Psychopathia sexualis/Chapitre I

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Psychopathia sexualis
(Édition allemande originale : 1886. Édition française : 1895)

Traduction d’Émile Laurent (1861-1904)
et de Sigismond Csapo


Page de titre
Préface
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Chapitre V
Table des matières


Deux types d'appels de note :

  • [1] : note du texte original ;
  • [ws 1] : commentaire d’un contributeur à Wikisource.





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FRAGMENTS D’UNE PSYCHOLOGIE DE LA VIE SEXUELLE



I

FRAGMENTS D’UNE PSYCHOLOGIE
DE LA VIE SEXUELLE
L’instinct sexuel comme base des sentiments éthiques. – L’amour comme passion.– La vie sexuelle aux diverses époques de la civilisation. – La pudeur. – Le Christianisme. – La monogamie. – La situation de la femme dans l’Islam. – Sensualité et moralité. – La vie sexuelle se moralise avec les progrès de la civilisation. – Périodes de décadence morale dans la vie des peuples. – Le développement des sentiments sexuels chez l’individu. – La puberté. – Sensualité et extase religieuse. – Rapports entre la vie sexuelle et la vie religieuse. – La sensualité et l’art. – Caractère idéaliste du premier amour. – Le véritable amour. – La sentimentalité. – L’amour platonique. – L’amour et l’amitié. – Différence entre l’amour de l’homme et celui de la femme. – Célibat. – Adultère. – Mariage. – Coquetterie. – Le fétichisme physiologique. – Fétichisme religieux et érotique. – Les cheveux, les mains, les pieds de la femme comme fétiches. – L’œil, les odeurs, la voix, les caractères psychiques comme fétiches.

La perpétuité de la race humaine ne dépend ni du hasard ni du caprice des individus : elle est garantie par un instinct naturel tout-puissant, qui demande impérieusement à être satisfait. La satisfaction de ce besoin naturel ne procure pas seulement une jouissance des sens et une source de bien-être physique, mais aussi une satisfaction plus élevée : celle de perpétuer notre existence passagère en léguant nos qualités physiques et intellectuelles à de nouveaux êtres. Avec l’amour physiologique, dans cette poussée de volupté à assouvir son instinct, l’homme est au même niveau que la bête ; mais il peut s’élever à un degré où l’instinct naturel ne fait plus de lui un esclave sans volonté, où les passions, malgré leur origine sensuelle, font naître en lui des sentiments plus élevés et plus nobles, et lui ouvrent un monde de sublime beauté morale.

C’est ainsi qu’il peut se placer au-dessus de l’instinct aveugle et trouver dans la source inépuisable de ses sens un objet de stimulation pour un plaisir plus noble, un mobile qui le pousse au travail sérieux et à la lutte pour l’idéal. Aussi Maudsley[1] a très justement remarqué que le sentiment sexuel est la base du développement des sentiments sociaux. « Si on ôtait à l’homme l’instinct de la procréation et de tout ce qui en résulte intellectuellement, on arracherait de son existence toute poésie et peut-être toute idée morale. »

En tout cas la vie sexuelle est le facteur le plus puissant de l’existence individuelle et sociale, l’impulsion la plus forte pour le déploiement des forces, l’acquisition de la propriété, la fondation d’un foyer, l’inspiration des sentiments altruistes qui se manifestent d’abord pour une personne de l’autre sexe, ensuite pour les enfants et qui enfin s’étendent à toute la société humaine. Ainsi toute l’éthique et peut-être en grande partie l’esthétique et la religion sont la résultante du sens sexuel.

Mais, si la vie sexuelle peut devenir la source des plus grandes vertus et de l’abnégation complète, sa toute-puissance offre aussi le danger de la faire dégénérer en passion puissante et de donner naissance aux plus grands vices.

L’amour, en tant que passion déchaînée, ressemble à un volcan qui brûle tout et consomme tout ; c’est un gouffre qui ensevelit l’honneur, la fortune et la santé.

Au point de vue de la psychologie, il est fort intéressant de suivre toutes les phases du développement que la vie sexuelle a traversées aux diverses époques de la civilisation jusqu’à l’heure actuelle[2]. À l’état primitif, la satisfaction des besoins sexuels est la même pour l’homme et pour les animaux. L’acte sexuel ne se dérobe pas au public ; ni l’homme ni la femme ne se gênent pour aller tout nus[3].

On peut constater encore aujourd’hui cet état primitif chez beaucoup de peuples sauvages tels que les Australiens, les Polynésiens et les Malais des Philippines.

La femme est le bien commun des hommes, la proie temporaire du plus fort, du plus puissant. Celui-ci recherche les plus beaux individus de l’autre sexe et par là il fait instinctivement une sorte de sélection de la race.

La femme est une propriété mobilière, une marchandise, objet de vente, d’échange, de don, tantôt instrument de plaisir, tantôt instrument de travail.

Le relèvement moral de la vie sexuelle commence aussitôt que la pudeur entre dans les mœurs, que la manifestation et l’accomplissement de la sexualité se cachent devant la société, et qu’il y a plus de retenue dans les rapports entre les deux sexes. C’est de là qu’est venue l’habitude de se couvrir les parties génitales –  « ils se sont aperçu qu’ils étaient nus »  – et de faire en secret l’acte sexuel.

La marche vers ce degré de civilisation a été favorisée par le froid du climat qui fait naître le besoin de se couvrir le corps. Ce qui explique en partie ce fait, résultant des recherches anthropologiques, que la pudeur s’est manifestée plus tôt chez les peuples du Nord que chez les Méridionaux[4].

Un autre résultat du développement psychique de la vie sexuelle, c’est que la femme cesse d’être une propriété mobilière. Elle devient une personne, et, bien que pendant longtemps encore sa position sociale soit de beaucoup inférieure à celle de l’homme, l’idée que la femme a le droit de disposer de sa personne et de ses faveurs, commence à être adoptée et gagne sans cesse du terrain.

Alors la femme devient l’objet des sollicitations de l’homme. Au sentiment brutal du besoin sexuel se joignent déjà des sentiments éthiques. L’instinct se spiritualise, s’idéalise. La communauté des femmes cesse d’exister. Les individus des deux sexes se sentent attirés l’un vers l’autre par des qualités physiques et intellectuelles, et seuls deux individus sympathiques s’accordent mutuellement leurs faveurs. Arrivée à ce degré, la femme sent que ses charmes ne doivent appartenir qu’à l’homme qu’elle aime ; elle a donc tout intérêt à les cacher aux autres. Ainsi, avec la pudeur apparaissent les premiers principes de la chasteté et de la fidélité conjugale, pendant la durée du pacte d’amour.

La femme arrive plus tôt à ce niveau social, quand les hommes, abandonnant la vie nomade, se fixent à un endroit, créent pour la femme un foyer, une demeure. Alors, naît en même temps le besoin de trouver dans l’épouse une compagne pour le ménage, une maîtresse pour la maison.

Parmi les peuples d’Orient les anciens Égyptiens, les Israélites et les Grecs, parmi les nations de l’Occident les Germains, ont atteint dans l’antiquité ce degré de civilisation. Aussi trouve-t-on chez eux l’appréciation de la virginité, de la chasteté, de la pudeur et de la fidélité conjugale, tandis que chez les autres peuples plus primitifs on offrait sa compagne à l’hôte pour qu’il en jouisse charnellement.

