, on sent que la mémoire lui revient peu à peu.)
Lucette, brusquement, le repoussant, ce qui manque de le faire tomber en arrière.

Ah ! ne me parle pas ! Tu me fais horreur ! (Elle s’est levée et gagne la droite.)

Bois-d’Enghien, allant à elle en marchant sur les genoux, suppliant.

Lulu, ma Lulu !

Lucette, la parole hachée par l’émotion.

Ainsi, c’est vrai !… ce contrat qu’on signait tout à l’heure ?… c’était le tien !

Bois-d’Enghien, se levant et comme un coupable qui avoue.

Eh bien ! oui, là ! c’était le mien !

Lucette.

C’était le sien ! Il l’avoue !… (Avec dégoût.) Ah ! misérable !

Bois-d’Enghien, suppliant.

Lucette !

Lucette, l’arrêtant d’un geste, avec un rictus amer.

C’est bien ! je sais ce qu’il me reste à faire ! (Elle a un grand geste de la main qui signifie : « Le sort est jeté », et passe à gauche.)

Bois-d’Enghien, inquiet.

Quoi ?

Lucette, ouvrant son sac dans lequel elle fouille.

Tu sais ce que je t’ai promis ?

Bois-d’Enghien, à part.

Qu’est-ce qu’elle m’a donc promis ?

Lucette, d’une voix étranglée.

C’est toi qui l’auras voulu ! (Tirant un revolver de son sac et sanglotant.) Adieu et sois heureux !

Bois-d’Enghien, se précipitant pour la désarmer, et lui paralysant les bras en la tenant à bras-le-corps.

Lucette ! Voyons, tu es folle, au nom du ciel !

Lucette, se débattant.

Veux-tu me laisser… veux-tu me laisser !

Bois-d’Enghien, tâchant de prendre l’arme, et cherchant en même temps tous les arguments pour la calmer.

Lucette… je t’en supplie… grâce !… d’abord par convenance… ça ne se fait pas chez les autres.

Lucette, avec un rire amer.

Ah ! ah ! c’est ça qui m’est égal !…

Bois-d’Enghien, affolé et la tenant toujours.

Et puis, écoute-moi !… quand tu m’auras entendu, tu verras… tu te rendras compte !… tandis que, si tu te tues, je ne pourrai pas t’expliquer…

Lucette, se dégageant.

Eh bien ! quoi ? quoi ?

Bois-d’Enghien, vivement.

Donne-moi ce pistolet !

Lucette, parant le mouvement de Bois-d’Enghien.

Non, non ! Parle ! parle, d’abord !

Bois-d’Enghien, avec désespoir.

Oh ! mon Dieu !

Voix de La Baronne, dans la coulisse.

Bois-d’Enghien ! Bois-d’Enghien !

Bois-d’Enghien, exaspéré.

Voilà ! voilà (Il remonte.) Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! (Haut, ouvrant la porte du fond et disparaissant à moitié.) Voilà !

Lucette, n’en pouvant plus.

Oh ! j’ai chaud !… (Elle tire sur le guidon du revolver, ce qui fait sortir un éventail avec lequel elle s’évente nerveusement.)

Bois-d’Enghien, à la cantonade, avec mauvaise humeur.

Eh bien ! oui, tout de suite ! (Fermant la porte du fond.) Ce qu’ils sont embêtants !

Lucette, à part.

Ah ! il n’est pas encore fait, ton mariage, mon bonhomme !… (Elle referme l’éventail, remet le revolver dans le sac et remonte au-dessus du guéridon, à gauche de la chaise longue où elle s’agenouille.)

Bois-d’Enghien, allant à elle et suppliant.

Lucette, je t’en prie ! du courage ! au nom de notre amour même !

Lucette, les bras en l’air, se laissant tomber tout de son long, à plat ventre, sur la chaise longue.

Notre amour ! est-ce qu’il existe encore ? (Elle sanglote la figure cachée dans ses bras, et ses bras croisés et appuyés sur le sommet du dossier de la chaise longue.)

