Éléments de thermodynamique cinétique/14

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Gauthier-Villars, éditeurs (p. 18-20).

14. Évolutions non fermées. Énergie interne. — Considérons maintenant une évolution non fermée du système materiel, qui le fasse passer d’un état initial A à un état final B différent. Il peut arriver que soit satisfaite la même relation que dans un cycle fermé, c’est-à-dire qu’il y ait exacte compensation entre le travail qu’il a reçu des forces extérieures et la chaleur qu’il a cédée à ce qui l’entoure[1]. Mais si celle relation n’est pas satisfaite, il n’y aura nullement lieu de s’en étonner : si nous avons fourni au total une énergie nous serons amenés simplement à penser qu’elle a été utilisée à modifier le système.

Si d’ailleurs nous complétons un cycle fermé par un retour de l’état B à l’état initial A, nous aurons

(11) (11)


ou


c’est-à-dire que, en revenant à son état primitif, le système matériel nous rendra l’énergie que nous lui avions fournie. Il apparaît alors absolument logique de dire que l’énergie fournie pendant l’évolution de A à B avait servi à augmenter d’autant l’énergie interne du système.

Dans cette augmentation d’énergie interne du système, il peut y avoir d’ailleurs deux éléments bien distincts :


1o d’une part une augmentation de l’énergie cinétique possédée par ce système. Si nous considérons seulement des systèmes en équilibre (au sens mécanique ordinaire du mot), cette énergie cinétique se réduira à l’énergie cinétique moléculaire, que l’on peut appeler aussi énergie thermique.

2o d’autre part une augmentation d’énergie potentielle interne, correspondant à du travail effectué contre les forces intérieures, pour déformer le système.


Cette simple analyse des deux éléments de l’énergie interne permet déjà de prévoir un résultat très important qui sera précisé un peu plus loin : L’énergie interne ne peut dépendre que de l’état actuel du système. En effet, si cet état est complètement défini, l’énergie cinétique et les positions mutuelles de ses diverses portions sont déterminées.

De cette énergie interne, nous ne pouvons observer que les variations au cours des modifications du système. C’est donc une grandeur qui sera déterminée seulement à une constante additive près. Nous représenterons sa variation dans la transformation de l’état A à l’état B, par le symbole

Si nous observons que les quantités totales de travail et de chaleur reçues par le système doivent être évaluées comme les sommes des quantités élémentaires reçues tout le long de l’évolution qui l’a conduit de l’état A à l’état B, la variation d’énergie interne sera par définition

(12) (12)

La relation (11) nous a d’ailleurs montré que


avait la même valeur pour deux parcours quelconques AMB et ANB ; cela confirme, comme on l’a prévu plus haut a priori, que la variation d’énergie interne dépend seulement des deux états initial et final A et B. Il en résulte que est la variation d’une certaine fonction (bien définie à une constante additive près) des variables qui caractérisent tous les états d’équilibre possibles du système.

Pour un système matériel non homogène, comprend, non seulement la somme des variations des énergies internes des diverses portions que l’on y peut distinguer, mais de plus la variation d’énergie potentielle relative aux forces intérieures qui s’exercent entre ces diverses portions.

Si les états extrêmes A et B n’étaient pas des états d’équilibre, le principe de la conservation de l’énergie conduirait à écrire

(13) (13)


étant la variation de l’énergie cinétique (au sens mécanique ordinaire) et la variation de l’énergie interne (énergie cinétique thermique + énergie potentielle relative aux forces internes).

À moins d’indications contraires, nous ne considérerons dans la suite que des états d’équilibre.


  1. C’est ce qui se produit sensiblement dans le martelage du plomb, parce que ce métal a la propriété, d’ailleurs exceptionnelle, de ne pas s’écrouir, c’est-à-dirc que ses propriétés physiques et mécaniques, et par suite son énergie interne, ne changent pas dans le martelage.