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Jean-Antoine Chaptal, Progrès de l’Instruction publique en France. dans Rapport et projet de loi sur l’Instruction publique 1801


RAPPORT
ET PROJET DE LOI
SUR
L’INSTRUCTION PUBLIQUE,

Progrès de l’Instruction publique en France.

Les premiers temps de la monarchie ne présentent aucune trace d’éducation nationale.

Le clergé, seul dépositaire d’un petit nombre de connaissances, ne les transmettait qu’à ceux qu’il initiait dans ses mystères.

La noblesse, uniquement occupée du métier des armes, semblait dédaigner l’instruction. Son ignorance fut tellement prolongée, que, mème du temps de Charlemagne, on trouvait peu de nobles qui sussent écrire.

Ce n’est qu’au onzième siècle qu’on commença à cultiver les arts libéraux : mais leur étude fut exclusivement réservée à la noblesse et au clergé.

Vers la fin de ce même siècle, parurent en France les ouvrages d’Aristote : ils furent successivement étudiés, proscrits et brûlés.

Alors furent jetés les premiers fondemens de cette fameuse Université, qu’on a vue tour-à-tour protectrice ou tyran des arts, selon ses craintes, son ambition ou ses intérêts. Ce ne fut, jusqu’au quatorzième siècle, qu’un corps de maîtres ambulans, dévoués aux volontés du grand pontife, et toujours prêts à lui sacrifier leurs opinions et leur patrie.

La théologie, le droit civil et la médecine, furent long-temps les seuls objets des études publiques. Cependant les collèges s’établissaient peu à peu ; et quoiqu’ils ne formassent, dans le principe, que quelques séminaires où l’on élevait les jeunes gens destinés au service des autels, l’habitude de la réflexion, le résultat de la discussion, laissaient pénétrer dans ces écoles le doute et l’incertitude, et préparaient la chute de tous ces monumens élevés par l’ignorance à la superstition.

Les premiers germes de la vérité, jetés dans ces écoles, devaient bientôt s’y développer : quelques traits de lumière, sortis par intervalles du sein des ténèbres, éclairaient depuis long-temps sur des erreurs grossières ; et les guerres civiles sur-tout, montrant au peuple sa force, au clergé et à la noblesse leur dépendance réelle, rendaient nécessaires les progrès des véritables connaissances. Le clergé se vit donc forcé d’admettre la bourgeoisie à participer aux études publiques : il se réserva néanmoins le droit exclusif de l’enseignement et du choix des études.

Ces faibles traces d’instruction, ces légers progrès de l’esprit humain, ces premières conquêtes de la raison sur les préjugés, préparaient peu à peu les