Éloge de la folie (Nolhac)/XII

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Traduction par Pierre de Nolhac.
Garnier-Flammarion (p. 23).

XII. — Mais ce serait peu de me montrer à vous Semence et Source de la vie, si je n’ajoutais que tout ce qu’il y a de bon en elle, vous me le devez également.

Que serait la vie, en effet, et mériterait-elle son nom, si le plaisir manquait ? Vos applaudissements m’assurent que je dis vrai. Pas un de vous n’est assez sage, ou plutôt assez fou, — non, disons assez sage, — pour être d’un autre avis. Ces fameux Stoïciens eux-mêmes ne dédaignent nullement le plaisir. Ils ont beau s’en cacher et lui décocher mille injures devant la foule, c’est pour en détourner les autres et s’en donner plus à l’aise. Qu’ils l’avouent donc, par Jupiter ! Toute heure de la vie serait triste, ennuyeuse, insipide, assommante, s’il ne s’y joignait le plaisir, c’est-à-dire si la Folie n’y mettait son piquant. Je peux invoquer ici le témoignage de Sophocle, jamais assez loué, qui dit à mon sujet : « Moins on a de sagesse, plus on est heureux. » Mais allons en détail au fond du débat.