La moralisation de la vie sexuelle indique déjà un degré supérieur de civilisation, car elle s’est produite beaucoup plus tard que beaucoup d’autres manifestations de notre développement intellectuel. Comme preuve, nous ne citerons que les Japonais chez qui l’on a l’habitude de n’épouser une femme qu’après qu’elle a vécu pendant des années dans les maisons de thé qui là-bas jouent le même rôle que les maisons de prostitution européennes. Chez les Japonais, on ne trouve pas du tout choquant que les femmes se montrent nues. Toute femme non mariée peut se prostituer sans perdre de sa valeur comme future épouse. Il en ressort que, chez ce peuple curieux, la femme, dans le mariage, n’est qu’un instrument de plaisir, de procréation et de travail, mais qu’elle ne représente aucune valeur éthique.

La moralisation de la vie sexuelle a reçu son impulsion la plus puissante du christianisme, qui a élevé la femme au niveau social de l’homme et qui a transformé le pacte d’amour entre l’homme et la femme en une institution religieuse et morale[5].

Ainsi on a admis ce fait que l’amour de l’homme, au fur et à mesure que marche la civilisation, ne peut avoir qu’un caractère monogame et doit se baser sur un traité durable. La nature peut se borner à exiger la perpétuité de la race ; mais une communauté, soit famille, soit État, ne peut exister sans garanties pour la prospérité physique, morale et intellectuelle des enfants procréés. En faisant de la femme l’égale de l’homme, en instituant le mariage monogame et en le consolidant par des liens juridiques, religieux et moraux, les peuples chrétiens ont acquis une supériorité matérielle et intellectuelle sur les peuples polygames et particulièrement sur les partisans de l’Islam.

Bien que Mahomet ait eu l’intention de donner à la femme comme épouse et membre de la société, une position plus élevée que celle d’esclave et d’instrument de plaisir, elle est restée, dans le monde de l’Islam, bien au-dessous de l’homme, qui seul peut demander le divorce et qui l’obtient facilement.

En tout cas, l’Islam a exclu la femme de toute participation aux affaires publiques et, par là, il a empêché son développement intellectuel et moral. Aussi, la femme musulmane est restée un instrument pour satisfaire les sens et perpétuer la race, tandis que les vertus de la femme chrétienne, comme maîtresse de maison, éducatrice des enfants et compagne de l’homme, ont pu se développer dans toute leur splendeur. L’Islam, avec sa polygamie et sa vie de sérail, forme un contraste frappant en face de la monogamie et de la vie de famille du monde chrétien. Ce contraste se manifeste aussi dans la manière dont les deux cultes envisagent la vie d’outre-tombe. Les croyants chrétiens rêvent un paradis exempt de toute sensualité terrestre et ne promettant que des délices toutes spirituelles ; l’imagination du musulman rêve d’une existence voluptueuse dans un harem peuplé de superbes houris

Malgré tout ce que la religion, l’éducation et les mœurs peuvent faire pour dompter les passions sensuelles, l’homme civilisé est toujours exposé au danger d’être précipité de la hauteur de l’amour chaste et moral dans la fange de la volupté brutale.

Pour se maintenir à cette hauteur-là, il faut une lutte sans trêve entre l’instinct et les bonnes mœurs, entre la sensualité et la moralité. Il n’est donné qu’aux caractères doués d’une grande force de volonté de s’émanciper complètement de la sensualité et de goûter cet amour pur qui est la source des plus nobles plaisirs de l’existence humaine.

L’humanité est-elle devenue plus morale au cours de ces derniers siècles ? Voilà une question sujette à discussion. Dans tous les cas elle est devenue plus pudique, et cet effet de la civilisation, qui consiste à cacher les besoins sensuels et brutaux, est du moins une concession faite par le vice à la vertu.

En lisant l’ouvrage de Scherr (Histoire de la civilisation allemande), chacun recueillera l’impression que nos idées de moralité se sont épurées en comparaison de celles du Moyen Âge ; mais il faudra bien admettre que la grossièreté et l’indécence de cette époque ont fait place à des mœurs plus décentes sans qu’il y ait plus de moralité.

Si cependant on compare des époques plus éloignées l’une de l’autre, on constatera sûrement que, malgré des décadences périodiques, la moralité publique a fait des progrès à mesure que la civilisation s’est développée, et que le christianisme a été un des moyens les plus puissants pour amener la société sur la voie des bonnes mœurs.

Nous sommes aujourd’hui bien loin de cet âge où la vie sexuelle se manifestait dans l’idolâtrie sodomite, dans la vie populaire, dans la législation, et dans la pratique du culte des anciens Grecs, sans parler du culte du Phallus et de Priape chez les Athéniens et les Babyloniens, ni des Bacchanales de l’antique Rome, ni de la situation privilégiée que les hétaïres ont occupée chez ces peuples.

Dans ce développement lent et souvent imperceptible de la moralité et des bonnes mœurs, il y a quelquefois des secousses et des fluctuations, de même que dans l’existence individuelle la vie sexuelle a son flux et son reflux.

Dans la vie des peuples les périodes de décadence morale coïncident toujours avec les époques de mollesse et de luxe. Ces phénomènes ne peuvent se produire que lorsqu’on demande trop au système nerveux qui doit satisfaire à l’excédent des besoins. Plus la nervosité augmente, plus la sensualité s’accroît, poussant les masses populaires aux excès et à la débauche, détruisant les bases de la société : la moralité et la pureté de la vie de famille. Et quand la débauche, l’adultère et le luxe ont rongé ces bases, l’écroulement de l’État, la ruine politique et morale devient inévitable. L’exemple de Rome, de la Grèce, de la France sous Louis xiv et Louis xv, peuvent nous servir de leçons[6]. Dans ces périodes de décadence politique et morale on a vu des aberrations monstrueuses de la vie sexuelle, mais ces aberrations ont pu, du moins en partie, être attribuées à l’état névropathologique ou psychopathologique de la population.

Il ressort de l’histoire de Babylone, de Ninive, de Rome, de même que de celle des capitales modernes, que les grandes villes sont des foyers de nervosité et de sensualité dégénérée. À ce propos il faut rappeler que, d’après l’ouvrage de Ploss, les aberrations du sens génésique ne se produisent pas chez les peuples barbares ou semi-barbares, si l’on veut excepter les Aleutes et la masturbation des femmes orientales et hottentotes[7].

L’étude de la vie sexuelle de l’individu doit commencer au moment du développement de la puberté et le suivre à travers toutes ses phases, jusqu’à l’extinction du sens sexuel.

Mantegazza, dans son livre : Physiologie de l’Amour, fait une belle description de la langueur et des désirs qui se manifestent à l’éveil de la vie sexuelle, de ces pressentiments, de ces sentiments vagues dont l’origine remonte à une époque bien antérieure au développement de la puberté. Cette période est peut-être la plus importante au point de vue psychologique. Le nombre de nouvelles idées et de nouveaux sentiments qu’elle fait naître nous permet déjà de juger de l’importance que l’élément sexuel exerce sur la vie psychique.

