Œuvres de Louise Labé, édition Boy, 1887/II/13

La bibliothèque libre.
Texte établi par Charles Boy, Alphonse Lemerre, éditeur (p. 126-130).


IV.

GABRIEL DE SACONAY ET CALVIN.



On a lu, page 101, quelques lignes relatives à la Belle Cordière extraites d’un opuscule de Calvin contre Gabriel de Saconay, dignitaire du chapitre de Lyon et l’un des plus violents adversaires de la Réforme. La réponse du chanoine à cet opuscule nous est inconnue ; mais une de ses dispositions testamentaires nous apprend qu’il avait répondu.

Le testament de Gabriel de Saconay étant encore inédit, nous en publions la partie la plus intéressante, celle dans laquelle l’auteur donne la liste de ses ouvrages :

« Item veut led. testateur que les livres qu’il a composés et mis en lumière seront imprimés et mis en volumes, s’ils ne l’avoient été du vivant du testateur, et pour ce faire en charge ses héritiers, et exécuteurs seuls nommés, et pour trouver promptement imprimeur qui s’en veuille charger, veult estre avancé aud. imprimeur la somme de 40 l. i, ou plus grande s’il est de besoing, laquelle somme ses exécuteurs pourront prendre des deniers les plus liquides de l’hoirie du testateur, lesquels livres sont tels : De la vraye ydollatrie du temps présent. — Discours des premiers troubles advenus en la ville de Lyon, l’année 1562. — De la Providence de Dieu sur les roys de France très chrétiens. — Exposition du 6e chapitre de Saint Jehan. — Du principal et presque seul différend qui est maintenant en la religion chrétienne. — Généalogie sur la fin des Huguenaulx et descouverte de calvinisme. — Traité très utile démontrant si l’Église qu’on dit calviniste peut être la vraye église de Dieu par le jugement du Calvinisme.Réfutations des blasphèmes contre J. C. contenus au livre de M. Jehan Calvin, intitulé Congratulation à messire Gabriel de Sacconay, précenteur de Lion. Lequel dernier livre s’il n’estoit imprimé au temps dud. testateur veult et ordonne qu’on le fasse imprimer à part premièrement et ensemblement avec les autres, du tout sans chercher aulcune louange mondaine, Dieu le sçait, mais pour l’honneur de Dieu et de son Église et admendement… etc. »

Cette Congratulation à vénérable Prestre, Messire Gabriel de Saconnay, Precenteur de l’Église de Lyon, était une réponse à la Préface mise par lui à une nouvelle édition du livre ayant pour titre : Assertio septem sacramentorum adversus Martinum Lutherum adita ab invinctissimo Henrico ejus nominis octavo. Apud inclytam urbem Londinum, in ædibus Pynson, ann. MDXXI. (In-4°, 78 feuillets). Calvin parlant de cet ouvrage dit dans sa Congratulation (p. 10) : « Ce livre donc fut basti par quelques moines et caphards et gens addonnez à babil et contention. Et le Roy estant persuadé par mauvais conseillers, souffrit qu’on l’imprimast en son nom. Or pour ce qu’il s’est depuis repenti de ceste ardeur inconsidérée, et que le livre estoit si lourd et si fade que la mémoire en pouvoit estre incontinent abolie, il est demeuré enseveli par l’espace de trente ans. »

L’édition lyonnaise de l’œuvre du royal auteur, avec une préface du chanoine G. de Saconay, souleva des tempêtes et fît l’objet d’un incident diplomatique. Le 12 août 1561, Trockmorton, ambassadeur d’Angleterre à Paris, dénonçait cette préface à Calvin. Théodore de Bèze et Nicolas des Gallards réclamaient des poursuites et voulaient que « Saconay fût appelé et livré en procès pour son livre. » Trockmorton modéra cette ardeur, disant : « Il se trouve quelques fautes aucunes fois, lesquelles se remédient et se réparent plus pertinemment par silence que par procès. » Cet avis prévalut, et Catherine de Médicis remit, le 8 octobre 1561, à l’ambassadeur anglais, le curieux procès-verbal que voici :

« Nous, Guillaume de Gadaigne, baron de Saint-Victor, gentilhomme ordinaire de la chambre du Roy, seneschal de Lyon, et lieutenant pour sa majesté au gouvernement de Lyonnois, sçavoir faisons que nous, ayant receu les lettres missives du dit seigneur soussignées par sa majesté et scellées de son cachet, à nous adressans en date du XVe jour de septembre, l’an présent MVLXI, par lesquelles nous est mandé exhiber et défendre au libraire qui a imprimé certain livre intitulé : Regis Anglia Henrici hujus nominis octavi assertio septem sacramentorum adversvs Martinum Lutherum, avec une preface de M. Gabriel de Saconay, de vendre, ni exposer en vente, ni encore en pays estrangers pour y estre vendu le dit livre, jusques à ce que la dite préface aura esté reformée en certains endroitz plus à plein déclarez par les dites lettres, sur peine de confiscation de tous les ditz livres, et de punition corporelle, avons ce jourd’huy, vingt-troisiesme des ditz mois et an, mandé venir par devant nous Guillaume Roville, marchant libraire demeurant à Lyon, sous le nom duquel on dit le dit livre avoir esté imprimé, et pareillement avons mandé venir le dit M. Gabriel Saconay, auxquels comparans par devant nous, avons fait entendre la volonté du roy, leur exhibant les dites lettres et d’icelles faisant lecture, suivant lesquelles avons prohibé et défendu au dit Rovilie de vendre ou exposer en vente, ni envoler dehors pour vendre ce dit livre par luy ou par interposite personne, sur les peines contenues ez dites lettres, jusques à ce que la dite préface aura esté réformée ez IIIIxx, IIIIx, et IIIIxx, IIIx feuilletz d’icelles. Et avons enjouint au dit de Saconay, suivant la volonté du dit seigneur, de reformer la dite préface ez ditz endroitz et de supprimer ou bien changer ce qui semble offenser la mémoire du dit feu roy Henry, huitiesme d’Angleterre, en ce qu’il parle du repudiement de sa premiere femme, et dict au dit IIIIxx feuillet qu’il a fait divorce tout à un coup avec sa femme légitime et l’Esglise, espouse de Dieu, au commencement du IIIIxx, IIIx, que la tache et macule d’heresie dure encore par le jourd’huy en son royaume et que sa nouvelle Jesabel avoit enfin porté la peine qu’elle avoit justement meritée, en sorte que la royne d’Angleterre à present regnant se puisse tenir pour contente et satisfaite. Lequel M. Gabriel de Saconay nous a dict et respondu qu’il obeira à la volonté de sa majesté, et quant au dit Roville libraire, il nous a dict et respondu que véritablement il a imprimé ou faict imprimer le dict livre, et a promis, moyennant son serment et sur les peines à lui indictes, qu’il ne vendra ni exposera en vente, et n’enverra dehors pour vendre, ni aultrement publier le dit par luy, ni interposite personne en quelque sorte que ce soit, jusques à ce que la dite préface ait esté reformée selon et suivant la volonté de sa majesté ; desquelles deffenses, promesses et autres choses nous avons octroyé lettres aux ditz de Saconay et Roville et autres qu’il appartiendra, pour s’en servir en temps et lieu que de raison. Fait l’an et jour sus diz.

« De Guadaigne (sic). »