À mademoiselle Delphine Gay (O. C. Élisa Mercœur)

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Œuvres complètes d’Élisa Mercœur, Texte établi par Adélaïde AumandMadame Veuve Mercœur (p. 231-233).


À Mlle DELPHINE GAY,
(SURNOMMÉE LA MUSE DE LA PATRIE)
EN LUI ENVOYANT LE SONGE OU LES THERMOPYLES.

 

Heureux qui peut comme elle, en cédant au génie,
      Dans sa noble inspiration,
Faire jaillir le feu de son âme agrandie
      Par sa brûlante émotion !

Élisa Mercœur.
 

    Des souvenirs évoquant la magie,
Modulant des accords sur un luth enchanté :
        Une muse de la patrie,
Pour racheter des Grecs l’antique liberté,
Demandait un peu d’or au nom de l’Hellénie.
        Jusqu’à mon cœur sut parvenir

        Chaque son de sa voix si chère,
Et je crus que tous ceux qu’attendrit sa prière
Peut-être écouteraient mon timide soupir.
Heureux qui peut comme elle, en cédant au génie,
        Dans sa noble inspiration,
Faire jaillir le feu de son âme agrandie
        Par sa brûlante émotion !
Trop jeune, je n’ai point senti de ce délire
        Les traits rapides et puissans :
        Je pensais… Ma naissante lyre
    Ne préluda qu’à de faibles accens.
        Mais si je puis me faire entendre
De celui qui chérit encor la liberté ;
        Si la pitié peut me comprendre,
        En vain je n’aurai pas chanté.

        Vous, des talens aimable amie,
Vous qu’ils ont su parer de leurs dons enchanteurs,
        Vous qui des belles d’Aonie,
        Reçûtes un bandeau de fleurs,
Sans vous, ah ! je le sens, l’espérance m’abuse,
Long-temps, hélas ! mon nom peut rester inconnu ;
Si vous le prononciez, redit par une muse,
        Il serait peut-être entendu.
Que votre voix, unie à celle de ma lyre,
Soit le touchant écho de mes timides chants
Et si l’on applaudit à mes jeunes accens,

Pour qu’ils semblent plus doux, alors puissiez-vous dire ;
Seulement dix-sept fois elle a vu le printemps !


(Nantes, 19 octobre 1826.)