Wikisource:Extraits/2014/9

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Jane Austen, L’Abbaye de Northanger 1818

Traduction Hyacinthe de Ferrières 1824



L’ABBAYE


DE NORTHANGER.




CHAPITRE I.


De toutes les personnes qui ont connu Catherine Morland, dans son enfance, il n’en est pas qui aient dû la croire née pour figurer comme héroïne de roman. Le caractère de son père, celui de sa mère, le sien propre, sa personne, sa position dans la société, tout enfin semblait la destiner à l’obscurité, qui est le partage de la multitude. Son père, Pasteur respectable, n’avait rien de distingué, ni dans la personne, ni dans les manières ; il s’occupait beaucoup du soin de sa fortune, modeste, mais indépendante, et très-peu de l’éducation de ses enfans. Mistriss Morland joignait le bon sens à la bonhomie ; bien constituée, elle avait eu trois fils avant la naissance de Catherine, et, en dépit de la prédiction de plusieurs bonnes femmes de son voisinage, qui lui avaient prophétisé qu’elle perdrait le jour en le donnant à cette dernière, elle eut encore depuis six autres enfans. La santé parfaite de cette bonne mère, heureuse de voir tous ses enfans croître autour d’elle, donnait un grand échec à la science des tireuses d’horoscopes.

C’est une belle famille que celle qui est composée de dix enfans, tous sains et bien conformés ! Voilà ce qu’on admirait dans celle de Mistriss Morland. On y remarquait aussi un trait commun à tous, celui d’une simplicité un peu trop grande peut-être, dont Catherine n’était pas plus exempte que les autres.

Dans la plus tendre jeunesse, Catherine avait de la vivacité dans les yeux, mais