Bois-d’Enghien, s’accroupissant derrière la chaise longue de façon à faire face à Lucette quand elle relèvera la tête.

Comment, s’il existe !

Lucette, relevant la tête avec des hoquets de douleur.

Puisque tu te maries !

Bois-d’Enghien, même jeu.

Eh bien ! qu’est-ce que ça prouve ? Est-ce que la main droite n’est pas indépendante de la main gauche ?… Je me marie d’un côté et je t’aime de l’autre !

Lucette, se redressant à moitié et les genoux sur la chaise longue, avec l’air d’abonder dans son sens ; d’une petite voix flûtée.

Oui ?

Bois-d’Enghien, avec une conviction jouée.

Parbleu ! (Il va la rejoindre à droite de la chaise longue en longeant le meuble.)

Lucette, à part, au public.

Oh ! comédien !

Bois-d’Enghien, à part, tout en allant la rejoindre.

Ce que je la lâche, une fois marié !… (Haut, en s’asseyant sur la chaise longue, côté droit.) Ma Lulu !…

Lucette, à genoux, côté gauche de la chaise longue ; jouant son jeu pour lui donner le change.

Mon nanan !… Tu m’aimes ?…

Bois-d’Enghien.

Je t’adore !

Lucette.

Chéri, va ! (Elle se redresse, toujours à genoux, et sa main droite, en venant s’appuyer sur le guéridon, se pose sur le bouquet. À part.) Oh ! quelle idée ! (Reprenant la comédie qu’elle joue et les deux bras autour du cou de Bois-d’Enghien.) Alors, nous pourrons nous aimer encore comme autrefois ?…

Bois-d’Enghien, jouant la même comédie.

Mais dame !

Lucette, avec une joie feinte.

Oh ! quelle joie !… moi qui me disais… Tu ne sais pas ce que je me disais ? « C’est fini, nos amours d’autrefois ! »

Bois-d’Enghien.

Nos amours ? Oh ! la, la, la, la !

Lucette, montrant le bouquet du général, en tenant toujours du bras gauche Bois-d’Enghien par le cou.

Tiens ! regarde ces fleurs des champs ! Elles ne te rappellent rien ?

Bois-d’Enghien, sur le même ton sentimental.

Si !… Elles me rappellent la campagne !

Lucette, avec un soupir, se redressant sur ses deux genoux et les bras en l’air, comme pour embrasser les images qu’elle évoque ; pendant que Bois-d’Enghien, le bras droit autour de sa taille, l’écoute, le corps un peu courbé.

Oui ! le temps où nous allions, comme deux étudiants, nous ébattre dans les blés !

Bois-d’Enghien, à part.

Ah ! voilà ce que je craignais : « Les petits oiseaux dans la prairie ; » les « Te souviens-tu ? »

Lucette, s’accroupissant à nouveau sur ses genoux pour rapprocher sa figure de la sienne en lui prenant le menton de la main droite.

Te souviens-tu… ?

Bois-d’Enghien, à part, le menton dans la main de Lucette.

Là, qu’est-ce que je disais ?…

Lucette.

… Nous nous roulions dans l’herbe, et moi, je prenais un bel épi… comme ça… (Elle tire un épi de seigle du bouquet.) Et je te le mettais dans le cou !… (Profitant de ce que Bois-d’Enghien l’écoute, la tête un peu baissée, elle lui plonge l’épi dans le cou.)

Bois-d’Enghien, se débattant.

Oh ! voyons, qu’est-ce que tu fais ?

Lucette, enfonçant toujours.

Et alors, il descendait… (Appuyant sur chaque syllabe en faisant au public un clignement de l’œil, comme pour dire : « Attends un peu ! » ) Il descendait…

Bois-d’Enghien, qui s’est levé, essayant de rattraper l’épi dans son cou.

Oh ! mais c’est stupide ! je ne peux pas le rattraper !

