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Jean-Baptiste Dumas, Leçons sur la philosophie chimique : quatrième leçon 1837


QUATRIÈME LEÇON.

(7 mai 1836.)
Premiers essais de Lavoisier. — Point de départ de sa théorie. — Résumé de ses travaux. — Sa discussion du phlogistique. — Son Traité de Chimie. — Ses expériences sur la chaleur. — Discussion de l’essai de J. Rey. — Réclamation de Lavoisier. — Sa mort. — Conclusion.

Messieurs,

En 1770, vous l’avez vu, Schéele ouvre la série si brillante des Mémoires nombreux et pleins de faits qui lui ont acquis une illustration dont j’ai essayé de vous expliquer les causes. Dès ses premiers travaux, il montre toute son habileté dans cet art de l’analyse qualitative, qui a toujours été sa méthode de prédilection. À mesure qu’il avance, elle se perfectionne entre ses mains ; et par l’examen des Mémoires successifs que nous devons à cet homme célèbre, il est facile de s’assurer que cette méthode y est toujours mise en œuvre, et qu’elle devient toujours pour lui d’un emploi plus commode et plus sûr. C’est en elle que l’on trouve vraiment le cachet de son génie ; car personne n’avait su, comme lui, reconnaître dans une réaction l’existence d’un corps nouveau, et, quand une réaction l’avait mis sur la voie d’un nouveau corps, personne, comme lui, n’avait su parvenir à l’isoler et à le mettre en évidence aux yeux de tous. On se ferait donc une juste idée de la nature de son talent, en disant que c’est l’un des créateurs de l’analyse qualitative et surtout de l’analyse par voie humide, genre de recherches dont le goût s’est perpétué chez les chimistes suédois qui lui ont succédé.

Ce n’est point à Priestley que nous devons la découverte d’une méthode propre à recueillir les gaz : d’autres, avant lui, avaient su le faire ; mais nul n’avait compris que leur formation fût si fréquente, que leur nature fût si variée, et lui seul a su les saisir partout où ils se produisent. Priestley nous a dotés d’ailleurs d’un art tout nouveau, l’art de mettre un gaz en rapport avec toutes les autres substances, malgré son état de fluide élastique ; et cet art, Priestley l’a possédé à un tel degré, qu’aujourd’hui même presque toutes les méthodes que nous employons dans le maniement des gaz se trouvent décrites dans ses ouvrages.

Cette même année 1770 qui a vu paraître les premiers travaux de Schéele et de Priestley, à laquelle il faut remonter pour retrouver les premiers linéaments du génie propre de ces deux hommes, cette même année, dis-je, se trouve marquée par l’apparition du premier Mémoire chimique de Lavoisier. C’est d’une recherche fort simple au fond qu’il est question dans ce Mémoire ; mais, quand on examine avec attention la méthode de l’auteur, on reconnaît avec surprise que le jeune Lavoisier, de même que ses deux illustres compétiteurs, possède déjà, et qu’il possède seul la méthode et l’instrument dont l’emploi constant doit caractériser plus tard toutes ses recherches.

Lavoisier se propose dans ce Mémoire de résoudre une question de la plus haute importance : il s’agit de savoir si l’eau possède ou non la propriété de se convertir en terre.