Œuvres complètes de Pierre Louÿs, tome 1/Poésies de Méléagre, suivies de Mimes des Courtisanes/I. LES TROIS BUCOLIQUES

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Slatkine reprints (p. 11--).

I

À LA CIGALE


Cigale bruissante, ivre de gouttes de rosée * tu joues une musique champêtre dans la solitude.


Et, posée à la pointe des feuilles, avec tes pattes à dents de scie, * sur ton écaille hâlée tu fais vibrer la chanson de la lyre.


Or, amie, chante quelque chose de neuf aux Nymphes qui habitent dans les arbres ; * pour répondre à Pan, chante ton cri ;


Si bien qu’ayant fui l’Érôs, au sommeil de midi je m’endorme, * ici, étendu sous l’ombreux platane.



II

À LA SAUTERELLE


Sauterelle, divertissement de mes désirs, charme de mon rêve ; * sauterelle, muse des champs, harmonieuse ailée,


Lyre naturelle, joue-moi ce que j’aime * en frappant avec tes petites pattes tes ailes chanteuses.

Pour que des peines tu me délivres, et du souci qui me tient éveillé, * sauterelle, toi qui chantes la voix endormeuse d’amour.


En présent pour toi de la ciboule verte le matin je te donnerai * et de la rosée à boire, divisée en petites gouttelettes.



III

ÉPITAPHE D’UN LIÈVRE


Moi, aux pieds rapides, encore enfant dérobé à ma mère, * de tout son cœur, moi, le lièvre aux oreilles longues.


En son giron m’aima et me nourrit la jeune fille à la peau douce, * Phanion, me faisant brouter des fleurs de printemps.


Je n’avais plus le regret de ma mère. Je meurs d’une nourriture * inépuisable, à maint repas m’étant engraissé.


Et près de son lit elle a enterré mes restes, afin que dans ses rêves * toujours elle revît voisin de sa couche mon tombeau.