Œuvres complètes de Béranger/Les Adieux à la Gloire

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LES ADIEUX À LA GLOIRE


DÉCEMBRE 1820


Air : Je commence à m’apercevoir, etc. (d’Alexis) (Air noté )


        Chantons le vin et la beauté :
                Tout le reste est folie.
                Voyez comme on oublie
        Les hymnes de la liberté.
                        Un peuple brave
                        Retombe esclave :
Fils d’Épicure, ouvrez-moi votre cave.
        La France, qui souffre en repos,
        Ne veut plus que mal à propos
J’ose en trompette ériger mes pipeaux.
                Adieu donc, pauvre Gloire !
                Déshéritons l’histoire.
Venez, Amours, et versez-nous à boire.

        Quoi ! d’indignes enfants de Mars[1]
                Briguaient une livrée,
                Quand ma muse éplorée

        Recrutait pour leurs étendards !
                        Ah ! s’il m’arrive
                        Beauté naïve,
Sous ses baisers ma voix sera captive ;
        Ou flattons si bien, que pour moi
        On exhume aussi quelque emploi.
Oui, noir ou blanc, soyons le fou du roi.
                Adieu donc, pauvre Gloire !
                Déshéritons l’histoire.
Venez, Amours, et versez-nous à boire.

        Des excès de nos ennemis
                Chaque juge est complice,
                Et la main de Justice
        De soufflets accable Thémis :
                        Plus de satire !
                        N’osant médire,
J’orne de fleurs et ma coupe et ma lyre.
        J’ai trop bravé nos tribunaux ;
        Dans leurs dédales infernaux
J’entends Cerbère et ne vois point Minos.
                Adieu donc, pauvre Gloire !
                Déshéritons l’histoire.
Venez, Amours, et versez-nous à boire.

        Des tyrans par nous soudoyés
                La faiblesse est connue :
                Gulliver éternue,
        Et tous les nains sont foudroyés.
                        Mais quelle image !
                        Non, plus d’orage ;
De nos plaisirs redoutons le naufrage.

        Opprimés, gémissez plus bas.
        Que nous fait, dans un gai repas,
Que l’univers souffre ou ne souffre pas ?
                Adieu donc, pauvre Gloire !
                Déshéritons l’histoire.
Venez, Amours, et versez-nous à boire.

        Du sommeil de la liberté
                Les rêves sont pénibles :
                Devenons insensibles
        Pour conserver notre gaîté.
                        Quand tout succombe,
                        Faible colombe,
Ma muse aussi sur des roses retombe.
        Lasse d’imiter l’aigle altier,
        Elle reprend son doux métier :
Bacchus m’appelle, et je rentre au quartier.
                Adieu donc, pauvre Gloire !
                Déshéritons l’histoire.
Venez, Amours, et versez-nous à boire.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


LES ADIEUX À LA GLOIRE.

Air : Je commence à m’apercevoir, etc. (d’Alexis).
No 158.



\relative c'' {
  \time 2/4
  \key c \major
  \autoBeamOff
  \tempo "Allegro."
  \set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 110
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
\partial 8 g8 | c c b c | d16[ (c b)] a g8 g | f e f d
e4 c8 g' | c c b c | d16[ (b)] g g c8 b | c a g fis
g4 r | d' b8 g | c4 c | d b8 g | c4 c
b4 b8 d | c4 c8 e | d d d f | e4 e8 c16[ (b)]
a8 b16[ (c)] d8 c | b a g c16[ (b)] | a8 b16[ (c)] d8 c
b a g e' | d4. e8 | d4. e8 | d e d e | d4 r8\fermata g,
a b c d
  e4 \appoggiatura d16 c8 g
  a b c d
  e4 \appoggiatura d16 c8 c16[ (b)]
a8 a a b16[ (c)] | d8 d d e | c4 ( \appoggiatura e8 d4) | c4 r8 \bar "||"
}
\addlyrics {
Chan -- tons le vin et la beau -- té
Tout le reste est fo -- li -- e
Vo -- yez comme on ou -- bli -- e
Les hym -- nes de la li -- ber -- té
Un peu -- ple bra -- ve
Re -- tom -- be es -- cla -- ve
Fils d’É -- pi -- cure ou -- vrez- moi vo -- tre ca -- ve
La Fran -- ce qui souffre en re -- pos
Ne veut plus que mal à pro -- pos
J’ose en trom -- pette é -- ri -- ger mes pi -- peaux
A -- dieu donc pau -- vre Gloi -- re
Dés -- hé -- ri -- tons l’his -- toi -- re
Ve -- nez a -- mours et ver -- sez- nous à boi -- re.
}

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  1. Plusieurs généraux de l’ancienne armée sollicitaient et obtenaient des emplois dans la maison du roi.