À celle qui ne trahit jamais

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Vers et ProseTomes 13 à 16, mars 1908 à mars 1909 (p. 323).

À CELLE QUI NE TRAHIT JAMAIS


 Toi qui hantes mes nuits, spectre éternel du Temps,
Ombre énorme et sans voix, monstre aux molles vertèbres
Dont on épie en vain les pas dans les ténèbres,
Je te sais près de moi ; je tremble et je t’attends.

Oh bonté ! ai-je donc peur ? Que tes mépris absolvent
Cette âme où ton regard vertigineux descend…
Et pourtant il songeait, mon front adolescent,
Que toutes les douleurs en ton sein se résolvent.

Mon lâche effroi te hait, Mort, prêtresse du Temps.
Un flot morne se gonfle en tes fureurs profondes,
Et le cri de la chair s’étouffe dans ces ondes
Qui se heurtent parmi tes rires éclatants…

Mais je t’appelle, ô fascinante aux bras de pieuvre ;
J’offre à ton cœur sévère un cœur tranquille et fort, —
S’il est vrai que l’Amour s’érige de la Mort
Comme un lys enlacé dans un nœud de couleuvre.

Albert Mockel