Épîtres (Voltaire)/Épître 68

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Œuvres complètes de VoltaireGarniertome 10 (p. 332).


ÉPITRE LXVIII.


AU ROI DE PRUSSE.


FRAGMENT.


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Ah ! mon prince, c’est grand dommage
Que vous n’ayez point votre image,
Un fils par la gloire animé,
Un fils par vous accoutumé
À rogner ce grand héritage
Que l’Autriche s’était formé.
Il est doux de se reconnaître
Dans sa noble postérité ;
Un grand homme en doit faire naître :
Voyez comme le roi mon maître
De ce devoir s’est acquitté.
Son dauphin, comme vous, appelle
Auprès de lui les plus beaux arts
De Le Brun, de Lulli, d’Handelle[1],
Tout aussi bien que ceux de Mars.
Il apprit la langue espagnole ;
Il entend celle des Césars,
Mais des Césars du Capitole,
Vous me demanderez comment,
Dans le beau printemps de sa vie,
Un dauphin peut en savoir tant ;
Qui fut son maître ? le génie :
Ce fut là votre précepteur.
Je sais bien qu’un peu de culture
Rend encor le terrain meilleur ;
Mais l’art fait moins que la nature.



  1. Le célèbre musicien compositeur Hændel, né en 1684, mort en 1759.