Le Mespris de la vie et consolation contre la mort/« Vous endurez souvent, hommes de peu de ceur »

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Le Mespris de la vie et consolation contre la mort
Le Mespris de la vie et consolation contre la mortNicolas de Moinge (p. 58).
LXVIII.


Vous endurez souvent, hommes de peu de ceur
Pour quatre escus de paye, une griefve blessure,
Et mettez vostre vie aus maisn de l'avanture,
Pour choses de neant qui s'usent en langueur.

Souvente-fois rongez d'une vielle ranceur
De cent fiebvres d'esprit vous souffrez la morsure,
Et tombant sans mourir dedans la sepulture
D'un remord renoissant vous transissez de peur :

Mais quant vous n'avez plus pour sortir de servage
Qu'un seul pas à sauter, vous perdez le courage,
Et le nom seulement de la mort vous abbat ;

Estimez vous celuy estre bon Capitaine
Qui conduit tous les jours ses soldats en la plaine,
Et s'enfuit laschement sur le point du combat ?