Épîtres (Voltaire)/Épître 62

La bibliothèque libre.
Œuvres complètes de VoltaireGarniertome 10 (p. 321-322).


ÉPÎTRE LXII.


RÉPONSE
AUX PREMIERS VERS DU MARQUIS DE XIMENÈS
DU 31 DÉCEMBRE 1742.


1er  janvier 1743.


Vous flattez trop ma vanité :
Cet art si séduisant vous était inutile ;
L’art des vers suffisait ; et votre aimable style
M’a lui seul assez enchanté.

Votre âge quelquefois hasarde ses prémices[1].

En esprit, ainsi qu’en amour,
Le temps ouvre les yeux, et l’on condamne un jour
De ses goûts passagers les premiers sacrifices.

À la moins aimable beauté,
Dans son besoin d’aimer on prodigue son âme,
On prête des appas à l’objet de sa flamme ;
Et c’est ainsi que vous m’avez traité.

Ah ! ne me quittez point, séducteur que vous êtes !
Ma muse a reçu vos serments…
Je sens qu’elle est au rang de ces vieilles coquettes
Qui pensent fixer leurs amants.



  1. Le marquis de Ximenès est né en 1726 ; il est mort en 1817. C’est le 31 décembre 1742 qu’il avait adressé des vers à Voltaire. Il en donne la date dans un recueil qu’il publia en 1772. (B.)