Œuvres complètes (Crémazie)/Envoi

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Œuvres complètesBeauchemin & Valois (p. 153-154).

ENVOI.


Madame, ce soldat à l’existence austère,
Ce débris des grands jours, c’était votre vieux père.
D’une époque héroïque il conserva le feu,
Et, divisant sa vie en deux parts magnifiques,
Il sut toujours donner, homme des temps antiques,
L’une à l’honneur et l’autre à Dieu.


Jamais, quand il reçut les dons de la fortune,
La voix de l’indigent ne lui fut importune ;
Son cœur, en l’écoutant, sentait se ranimer
Le souvenir amer de ses propres détresses,
Et sa main, d’où coulaient d’innombrables largesses,
Savait toujours s’ouvrir et jamais se fermer.

Des Français malheureux il fut la providence,
Et combien d’exilés, brisés par la souffrance,
Durent à ses bienfaits un instant de bonheur !
D’un nom pur et sans tache il laissa l’auréole,
Et ce nom parmi nous reste comme un symbole
De la charité, de l’honneur.

Et quand, à vos enfants, heureuse et tendre mère,
Sur la carte indiquant ces sillons de la guerre
Qu’on nomme Higueras, Burgos, Talavera,
Vous leur raconterez cette histoire sublime,
Alors, le cœur rempli d’un orgueil légitime,
Vous leur direz : Enfants, votre aïeul était là !


Québec, février 1859.