« Crois, disent-ils »

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CROIS, DISENT-ILS…


 
« Crois » disent-ils, « les doutes sont des tourments,
On ne peut dévoiler les mystères éternels
On ne peut éclairer du rayon de l’aurore désirée
Les problèmes éternels qui hantent notre esprit »
— « Non, croyez, vous, aveugles lâches
Tremblant devant la vérité, je ne me mentirai pas à moi-même.
Je ne suivrai pas votre méprisable troupeau.
Et là où je dois savoir — je ne peux croire
Je veux savoir pourquoi de l’azur du firmament
Le soleil verse la lumière et la vie dans le flot de ses rayons,
Par qui elle est créée cette nature puissante,
La citadelle de ses monts, la profondeur de ses mers.
Je veux savoir pourquoi moi-même je suis créé dans la nature
Avec une âme qui s’ennuie de cette existence sans but,
Une âme palpitant d’amour, aspirant à la liberté
Avec la conviction de mes forces, avec un esprit pensant…
Et tant que je vis — je ne veux pas végéter dans la misérable ivresse
Ayant peur de me demander « pourquoi ? »
Mais je veux vivre de telle sorte que dans chaque jour, chaque heure et chaque moment,
Se trouve l’éternel sens qui donne le droit de vivre.
Et si ma question reste sans réponse
Et si avec amertume je me convaincs
Que je ne pourrai jamais par un rayon de l’aurore désirée
Éclairer les ténèbres environnantes,
À quoi bon alors votre vie sans but et sans signification ?

!
J’étoufferai dans cette vie — j’en aurai honte.
Et plein d’orgueil et de mépris viril
Je couperai d’un seul coup comme un fil emmêlé,
Sans larmes et sans regrets la chaîne de mes jours inutiles.

Le voile est déchiré : plus d’élans nouveaux
Ni mystères attrayants, ni joie dans l’avenir,
Le calme des doutes confirmés
Les ténèbres du désespoir dans l’urne tourmentée.
Oh ! qu’on a peu vécu et beaucoup enduré !
Les espoirs radieux, et la jeunesse et l’amour
Tout cela est pleuré, raillé, oublié
Enterré et ne ressuscitera jamais.

J’ai cru à la fraternité mais au jour sinistre du malheur,
Je n’ai pu distinguer les frères des ennemis
Je rêvais pour les hommes le savoir et la liberté
Et le monde est toujours le monde des esclaves insensés ;
Je rêvais d’engager une lutte violente avec le mal
Par la toute-puissance de la Bonne Parole
Et dans le temple du vrai, dans le temple sacré de l’éloquence

Je perçois l’orgie criarde des trafiquants
L’amour, pour un instant, l’amour passe-temps de l’ennui
L’amour, cauchemar morbide, fumée lourde de l’orgie
Non ! je ne le regrette pas cet amour passé
Ce n’est pas à cet amour que j’ai rêvé en mes nuits d’insomnie.
Ce n’est pas lui qui m’apparaissait alors
Resplendissant d’une beauté idéale, paré de fleurs,
L’âme vierge et le sourire innocent ! »

Pauvre comme une mendiante, comme une esclave menteuse
Vêtue de haillons bigarrés,
La vie n’est belle que de loin
Et ce n’est que de loin qu’elle séduit et charme,
Mais à peine l’approches-tu, à peine la vois-tu
Face à face — que tu saisis la duperie
De sa grandeur — sous son clinquant,
Et la duperie de sa beauté sous le masque du fard.