Étude sur la convention de Genève pour l'amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne (1864 et 1868)/02/08

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Art. 8. Les détails d’exécution de la présente Convention seront réglés par les commandants en chef des armées belligérantes, d’après les instructions de leurs gouvernements respectifs et conformément aux principes généraux énoncés dans cette Convention.

L’article 8 peut, à proprement parler, se passer de commentaire, car il semble difficile que les avis se partagent au sujet de son interprétation ; aussi ne chercherons-nous pas tant à l’expliquer qu’à le justifier, car on a blâmé son insertion dans le traité[1], comme si, à lui seul, il réduisait à néant tous ceux qui le précèdent en faisant dépendre leur observation du bon plaisir des généraux. Rien n’est moins exact que cette manière de le comprendre, et nous n’aurons pas de peine à le démontrer.

Nous n’acceptons pas davantage les éloges décernés à l’article 8, au détriment de la Convention elle-même. — Nous ne saurions souscrire à l’opinion de ceux qui prétendent que cette Convention est intenable dans sa raideur, et que ce n’est que l’application la plus étendue de l’article 8 qui lui permettra de ne pas être nuisible[2].

Pour faire une convention applicable en tout temps et en tout lieu, quelles que soient les circonstances spéciales où l’on se trouve, il était indispensable de n’y inscrire que de grands principes. Plus on serait entré dans la voie des prescriptions minutieuses, plus l’on se serait exposé à la rendre impraticable. Un précepte général peut toujours s’appliquer à un cas particulier, mais il deviendrait parfois impossible de s’y conformer, si l’on devait se plier pour cela à toutes les exigences d’une réglementation détaillée. Le législateur l’a bien compris, et c’est grâce à cette largeur de vues que l’Europe entière a pu se rallier à son œuvre. Il a distingué sagement la loi du règlement, et ne s’est occupé que de la première.

Le règlement toutefois n’est pas moins nécessaire que la loi ; il l’est même d’autant plus que ceux qui ont fait la loi se sont abstenus systématiquement de s’ingérer dans son mode d’application. Mais d’autre part il y a tant d’imprévu à la guerre qu’il est indispensable de laisser éventuellement une certaine latitude aux belligérants, et c’est pourquoi la compétence de chacun a été reconnue pour ce qui concerne les détails d’exécution. En disant chacun nous n’entendons pas chaque gouvernement, car ceux-ci se trouveraient aussi embarrassés que la Conférence pour décider comment il conviendra de procéder dans toutes les éventualités imaginables. C’est aux commandants en chef que, logiquement, ce pouvoir doit être attribué, puisque eux seuls sont en mesure de savoir exactement, à un moment donné, ce qui est possible et ce qui ne l’est pas[3] ; il fallait nécessairement s’en remettre à eux du soin de régler les détails d’exécution.

L’article 8 n’existerait pas, que ce droit leur appartiendrait par la force des choses[4], aussi cet article a-t-il pour but non de le leur conférer, mais de le restreindre. En gardant le silence, on eût laissé à un général qui trouverait la Convention gênante, une voie commode pour s’en affranchir ; il n’aurait eu qu’à rendre son application impraticable, en la soumettant à des formalités ou en lui imposant des conditions de nature à la rendre illusoire. Mais, grâce aux précautions prises, on est à l’abri de cet abus d’autorité. Des garanties ont été données que les détails pratiques seront réglés conformément aux principes généraux énoncés dans la Convention, c’est-à-dire dans l’esprit de la Convention. Ainsi l’arbitraire d’un chef n’est plus à redouter parce qu’au moins, s’il lui convient de violer la Convention, il sera contraint de le faire ouvertement et d’assumer franchement la responsabilité de tous ses actes devant l’opinion publique.

En ajoutant que les commandants en chef n’exigeront rien qui ne soit conforme aux instructions de leurs gouvernements respectifs, on a mis un frein de plus à leurs velléités extralégales, car il est certain que les gouvernements ne leur donneront pas, a priori, des directions en désaccord avec les obligations internationales qu’ils ont contractées.

  1. Allg. Zeitung, 4 nov. 1868. — Michaëlis, ouvrage cité. — 1864, 27. — 1867, I, 248.
  2. Michaëlis, dans le Kamerad.
  3. 1864, 27. — 1867, I, 270, II, 130 et 137.
  4. 1864, 18, 26 et 28.