Lucette, seule, à genoux sur la chaise longue, hypocritement et d’une voix flûtée.

Vrai ? Il te gêne ?

Bois-d’Enghien.

Mais dame !

Lucette, avec une compassion feinte.

Aaah !… (Changeant de ton.) Eh ben !… Enlève-le !

Bois-d’Enghien, faisant des efforts désespérés pour retirer l’épi.

Comment, « enlève-le » ! il est sous mon gilet de flanelle !

Lucette, sur le ton le plus naturel.

Déshabille-toi !

Bois-d’Enghien, furieux.

Ah ! tu es folle ! Ici ? Quand ma soirée de contrat a lieu à côté… ?

Lucette, se levant et descendant en faisant le tour de la chaise longue.

Qu’est-ce que tu as à craindre ?… Nous fermons tout… (Elle remonte et ferme au fond et à gauche, puis redescendant.) Si on vient, on trouvera ça tout naturel, puisqu’on sait que j’ai à m’habiller ; on croira que tu es parti !…

Bois-d’Enghien.

Mais non, mais non !…

Lucette, avec lyrisme.

Ah ! tu vois bien que tu ne m’aimes plus !

Bois-d’Enghien.

Mais si, mais si !

Lucette.

Sans ça, tu ne regarderais pas à te déshabiller devant moi.

Bois-d’Enghien, toujours occupé de son épi qui le gêne et sur le même ton que son « Mais non, mais non ! » et son « Mais si, mais si ! » Mon Dieu ! mon Dieu !… (Jouant des coudes pour faire descendre son épi.) Oh ! mais c’est affreux, ce que ça pique !…

Lucette.

Mais ne sois donc pas bête !… va derrière ce paravent, et cherche-le, ton épi !

Bois-d’Enghien, remontant.

Ah ! ma foi, tant pis ! je n’y tiens plus !… C’est bien fermé, au moins ?

Lucette.

Mais oui, mais oui… (Bois-d’Enghien pénètre derrière le paravent dont il développe les feuilles autour de lui ; pendant ce temps Lucette a une pantomime au public, un geste expressif de possession, en même temps qu’elle murmure à voix basse : « Cette fois, je te tiens ! » Puis pendant ce qui suit, elle va doucement tourner la crémone de la porte du fond, puis tirer le verrou de la porte de gauche.) Et moi-même je vais commencer à m’habiller pour les choses que j’ai à chanter ! (Elle est allée prendre sa jupe de théâtre dans l’armoire et redescend près de la chaise longue.)

Bois-d’Enghien, derrière le paravent.

C’est égal ! c’est raide, ce que tu me fais faire !

Lucette, enlevant la jupe qu’elle a sur elle.

Quoi ? pourquoi ? Tu as un épi qui te gêne, c’est tout naturel que tu le cherches.

Bois-d’Enghien.

Oh ! oui ! tu as une façon d’arranger les choses !… (On aperçoit, au-dessus du paravent, sa chemise qu’il est en train d’enlever.) Ah ! je le tiens, le coquin !

Lucette, de la chaise longue, avec une passion simulée.

Tu l’as ! ah ! donne-le moi ?

Bois-d’Enghien.

Pourquoi ?

Lucette.

Pour le garder, il a été sur ton cœur !

Bois-d’Enghien, tout en restant à demi abrité par le paravent, il paraît en pantalon et en gilet de flanelle, le fameux épi à la main.

Mais non ! je l’avais dans les reins. (Il fait mine de retourner derrière son paravent.)

Lucette.

Donne-le tout de même !

Bois-d’Enghien, le lui apportant.

Le voilà !

(Il veut retourner au paravent, mais Lucette a mis le grappin sur sa main et d’un mouvement brusque l’attire à elle.)

Lucette, avec une admiration feinte.

Oh ! que tu es beau comme ça !

Bois-d’Enghien, fat.

Oh ! voyons !… (Il fait mine de retourner, Lucette l’attire de nouveau à elle.)

