Wikisource:Extraits/2016/8

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Paul Langevin, Le Principe de Relativité 1922



LE PRINCIPE DE RELATIVITÉ

PAUL LANGEVIN

Conférence faite à la Société Française des Électriciens

Le 9 novembre 1919, la Société royale et la Société astronomique de Londres se réunissaient en séance solennelle, sous la présidence de Sir Joseph Thomson, pour recevoir communication des résultats obtenus par les deux expéditions chargées d’observer l’éclipse totale de Soleil du 29 mai 1919. Le but essentiel de ces expéditions était de vérifier les prévisions théoriques de M. Einstein sur la déviation de la lumière par le champ de gravitation du Soleil : une étoile vue dans une direction voisine du bord de l’astre devait paraître écartée de sa position normale d’un angle égal à 1''74 vers l’extérieur du Soleil. La vérification complète, qualitative et quantitative de cette prévision, venant après d’autres confirmations expérimentales non moins frappantes dont j’ai l’intention de vous entretenir ici, appelle vivement l’attention, même du grand public, si l’on en juge par les nombreux articles que lui a consacrés la presse, sur la théorie de la relativité grâce à laquelle ces résultats ont été obtenus. La puissance d’explication et de prévision de cette théorie, imposée par les faits et confirmée par eux, est aussi grande que sa structure logique est rigoureuse et belle. Son développement a été poursuivi, principalement par M. Einstein, avec une admirable continuité de pensée, en deux étapes principales : celle de la relativité restreinte de 1905 à 1912 et depuis 1912 celle de la relativité généralisée. La nouveauté et quelquefois l’étrangeté des conceptions auxquelles elle conduit rend particulièrement difficile sa pleine intelligence, mais son importance justifie.largement l’effort qu’elle peut demander. Son étude est d’autant plus nécessaire qu’elle représente l’aboutissement actuel du travail progressif d’adaptation de la pensée aux faits et d’élimination des absolus arbitraires introduits dans les constructions provisoires par lesquelles la Science a tenté, avec un succès croissant, de représenter les lois de l’Univers.

I.

La relativité restreinte.

1. La relativité en Mécanique. — L’expérience montre que les phénomènes mécaniques se passent de la même manière lorsqu’ils sont observés à partir de systèmes matériels en mouvement de translation uniforme les uns par rapport aux autres, qu’ils suivent les mêmes lois pour des observateurs liés à la Terre et pour d’autres opérant à l’intérieur d’un véhicule lancé à toute vitesse