Wikisource:Extraits/2012/47

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Nicolas Musart, Notice sur Michel de Montaigne 1847


NOTICE
sur
MICHEL DE MONTAIGNE.


Michel, seigneur de Montaigne, naquit le 28 février 1533, au château de Montaigne en Périgord, de Pierre Eyquem, seigneur de Montaigne. Son père, dont il était le troisième enfant, apporta à son éducation un soin particulier, et l’environna, dès sa plus tendre enfance, des chefs-d’œuvre des anciens. Ce fut à leur école que Montaigne prit ce goût exquis et ce style énergique et franc, dont il n’aurait trouvé aucun modèle autour de lui. Il fut confié, avant le développement de la parole, à un maître, allemand de nation, très-versé dans la langue latine, mais ignorant entièrement le français. Ce maître, qui en avait deux autres en sous-ordre, portait continuellement le jeune Montaigne entre ses bras, et ne lui parlait qu’en latin. Quant au reste de la maison, c’était une règle inviolable, que le père, la mère et les domestiques ne s’exprimeraient en sa présence qu’en autant de mots latins que chacun en avait appris pour jargonner avec l’enfant. Aussi, dès l’âge de dix ans, Michel sut parfaitement la langue de Cicéron et de Virgile. Nous nous latinisâmes tant, dit-il lui-même, qu’il en regorgea jusqu’à nos villages tout autour, où il y a encore et ont pris pied plusieurs appellations latines d’artisans et d’outils.

Quant au grec, Montaigne l’étudia par art, mais sous forme d’ébats et d’exercices : Nous pelotions nos déclinaisons, dit-il, à la manière de ceux qui, par certains jeux de tablier (d’échiquier), apprennent l’arithmétique et la géométrie. On lui faisait aussi goûter la science et le devoir, sans forcer sa volonté, et on l’élevait avec tant de douceur, que, pour ne pas troubler son cerveau encore tendre, en l’arrachant trop brusquement au sommeil profond auquel les enfants sont sujets, son père le faisait éveiller au son d’un instrument.

Malgré le succès que tant de soins semblaient promettre, ce bon père, craignant de faillir en chose qu’il avait tant à cœur, finit par se ranger à la coutume, et envoya son fils, âgé d’un peu plus de six ans, au collège de Bordeaux, où le jeune élève