À madame Clémentine Giedrojck

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À madame Clémentine Giedrojck
M. Giard & E. Brière (p. 90-91).

A madame (die menti ne Gicdroyck.

Ô ma sœur, votre voix est douce,
À notre oreille, à notre cœur ;
Lorsqu'on l'entend, de la douleur
L'aiguillon acéré s'émousse.

Chantez encor, charmez nos jours !
À votre lyre fraternelle,
Comme un écho simple et fidèle
La mienne répondra toujours.

Vous avez de votre main pure
Du proscrit essuyé le front
Et, de lui détournant l'affront,
Couvert de honte le parjure.

Merci pour vos accords touchants !...
Mais ces divins élans de l'âme
La France en deuil vous les réclame
Pour elle vos pleurs et vos chants !

Pour m'aider à porter les peines,
Le ciel a mis sur mon chemin
Une compagne au cœur divin
Tout rempli de vertus sereines.

Près d'elle je trouve toujours
La joie au fond de la tristesse.
Et, d'un regard, l'enchanteresse
Sait dorer mes plus sombres jours.

De la nostalgie au front blême
Son sourire efface les plis,
Il transforme en un paradis,
La terre d'exil elle-même.

Mais avec des larmes de sang,
Pleure, pleure sur la patrie,
Cette noble mère flétrie,
Dont un bandit étreint le flanc.

Que ta pitié grave et sereine
S'étende, comme un blanc manteau,
Sur le martyr dans le tombeau,
Sur le captif portant sa chaîne.

De l'iambe flagellateur
Arme-toi, muse courroucée,
Et que l'éclair de ta pensée
Fasse pâlir notre oppresseur.


Il faut, vois-tu, que sans relâche
Tout chant qui n'est pas bâillonné,
Tout bras qui n'est pas enchaîné
Le soufflette et le nomme lâche.

Puis enfin, lasse de punir,
Chante de ta voix prophétique
Le retour de la République,
Cette aurore de l'avenir.

Août !$S2.