Venez tous, bons catholiques,
Jésuites, grands et petits,
Et vous, nouveaux convertis,
Vous, nos meilleures pratiques,
Venez dire un in pace
Pour un héros trépassé.
Bénissons tous la mémoire
De monsieur de Trestaillon.
De la Restauration
Lui seul ayant fait la gloire,
Sa mort, vrai malheur public,
Est un fâcheux pronostic.
Portefaix cité dans Nîmes
Pour sa douce piété,
D’assassin il fut traité
Par de brutales victimes,
Quand son bras sur tel ou tel
Vengea le trône et l’autel.
Souvent ivre de rogome,
Ou surpris en mauvais lieu,
Pour rester pur devant Dieu,
Tout les huit jours, ce digne homme,
Communiait saintement,
Soit à jeun, soit autrement.
Fort de sa cocarde blanche,
À tuer des protestants
Il consacrait tout son temps,
Sans excepter le dimanche ;
Car il s’était procuré
Des dispenses du curé.
Miracle ! en vain il s’amuse
À massacrer en plein jour ;
Traduit devant une cour,
Aucun témoin ne l’accuse.
Les juges au prévenu
Disent : Ni vu ni connu.
Riche alors de mainte somme
Qui lui venait de bien haut,
Il buvait frais au temps chaud,
Vivant en bon gentilhomme,
Et chacun avait grand soin
De le saluer de loin.
Mais la mort rien ne respecte ;
Elle vient nous le ravir,
Quand il pouvait nous servir
Contre tous ceux qu’on suspecte ;
Il meurt en disant : Corbleu !
J’aurais été cordon bleu.
Des nobles portent sa bière ;
Nos magistrats sont en deuil ;
Le clergé, la larme à l’œil,
Marche avec croix et bannière.
Ainsi l’on ne dira pas
Que les prêtres sont ingrats.
On vient d’écrire au Saint-Père
Pour qu’il soit canonisé.
Quoique ce soit bien usé,
Dans peu l’on verra, j’espère,
Nos loups, chassant les brebis,
Lui dire : Ora pro nobis !
En attendant ses reliques
Qu’à Mont-Rouge on bénira,
Ses exploits on donnera
En exemple aux catholiques,
Afin que sans examen
Chacun d’eux l’imite. Amen.
↑Les chansons de Trestaillon, de Nabuchodonosor, de la Messe du Saint-Esprit, de la Garde nationale et du Nouvel ordre du jour, n’ont jamais paru dans les recueils publiés par M. Béranger, aux époques qui correspondent à leur date. Habitué dès-lors sans doute à traiter la politique sur un ton plus élevé, il n’a regardé ces productions que comme un tribut fugitif payé à la circonstance. Mais ces chansons ayant fait rechercher les contrefaçons, si multipliées en France et à l’étranger, l’éditeur actuel s’est vu dans l’obligation, malgré le désir qu’il a de complaire à l’auteur, de faire entrer dans cette édition, et ces cinq chansons et celles des Papes, qui, lorsqu’elles ont été répandues, avaient aussi un but politique.