Ces désirs d’abord obscurs et incompris, naissent de sensations que des organes qui viennent de se développer ont éveillées ; ils produisent en même temps une vive agitation dans le monde des sentiments.

La réaction psychologique de la vie sexuelle se manifeste dans la période de la puberté par des phénomènes multiples, mais tous mettent l’âme dans un état passionnel et tous éveillent le désir ardent d’exprimer sous une forme quelconque cet état d’âme étrange, de l’objectiver pour ainsi dire.

La poésie et la religion s’offrent d’elles-mêmes pour satisfaire ce besoin ; elles reçoivent un stimulant de la vie sexuelle elle-même, lorsque la période de développement du sens génésique est passée et que les désirs incompris et obscurs sont précisés. Qu’on songe combien fréquente est l’extase religieuse à l’âge de la puberté, combien de fois des tentations sexuelles se sont produites dans la vie des Saints[8] et en quelles scènes répugnantes, en quelles orgies ont dégénéré les fêtes religieuses de l’antiquité, de même que les meetings de certaines sectes modernes, sans parler du mysticisme voluptueux qui se trouve dans les cultes des peuples de l’antiquité.

Par contre, nous voyons souvent la volupté non satisfaite chercher et trouver une compensation dans l’extase religieuse[9].

La connexité entre le sens sexuel et religieux se montre aussi dans le domaine psychopathologique. Il suffit de rappeler à ce propos la puissante sensualité que manifestent beaucoup d’individus atteints de monomanie religieuse ; la confusion bizarre du délire religieux et sexuel, comme on le constate si souvent dans les psychoses, par exemple chez les femmes maniaques qui s’imaginent être la mère de Dieu, mais surtout dans les psychoses produites par la masturbation ; enfin les flagellations cruelles et voluptueuses, les mutilations, les castrations et même le crucifiement, tous actes inspirés par un sentiment maladif d’origine religieuse et génitale en même temps.

Quand on veut expliquer les corrélations psychologiques qui existent entre la religion et l’amour, on se heurte à de grandes difficultés. Pourtant les analogies ne manquent pas.

Le sens sexuel et le sens religieux, envisagés au point de vue psychologique, se composent l’un et l’autre de deux éléments.

La notion la plus primitive de la religion, c’est le sentiment de la dépendance, fait constaté par Schleiermacher bien avant que les sciences nouvelles de l’anthropologie et de l’ethnographie aient abouti au même résultat par l’observation de l’état primitif. Chez l’homme seul, arrivé à un niveau de civilisation plus élevé, le deuxième élément qui est vraiment éthique, c’est-à-dire l’amour de la divinité, entre dans le sentiment religieux. Aux mauvais démons des peuples primitifs succèdent les êtres à deux faces, tantôt bons, tantôt irrités, qui peuplent les mythologies plus compliquées ; enfin on arrive à l’adoration du Dieu souverainement bon, distributeur du salut éternel, que ce salut soit la prospérité terrestre promise par Jéhovah, ou les délices du paradis de Mahomet, ou la béatitude éternelle du ciel des chrétiens, ou le Nirvana espéré par les Bouddhistes.

Pour le sens sexuel, c’est l’amour, l’espoir d’une félicité sans bornes, qui est l’élément primaire. En second lieu apparaît le sentiment de la dépendance. Ce sentiment existe en germe chez les deux êtres ; pourtant il est plus développé chez la femme, étant donnés la position sociale de cette dernière et son rôle passif dans la procréation ; par exception, il peut prévaloir chez des hommes dont le caractère psychique tend vers le féminisme.

Dans le domaine religieux aussi bien que dans le domaine sexuel, l’amour est mystique et transcendantal. Dans l’amour sexuel, on n’a pas conscience du vrai but de l’instinct, la propagation de la race, et la force de l’impulsion est si puissante qu’on ne saurait l’expliquer par une connaissance nette de la satisfaction. Dans le domaine religieux le bonheur désiré et l’être aimé sont d’une nature telle qu’on ne peut pas en avoir une conception empirique. Ces deux états d’âme ouvrent donc à l’imagination le champ le plus vaste. Tous les deux ont un objet illimité : le bonheur, tel que le mirage de l’instinct sexuel le présente, paraît incomparable et incommensurable à côté de toutes les autres sensations de plaisir ; on peut en dire autant des félicités promises par la foi religieuse et qu’on se représente comme infinies en temps et en qualité.

L’infini étant commun aux deux états d’âme que nous venons de décrire, il s’ensuit que ces deux sentiments se développent avec une puissance irrésistible et renversent tous les obstacles qui s’opposent à leur manifestation. Leur similitude en ce qui concerne la nature inconcevable de leur objet, fait que ces deux états d’âme sont susceptibles de passer à l’état d’une vague extase où la vivacité du sentiment l’emporte sur la netteté et la stabilité des idées. Dans ce délire, l’espoir d’un bonheur inconcevable ainsi que le besoin d’une soumission illimitée jouent un rôle également important.

Les points communs qui existent entre les deux extases, points que nous venons d’établir, expliquent comment, lorsqu’elles sont poussées à un degré très élevé, l’une peut être la conséquence de l’autre, ou bien l’une et l’autre peuvent surgir en même temps, car toute émotion forte d’une fibre vivante de l’âme peut exciter les autres. La sensation qui agit d’une manière continuelle et égale évoque tantôt l’une, tantôt l’autre de ces deux sphères imaginatives. Ces deux états d’âme peuvent aussi dégénérer en un penchant à la cruauté active ou passive.

Dans la vie religieuse cet état engendre le besoin d’offrir des sacrifices. On offre un holocauste d’abord parce qu’on croit qu’il sera apprécié matériellement par la divinité, ensuite pour l’honorer et lui rendre hommage, comme tribut ; enfin parce qu’on croit expier par ce moyen le péché ou la faute qu’on a commise envers la divinité, et acquérir la félicité.

Si, comme cela arrive dans toutes les religions, le sacrifice consiste dans la torture de soi-même, il est, chez les natures religieuses très sensibles, non seulement un symbole de soumission et le prix d’un bonheur futur acheté par les peines du moment, mais c’est aussi une joie réelle, parce que tout ce qu’on croit venir de la divinité chérie, tout ce qui se fait par son commandement ou en son honneur, doit remplir l’âme de plaisir. L’ardeur religieuse devient alors l’extase, état dans lequel l’intellect est tellement préoccupé des sensations et des jouissances psychiques que la notion de la torture subie peut exister sans la sensation de la douleur.

L’exaltation du délire religieux peut amener à trouver de la joie dans le sacrifice des autres, si la notion du bonheur religieux est plus forte que la pitié que nous inspire la douleur d’autrui. Des phénomènes analogues peuvent se produire dans le domaine de la vie sexuelle ainsi que le prouvent le Sadisme et particulièrement le Masochisme.

Ainsi l’affinité souvent constatée entre la religion, la volupté et la cruauté[10], peut se résumer par la formule suivante : le sens religieux et le sens sexuel, arrivés au maximum de leur développement, présentent des similitudes en ce qui concerne le quantum et la nature de l’excitation ; ils peuvent donc se substituer dans certaines conditions. Tous deux peuvent dégénérer en cruauté, si les conditions pathologiques nécessaires existent.