Lucette, même jeu.

Est-il beau ! mon Dieu, est-il beau !

Bois-d’Enghien.

Je t’assure ! Si on entrait… c’est bien fermé ?

Lucette.

Mais oui, mais oui… (L’attirant contre elle.) Ah ! te sentir là près de moi… (Se frappant sur la poitrine de la main droite, tout en le tenant de la main gauche.) Tout à moi !… en gilet de flanelle !…

Bois-d’Enghien.

Oh ! voyons !

Lucette.

Et quand je pense… quand je pense que tout cela va m’être enlevé. Oh ! non, non, je ne veux pas… je ne veux pas !… (Elle l’a saisi n’importe comment par le cou, ce qui le fait glisser à terre, tandis qu’elle se laisse tomber assise sur le canapé, paralysant ses mouvements en le tenant toujours par le cou.) Mon Fernand, je t’aime, je t’aime, je t’aime. (Elle finit par le crier.)

Bois-d’Enghien, affolé.

Mais tais-toi donc ! mais tais-toi donc ! Tu vas faire venir !

Lucette, criant.

Ça m’est égal ! qu’on vienne !… On verra que je t’aime. Oh ! mon Fernand ! je t’aime, je t’aime !… (Elle sonne, la main droite appuyée sur le timbre électrique qui retentit tant et plus.)

Bois-d’Enghien, à genoux et toujours tenu par le cou, perdant la tête.

Allons, bon ! le téléphone, à présent !… On sonne au téléphone ! Oh ! la, la !… mais tais-toi donc ! tais-toi donc !

(Pendant tout ce qui précède, cris continus de Lucette.)
Voix au dehors.

Qu’est-ce qu’il y a ? Ouvrez !

Bois-d’Enghien.

On n’entre pas ! Mais tais-toi donc ! Mais tais-toi donc !

(La porte du fond cède et tous les personnages de la soirée paraissent à l’embrasure. Marceline paraît à gauche.)



Scène XVIII

Les Mêmes, LA BARONNE, VIVIANE, DE CHENNEVIETTE, LE GÉNÉRAL, MARCELINE, DE FONTANET, Invités, Invitées.
Tout le monde[9].

Oh !

Bois-d’Enghien.

On n’entre pas, je vous dis ! On n’entre pas !

La Baronne, cachant la tête de sa fille contre sa poitrine.

Horreur ! En gilet de flanelle !

Lucette, comme sortant d’un rêve.

Ah ! jamais ! jamais je n’ai été aimée comme ça !

Bois-d’Enghien.

Qu’est-ce qu’elle dit ?

Tous.

Quel scandale !…

La Baronne.

Une pareille chose chez moi ! sortez, Monsieur ! Tout est rompu !…

Bois-d’Enghien.

Mais, Madame !…

Le Général, qui vient d’entrer, et descendant vers Bois-d’Enghien.

Demain, à la matin, yo vous touerai !

Bois-d’Enghien, désespéré.

Mon Dieu ! mon Dieu !…


RIDEAU

  1. V. — M. B. — La B.
  2. V. — La B.
  3. V. — La B. — F. — B.
  4. V. — La B. — F. sur la chaise longue. — B.
  5. Viv. 1 et Font. 2 au-dessus de la ch. longue. — Luc. 3. — La B. 4. — Marc. 5 — Ch. 6 près de la table.
  6. Ch. — Le G. — M. — L. — B. d’E. — la B. — V. — F. — B.
  7. M. à gauche du canapé. — F. au-dessus. — L. à droite. — La B. — V. — B. d’E.
  8. M. à gauche de la chaise longue, — Ch. au-dessus à gauche, F. au-dessus au centre. Le général à droite. Tous quatre entourant Lucette évanouie et étendue. — B. d’E. (6) un peu au-dessous du G. — La B. — V.
  9. M. — L. sur la chaise longue. — Ch. et F. au-dessus. — B. d’E. — La B. — V.