Évohé

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Les Ailes d’or : poésies nouvelles, 1878-1880Bibliothèque-Charpentier (p. 156-157).

EVOHÉ

Evohé ! — C’est le temps où la vigne blessée
D’un sang jeune et fumant teint le coteau vermeil,
Et, du voile flottant des brumes caressée,
Cache ses flancs meurtris aux baisers du soleil.

Evohé ! — C’est le temps où la chanson du cuivre
Sonne, sur les chemins, l’appel des vendangeurs,
Où le vin tiède encor dont leur foule s’enivre
Fait les vieillards et les jeunes songeurs.

Evohé ! — C’est le temps où les filles robustes,
Sous les jours amortis où l’Automne s’endort,
Jusqu’au tronc noir des ceps penchant leurs nobles bustes,
Font pleurer sous l’acier la grappe aux larmes d’or.

Evohé ! — C’est le temps où descend sur le monde
L’oubli des jours mauvais et des tristes amours,
Puisqu’au sein patient de la vigne féconde
L’homme boira la paix et le rêve toujours !

Evohé ! — C’est le temps où passe sur la terre
Bacchus, des cieux mortels nous montrant le chemin,
Assis aux flancs rayés d’une jeune panthère
Et fouettant l’air sonore un thyrse dans la main.