Le facteur sexuel exerce aussi une grande influence sur le développement du sens esthétique. Que seraient les beaux-arts et la poésie sans l’élément sexuel ! C’est l’amour sensuel qui donne cette chaleur d’imagination sans laquelle il n’y a pas de véritable œuvre d’art ; c’est à la flamme des sentiments sensuels que l’art puise son brûlant enthousiasme. On comprend alors pourquoi les grands poètes et les grands artistes sont des natures sensuelles. Le monde de l’idéal s’ouvre quand le sens sexuel fait son apparition. Celui qui, à cette période de la vie, n’a pu s’enflammer pour le beau, le noble et le grand, restera un philistin toute sa vie. Même ceux qui ne sont point des poètes se mettent à faire des vers. Au moment du développement de la puberté, quand la réaction physiologique commence à se produire, les langueurs vagues, particulières à cette période, se manifestent par des tendances au sentimentalisme outré et à la mortification qui se développent jusqu’au tædium vitæ[ws 1] ; souvent il s’y joint le désir de causer de la douleur à autrui, ce qui offre une analogie vague avec le phénomène de la connexité psychologique qui existe entre la volupté et la cruauté.

L’amour de la première jeunesse a un caractère romanesque et idéaliste. Il glorifie l’objet aimé jusqu’à l’apothéose. À ses débuts il est platonique et préfère les êtres de la poésie et de l’histoire. Avec l’éveil de la sensualité, cet amour court le risque de reporter son pouvoir d’idéalisation sur des personnes de l’autre sexe qui, au point de vue physique, intellectuel et social, sont bien loin d’être remarquables. Il peut en résulter des mésalliances, des faux pas, toute l’histoire tragique de l’amour passionné qui se met en conflit avec les principes moraux et sociaux et qui parfois trouve une solution sinistre dans le suicide ou le double suicide.

L’amour trop sensuel ne peut jamais être ni durable ni vraiment profond. Voilà pourquoi le premier amour est toujours très passager : il n’est que le flamboiement subit d’une passion, un feu de paille.

Il n’y a de véritable amour que celui qui se base sur la connaissance des qualités morales de la personne aimée, qui n’espère pas seulement des jouissances, mais qui est prêt à supporter des souffrances pour l’être aimé et à faire tous les sacrifices. L’amour de l’homme doué d’une grande force de caractère ne recule devant aucune difficulté ni aucun danger quand il s’agit d’arriver à la possession de la femme adorée et de la conserver. Il engendre les actes d’héroïsme, le mépris de la mort. Mais un tel amour court le risque, dans certaines circonstances, de pousser au crime, surtout s’il n’y a pas un fonds solide de moralité. Un des vilains côtés de cet amour est la jalousie. L’amour de l’homme faible est sentimental ; il peut conduire au suicide s’il n’est pas payé de retour ou s’il se heurte à des difficultés, tandis que, dans des conditions analogues, l’homme fort peut devenir un criminel. L’amour sentimental risque souvent de dégénérer en caricature, surtout quand l’élément sensuel n’est pas assez fort. Qu’on se rappelle, à ce propos, les chevaliers Toggenbourg, les Don Quichotte, beaucoup de ménestrels et de trouvères du Moyen Âge.

Cet amour a un caractère fadasse, doucereux : par là même il peut devenir ridicule ; tandis que, dans d’autres cas, les manifestations de ce sentiment puissant du cœur humain évoquent ou la compassion, ou l’estime, ou l’horreur.

Souvent cet amour faible se porte sur d’autres objets : en poésie il produit des poèmes insipides, en esthétique il mène à l’outrancisme, en religion au mysticisme, à l’extase, et même, quand il y a un fond sensuel plus fort, aux idées sectaires et à la folie religieuse. Il y a quelque chose de tout cela dans l’amour non mûri de la puberté.

Les vers et les rimes, à cette période, ne supportent pas la lecture, à moins qu’ils n’aient pour auteurs des poètes de vocation.

Malgré toute l’éthique dont l’amour a besoin pour s’élever à sa vraie et pure expression, sa plus profonde racine est pourtant la sensualité.

L’amour platonique est une absurdité, une duperie de soi-même, une fausse interprétation d’un sentiment.

Quand l’amour a pour cause le désir sexuel, il ne peut se comprendre qu’entre individus de sexe différent et capables de rapports sexuels. Si ces conditions manquent ou si elles disparaissent, l’amour est remplacé par l’amitié.

Il est à remarquer le rôle important que jouent les fonctions sexuelles dans le développement et la conservation de la confiance de l’homme en lui-même. On s’en rend compte quand on voit l’onaniste aux nerfs affaiblis et l’homme devenu impuissant perdre leur caractère viril et la confiance en leur propre valeur.

M. Gyurkovechky (Männl. Impotenz. Vienne, 1889) fait justement remarquer que les vieillards et les jeunes gens diffèrent psychiquement surtout par leur degré de puissance génitale, car l’impuissance porte une grave atteinte à la gaieté, à la vie intellectuelle, à l’énergie et au courage. Plus l’homme qui a perdu sa puissance génitale est jeune et plus il était porté aux choses sensuelles, plus cette atteinte est grave.

Une perte subite de la puissance génitale peut, dans ces conditions, produire une grave mélancolie et pousser même au suicide ; car, pour de pareilles natures, la vie sans amour est insupportable. Mais, même dans ces cas où la réaction n’est pas aussi violente, celui qui en est atteint devient morose, envieux, égoïste, jaloux, misanthrope ; l’énergie et le sentiment d’honneur s’affaiblissent ; il devient même lâche.

On peut constater les mêmes phénomènes chez les Skopzys de Russie, qui, après s’être émasculés, perdent leur caractère viril.

La perte de la virilité se manifeste d’une manière bien plus frappante encore chez certains individus, chez qui elle produit une véritable effémination.

Au point de vue psychologique, la femme, à la fin de sa vie sexuelle, après la ménopause, tout en étant moins bouleversée, présente néanmoins un changement assez notable. Si la vie sexuelle qu’elle vient de traverser a été heureuse, si des enfants sont venus réjouir le cœur de la mère au seuil de la vieillesse, le changement de son individualité biologique échappe à son attention. La situation est tout autre quand la stérilité ou une abstinence imposée par des conditions particulières ont empêché la femme de goûter les joies de la maternité.

Ces faits mettent bien en relief la différence qui existe entre la psychologie sexuelle de l’homme et celle de la femme, entre leurs sentiments et leurs désirs sexuels.

Chez l’homme, sans doute, l’instinct sexuel est plus vif que chez la femme. Sous le coup d’une forte poussée de la nature, il désire, quand il arrive à un certain âge, la possession de la femme. Il aime sensuellement, et son choix est déterminé par des qualités physiques. Poussé par un instinct puissant, il devient agressif et violent dans sa recherche de l’amour. Pourtant, ce besoin de la nature ne remplit pas toute son existence psychique. Son désir satisfait, l’amour, chez lui, fait temporairement place aux intérêts vitaux et sociaux.

Tel n’est pas le cas de la femme. Si son esprit est normalement développé, si elle est bien élevée, son sens sexuel est peu intense. S’il en était autrement, le monde entier ne serait qu’un vaste bordel où le mariage et la famille seraient impossibles. Dans tous les cas, l’homme qui a horreur de la femme et la femme qui court après les plaisirs sexuels sont des phénomènes anormaux.

La femme se fait prier pour accorder ses faveurs. Elle garde une attitude passive. Ce rôle s’impose à elle autant par l’organisation sexuelle qui lui est particulière que par les exigences des bonnes mœurs.

Toutefois, chez la femme, le côté sexuel a plus d’importance que chez l’homme. Le besoin d’aimer est plus fort chez elle ; il est continu et non pas épisodique ; mais cet amour est plutôt psychique que sensuel.

L’homme, en aimant, ne voit d’abord que l’être féminin ; ce n’est qu’en second lieu qu’il aime la mère de ses enfants ; dans l’imagination de la femme, au contraire, c’est le père de son enfant qui tient le premier rang ; l’homme, comme époux, ne vient qu’après. Dans le choix d’un époux, la femme est déterminée plutôt par les qualités intellectuelles que par les qualités physiques. Après être devenue mère, elle partage son amour entre l’enfant et l’époux. Devant l’amour maternel, la sensualité s’éclipse. Aussi, dans les rapports conjugaux qui suivent sa maternité, la femme voit plutôt une marque d’affection de l’époux qu’une satisfaction des sens.

La femme aime de toute son âme. Pour la femme, l’amour c’est la vie ; pour l’homme, c’est le plaisir de la vie. L’amour malheureux blesse l’homme ; pour la femme, c’est la mort ou au moins la perte du bonheur de la vie. Une thèse psychologique digne d’être étudiée, ce serait de savoir si une femme peut, dans son existence, aimer deux fois d’un amour sincère et profond. Dans tous les cas, la femme est plutôt monogame, tandis que l’homme penche vers la polygamie.

La puissance des désirs sexuels constitue la faiblesse de l’homme vis-à-vis de la femme. Il dépend d’autant plus de la femme qu’il est plus faible et plus sensuel. Sa sensualité s’accroît avec son nervosisme. Ainsi s’explique ce fait que, dans les périodes d’amollissement et de plaisirs, la sensualité s’accroît d’une façon formidable. Mais alors la société court le danger de voir l’État gouverné par des femmes et entraîné à une ruine complète (le règne des maîtresses à la cour de Louis xiv et Louis xv ; les hétaïres de la Grèce dans l’antiquité). La biographie de bien des hommes d’État anciens et modernes nous montre qu’ils étaient esclaves des femmes par suite de leur grande sensualité, sensualité due à leur constitution névropathique.

L’Église catholique a fait preuve d’une subtile connaissance de la psychologie humaine, en astreignant ses prêtres à la chasteté et au célibat ; elle a voulu, par ce moyen, les émanciper de la sensualité pour qu’ils puissent se consacrer entièrement à leur mission.

Malheureusement le prêtre qui vit dans le célibat est privé de cet effet ennoblissant que l’amour et, par suite, le mariage, produisent sur le développement du caractère.

Comme la nature a attribué à l’homme le rôle de provocateur dans la vie sexuelle, il court le risque de transgresser les limites tracées par la loi et les mœurs.

L’adultère chez la femme est, au point de vue moral, plus grave et devrait être jugé devant la loi plus sévèrement que l’adultère commis par l’homme. La femme adultère comble son propre déshonneur par celui de l’époux et de la famille, sans tenir compte de la maxime : Pater incertus[ws 2]. L’instinct naturel et sa position sociale font facilement fauter l’homme, tandis que la femme est protégée par bien des choses. Même les rapports sexuels de la femme non mariée doivent être jugés autrement que ceux de l’homme célibataire. La société exige de l’homme célibataire de bonnes mœurs ; de la femme, la chasteté. Avec la civilisation et la vie sociale de nos temps la femme ne peut servir, au point de vue sexuel, les intérêts sociaux et moraux qu’en tant qu’elle est épouse.

Le but et l’idéal de la femme, même de celle qui est tombée dans la fange et dans le vice, est et sera toujours le mariage. La femme, comme le dit fort justement Mantegazza, ne demande pas seulement à satisfaire son instinct sexuel, mais elle recherche aussi protection et aide pour elle et pour ses enfants. L’homme animé de bons sentiments, fût-il des plus sensuels, recherche pour épouse une femme qui a été chaste et qui l’est encore. Dans ses aspirations vers l’unique but digne d’elle, la femme se sert de la pudeur, cuirasse et ornement de l’être féminin. Mantegazza dit avec beaucoup de finesse que « c’est une des formes physiques de l’estime de soi-même chez la femme ».

L’étude anthropologique et historique du développement de ce plus bel ornement de la femme n’entre pas dans le cadre de notre sujet. Il est probable que la pudeur féminine est un produit de la civilisation perpétué par l’atavisme.

Ce qui forme un contraste bien curieux avec elle, c’est l’étalage occasionnel des charmes physiques, sanctionné par la loi de la mode et la convention sociale, et auquel la vierge, même la plus chaste, se prête dans les soirées de bal. Les mobiles qui président à cette exhibition se comprennent. Heureusement la fille chaste ne s’en rend pas compte, de même qu’elle ne comprend pas les raisons de certaines modes qui reviennent périodiquement et qui ont pour but de faire mieux ressortir certaines parties plastiques du corps, comme les fesses, sans parler du corsage, etc.

De tout temps et chez tous les peuples, le monde féminin a manifesté de la tendance à se parer et à mettre en évidence ses charmes. Dans le monde des animaux la nature a distingué le mâle par une plus grande beauté. Les hommes, au contraire, désignent les femmes sous le nom de beau sexe. Évidemment cette galanterie est le produit de la sensualité masculine. Tant que les femmes s’attifent uniquement dans le but d’être parées, tant qu’elles ne se rendent pas clairement compte de la cause physiologique de ce désir de plaire, il n’y a rien à redire. Aussitôt qu’elles le font en pleine connaissance de cause, cette tendance dégénère en manie de plaire.

L’homme qui a la manie de s’attifer, se rend ridicule toujours. Chez la femme on est habitué à cette petite faiblesse, on n’y trouve rien de répréhensible tant qu’elle n’est pas l’accessoire d’une tendance pour laquelle les Français ont trouvé le mot de coquetterie.

En fait de psychologie naturelle de l’amour, les femmes sont de beaucoup supérieures aux hommes. Elles doivent cette supériorité soit à l’hérédité, soit à l’éducation, le domaine de l’amour étant leur élément particulier ; mais elles la doivent aussi à leur plus grand degré d’intuition (Mantegazza).

Même quand l’homme est arrivé au faîte de la civilisation, on ne peut pas lui faire un reproche de voir dans la femme avant tout un objet de satisfaction pour son instinct naturel. Mais il lui incombe l’obligation de n’appartenir qu’à la femme de son choix. Dans les États civilisés il en résulte un traité normal et obligatoire, le mariage ; et, comme la femme a besoin de protection et d’aide pour elle et ses enfants, il en résulte un code matrimonial.

En vue de certains phénomènes pathologiques que nous traiterons plus tard, il est nécessaire d’étudier les processus psychologiques qui rapprochent un homme et une femme, les attachent l’un à l’autre au point que, parmi tous les individus d’un même sexe, seuls tel ou telle paraissent désirables.

Si l’on pouvait démontrer que les procédés de la nature sont dirigés vers un but déterminé, – leur utilité ne saurait être niée,  – cette sorte de fascination par un seul individu du sexe opposé, avec de l’indifférence pour tous les autres individus de ce même sexe, fait qui existe réellement chez les amoureux vraiment heureux, paraîtrait comme une admirable disposition de la création pour assurer les unions monogames qui seules peuvent servir le but de la nature.

Quand on analyse scientifiquement cette flamme amoureuse, cette « harmonie des âmes », cette « union des cœurs », elle ne se présente nullement comme « un mystère des âmes » ; dans la plupart des cas on peut la ramener à certaines qualités physiques, parfois morales, au moyen desquelles la personne aimée exerce sa force d’attraction.

On parle aussi du soi-disant fétichisme. Par fétiche on entend ordinairement des objets, des parties ou des qualités d’objets qui, par leurs rapports et leur association, forment un ensemble ou une personnalité capable de produire sur nous un vif intérêt ou un sentiment, d’exercer une sorte de charme – (fetisso en portugais) – ou du moins une impression très profonde et particulièrement personnelle que n’explique nullement la valeur ni la qualité intrinsèque de l’objet symbolique[11].

Quand la personne qui est dans cet état d’esprit, pousse l’appréciation individuelle du fétiche jusqu’à l’exaltation, un cas de fétichisme se produit. Ce phénomène, très intéressant au point de vue psychologique, peut s’expliquer par une loi d’association empirique : le rapport qui existe entre une représentation fractionnelle et une représentation d’ensemble. L’essentiel dans ce cas c’est que l’accentuation du sentiment personnel provoqué par l’image fractionnelle se manifeste dans le sens d’une émotion de plaisir. Ce phénomène se rencontre surtout dans deux ordres d’idées qui ont entre elles une affinité psychique : l’idée religieuse et les conceptions érotiques. Le fétichisme religieux a d’autres liens et une autre signification que le fétichisme sexuel. Le premier naît de cette idée fixe que l’objet revêtu du prestige de fétiche ou l’idole n’est pas un simple symbole, mais possède des qualités divines, ou bien il lui attribue par superstition une puissance miraculeuse (reliques), certaines vertus protectrices (amulettes).

Il n’en est pas de même dans le fétichisme érotique. Celui-ci est psychologiquement motivé par le fait que des qualités physiques ou psychiques d’une personne, ou même des qualités d’objets dont cette personne se sert, deviennent un fétiche, en éveillant par association d’idées une image d’ensemble et en produisant une vive sensation de volupté. Il y a analogie avec le fétichisme religieux en ce sens : que bien souvent des objets insignifiants (des os, des ongles, des cheveux, etc.) servent de fétiches et peuvent provoquer des sensations de plaisir qui vont jusqu’à l’extase.

En ce qui concerne le développement de l’amour physiologique, il est probable qu’on doit chercher et trouver son origine dans le charme fétichiste et individuel qu’une personne d’un sexe exerce sur un individu de l’autre sexe.

Le cas le plus simple est celui où une émotion sensuelle coïncide avec le moment où l’on aperçoit une personne de l’autre sexe et quand cette vue augmente l’excitation sensuelle. L’impression optique et l’impression du sentiment s’associent, et cette liaison devient plus forte à mesure que la réapparition du sentiment évoque le souvenir de l’image optique ou que la réapparition de l’image éveille de nouveau une émotion sexuelle qui peut aller jusqu’à l’orgasme ou à la pollution, comme dans les songes.

Dans ce cas la vue de l’ensemble du corps produit l’effet d’un fétiche.

Comme le fait remarquer Binet, des parties d’un individu, des qualités physiques ou morales peuvent aussi agir comme fétiches sur une personne du sexe opposé, si la vue de ces parties de l’individu coïncide accidentellement avec une excitation sexuelle ou si elle en provoque une.

C’est un fait établi par l’expérience que cette association d’idées dépend du hasard, que l’objet fétiche peut être très varié, et qu’il en résulte les sympathies les plus étranges de même que les antipathies les plus curieuses.

Ce fait physiologique du fétichisme explique les sympathies individuelles entre homme et femme, la préférence qu’on donne à une personne déterminée sur toutes les autres du même sexe. Comme le fétiche ne représente qu’un symbole individuel, il est évident que son impression ne peut se produire que sur un individu déterminé. Il évoque de très fortes sensations de plaisir ; par suite il fait, par un trompe-l’œil, disparaître les défauts de l’objet aimé – (l’amour rend aveugle) – et provoque une exaltation fondée sur l’impression individuelle, exaltation qui paraît aux autres inexplicable et même ridicule. On s’explique ainsi que l’homme calme ne puisse pas comprendre l’amoureux qui idolâtre la personne aimée, en fait un véritable culte et lui attribue des qualités que celle-ci, vue objectivement, ne possède nullement. Ainsi s’explique également le fait que l’amour devient plus qu’une passion, qu’il se présente comme un état psychique exceptionnel dans lequel l’impossible paraît possible, le laid semble beau, le vulgaire sublime, état dans lequel tout autre intérêt et tout autre devoir disparaissent.

Tarde (Archives de l’anthropologie criminelle, 5e année, nº 3) fait judicieusement ressortir que, non seulement chez les individus mais aussi chez les nations, le fétiche peut être différent, mais que l’idéal général de la beauté reste toujours le même chez les peuples civilisés de la même époque.

À Binet revient le grand mérite d’avoir approfondi l’étude et l’analyse de ce fétichisme en amour. Il fait naître des sympathies spéciales. Ainsi l’un se sent attiré par une taille élancée, un autre par une taille épaisse ; l’un aime la brune, l’autre la blonde. Pour l’un, c’est l’expression particulière de l’œil ; pour l’autre, le timbre de la voix, ou une odeur particulière, même artificielle (parfums), ou la main, ou le pied, ou l’oreille, etc., qui forment le charme fétichique individuel, et sont pour ainsi dire le point de départ d’une série compliquée de processus de l’âme dont l’expression totale est l’amour, c’est-à-dire le désir de posséder physiquement et moralement l’objet aimé.

À ce propos il convient de rappeler une condition essentielle pour la constatation de l’existence du fétichisme encore à l’état physiologique.

Le fétiche peut conserver d’une manière durable sa vertu sans qu’il soit pour cela un fétiche pathologique. Mais ce cas n’existe que quand l’idée de fraction va jusqu’à la représentation de l’ensemble et que l’amour provoqué par le fétiche finit par embrasser comme objet l’ensemble de la personnalité physique et morale.

L’amour normal ne peut être qu’une synthèse, une généralisation. Ludwig Brunn (Deutsches Montagsblatt, Berlin, 20.08.1888) dit très spirituellement dans son étude sur Le fétichisme en amour :

« L’amour normal nous paraît comme une symphonie qui se compose de toutes sortes de notes. Il en résulte les excitations les plus diverses. Il est pour ainsi dire polythéiste. Le fétichisme ne connaît que la note d’un seul instrument ; il est la résultante d’une seule excitation déterminée : il est monothéiste. »

Quiconque a quelque peu réfléchi sur ce sujet, reconnaîtra qu’on ne peut parler de véritable amour – (on n’abuse que trop souvent de ce mot) – que lorsque la totalité de la personne physique et morale forme l’objet de l’adoration.

Tout amour a nécessairement un élément sensuel, c’est-à-dire le désir de posséder l’objet aimé et d’obéir, en s’unissant avec lui, aux lois de la nature.

Mais celui qui n’aime que le corps de la personne d’un autre sexe, qui ne tend qu’à satisfaire ses sens, sans posséder l’âme, sans avoir la jouissance spirituelle et partagée, n’aime pas d’un véritable amour, pas plus que le platonique qui n’aime que l’âme et qui dédaigne les jouissances charnelles, ce qui se rencontre dans certains cas d’inversion sexuelle.

Pour l’un, c’est le corps ; pour l’autre, c’est l’âme qui constituent le fétiche : l’amour de tous les deux n’est que du fétichisme.

De pareils individus forment en tous cas un degré de transition vers le fétichisme pathologique.

Cette remarque est d’autant plus juste qu’un autre critérium du véritable amour est celui-ci : l’acte sexuel doit absolument procurer une satisfaction morale[12].

Parmi les phénomènes physiologiques du fétichisme il me reste encore à parler de ce fait très intéressant que, parmi le grand nombre d’objets susceptibles de devenir fétiches, il y en a quelques-uns qui sont particulièrement choisis par un grand nombre de personnes.

Les objets particulièrement attractifs pour l’homme sont : les cheveux, la main, le pied de la femme, l’expression du regard.

Quelques-uns d’entre eux ont, dans la pathologie du fétichisme, une importance particulière. Tous ces faits remplissent évidemment dans l’âme de la femme un rôle dont quelquefois elle ne se doute pas ; d’autres fois c’est préméditation de sa part.

Une des principales préoccupations de la femme, c’est de soigner ses cheveux, et elle y consacre souvent plus de temps et d’argent qu’il ne faudrait. Avec quel soin la mère ne soigne-t-elle pas déjà la chevelure de sa petite fille ! Quel rôle important pour le coiffeur ! La perte d’une partie des cheveux fait le désespoir des jeunes femmes. Je me rappelle le cas d’une femme coquette qui en était devenue mélancolique et qui a fini par le suicide. Les femmes aiment à parler coiffure ; elles portent envie à toutes celles qui ont une belle chevelure.

De beaux cheveux constituent un puissant fétiche pour beaucoup d’hommes. Déjà, dans la légende de la Loreley, cyrène qui attire les hommes dans l’abîme, on voit figurer comme fétiche ses « cheveux dorés » qu’elle lisse avec un peigne d’or. Une attraction non moins grande est exercée par la main et le pied ; mais alors, souvent, – pas toujours cependant,  – des sentiments masochistes et sadistes contribuent à créer un fétiche d’un caractère particulier.

Il y a des uranistes qui ne sont pas impuissants avec une femme, des époux qui n’aiment pas leur épouse, et qui pourtant sont capables de remplir leurs devoirs conjugaux. Dans ces cas le sentiment de la volupté fait pour la plupart du temps défaut ; puisque, en réalité, il n’y a alors qu’une sorte d’onanisme qui souvent ne peut se pratiquer qu’avec le concours de l’imagination qui évoque l’image d’un autre être aimé. Cette illusion peut même produire une sensation de volupté, mais cette rudimentaire satisfaction physique n’est due qu’à un artifice psychique, tout comme chez l’onaniste solitaire qui souvent a besoin du concours de l’imagination pour obtenir une sensation voluptueuse. En général, l’orgasme qui produit la sensation de volupté, ne peut être obtenu que là où il y a une intervention psychique.

Dans le cas où il y a des empêchements psychiques (indifférence, antipathie, répugnance, crainte d’infection vénérienne ou de grossesse, etc.), la sensation voluptueuse ne paraît guère se produire.

Par association d’idées, un gant ou un soulier peuvent devenir fétiches.

Brunn rappelle à ce propos et avec raison que, dans les mœurs du Moyen Âge, une des plus précieuses marques d’hommage et de galanterie était de boire dans le soulier d’une belle femme, usage qu’on trouve encore aujourd’hui en Pologne. Dans le conte de Cendrillon, le soulier joue également un rôle très important.

L’expression de l’œil a une importance particulière pour faire jaillir l’étincelle amoureuse. Un œil névrosé peut jouer souvent le rôle de fétiche chez des personnes des deux sexes. « Madame, vos beaux yeux me font mourir d’amour » (Molière).

Il y a une foule d’exemples de faits où les odeurs du corps jouent le rôle de fétiche, phénomène consciemment ou inconsciemment utilisé dans l’Ars amandi[ws 3] de la femme. Déjà la Ruth de l’Ancien Testament s’est parfumée pour captiver Booz.

La demi-mondaine, des temps anciens et modernes, consomme beaucoup de parfums. Jaeger, dans sa Découverte de l’âme, donne de nombreuses indications sur les sympathies des odeurs.

Binet assure que la voix aussi peut devenir un fétiche. À ce sujet il rapporte une observation faite par Dumas, observation que ce dernier a utilisée dans sa nouvelle : La maison du veuf.

Il est question d’une femme qui devint amoureuse de la voix d’un ténor et qui fit des infidélités à son mari.

Le roman de Belot : Les Baigneuses de Trouville vient à l’appui de cette supposition. Binet croit que, dans bien des mariages conclus avec des cantatrices, c’est le charme fétichiste de la voix qui a agi. Il attire en outre l’attention sur cet autre fait intéressant que, chez les oiseaux chanteurs, la voix a la même signification sexuelle que l’odorat chez les quadrupèdes.

Ainsi les oiseaux attirent par le chant la femelle qui, la nuit, vole vers celui des mâles qui chante le mieux.

Il ressort des faits pathologiques du masochisme et du sadisme que des particularités de l’âme peuvent aussi agir comme fétiche, au sens le plus large du mot.

Ainsi s’explique le phénomène des idiosyncrasies ; et la vieille maxime de gustibus non est disputandum[ws 4], a toujours sa valeur.


Notes originales
  1. Deutsche Klinik, 1873, 2, 3.
  2. Voy. Lombroso : L’Homme criminel.
  3. Voy. Ploss : Das Weib, 1884, p. 196 et suiv.
  4. Voy. l’ouvrage si intéressant et si riche en documents anthropologiques de Westermark : The history of human mariage. « Ce n’est pas, dit Westermark, le sentiment de la pudeur qui a fait naître l’habitude de se couvrir le corps, mais c’est le vêtement qui a produit le sentiment de la pudeur. » L’habitude de se couvrir les parties génitales est due au désir qu’ont les femmes et les hommes de se rendre mutuellement plus attrayants.
  5. Cette opinion, généralement adoptée et soutenue par beaucoup d’historiens, ne saurait être acceptée qu’avec certaines restrictions. C’est le Concile de Trente qui a proclamé nettement le caractère symbolique et sacramentel du mariage, quoique, bien avant, l’esprit de la doctrine chrétienne eût affranchi et relevé la femme de la position inférieure qu’elle occupait dans l’antiquité et dans l’Ancien Testament.
    Cette tardive réhabilitation de la femme s’explique en partie par les traditions de la Genèse, d’après lesquelles la femme, faite de la côte de l’homme, n’était qu’une créature secondaire ; et par le péché originel qui lui a attiré cette malédiction : « Que ta volonté soit soumise à celle de l’homme. » Comme le péché originel, dont l’Ancien Testament rend la femme responsable, constitue le fondement de la doctrine de l’Église, la position sociale de la femme a dû rester inférieure jusqu’au moment où l’esprit du christianisme l’a emporté sur la tradition et sur la scolastique. Un fait digne de remarque : les Évangiles, sauf la défense de répudiation (Math., 19, 9), ne contiennent aucun passage en faveur de la femme. L’indulgence envers la femme adultère et la Madeleine repentante ne touche en rien à la situation sociale de la femme. Par contre, les lettres de saint Paul insistent pour que rien ne soit changé dans la situation sociale de la femme. « Les femmes, dit-il, doivent être soumises à leurs maris ; la femme doit craindre l’homme. » (Épîtres aux Corinthiens, 11, 3-12 ; aux Éphésiens, 5, 22-23)
    Des passages de Tertullien nous montrent combien les Pères de l’Église étaient prévenus contre la race d’Ève : « Femme, dit Tertullien, tu devrais aller couverte de guenilles et en deuil ; tes yeux devraient être remplis de larmes : tu as perdu le genre humain. »
    Saint Jérôme en veut particulièrement aux femmes. Il dit entre autres : « La femme est la porte de Satan, le chemin de l’injustice, l’aiguillon du scorpion » (De cultu feminarum [NdT : De la toilette des femmes], t. 1).
    Le droit canonique déclare : « Seul l’être masculin est créé selon l’image de
    Dieu et non la femme ; voilà pourquoi la femme doit servir l’homme et être sa domestique. »
    Le Concile provincial de Mâcon, réuni au VIe siècle, discutait sérieusement la question de savoir si la femme a une âme.
    Ces opinions de l’Église ont produit leur effet sur les peuples qui ont embrassé le christianisme. À la suite de leur conversion au christianisme, les Germains ont réduit la taxe de guerre des femmes, évaluation naïve de la valeur de la femme. (J. Falke, Die ritterliche Gesellschaft. Berlin, 1863, p. 49. – Ueber die schützung beider Geschlechter bei den Juden s. Mosis, 27, 3-4.)
    La polygamie, reconnue légitime par l’Ancien Testament (Deutéronome, 21-15), n’est pas interdite par le Nouveau. En effet, des souverains chrétiens (des rois mérovingiens, comme Chlotaire ier, Charibert ier, Pépin ier et beaucoup de Francs nobles) ont été polygames. À cette époque, l’Église n’y trouvait rien à redire. (Weinhold, Die deutchen Frauen im mittelalter, II, p. 15. Voy. aussi : Unger : Die Ehe, et l’ouvrage de Louis Bridel : La Femme et le Droit, Paris, 1884.)
  6. Voy. Friedländer : Sittengeschichte Roms ; Wiedmeister : Cæsarenwahnsinn ; Suétone ; Moreau : Des aberrations du sens génésique.
  7. Cette assertion est en contradiction avec les constatations de Lombroso et de Friedreich. Ce dernier, notamment, prétend que la pédérastie est très fréquente chez les sauvages de l’Amérique. (Hdb. der Gerichtsärztl. Praxis, 1843, I, p. 271.)
  8. Consulter Friedreich qui a cité de nombreux exemples. Ainsi la nonne
    Blankebin [NdT : Lapsus des traducteurs, vérifié sur l’original en allemand. – Lire Blanbekin ou Blannbekin. Voir Wikipédia : Agnès Blannbekin] était sans cesse tourmentée par la préoccupation de savoir ce qu’a pu devenir la partie du corps du Christ qu’on a enlevée lors de la circoncision.
    Veronica Juliani [NdT : Plus généralement orthographiée Veronica Giuliani] béatifiée par le pape Pie ii a, par vénération pour l’Agneau céleste, pris un agneau véritable dans son lit, l’a couvert de baisers et l’a laissé téter à ses mamelles, qui donnaient quelques gouttelettes de lait.
    Sainte Catherine de Gènes souffrait souvent d’une telle chaleur intérieure que pour l’apaiser elle se couchait par terre et criait : « Amour, amour, je n’en peux plus ! » Elle avait une affection particulière pour son père confesseur. Un jour elle porta à son nez la main du confesseur et elle sentit un parfum qui lui pénétra au cœur, « parfum céleste, dont les charmes pourraient réveiller les morts ».
    Armelle Nicolas et sainte Élisabeth [NdT : Élisabeth de Schönau] étaient tourmentées d’une passion analogue pour l’enfant Jésus. On connaît les tentations de saint Antoine de Padoue. Nous citons encore comme très caractéristique cette prière trouvée dans un très ancien missel : « Oh ! puissé-je t’avoir trouvé, très charmant Emmanuel, puissé-je t’avoir dans mon lit ! Combien mon âme et mon corps s’en réjouiraient ! Viens, rentre chez moi, mon cœur sera ta chambre ! »
  9. Consulter Friedreich : Diagnostik der psych. Krankheiten, p. 247, et Neumann : Lehrb. der Psychiatrie, p. 80.
  10. Cette trinité trouve son expression non seulement dans les phénomènes de la vie réelle, tels qu’ils viennent d’être décrits, mais aussi dans la littérature dévote et même dans les beaux-arts des périodes de décadence. Sous ce rapport, on peut rappeler la triste célébrité du groupe de sainte Thérèse de Bernini, qui, prise d’un évanouissement hystérique, s’affaisse sur une blanche nuée, tandis qu’un ange amoureux lui lance dans le cœur la flèche de l’amour divin (Lübke).
  11. À consulter : Max Müller, qui fait dériver le mot « fétiche » étymologiquement du mot factitius (factice, chose insignifiante).
  12. Le spinal cérébral postérieur de Magnan, qui trouve son plaisir avec n’importe quelle femme et auquel n’importe quelle femme plaît, ne peut que satisfaire sa volupté. L’amour acheté ou forcé n’est pas un véritable amour (Mantegazza). Celui qui a inventé le proverbe : Sublata lucerna, nullum discrimen inter feminas [NdT : Flattées par la lumière de la lampe, toutes les femmes se ressemblent] a dû être un horrible cynique. Le pouvoir pour l’homme de faire l’acte d’amour n’est pas une garantie que l’acte procure réellement la plus grande jouissance amoureuse.


Commentaires Wikisource
  1. tendance suicidaire
  2. Locution du droit romain : Pater incertus, mater semper certissima : « L’identité du père est incertaine, mais celle de la mère est toujours assurée ».
  3. L’art d’aimer.
  4. De gustibus coloribusque non est disputandum : On ne discute pas des goûts et des couleurs. Locution latine.


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